SÉANCE DU 10 BRUMAIRE AN III (31 OCTOBRE 1794) - N° 14 245 [Quelques membres ont pensé que la commission pourroit délibérer à 15, d’autres à 17.] (78) *** (79) : je crois que la commission [comme tous les comités] (80) doit délibérer toutes les fois que la moitié plus un de ses membres seront réunis; autrement ses opérations pourraient être entravées à chaque instant ; car rien ne peut assurer qu’aucun de ses membres ne sera point obligé de s’absenter pour cause de maladie ou autrement. Si les faits qui circulent dans le public sont exacts, il faut que la Convention ait le courage de se purger. {Murmures). Plusieurs voix : Ce n’est pas de cela qu’il s’agit ! BOISSY-D’ANGLAS : Il me semble qu’on n’est point assez pénétré de l’importance des fonctions de la commission. La lenteur que la Convention a mise pour rendre le décret qui l’établit doit prouver qu’il ne faut pas légèrement porter atteinte à la représentation nationale. Il serait bien cruel qu’un innocent tombât sous le glaive de la loi ; mais le malheur serait encore plus grand si la victime était un représentant du peuple, car alors la Convention serait entamée. C’est pour prévenir un pareil événement qu’on a multiplié les sûretés en faveur de l’accusé ; c’est pour cela que la Convention a voulu que la commission fût composée de vingt-et-un membres, dont aucun ne pourrait se récuser : et cependant un membre se récuserait en effet s’il négligeait d’assister aux séances de cette commission. Je demande que la Convention rappelle à l’ordre ceux qui y manqueront, qu’elle prenne des mesures pour les remplacer, mais qu’en aucun cas la commission ne puisse délibérer sans être complète. MONMAYOU : Il faut pourvoir au cas où quelques-uns des membres seraient absents, car vous ne pouvez pas leur assurer à tous une santé permanente; il faut aussi décider si les délibérations de la commission seront prises à la majorité ou aux deux tiers des voix. Je demande que les trois comités réunis nous présentent demain la solution de ces questions. {Murmures). DU ROY : Il faut que le décret soit exécuté dans toute son étendue ; il faut qu’il le soit avec franchise, avec loyauté : tout membre de la commission qui ne s’y rend pas est répréhensible; il ne doit s’en absenter qu’après avoir exposé ses motifs à la Convention, et qu’autant qu’elle les aura jugés valables. Il ne faut plus que personne reste dans l’obscurité ; il faut que tout le monde paraisse lorsqu’il s’agit de défendre les droits du peuple, et qu’il n’y ait personne parmi (78) Mess. Soir, n° 805. (79) Cette intervention est attribuée à Martel selon J. Fr., n° 766 et J. Paris, n° 41 et à Martinel, selon M. U., XLV, 172. (80) Débats, n° 768, 585. nous dont la présence ne soit constatée qu’au bureau des mandats [pour toucher leur traitement] (81). C’est en matière criminelle surtout qu’il faut observer toutes les formes, parce qu’elles sont conservatrices de l’honneur et de la vie des citoyens. La commission doit être composée de vingt-et-un membres; il faut que tous participent à ses délibérations. Je demande que Bonnet rende compte des motifs qui l’ont empêché d’obéir au décret qui le nomme membre de cette commission. CHAMPEAUX : Je demande la parole pour un fait. Bonnet est parti en commission depuis cinq jours et il doit arriver aujourd’hui à midi. REYNAUD : Si la Convention croit que toutes les délibérations doivent être prises par vingt et un membres, il faut qu’elle prévoie le cas où quelques uns pourraient manquer, sans quoi les opérations de la commission seraient entravées à chaque instant ; il faut aussi qu’elle ratifie ses premiers actes, car ils n’ont pas été faits par vingt et un membres. Ces actes ne sont relatifs qu’à son organisation et à la demande qu’elle a faite des pièces qui doivent fonder son rapport. *** : La commission a cru, comme la Convention qu’elle ne devait délibérer qu’en nombre complet ; c’est pour cela qu’il faudra prévoir le cas où quelques membres manqueraient, et ce cas pourra arriver. Aussitôt que notre collègue Dubreuil fut instruit qu’il avait été nommé membre de la commission, il s’y rendit, quoiqu’il fût attaqué d’une fièvre violente; mais rien ne nous garantit que sa santé lui permettra de continuer à assister régulièrement à nos séances. CHENIER : J’ai énoncé dans la commission l’avis que j’énonce ici ; c’est qu’elle ne doit délibérer qu’en nombre complet; car comme on l’a déjà remarqué, ce serait se récuser par le fait que de ne point assister aux séances de la commission ; et si un pareil abus pouvait être toléré, on ne pourrait empêcher personne d’en user. C’est parce que ces fonctions sont pénibles qu’elles doivent peser sur tous (82). La Convention nationale décrète : 1°. Que la commission nommée pour le rapport de la dénonciation faite contre le représentant du peuple Carrier, ne peut délibérer qu’au nombre de vingt-un. 2°. Qu’elle ratifie les opérations déjà faites par la commission pour son organisation. 