460 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1790.) Comment osons-nous dire au peuple : « Jure d’observer ce que tu n’entends pas, ce que tu n’as pas examiné, ce que nous t’avons presque défendu d’examiner? » Et si, par de perfides manœuvres, on parvient à tromper ce peuple, à lui persuader de jurer ce qu’il n’a pas délibéré, de quel front osera-t-on proposer un serment semblable à toute cette classe de la société où se trouvent à la fois les lumières et les mœurs, à tous ces hommes qui n’ont pas renoncé à penser par eux-mêmes? Qu’arrivera-t-il ici? Ou ces hommes honnêtes, autant qu’éclairés, Monsieur, voudront délibérer avant que d’engager leur conscience, ou ils n’oseront pas délibérer, effrayés par les clameurs du peuple qu’on aura indignement abusé. S’ils veulent délibérer, si le peuple est séduit au point de ne souffrir aucun délai, à quels périls ne les exposez-vous pas? S’ils ne délibèrent pas, au contraire, si entraînés par la crainte, ils jurent contre leur conscience, pourrions-nous avoir oublié que quiconque jure contre sa conscience commet un crime, et que celui qui exige un pareil serment commet un crime plus grand encore? « Je n’ai plus, Monsieur, qu’une observation à faire sur la détermination qu’on assure avoir été prise par l’Assemblée, d’exclure de son sein quiconque ne prêterait pas le serment qu’elle impose. « Il me semble, Monsieur, qu’elle n’a pas le droit de porter un tel décret. Qui sommes-nous tous ici? Des représentants de la nation, chargés de sa procuration spéciale, et n’ayant à obéir à d’autre serment qu’à celui que nous lui avons prêté dans la personne de nos commettants, mais si cette idée est vraie, si nos fonctions sont déterminées dès le commencement de notre carrière politique, si ce n’est pas l’Assemblée qui a déterminé nos fonctions, comment peut-elle se permettre d’ajouter à notre serment primitif? D’où lui viendrait ce droit? Et d’après quels principes se croirait-elle fondée à infliger une peine à celui, qui se maintenant dans les bornes de son mandat, et se souvenant de toute la dignité de sa place, ne souffrirait pas qu’on changeât la nature de sa mission, et qu’on entreprît sur son indépendance. Je ne fais ici, Monsieur, qu’effleurer une question d’une grande importance, et de la solution de laquelle dépend, plus qu’on ne le croirait d’abord, la liberté politique des citoyens; mais ce que j’en dis doit suffire, ce me semble, pour persuader qu’il y aurait peut-être quelque imprudence à la décider à mon désavantage. « 11 est temps de terminer cette lettre, déjà trop longue. J’ose vous prier, Monsieur, de vouloir bien la lire à l’Assemblée. 11 m’importe que mes opinions, dans une conjoncture telle que celle où nous nous trouvons, soient connues : j’aurais été les manifester moi-même, avec tout le respect que je dois aux représentants de la nation, mais en même temps, avec toute l’énergie dont je suis capable, si ma santé ne s’y opposait ; daignez suppléer à mon insuffisance, et permettez que je compte sur vos bontés. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. « Signé : Bergasse, « député de la sénéchaussée de Lyon. » Déclaration de 11. de llachault, député du clergé du bailliage d’Amiens et Ham, évêque d’Amiens, abbé de Valoires, au sujet du serment civique (1). « On exige de moi que je prête le serment civique; avant d’y procéder, je dois observer ce que la loi de Dieu nous apprend et nous prescrit pour faire légitimement un serment. Cette action mérite une sérieuse attention, puisqu’un serment est un acte de religion, par lequel on prend Dieu à témoin de ce que l’on dit, de ce que l’on fait, ou de ce que l’on promet. La sainte Ecriture nous apprend qu’il y a trois conditions dont il est nécessaire que le serment soit accompagné pour être licite, savoir : la vérité, la justice et la prudence. C’est faire injure à Dieu que de l’attester pour des choses fausses ou mauvaises, et réprouvées par sa sainte loi. C’est manquer aussi de respect envers Dieu que de faire serment avec légèreté, inconsidération et sans nécessité, comme le second commandement de Dieu nous le défend : tels sont les