[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 mai 1791.] (Jl tendez parler des nègres, des affranchis, et des hommes nés de pères et de mères libres, je serai contre la question préalable ; si au contraire vous exceptez les personnes nées de pères et de mères libres, je serai pour la question préalable. En ne vous expliquant pas, je ne puis avoir un avis. M. de Cazalès. L’usage constant de l’Assemblée est de mettre aux voix la question préalable, avant de statuer sur les amendements : cet usage est fondé sur les règles du sens commun. Il faut savoir si on adoptera l’article, avant de savoir si cet article subira des amendements. M. Moreau de Saint-Méry. Il ne s’agit pas de se battre sur les mots ; persuadé que les choses sont bien entendues, qu’elles le sont comme je les entends moi-même, je relire l’amendement du mot esclaves. (L’Assemblée consultée décide qu’il y a lieu à délibérer sur l’article premier du comité.) M. Poutrain. L’article du comité renferme dans sa disposition deux sortes de personnes absolument différentes et sur lesquelles il est nécessaire de prendre une détermination différente. Au lieu de l’article du comité, je demande à substituer ces deux-ci : » L’Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel : » 1° Qu’aucune loi sur l’état des personnes non libres et sur l’état des affranchis ne pourra être faite, par le Corps législatif pour les colonies, que sur la demande précise et spontanée des assemblées coloniales ; « 2° Qu’aucune loi sur l’état des personnes libres de couleur ne pourra être faite, par le Corps législatif pour les colonies, que sur l’avis des assemblées coloniales. » Plusieurs membres : La question préalable 1 M. de Cazalès. Mettez la question préalable sur les deux articles à la fois. Plusieurs membres : La division I Plusieurs membres : La question préalable sur la division! {Bruit.) M. de Tracy. Je demande la parole sur la question préalable. M. Démeunier. Je demande à parler, mais ce n’est pas sur le fond. MM. Prieur et Legrand demandent la parole. M. de Tracy. Je demande à l’Assemblée de m’ entendre un moment sur cette question {Non! non!)... Eh bien! qu’on aille aux voix! M. de Montesquiou. C’est le projet du comité en d’autres termes. M. Démeunier. Monsieur de Tracy, je vous interpelle. M. de Tracy. J’ai cru, Messieurs, qu’il n’était plus nécessaire de parler pour appuyer la question préalable sur la nouvelle rédaction qui vient de vous êtes présentée. Le comité fait fondre tous ses autres articles dans cette rédaction {Oui! ouif).,. M. Démeunier. Mais le comité demande à attaquer cette même rédaction. M. de Tracy. Je n’accuse personne; je dis les faits. J’explique la nouvelle rédaction qu’on lui propose sur un article et qui contient beaucoup plus que l’article du comité. Un membre : Ce n’est pas cela ; c’est un piège. M. de Tracy. Ce n’est pas la question préalable qui est un� piège; c’est cette nouvelle rédaction. C’est sur l’article premier du comité qu’il faut délibérer {A l'ordre du jour !)... Une preuve que je respecte l’ordre de la délibération, c'est que je diffère de proposer mon amendement jusqu’à ce qu’on délibère sur cet article, que les amendements aient été purgés, et qu’on soit débarrassé de cette rédaction de traverse. M. Barnave. Il n’est pas d’autre moyen de poser nettement la question, que d’exprimer franchement ce qu’on demande. Quelle que soit la résolution que l’Assemblée adopte, il est au moins dans l’esprit de chacun qu’il ne subsiste plus d’équivoque et que la manière de marcher dans la délibération ne puisse entraîner aucun de nous à voter contre sa volonté. Or, voici quelle a été la proposition des comités et je déclare tout d’abord qu'aucun des membres de ces comités n’a eu connaissance de la nouvelle rédaction qui vient d’être proposée. M. Démeunier. C’est une calomnie de M. de Tracy. M. de Tracy. Monsieur le Président, rappelez monsieur à l’ordre {Murmures).... J’insiste pour que le membre qui a parlé ainsi soit rappelé à l’ordre. M. de Lafayette. J’appuie la motion. M. Barnave. Le comité distingue dans ce qui vous occupe deux choses séparées. L’une est relative à l’état des personnes non libres, et sur cet objet le comité a entendu proposer qu’aucune loi sur l’état des personnes non libres ne pût être faite pour les colonies, si ce n’est sur la demande formelle et spontanée des assemblées coloniales. .Le second objet est relatif à l’état des hommes de couleur et nègres libres. Les comités demandent qu’il n’y soit rien statué jusqu’à ce que le Corps législatif ait reçu l’opinion provoquée des colonies; opinion qui serait exprimée par les commissaires réunis à Saint-Martin. Le Corps législatif statuerait sur la proposition de ce comité, et ensuite il ne pourrait être fait aucun changement à l’état politique des hommes de couleur et nègres libres, si ce n’est sur une nouvelle proposition des assemblées coloniales, laquelle nouvelle proposition ne pourrait être que spontanée. C’est ainsi que les comités l’ont entendu: il ne s’agit pas en ce moment de poser cette dernière question. On courrait le danger de préjuger un objet par un autre, et d’entraîner quelqu’un à opiner contre sa volonté. La première disposition se trouve dans l’article premier, en le modifiant conformément à ce qui a été demandé. J’adopte l’addition des mots personnes non libres et le remplacement du mot précise par le mot spontanée. 