[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 1790.J arrêtât les acquisitions dont on aurait la volonté? Ce serait une idée fort raisonnable que d’admettre les effets publics en payement de ces domaines, mais seulement pourunepartiealiquote du produit des ventes, afin de conserver aux billets-assignats, actuellement existants, l’issue qui leur a été promise. On pourrait encore, sans inconvénient, donner, pour cette admission, la préférence à la dette exigible, car le prix général des fonds publics se ressentirait favorablement d’un débouché ouvert à une partie quelconque de la dette publique ; mais il n’y aurait point de parité de traitement, et l’on manquerait aux règles de l’équi'é, si, dans le même temps que les rentes perpétuelles et viagères resteraient en leur ancien état, on éloignait la dette exigible avec des billets-monnaie dont la valeur serait soumise aux révolutions que l’immense quantité de ces billets entraînerait nécessairement. Je ne m’étendrai pas davantage. Ignorant les diverses propositions du comité des finances, je n’ai pour but en ce moment que d’opposer une première résistance à celle d’entre ces propositions qui me frappe comme désastreuse. Je n’en connais aucune qui ne fût préférable à un genre de ressource qui séduirait peut-être par sa simplicité, si cette simplicité n’était pas le renversement violent de tous les obstacles. Il faut se défier des inventions avec lesquelles on veut s’affranchir, d’un tour de main, de tous les embarras accumulés par des circonstances inouïes. Le véritable génie de l’administration, c’est la sagesse ; elle est nécessaire, elle est indispensable à la place du centre, à ce point de réunion de toutes les considérations, de toutes les diflicultés et de tous les devoirs. Les abstractions en affaires publiques me paraissent chaque jour plus redoutables ; il est peu de personnes dans la carrière du gouvernement qui n’aient commencé par elles, et plus on a d esprit, plus on les aime, parce qu’elles présentent à la pensée un domaine immense; mais à mesure que l’action de l’administration nous a mis aux prises avec les réalités, on se dégage insensiblement des idées systématiques; on se voit forcé de soumettre son imagination au joug de l’expérience; et en observant le cours et le point de départ des opinions communes, soit en gouvernement, soit en économie politique, on respecte davantage ce résultat précieux de tant de réflexions et de tant ne pensées. M. le Président lève la séance à 3 heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ, EX-PRÉSIDENT. Séance du vendredi 27 août 1790, au soir. La séance est ouverte à 6 heures et demie du soir. M. d’André, ancien président, occupe le fauteuil eu l’absence de M. Dupont (de Nemours), président en exercice. L’ordre du jour est la suite du rapport sur l’affaire d'Avignon. 4” Sème. T. XVIII. 369 M. Tronchet, rapporteur. Conformément aux ordres que vous m’avez donnés, je vais continuer le rapport sur l’affaire d’Avignon. La possession du pape remonte, pour le comtat Venaissin, jusqu’en 1273, et pour Avignon, jusqu’en 1348. Il serait difficile de décider sur la légitimité d’une possession que plusieurs siècles semblent avoir consacrée. Les princes de l’Europe ont-ils des titres plus sacrés ou plus respectables? Il est vrai que les rois de France sont rentrés plusieurs fois dans la possession du comtal d’Avignon. LouisXIV s'en empara en 1663; mais il le restitua en 1664, en vertu du traité de Pise. Il réitéra cet acte d’autorité en 1668, et le restitua encore pour la seconde fois en 1689. Louis XV suivit cet exemple en 1769. Il restitua de même le comtat en 1774. Des troubles survenus dans la ville d’Avignon ont changé cet ancien état de choses. Des dissensions ont éclaté au sein de cette ville malheureuse. Les citoyens ont été égorgés par leurs concitoyens. C’est au milieu de ces horreurs que la ville d’Avignon a déclaré son indépendance et a demandé sa réunion à l’Empire français Est-ce donc parmi des violences et dans le moment où une foule de fugitifs ont abandonné leur ville malheureuse, ue l’on a pu recueillir un vœu libre et suffisant? éjà même l’autoriié de la nouvelle municipalité est ébranlée, car les nouvelles du 11 août, consignées dans un procès-verbal de la garde nationale d’Orange, annoncent que l’on conteste à ses officiers municipaux leur pouvoir, et que les districts leur demandent des comptes rigoureux. Gepen iant il faut statuer sur le sort des 23 prisonniers détenus dans les prisons d’Orange, où ils languissent depuis environ trois mois. Je ne pense pas que l’Assemblée nationale puisse ordonner la réunion de cette province à la France. Elle ne peut se détacher de la nation dont elle fait partie, sans le consentement de cette nation, exprimé par ses représentants. Avignon est une province des Etals du pape, qui ne peut se détacher du surplus des sujets de cette puissance sans l’aveu de tous lesautres citoyens qui composent avec elle cette association. Cette réunion ne doit s’opérer que par un traité entre le pape et la France, sous le consentement des Gomtadins. Sans cela, ce serait une conquête interdite par les principes mêmes de votre Constitution. Le roi ayant, en malière politique, l’initiative, il est nécessaire de renvoyer au pouvoir exécutif, en exécution du décret du 17 juin, les pièces nouvelles et la pétition des Avignonnais. A l’égard des prisonniers, je pense qu’ils doivent être mis hors des prisons, à la charge cependant de ne pouvoir sortir de la ville d’Orange, jusqu’au jugement final. Voici en conséquence le projet de décret que j’ai l’honneur de vous présenter : L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses commissaires, a décrété et décrète: 1» Qu’en exécution du décret du 17 juin, son président se retirera par devers le roi, à l’effet de lui communiquer les nouvelles pièces et instructions relatives à la pétition des Avignonnais, ainsi que les pièces et instructions relatives à l’état actuel du comtat Venaissin, pour être, par Sa Majesté, proposé, et par l’Assemblée nationale décrété ce qu’il appartiendra; et que cependant le roi sera supplié de faire placer dans les environs d’Avignon et du comtat les troupes de ligne qu’il croira convenables, eu égard aux circonstances; 2° Que la municipalité d’Orange ne peut faire usage des pouvoirs contenus dans les délibéra-1 tious qui on tété prises par les districts d’Avignon, 24