540 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791.J cours; ils ont pensé que les ouvriers attachés au service des anciens fermiers des massageries ne pouvaient être considérés que comme des ouvriers du même genre, attachés au service d’un particulier quelconque; qu’ils ne pouvaient se dissimuler que leur état étant précaire, puisqu’il dépendait de la durée de la ferme dans les mains de ceux qui les avaient choisis pour leurs ouvriers ordinaires, les émoluments qu’ils retiraient étaient éventuels et que la perle qu’ils éprouvent ne pouvait être supportée par la nation, qui n’a pas requis leurs services. Us ont également pensé que les messageries n’ayant point été supprimées, mais seulement concédées à nouveau bail, les fermiers actuels ont eu le droit de conserver pour préposés à leur régie telles personnes qu’ils ont jugé bon y être, et que ceux dont ils ont refusé le service n’acquéraient pas, par ce motif, le droit de faire supporter à la nation la perte d’un état qu’elle n’a pas supprimé. Si tout employé, qu’un régisseur ou un fermier renvoie, acquérait, par ce seul motif, le droit de se faire accorder par l’Etat une pension ou une indemnité, il faudrait considérablememt augmenter la masse des contributions. Il en est de même des employés à la perception des droits qui se levaient au profit des villes et des communautés ü’artset métiers; c’est un service particulier, qui n'intéresse la nation que très indirectement, ou du moins qui ne touche pas d’assez près à l’intérêt général, pour qu’il puisse produire la récompense due à ceux qui ont bien mérité de l’Etat. Quant aux forts de la douane, vous n’avez pas chargé vos comités de liquider les indemnités que peuvent prétendre tous ceux auxquels la suppression des fermes et régies peut occasionner une perte quelconque; vous avez borné leurs fonctions à l’examen de ce qui concernait les employés et commissionnés; les forts de la douane n’avaient pas de commissions; s’ils ont des droits à faire valoir, c’est devant le commissaire liquidateur qu’ils doivent porter leurs réclamations; elles y seront examinées, et, sur le rapport qui vous en sera fait, vous serez en état de prononcer. Pour écarter toutes ces réclamations, vos comités vous proposent un dernier aiticle qui n’admettra à la demande de pensions et de secours que ciux qui étaient réellement employés dans les différentes régies, fermes et administrations supprimées. Tels sont, Messieurs, les motifs qui ont dicté à vos comités réunis la rédaction de la toi qu’ils ont l’honneur de soumettre à votre discussion : ils eussent désiré pouvoir mettre sous vos yeux un aperçu exact des sommes auxquelb s pourront se monter les pensions et secours à accorder; mais ils vous l’ont observé, Messieurs, l'inexactitude des états qui leur ont été remis ne leur permet de vous offrir que des probabilités. Cependant, pour ne pas vous induire en erreur, et pour tâcher de vous faire connaître la ma-se des engagements que vous allez contracter, ils ont cru devoir plutôt en excéder le montant, que de le diminuer : pour cet effet, ils ont porté le nombre des employés et le montant des pensions et secours à un laux beaucoup plus considérable qu’il ne le sera réellement, d’après le travail fait; ils ont calculé que dans le nombre des employés supprimés, qu’ils supposent être de 20.000 livres, la moitié avait des droits à des pensions, et ie surplus à des secours, et que la masse générale des appointements de ces différents employés donnait une moyenne proportionnelle de 550 livres par chaque individu. Sur 10,000 employés à pensionner d’après cette moyenne proportionnelle, 3,300 à raison de leurs appointements et de leurs années de service peuvent obtenir, l’un dans l’autre, 600 livres de pension, ce qui produit une somme annuelle de ....................... .... 1 ,980,000 liv. 3,300 autres peuvent aussi, l’un dans l’autre, obtenir des pensions de 300 livres; ce qui fait une autre somme annuelle de ........ 990,000 Et 3,100 des pensions de 150 livres, ce qui fait une troisième somme de .................... 495,000 Les anciennes pensions subsistantes peuvent s’élever à environ 1 million, ci .............. 1,000,000 Les pensions, tant anciennes que nouvelles, formeront donc une charge réelle pour l’Etat de. 4,465,000 liv. Partie de cette somme sera à prendre sur le fonds de 10 millions, décrété par la loi du 23 août, pour ceux qui se trouveront exactement dans les termes et conditions de cette loi. Quant aux secours à accorder en argent, vos comités les ont ainsi calculés. Sur 10,000 employés, 3,300 pourront obtenir, l’un dans l’autre, 800 livres, ce qui forme un capital à payer pour cet objet de. . ................. 