3°. Que chaque membre qui ne se rendra pas aux séances sera tenu de donner ses raisons à la Convention. (81) Ann. Patr., n° 669. (82) Moniteur, XXII, 391-392. Débats, n° 768, 585-587; Ann. Patr., n° 669 ; Ann. R. F., n° 40 ; C. Eg., n° 804 ; J. Perlet, n° 768 ; J. Fr., n° 766 ; Mess. Soir, n° 805 ; Gazette Fr., n° 1033 ; J. Univ., n° 1800; F. de la Républ., n° 41; J. Paris, n° 41; Rép., n° 41 ; J. Mont., n° 18 ; M. U., XLV, 171-172. 246 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 4°. Qu’elle passe à l’ordre du jour motivé sur le compte à rendre chaque jour par le président de la commission, de l’absence des membres (83). BOUDIN : Je demande que chaque jour le président de la commission fasse connaître à la Convention les noms de ceux qui manqueront aux séances. FAYAU : Je demande l’ordre du jour, motivé sur l’article que la Convention vient de décréter, et qui oblige les membres de la commission à faire juger leurs raisons d’absence par la Convention. Cette proposition est adoptée (84). 15 Jacques Mercier, hussard du neuvième régiment, présente à la Convention nationale un drapeau anglais qu’il a pris à la bataille près Nimègue. « Je sais mieux me battre, dit-il, que parler; nous laissons à nos représentans le soin de transmettre nos actions; notre devoir à nous est de mourir s’il le faut, pour l’exécution de vos décrets et de voir dans la Convention nationale notre premier étendard autour duquel nous devons nous ranger; je l’ai fait, suis prêt à le faire encore. » La Convention nationale décrète que le comité de Salut public est chargé de procurer de l’avancement à ce brave militaire et que le président lui donnera l’accolade fraternelle. Il la reçoit au milieu des plus vifs applaudissemens (85). Le citoyen Jacques Mercier, hussard du neuvième régiment, paraît à la barre, et présente à la Convention un drapeau qu’il a pris aux Anglais (86). [( Jacques Mercier, hussard du 9e régiment, à la Convention nationale ] (87) Représentans du peuple. Je sais mieux me batre que parler. Je vous aporte un drapeau que j’ai arraché aux ennemis de la liberté. Nous laissons à nos représentans le soin de vous transmetre nos actions, notre devoir à nous est de mourir, s’il le faut, pour l’execution de vos decrets, et de voir dans la Convention (83) P.-V., XL VIII, 127-128. C 322, pl. 1366, p. 2, minute de la main de Monestier, rapporteur selon C* II 21, p. 20. Moniteur, XXII, 391-392 ; Débats, n° 768, 585-587. (84) Moniteur, XXII, 392. J. Mont., n° 18. (85) P.-V., XL VIII, 128. Reynaud, rapporteur selon C* II 21, p. 20. (86) Moniteur, XXII, 391. Débats, n° 768, 582. (87) C 325, pl. 1406, p. 47. Bull., 10 brum. ; Moniteur, XXII, 391 ; Débats, n° 768, 582. nationale notre premier étendard autour duquel nous devons nous ranger : Je l’ai fait, et suis prêt à le faire encore. Jacques Mercier, hussard du 9e. [Un officier de l’état-major de l’armée du Nord, qui accompagne le citoyen Mercier, demande la parole et dit : « Représentants, je dois vous observer que le brave hussard qui vous apporte l’emblème du despotisme, qu’il a arraché lui-même à ses satellites, a été cause que trois compagnies de son régiment se sont ralliées, et ont pris tout le bataillon ennemi, qui est le 37e anglais. »] (88) Réponse du président : Brave guerrier, la Convention nationale reçoit avec satisfaction l’hommage que tu lui présentes, enlevé par un soldat de la liberté sur les satellites du despotisme. Le témoignage qu’un de tes chefs vient de rendre à ta bravoure est une preuve que l’égalité est établie parmi les Français ; tu dois compter sur la reconnaissance nationale et je t’invite, ainsi que le citoyen qui t’accompagne, aux honneurs de la séance. La Convention nationale admet ce brave hussard aux honneurs de la séance, charge le comité de Salut public de lui procurer de l’avancement, et, sur la proposition d’un membre, le président lui donne l’accolade fraternelle, au milieu des plus vifs applaudissemens (89). 16 Un membre du comité de Salut public lit une lettre des représentans du peuple près l’armée du Nord, contenant les détails de la bataille qui a eu lieu près Nimègue et dans laquelle la légion de Rohan, émigré, a été totalement détruite par les troupes de la République. Il remet une croix ci-devant Saint-Louis, prise par Schneider, hussard, sur un officier de cette légion. La Convention décrète l’insertion au bulletin (90). RICHARD au nom du comité de Salut public fait lecture de la pièce suivante : Les représentants du peuple envoyés près les armées du Nord et de Sambre-et-Meuse, Bellegarde et Lacombe (du Tarn), aux membres composant le comité de Salut public. (88) Moniteur, XXII, 391. Débats, n° 768, 582-583, cette dernière gazette place l’intervention de l’officier d’état-major, après la réponse du président. (89) Bull., 10 brum. Moniteur, XXII, 391 ; Débats, n° 768, 582 ; J. Paris, n° 41 ; Rép., n° 41 ; J. Mont., n° 19 ; Ann. Patr., n° 669; Ann. R. F., n° 40; C. Eg., n° 804; J. Perlet, n° 768; Mess. Soir, n° 805 ; Gazette Fr., n° 1033 ; F. de la Républ., n° 41 ; M. U., XLV, 172. (90) P.-V., XL VIII, 128.