379 SÉANCE DU 16 VENDÉMIAIRE AN III (7 OCTOBRE 1794) - N° 56 frayer le cultivateur, le fabricant et le négociant. L’intérêt particulier ne composera jamais avec les raisonnements politiques; la moindre inquiétude du négociant le mène à la défiance ; il exigera le payement de ses marchandises avant de les livrer; il ne voudra pas s’exposer à en perdre le prix, si, par des événements imprévus, la commune où il en aura fait l’envoi est déclarée rebelle, et si le certificat de civisme exigé par la loi lui est refusé; il vous dira, en effet, que, si cette formalité n’est pas nécessaire pour livrer le produit de ses sueurs et de son industrie, il est étonnant qu’on l’exige lorsqu’il vient en réclamer le payement; il ne faut donc pas lui donner des craintes pour sa liberté ou pour sa fortune, en faisant dépendre l’une et l’autre de la volonté de quelques individus; ou bien vous le mettrez dans la nécessité de se faire payer d’avance. Alors toutes les relations commerciales, tous les actes de confiance qui lient les citoyens sont anéantis ; alors l’équilibre qui doit exister entre le vendeur et l’acheteur étant détruit, les hommes ne peuvent plus attendre les uns des autres les ressources que le pacte social leur assurait. Mais vous voulez prévenir de pareils malheurs, en punissant dans les commîmes rebelles les conspirateurs et leurs complices, vous traiterez avec indulgence les cultivateurs, les fabricants et les commerçants, qui n’ont fait que continuer sur la foi publique le commerce qu’ils faisaient depuis longtemps. Vous ne formerez pas des obstacles à la rentrée de leurs fonds, en les obligeant de remplir des formalités souvent difficiles pour retirer leurs marchandises ou toucher le prix de celles qui leur sont dues. On sait que des certificats de civisme ont été souvent refusés à d’excellents citoyens, tandis qu’ils étaient prodigués à des hommes qui n’avaient de patriotisme que pour seconder les intrigants qui dominaient; d’ailleurs, le délai accordé par la loi du 25 pluviôse pour les présenter n’est pas assez long, puisque dans beaucoup de commîmes il ne suffisait pas pour les obtenir. Il serait un moyen facile d’intéresser tous les citoyens à s’opposer dans la suite à de pareils désordres : ce serait d’appliquer les dispositions du décret du 8 germinal à toutes les communes qui ont été ou qui seront déclarées en état de rébellion; alors tous les créanciers qui les habiteraient ne manqueraient pas de concourir au maintien du bon ordre et de s’opposer à la révolte, surtout s’ils étaient tenus, pour toucher les sommes qui leur seraient dues, de produire un certificat du comité révolutionnaire de leur section, qui attesterait que non-seulement ils n’ont pas été compris sur la liste des rebelles, ou qu’ils en ont été rayés, mais encore qu’ils se sont opposés de tout leur pouvoir à la rébellion. C’est, en effet, en être les complices que de ne pas la combattre; et vous devez punir les indifférents comme les coupables. Ces mesures protégeraient l’industrie et ranimeraient la confiance si nécessaire dans le commerce ; elles détermineraient les nations qui peuvent vous être utiles à se prêter à vos besoins, et elles avanceraient le moment où vous pourrez supprimer ces lois prohibitives que les circonstances vous ont obligés de rendre pour le bonheur du peuple, et que le même motif vous forcera bientôt de rapporter. A la suite de ce rapport, Villers présente un projet de décret en quatre articles, portant en substance : 1° Que Commune-Affranchie n’est plus en état de siège et de rébellion. 2° Que les dispositions de l’article 1er de la loi du 25 pluviôse sont maintenues pour ce qui concerne les objets d’équipement et les munitions de guerre. 