principes qui doivent régler un chrétien lorsqu’il est obligé de faire un serment. C’est en conséquence que je vais m’expliquer: Je fais, ou plutôt je renouvelle le serment de fidélité que j’ai déjà fait au Roi. Je le fais aussi à la nation; et je crois pouvoir en cette circonstance, me permettre d’énoncer, qu’indépendam-ment de tout serment, j’ai donné des preuves journalières et incontestables de mon zèle et de mon affection pour le service de la patrie. J’ose dire qu’il n’est personne en cette ville, qui ait pris un plus grand intérêt que moi à la misère publique, et qui ait plus contribué à la soulager, et qu’on ne pourrait sans injustice me refuser le titre de bon citoyen. Je m’engage aussi à observer les lois et la constitution nouvelles, décrétées par l’Assemblée nationale et sanctionnées par le Roi, dans tout ce qui n’est pas contraire à la religion catholique, apostolique et romaine, la seule véritable, la seule qui vienne de Dieu, contre laquelle par conséquent, aucune autre loi ne peut prévaloir. Le gouvernement civil et politique des nations peut changer, et lorsque les changements en ce genre prennent une consistance légitime, c’est un devoir de se conformer à l’ordre reçu. Mais notre sainte religion étant la loi de Dieu, établie par sa suprême autorité, les hommes ne peuvent y rien changer. Or, il est nombre d’articles de la nouvelle constitution, qui blessent essentiellement la religion, et auxquels on ne peut adhérer sans y être infidèle. Tels sont : l°une constitutionqu’on nomme du clergé, dont on presse l’exécution, quoiqu’elle ne soit point revêtue de l’autorité légitime. L’Evangile nous apprend queNotre-Seigneur Jésus-Christ, avant de quitter ce monde, y a établi son Eglise, pour enseigner et gouverner les nations dans l’ordre de la religion. Il l’a établie par ces paroles qu’il a adressées à ses apôtres: Tout pouvoir m'a été donne dans le ciel et sur la terre ; allez , enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, leur apprenant h observer tout ce que je vous ai commandé, et voilà que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation des siècles, par conséquent avec vous dans la personne de ceux qui vous succéderont légitimement dans le ministère que je vous confie jusqu’à la fin du monde. Nous croyons par ces paroles de Notre-Seigneur qu’il y a (2) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. 461 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1790.] dans son Eglise deux parties : l’une qui enseigne et qui gouverne, ce sont les apôtres et leurs successeurs, l’autre qui est enseignée et gouvernée dans l’ordre de la religion, ce sont les nations. C’est d’après ces paroles de l’Evangile que les catéchismes enseignent que l’Eglise est la société des fidèles sous la conduite de pasteurs légitimes, dont le chef visible est notre Saint-Père le Pape, évêque de Rome, successeur de saint Pierre, vicaire de Jésus-Crist sur la terre. Une constitution du clergé, destituée de l’autorité de pasteurs lé-?;itimes, renverse cette première notion de 'Eglise, et présente les pasteurs sous la conduite des nations, qui pourraient ainsi arranger la religion chacun à leur fantaisie. Cette constitution détruit l’autorité de juridiction de notre Saint-Père le Pape sur toute l’Eglise, dont l’existence est de droit divin et un article de foi ; elle subordonne aux prêtres leurs évêques, dont la supériorité sur les prêtres est aussi de droit divin et un article de foi ; lesquelles vérités nous avons prouvées fort au long dans notre instruction pastorales, du 25 du mois d’août dernier.Cette même constitution prétend établir les évêques sans la mission du Saint-Siège apostolique ; et sans cette mission positive et notoire , selon la discipline actuelle de l’Eglise universelle, ils ne seraient que de faux évêques qui, n’entrant point dans la bergerie par la porte comme le dit Notre-Seigneur lui-même, seraient des voleurs et des larrons. Les fidèles qui reconnaîtraient pour leurs pasteurs ces évêques schismatiques, seraient schismatiques eux-mêmes , parce qu’ils cesseraient d’être soumis au chef visible de l’Eglise et à l’Eglise