2,640,000 liv. 3 , 300, moitié de pareil secours, ce qui donne une somme de. . . . 1 ,320,000 Enfin, 3,100 pourront avoir chacun 200 livres, ce qui donne un capital de ................. 620,000 Montant des secours à accorder, et payer en argent pour cette fois seulement, ci.., .......... 4,580,000 liv. Voilà, Messieurs, en portant les choses au plus haut degré, quel sera le montant des sommes que l’Etat sera obligé d’acquitter pour les pensions et secours à accorder aux employés supprimés. Vos comités ont été eux-mêmes effrayés de cette dépense énorme : pour la diminuer, s’il est possible, M. Dupont, un de leurs membres, s’est chargé de vous proposer un plan qui, s’il était adopté, réduirait considérablement le montant de cette dépense. Quant à moi, Messieurs, j’ai rempli ma tâche, et il ne me reste plus qu’à vous faire lecture du projet de décret que vos comités ont l’honneur de vous proposer. L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités des finances, des pensions, des domaines, des impositions, d’agriculture et de commerce, réunis, décrète ce qui suit: ». Art. 1er. Tous employés commissionnés dans les fermes et régies générales, à la caisse des recettes générales des finances, à la recette générale du clergé, dans les devoirs de Bretagne, l’équivalent de Languedoc, les 4 membres belgiques, les postes, la police de Paris, dans les bureaux de l’économat, les administrations des pays d’Etats, à la perception des octrois et autres droits qui se levaient principalement au profit de l’Etat, les directeurs contrôleurs et vérificateurs des vingtièmes, les secrétaires etcommis attachés aux intendances, ou qui étaient passés desdiles intendances [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791.] aux administrations provinciales, tous lesquels se trouvent précédemment supprimés par les décrets rendus, auront droit aux pensions, secours et gratifications qui seront déterminés ci-après, suivant la durée et l’état de leurs services. « Art. 2. Lesdits employés seront divisés en 3 classes. La première comprendra ceux qui ont 20 ans de service révolus et au-dessus; la seconde, ceux qui ont de 10 ans de service révolus jusqu’à 20, et la troisième, ceux qui ont moins de 10 ans de service. « Art. 3. Les employés n’auront droit aux pensions, secours et gratifications mentionnés en l’article premier du présent décret, que dans le cas où l’emploi supprimé formait l’état unique de celui qui l’occupait, qu’il en était pourvu lors de la suppression audit emploi, et qu’il n’ait pas été replacé depuis, ou n’ait pas refusé de l’être, ainsi qu’il sera dit par l’article 11 ci-après. « Art. 4. La suppression des fermes, régies et autres administrations dénommées dans l’article premier n’ayant pas permis à ceux qui y étaient employés, d’atteindre l’époque de service fixée par la loi du 23 août 1790 pour l’obtention des pensions, les dispositions de ladite loi seront modifiées quant auxdits employés seulement; en conséquence, ceux compris dans les articles précédents, et qui, par leurs dispositions, se trouvent avoir droit aux pensions, secours et gratifications dont il y est fait mention, jouiront, après 20 ans de service révolus, du quart de leurs appointements ; et il sera en outre accordé un vingtième des 3 quarts restants par chaque année de service, de manière qu’après 40 ans de service effectifs, ils obtiendront la totalité de leurs appointements, qui ne pourra néanmoins excéder le maximum fixé par l’article suivant. « Art. 5. Les traitements qui seront accordés aux employés supprimés, conformément aux dispositions précédentes, ne pourront excéder la somme de 2,000 livres, à quelques sommes qu’aient pu monter les appointements de leurs grades, et ils ne pourront être moindres de 150 livres. « Art. 6. Après 10 ans de service révolus, lesdits employés recevront pour retraite le huitième de leurs appointements, et il leur sera en outre accordé un dixième d’un semblable huitième pour chaque année de service au delà de ces 10 ans; le maximum de ces pensions sera de 800 livres, et le minimum de 60 livres. « Art. 7. Tout service public que l’employé aura fait avant d’entrer dans les régies, fermes et administrations supprimées, sera compté pour former son traitement, en justifiant de ce service, et qu’il l’a fait et quitté sans reproche. « Art. 8. La loi du 23 août sera au surplus applicable à tous ceux des employés supprimés qui en réclameront les dispositions'. « Art. 9. Tout employé supprimé, ayant moins de 10 ans de service, recevra un secours en argent, dans la proportion ci-après, savoir : « Ceux qui avaient 1,200 livres