3° Que ces effets seront sans délai mis à la disposition de la République. 4° Que les propriétaires des marchandises expédiées pour des communes déclarées en état de rébellion, avant ou après le décret qui les déclare telles, pourront les réclamer auprès des municipalités qui les auront saisies (84). On demande la lecture du projet, article par article. PELET (de la Lozère) : Je demande, par article additionnel, qu’on rende à Commune-Affranchie son ancien nom. [Pelet observe que dans les Indes, et les autres contrées éloignées, le nom seul de Lyon étoit un privilège pour les marchandises fabriquées dans ses manufactures : il demande en conséquence que le nom de Lyon soit rendu à cette commune] (85) Un membre : Vous savez quelle était la réputation des étoffes de Lyon : n’est-il pas à craindre que son nouveau nom ne l’altère? On connaît partout les étoffes de Lyon ; mais connaîtra-t-on aussi bien les étoffes de Commune-Affranchie? J’appuie la proposition qui vous est faite. - Elle est adoptée. [Camboulas demande si dans les objets d’équipement sont compris les toiles et draps pour les soldats ; l’Assemblée se déclare pour la négative.] (86) BERNARD (de Saintes) : Un décret porte qu’il sera élevé dans Lyon une colonne avec ces mots : Ici fut Lyon. Par la raison du décret que vous venez de rendre, il faut détruire cette colonne. [Bernard de Saintes réclame, par conséquence du décret qui vient d’être rendu, le rapport de celui qui ordonnoit l’érection d’une colonne avec cette inscription : Lyon fut rebelle, Lyon n’est plus (87).] Un membre : Elle n’est pas en place. Un autre membre : Eh bien, il faut rapporter le décret. - Cette proposition est adoptée. (84) Moniteur, XXII, 175-178; Débats, n' 746, 260-266; Ann. R. F., n“ 16 ; F. de la Républ., n° 17 ; Gazette Fr., n 1010 ; J. Fr., n° 742; J. Mont., n° 161; J. Paris, n" 17; J. Perlet, n’ 744; J. Paris, n° 17; J. Univ., n” 1778; Mess. Soir, n” 780; M. U., XLIV, 248; Rép., n° 17. (85) J. Perlet, n” 744. (86) J. Paris, n° 17 ; J. Fr., n° 742. (87) Rép., n" 17 ; J. Paris, n” 17. 380 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE DUBOIS-CRANCÉ : Je crois devoir faire une observation à l’assemblée; elle ne se rappelle peut-être pas que le jour où elle vient de rendre un décret favorable à la commune de Lyon est l’anniversaire de la prise de cette commune. (Vifs applaudissements) Je suis le seul qui reste sous le joug de la calomnie ; je demande que le rapport qui, d’après un décret, doit être fait à cet égard, le soit incessamment. — Décrété. BASSAL : La Convention vient de déclarer que Lyon n’était plus en rébellion ; je demande que ce décret soit étendu à Lons-le-Saulnier : le peuple de cette commune a bien réparé les erreurs passagères dans lesquelles il a pu être entraîné : tous les députés qui ont été dans ce département vous l’attesteront. LEJEUNE : Les habitants du Jura portaient la République dans le coeur avant que vous ne l’eussiez proclamée. S’ils ont commis quelques fautes, c’est qu’ils ont été égarés par des administrateurs perfides; mais de ces administrateurs, une partie a émigré ; l’autre, mise hors de la loi, a subi la peine due à ses forfaits. Cependant les habitants de cette commune manquent de tout, par l’effet du décret qui la déclare en état de rébellion, et c’est surtout sur la classe la plus malheureuse du peuple que porte ce décret. Bonguyod, ainsi que Lejeune, appuient fortement la proposition de Bassal. - Elle est décrétée. (On applaudit) On lit la rédaction des décrets. DUBOIS-CRANCÉ : Il est dit dans cette rédaction que la