elle-même. Les actes de juridiction que feraient de pareils évêques seraient nuis : les prêtres approuvés par eux n’auraient non plus aucun pouvoir ; les absolutions qu’on recevrait d’eux ne remettraient pas les péchés, si ce n’est à l’heure de la mort, où l’Eglise a déclaré, dans le saint Concile de Trente, qu’elle donnait pouvoir d’absoudre à tout prêtre, même non approuvé au défaut des prêtres approuvés : hors ce cas, il n’y a que les évêques vrais et légitimes, successeurs des apôtres de Jésus-Christ, et par là héritiers de la mission et des pouvoirs de Notre Seigneur, et que les prêtres à qui ils communiquent ces pouvoirs qui puissent donner validement l’ab-solutition. Voici ce qu’enseigne à ce sujet l’Eglise universelle l’assemblée au Concile de Trente : Si quelqu’un dit que ceux qui n’ont pas reçu régu-gulièrement l'ordre et la mission de la puissance eclésiastique et canonique, mais qui viennent d’ailleurs, sontde légitimes ministres de la parole deDieu et des sacrements, qu'il soit anathème. Sess. 13. Can. 7. « 1° On prétend attribuer aux évêques les pouvoirs que l’Eglise seule dépositaire des pouvoirs de Jésus-Christ, pour lier et délier les consciences, a réservés au Saint-Siège pour les dispenser. La surveillance de l’éducation publique et de l’enseignement moral est ôtée à ceux à qui elle est confiée dans toute nation chrétienne, parce que Notre-Seigneur leur en a donné la charge, en leur disant : Allez, enseignez toutes les nations, ap-prenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé ; et elle est transférée à des assemblées où toutes les sectes et toutes les erreurs peuvent être admises. « 2° On détruit l’état religieux, cet état de sainteté préconisé par tous les pères de l’Eglise, cher et vénérable à tout le monde chrétien qui en a reçu de si grands secours. Plusieurs ordres étaient il est vrai, tombés dans le relâchement; ceux-là auraient pu être réformés, ou supprimés canoniquement, si on n’avait pu en espérer la réforme. « Mais il est encore des communautés religieuses, fécondes en âmes saintes, dont les vertus, les prières et les bonnes œuvres en font des objets de complaisance pour Dieu, et des anges tutélaires pour le monde. Il en est qui fournissaient de dignes ouvriers évangéliques, dont le ministère est si précieux et le besoin si grand. Tout cela va être aboli. La porte est ouverte à l’apos - tasie dans tous les couvents, quoique la religion, l’honneur même la défendent, et que l’Eglise y attache l’excommunication. Les nouvelles lois proscrivent la profession solennelle des vœux de religion, qui sont la pratique des conseils que Jésus-Christ, dans l’Evangile, donnent à ceux qui veulent le suivre et atteindre à la perfection. « 3° On prend des mesures qui tendent à l’anéantissement du clergé, en ne lui laissant qu’une existence avilie, précaire et incertaine, qui, vraisemblablement, réduira dans peu les ecclésiastiques à un si petit nombre, qu’il sera entièrement insuffisant pour soutenir la religion, et administrer au peuple les secours les plus nécessaires au salut. Dieu veuille encore que ce peu de prê-tresne soientpas des schismatiques, sans missions et sans pouvoirs légitimes, qui seraient plus propres à perdre le troupeau qu’à le sauver. « 4° On propose la destruction d’un grand nombre d’églises, monuments de la pitié de nos pères envers Dieu, de leur zèle et de leur charité pour le salut des âmes ; déplorables destructions qui tendent encore à la diminution du service divin et des moyens de salut. « 5° Les biens ecclésiastiques sont envahis. J'observe d’abord, avec frayeur, que cet envahissement et la destruction des ordres religieux ont toujours annoncé, dans les pays où ils ont eu lieu, la destruction prochaine de la religion catholique. Les biens de l’Eglise sont des biens offerts et consacrés à Dieu par la piété et l’expresse volonté de ceux qui les ont donnés, dont un grand nombre sont des ecclésiastiques eux-mêmes, sous l’autorité et la garantie de toutes les lois, pour l’entretien du culte et de la religion de Jésus-Christ, pour la subsistance de ses ministres, pour le soulagement des pauvres, qui