62 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 mai 1791.1 La seconde disposition se trouvera dans l’article 14 du comité, amendé par M. Moreau de Saint-Méry. Au reste, si Ton veut que nous nous entendions, si l’on ne veut égarer aucune pensée, aucune volonté, il faut mettre simultanément les deux articles aux voix. (Aux voix! aux voix!) Je demande au nom des comités, ou du moins au mien, que ces deux articles soient mis ensemble et simultanément aux voix. • M. Buzot. üe quoi s’agit-il entre nous?... Plusieurs membres : La discussion est fermée. (L’Assemblée, consultée, décide que M. Buzot ne sera pas enlendu.) M. le Président. Je mets aux voix la rédaction de M. Poutrain. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour sur cette rédaction.) M. le Président. La question préalable a été proposée sur l’amendement qui consiste à ajouter à l’article 1er, après ces mots : « sur l’état des personnes », ceux-ci : « non libres ». (L’Assemblée décrète, au milieu des applaudissements, qu’il y a lieu à délibérer sur cet amendement et adopte ensuite cet amendement.) Voix diverses : Aux voix la motion de M. Bar-navel — L’ordre du jourl — La division I M. Alexandre de Lameth. Je demande la parole pour combattre la proposition de l’ordre au jour et pour prouver que l’Assemblée doit dire clairement et nettement ce qu’elle veût. On a discuté pendant trois jours la question de savoir si l’Assemblée accorderait, dès à présent, les droits de citoyens actifs aux hommes de couleur ou si elle attendrait sur cet objet la proposition provoquée des colonies. Le premier article est relatif à une autre question, à celle des hommes non libres. On veut faire adopter celui-ci et rejeter l’autre. Ce n’est pas là la question; il faut que l’on dise clairement ce que l’on veut. Les quatre comités ont proposé, nous avons soutenu qu’il était impolitique et dangereux de prononcer, qu’il fallait que le comité de Saint-Martin eût l’initiative. Nous avons pensé qu’à la mesure de faire prononcer le Corps législatif, après la proposition du comité de Saint-Martin, était attaché l’intérêt national ( Murmures à droite; applaudissements à gauche.).... Je 11e retarderai pas la délibération, mais au moins faut-il qu’elle soit franche et claire. Si on veut que le comité de Saint-Martin n’ait pas l’initiative, qu’on le dise. Je ne combats point la division. Certainement, il faut que chacun puisse opiner sur une question simple et non complexe. • Je demande donc que, après avoir délibéré sur la première question, on délibère immédiatement sur la seconde qui se trouve dans l’article 14. M. le Président. Voici, avec les amendements, la rédaction de l’article 1er du comité : Art. 1er. « L’Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, qu’aucune loi sur l’état des personnes non libres ne pourra être faite par le Corps législatif, pour les colonies, que sur la demande formelle et spontanée des assemblées coloniales. » {Adopté.) M. Barnave. Voici la manière dont je propose de rédiger l’article 14 du projet qui deviendrait alors le second; le sens que j’y vois, c’est que le Corps législatif prononcera sur la proposition d’un comité formé de commissaires de toutes les assemblées coloniales actuellement existantes : « Quant à l’état politique des hommes de couleur et nègres libres, il y sera statué par le Corps législatif sur la proposition d’un comité composé de membres de toutes les assemblées coloniales d’Amérique, actuellement formées ; et quand le Corps législatif aura prononcé, ainsi qu’il lui paraîtra convenable, aucun nouveau changement à l’état des hommes de couleur et nègres libres ne pourra être décrété par les législatures, si ce n’est sur la demande formelle et spontanée des assemblées coloniales. » {Murmures et applaudissements.) Voix diverses ; Aux voix ! aux voix 1 — La question préalable ! — L’ajournement ! M. Bcederer. Je demande à faire une observation. {A droite : Non ! non I aux voix !).... Je demande l’ajournement à demain. {Applaudissements. ) (Après deux épreuves, l’ajournement est repoussé.) M. le Président. On a demandé la question préalable sur la rédaction de M. Barnave pour l’article 14. Plusieurs membres demandent que la discussion ne soit pas ouverte sur cette rédaction. M. le Président. Je consulte l’Assemblée. (La première partie de l’épreuve a lieu.) M. de Tracy. Je demande la parole sur la manière de poser la question. Plusieurs membres : La question est mal posée! M. le Président. La délibération est commencée ; vous ne pouvez avoir la parole. M. de Tracy. Je demande à parler contre vous. M. le Président. M. Barnave a fait une proposition sur laquelle on a demandé de ne pas ouvrir la discussion ; je n’ai pu mettre aux voix que ce qu’on m’a demandé. {Bruit prolongé.) M. de Tracy. J’ai dit ..... A droite : A l’ordre 1 A l'Abbaye ! M. Lucas. Il faut lever la séance. M. Delavigne. L’Assemblée nationale {A l’ordre ! à l’ordre!)... vient de rejeter l’ajournement, il en résulte qu’il faut délibérer. Mais il n’en est pas moins évident qu’en décidant l’article 14 l’Assemblée se voit forcée de préjuger des objets qui devraient être antérieurement décrétés. La proposition de M. Barnave consiste à faire décider que l’Assemblée ne statura sur l’état des personnes libres que sur la proposition du congrès de Saint-Martin. Mais y aura-t-il un congrès? On pourrait être d’avis qu’il n’y en eût pas. (On applaudit.) On pourrait penser qu’il serait préférable de laisser chaque colonie mani-