Convention rapporte les décrets qui déclarent en rébellion Lyon et Lons-le-Saul-nier ; je crois que cette rédaction pourrait faire supposer que les premiers décrets n’étaient pas fondés ; or, comme Lyon et Lons-le-Saulnier étaient bien réellement en rébellion, je demande qu’on dise que l’assemblée déclare que ces communes ne sont plus en état de rébellion. Cette rédaction est adoptée. Le projet de décret de Villers, la proposition de Bassal et les divers amendements sont décrétés, et la rédaction adoptée comme il suit (88). Un membre, au nom des comités de Salut public, de Commerce et des Finances, fait un rapport sur les moyens les plus avantageux de rendre à la circulation et au commerce les marchandises qui avoient été expédiées pour Commune-Affranchie, et les autres communes déclarées en état de rébellion, et sur les avantages ou désavantages de la confiscation prononcée par le décret du 25 pluviôse. Le projet de décret, proposé à la suite de ce rapport, est discuté et adopté en ces termes : Article premier. - Commune-Affranchie (88) Moniteur, XXII, 178; Débats, n" 746, 267-268; Ann. R. F., n” 16; Gazette Fr., n° 1010; J. Fr., n° 742; J. Paris, n” 17 ; J. Perlet, n° 744; Rép., n° 17. reprendra son ancien nom de Lyon : elle n’est plus en état de rébellion et de siège. Art. II. - L’article 5 du décret du 21 vendémiaire, qui ordonne l’élévation d’une colonne portant ces mots : Lyon fit la guerre à la liberté , Lyon n’est plus, est rapporté. Art. III. - La confiscation prononcée par l’article premier du décret du 25 pluviôse, n’aura lieu que pour les objets d’équipement déjà confectionnés, d’armement et munitions de guerre. Art. IV. - Les objets d’armement et munitions de guerre seront mis sur le champ à la disposition de la commission des armes et poudres, et les équipemens à celle de la commission de commerce et des ap-provisionnemens. Art. V. - Les propriétaires des marchandises, expédiées, soit antérieurement, soit postérieurement au décret qui déclare en état de rébellion la commune de leur destination, seront admis à les réclamer devant la municipalité du lieu où elles se trouveront arrêtées (89). 57 Un autre membre propose de rapporter le décret qui déclare la commune de Lons-le-Saulnier [Jura] en état de rébellion. Après une légère discussion sur la rédaction, le décret suivant est mis aux voix et adopté. Sur la motion d’un de ses membres, la Convention nationale décrète que la commune de Lons-le-Saulnier n’est plus en état de rébellion (90). 58 VILLERS, au nom des comités de Salut public et de Commerce ; Il s’est glissé quelques erreurs dans la confection du tableau général du maximum. Ces erreurs, occasionnées par les renseignements inexacts de quelques administrations, et par l’omission de plusieurs articles importants, ou par l’établissement de ceux qu’il est nécessaire de supprimer, mettraient des obstacles à l’exécution de la loi, si l’on ne s’empressait pas de les rectifier. (89) P.-V., XL VII, 17-18. C 321, pl. 1332, p. 1, minute de la main de Villers, rapporteur. Moniteur, XXII, 178; Bull. , 16 vend.; Débats, n° 746, 268; Ann. Patr., n” 645; Ann. R. F., n° 16; C. Eg., n° 780; Gazette Fr., n” 1010; J. Fr., n' 742; J. Paris, n° 17; J. Perlet, n” 744; J. Univ., n° 1779; Mess. Soir, n’ 780; M. U., XLTV, 249; Rép., n" 17. (90) P.-V., XLVII, 18. C 321, pl. 1332, p. 2, minute signée de Laporte, secrétaire. Décret attribué à Bassal par C* II 21, p. 7. Moniteur, XXII, 178; Bull., 16 vend. ; Ann. Patr., n° 645; Ann. R. F., n° 16 ; F. delà Républ., n° 17 ; Gazette Fr., n" 1010 ; J. Fr., n° 742; J. Mont., n° 161; Mess. Soir, n° 780; M. U., XLIV, 249; Rép., n” 17.