sont ses membres, et pour toutes les bonnes œuvres relatives à ces fins salutaires, si expressément recommandées dans l’Evangile, le code des lois immuables del’Eternel. Prendre ces biens pour une autre destination, c’est violer les maximes les plus sacrées du droit naturel, divin, ecclésiastique et civil, reconnu universellement de toutes les nations catholiques, depuis l’établissement de la religion jusqu’à nos jours. Saint Laurent se livra au martyre plutôt que de livrer aux persécuteurs de la religion les biens offerts à Dieu par la charité des chrétiens. Saint Thomas de Cantorbérya souffert le martyre pour la même cause. Nous pouvons voir dans nos histoires combien notre nation a détesté et condamné les usurpations des biens de l’Eglise faites dans les derniers siècles par les Luthériens , les Calvinistes, et plus anciennement par les Yaudois. U fallait, dit-on, que l’Eglise fit des sacrifices pour le bien de la nation : aussi en a-t-elle offert de très considérables ; mais on les a rejetés, parce qu’on voulait la dépouiller. Voici comment, dans toutes lois, le saint Concile de Trente s’explique sur la déprédation sacrilège des biens de l’Eglise, Sess. 22, cap. 11. « Si quelque ecclésiastique ou laïque, de quelque dignité qu’il soit, fût-il même empereur ou roi, est assez dominé par la cupi- 462 [Assamblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1790.J dité, source de tous les maux, pour convertir à son usage et usurper par soi ou par autrui, par force ou par menaces, même par des personnes interposées, sous quelque prétexte que ce soit, Jes biens, cens, fruits ou quelques revenus que ce soit des églises, bénéfices, monts-de-piété, et de tous autres biens destinés aux pauvres et à ceux qui desservent ces lieux, ou pour empêcher, par les mêmes voies, que lesdits biens ne soient pas perçus par ceux à qui ils appartiennent de plein droit, qu'il soit soumis à P anathème jusqu’à ce qu’il ait entièrement restitué à l’Eglise, à son administrateur, ou au bénéficier, lesdits biens, effets, droits, revenus dont il se sera emparé, ou qui lui seront advenus, de quelque manière que ce soit, même par donation de personnes supposées, et jusqu’à ce qu’il en ait ensuite obtenu l’absolution du Souverain Pontife... Tout ecclésiastique, qui aura consenti ou adhéré à ces entreprises exécrables, sera soumis aux mêmes peines, privé de son bénéfice, et rendu inhabile à tout autre, et même après l’entière satisfaction et absolution, il sera en suspens de la fonction de ses ordres, tant qu’il plaira à son évêque. » « 6° La déclaration des droits de l’homme présente nombre de maximes entièrement opposées à la sainte Ecriture et même à la sainte raison : par exemple, il faut que les hommes naissent libres, car ils naissent dans un état de faiblesse et de dépendance. Ils naissent dans la dépendance de leur parents, avec obligation naturelle de reconnaître leur supériorité, de les honorer et de leur obéir. Cette obligation naturelle, que la raison nous démontre, a été sanctionnée par l’autorité de Dieu même. Les hommes naissent dans la dépendance de ceux qui exercent l’autorité publique dans la société, avec l’obligation de reconnaître cette autorité, et de s’y soumettre. Cette obligation est démontrée par la raison ; elle est aussi sanctionnée par la parole expresse de celui qui est l’auteur et le conservateur des sociétés. Les hommes naissent et demeurent dans la dépendance de leur créateur, avec l’obligation inviolable de se soumettre aux lois émanées de son autorité suprême : cette remarque est d’autant plus importante, que l’article VI semble ne donner pour règle à la liberté d’autres lois que celles qui sont l’expression de la volonté générale ; d’où on pourrait conclure que la volonté des hommes est leur seule règle, qu’il n’y a point d’autres lois que celles que Tes hommes se font à eux-mêmes; ce qui supposerait l’athéisme ou le déisme le plus révoltant. On trouve encore dans ces maximes nombre de choses fausses, fort mauvaises et imbues des poisons de la philosophie moderne. Il en résulte des maux infinis, spécialement de la liberté de publier parl’impres-sion