d’appointements et au-dessus, 120 livres par chaque année de service; « Ceux qui avaient de 8 à 1,200 livres d’appointements, 90 livres par chacun an. « Il sera ppyé 60 livres par année de service à ceux qui ont moins de 800 livres d’appointements, et néanmoins le secours ne pourra être, pour aucun d’eux, moindre de 100 livres. « Art. 10. Les employés qui justifieront que les emplois ou les distributions de sel ou de tabac, dont ils jouissaient au moment de leur suppression, leur ont été accordés comme retraite, 541 à raison d’ancienneté de leurs services, ou pour cause d’infirmités constatées résultant du même service, ou de blessures reçues dans l’exercice de leurs fonctions, jouiront du même traitement auquel ils auraient droit s’ils avaient continué d’être en activité de service dans leurs premières places; et le temps qu’ils ont occupé ces nouveaux emplois ou géré lesdites places, leur sera en outre compté pour former le montant de leur retraite. « Art. 11. Les pensions et secours accordés par le présent décret ne seront payés à ceux des employés, qui, depuis leur suppression, auraient obtenu une place d’un genre relatif à celle qu’ils auront perdue et d’un produit égal aux 2/3 de la première; il en sera de même à l’égard de ceux qui en obtiendraient par la suite, on qui refuseraient de l'accepter; et, dans chacun de ces cas, ils n’auront droit à une pension qu’autant qu’ils pourront présenter un service d’au moins 30 ans, aux termes du titre Ier de la loi du 22 août 1790. « Art. 12. Pour établir les bases du traitement auquel chaque employé commissionné supprimé aura droit, à raison du produit de sa place, on ne calculera que les appointements fixes, les gratifications ordinaires et annuelles, et le montant des remises fixes seulement, sans pouvoir y comprendre, sous aucun prétexte, 1 s bénéfices ou gratifications casuelles, le logement, les excédents de remises, les intérêts des cautionnements, les bénéfices d’usance sur la négociation du papier, ou tous autres émoluments de cette espèce. « Art. 13. Ceux des employés qui prétendront des indemnités pour raison de dégâts faits dans leurs maisons et meubles, par l’effet des mouvements qui ont eu lieu depuis le 12 juillet 1789, remettront leurs mémoires au commissaire liquidateur, lequel les réglera d’après les certificats des municipalités, et néanmoins lesdites indemnités ne pourront excéder le montant de 3 années de leurs traitements, calculés conforment aux dispositions du précédent article. « Art. 14. A l’égard des employés qui avaient des commissions directes des compagnies, et dont les émoluments consistaient en tout ou en partie en remises fixes sur les débits, tels que les entreposeurs, les débitants principaux, les receveurs de gabelles et sel et les minotiers, il leur sera accordé des pensions ou indemnités dans le3 proportions établies par les articles 4, 5, 6 et 12 du présent décret; le montant des remises qui leur étaient accordées sur leur débit, sera déterminé d’après la fixation de la vente à laquelle ils étaient assujettis. Art. 15. Les pensions de retraite qui existaient sur les régies, fermes, administrations et compagnies supprimées, seront rétablies si elles sont conformes, soit aux règlements desdites régies, fermes, administrations et compagnies, soit aux dispositions de la loi du 23 août dernier; et cependant, par provision, lesdites pensions seront payées conformément au décret du 2 juillet présent mois. Art. 16. Les pensions et indemnités qui seront accordées en exécution du présent décret, commenceront à avoir cours à compter du 1er juillet 1791 ; et en attendant que le monlant desdites pensions, secours ou indemnités soit déterminé, les employés dénommés au présent décret jouiront, pendant 3 mois, des secours fixés par le décret du 8 mars dernier; mais il leur sera fait déduction de ce qu’ils auront reçu à titre de [Assemblée nationale»! ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [23 juillet 1191.] 