toutes sortes de mensonges, d’erreurs et d’impiétés qui brouillent toutes les idées et renversent tous les principes de la vertu. «On ne saurait se le dissimuler, et on ne peut y penser sans la consternation la plus profonde : les décrets et les dispositions ci-dessus énoncées introduisent le schisme et l’hérésie, changent la religion, et tendent à la détruire totalement. Je ne peux donc faire le serment qu’on exige de moi, qu’en les exceptant très-positivement, ainsi que tout autre article qui pourrait blesser la doctrine de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de la sainte église catholique, apostolique et romaine, hors de laquelle il ne peut y avoir de salut. J’aimerais mieux perdre les biens et la vie que d’adhérer à rien de ce qui y estcon-traire, et d’être infidèle à mon Dieu et à mon Sauveur, convaincu que je suis, selon sa parole, que celui qui aurait perdu sa vie pour lui et pour son Evangile, en retrouvera une meilleure avec lui dans son royaume céleste. J’exhorte de tout mon cœur mes diocésains, auxquels je dois l’instruction, à entrer dans les mêmes sentiments que moi : leur salut éternel est attaché, comme le mien, à leur fidélité pour la foi chrétienne et catholique. Jamais, hélas ! notre patrie ne fut en plus grand danger de la perdre : cette perte est le plus grand enâiiment de la colère de Dieu ; et ne devons-nous pas la redouter dans ce déluge d’impiétés et d’iniquités qui nous inondent ? Prions Dieu sans cesse d’avoir pitié de nous et de ne pas nous abandonner. « Signé : LoüIS-ChàRLES, évêque d’Amiens. » Opinion de 11. Iiindet, curé de Sainte-Croix de Bemay , député du département de l’Eure, à l'Assemblée nationale, sur la prestation du serment ordonnée par le décret du Tl novembre 1789. « Le moment est arrivé où le serment le plus solennel va garantir aux peuples que la religion n’aura que des ministres fidèles à Dieu et a la patrie. Le décret de l’Assemblée nationale qui l’ordonne va calmer leurs inquiétudes, et rendra aux prêtres la confiance des fidèles et la considération sans laquelle leur ministère est sans dignité comme sans fruit. « Le petit nombre de ceux qui refuseront de prêter le serment décrété le 27 novembre, attestera à la France que la constitution, décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Roi, trouvera bien peu d’ennemis parmi les ecclésiastiques fonctionnaires. La nation rendra cette justice à ses pasteurs, de croire qu’un grand nombre d’entre eux, députés à l’Assemblée nationale ont été constamment et invariablement attachés aux principes qui ont servi de baser à la constitution, qu’ils ont appuyé de tous leurs efforts les décrets mémorables qui fondent aujourd’hui les espérances des Français et qui feront bientôt leur bonheur. La nation applaudira au patriotisme avec lequel ils ont offert les plus grands sacrifices, au zèle avec lequel ils ont contribué à la réforme des abus introduits dans le sanctuaire, à l’empressement avec lequel ils ont accepté les lois qui doivent rappeler les plus beaux jours de l’Eglise primitive, à l’esprit de charité qui les a engagés à ne pas se rendre les dénonciateurs de leurs frères, en désignant eux-mêmes les abus contre lesquels mille voix s’élevaient de toutes les parties de la France, à la modestie qui les a déterminés à préférer le parti d’attendre la loi pour s’y soumettre et l’adopter, à la vaine gloire de la proposer et de la solliciter. « La F rance reconnaîtra que l’opposition momentanée de quelques membres de l’Assemblée nationale aux lois les plus désirées, était l’effet d’une persuasion fondée sur d’antiques préjugés, confirmée par de longues habitudes; elle ne verra plus dans cette opposition le dessein criminel d’armer les citoyens contre les citoyens au nom de la religion ; elle n’y verra que les efforts excusables de quelques nommes accoutumés à de grandes jouissances, pour éviter les privations immenses auxquelles ils allaient être condamnés. Bientôt ces mêmes hommes qu’on accusait d’allumer les torches de la superstition et du fanatisme convaincront tous les Français qu’ils sont Français comme eux, digues d’êtres libres, et ca-