542 secours, lors du payement des pensions et indemnités qui leur seront accordées. « Art. 17. Toute personne se prétendant attachée aux régies, fermes, administrations ou compagnies supprimées, ne pourra prétendre ni pension, ni indemnité, qu’autant qu’elle te trouvera dans le cas prévu par l’article 3 du présent décret, qu’elle justifiera d’une commission ou nomination émanée directement de la compagnie ou administration à laquelle elle était attachée, antérieure d’un an au moins à la suppression desdites régies, fermes, administrations et com-pagni s. « Le présent décret sera imprimé et envoyé dans tous les départements. » M. l’abbé Gouttes. Les comités ont oublié une c'asse d’employés dont le temps de service n’est pas fixé, mais qui ont été vexes par des injustices qui leur ont mérité d’être placés à titre d’indemnité. M. Palasne de Champeaux, rapporteur. Les employés dont parle M. Gouttes sont compris au nombre de ceux à qui il peut être du quelques dédommagements, mais qui ne peuvent avoir une pension. M. Couppé demande qu’on établisse un minimum relativement au temps de service. M. Pierre Dedelay ( ci-devant Delley d’A-gier) demande qu’on*C"mprenne aussi dans le décret ceux qui ont été employés aux doubles fondions de la perception des octrois des villes telles qu’à Lyon et des contributions publiques. M. Tuant de Ta Beuverie pense que ce n’est pas aux employés, mais à leur famille que sont dues les indemnités, et qu’il faut encore y comprendre les veuves. M. Goupilleau observe que M. Dupont (de Nemours) doit présenter à l’Assemblée un moyen d’économie qui devait réduire de 6 millions la dépense des secours à distribuer aux employés qui ont perdu leurs fonctions et leurs émoluments. Il demande que M. Dupont soit immédiatement enteudu. M. Tanjninais soutient que les mêmes questions devant bientôt s’élever relativement aux ecclésiasiique-, il faut discuter tout d’abord le projet présenté par M. Palasne de Champeaux. M. Gillet Ta Jacqueminière appuie la motion de M. Goupilleau. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle entendra préalablement à la discussion, et conformément à la demande de M. Goupilleau, le projet de M. Dupont, de Nemours.) M. Dupont (de Nemours ) a la parole et présente des observations et un projet de décret concernant les améliorations à apporter dans la perception de l’impôt et l’usage utile qu’on peut faire des employés réformés (1). M. Daiiehy combat le plan de M. Dupont; il trouve de grands inconvénients dans les rassemblements trop multipliés des assemblées primaires et à déplacer surtout, pour l’avenir, des citoyens honnêtes et solvables qui ont été choisis par le peuple pour substituer à un choix borné et qui n’a pour objet que les anciens préposés du fisc; il pense d’ailleurs que d’un côté les émoluments seraient insuffisants et qu’il résulterait de là une interruption de recouvrements qui ferait un grand mal à la chose publique. M. l’abbé Gouttes trouve le projet de M. Dupont inexécutable dans tous les départements; il demande la question préalable. M. Anson observe que ce projet est inconstitutionnel et en contradiction avec beaucoup de décrets rendes, et qu’il arrêterait les recouvrements qui sont si nécessaires. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le projet de M. Dupont, de Nemours.) La discussion est reprise sur le projet de décret de M. Palasne de Champeaux. M. Jae demande qu’on retranche de l’article premier les secrétaires attachés aux intendances, pour n’y comprendre que les commis et non des personnes qui ont lait de grandes fortunes dans leurs places. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angèly) fait sentir l'injustice qu’il y aurait à adopter une mesure aussi générale et dans laquelle les proportions ne seraient pas établies, Plusieurs membres demandent l’ajournement de la discussion à demain. (L’ajournement à demain est prononcé.) M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de ce soir et de celle de demain. Plusieurs membres présentent quelques observations sur le classement des matières indiquées dans ect ordre du jour. M. Meuglas de Roquefort se plaint de ce que, depuis quelques jours, on ne s’occupe pas des lois constitutionnelles, objet principal des séances du matin; il demande que le comité de Constitution soit interpellé de dire le moment où son travail de révision sera en état d’être présenté à l’Assemblée, attendu que c’est là le premier devoir que celle-ci s’est imposé. M. Regnaud (de Saint-Jean-d" Angèly) répond que rien n’est plus urgent que le rapport sur la discipline militaire, puisque le sort de l’Empire peut dépendre de la désorganisation de l’armée. Il ajoute que les comités de Constitution et de révision travaillent pendant 15 ou 16 heures par jour et qu’on n’a aucun reproche à leur adresser. M. le Président rappelle la proposition faite au commencement de la séance et tendant à ce que les séances du matin soient invariablement fixées à 9 heures précises, et qu'il soit accordé des séances extraordinaires du soir pour la discussion du projet de loi sur les traites. Un membre observe que des séances extraordinaires ne peuvent avoir d’autre effet que de paralyser les comités dans leurs travaux. M. le Président annonce que les séances du (1) Ce document a été inséré dans le tome XXII des Archives parlementaires , page 47.