403 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [31 août 1791.] TITRE A AJOUTER A L’ACTE CONSTITUTIONNEL. Titre VII. De la souveraineté nationale, dont Vexercice n'est pas constamment délégué. CHAPITRE UNIQUE. De la réformation partielle et du changement de la Constitution. Section Ire. Du pouvoir de la nation à cet égard , et de sa délégation. « La nation, en qui toute souveraineté réside, a le pouvoir de réformer la Constitution dans ses parties, et celui de la changer dans sou ensemble. « Lorsqu’il lui plaît d’exercer l’un ou l’autre de ces pouvoirs, elle le délègue : « Le premier, à une Convention nationale; « Le second, à un Corps constituant. Section IL De la Convention nationale. « La Convention nationale est l’Assemblée des représentants ayant le droit de revoir et le pouvoir de réformer, par des changements, suppressions ou additions, une ou plusieurs parties déterminées de la Constitution. « Elle ne peut être appelée pour toucher aux bases fondamentales de la Constitution, ni pour changer la distribution des pouvoirs publics. « Elle se compose de la représentation au Corps législatif alors en exercice et du doublement delà représentation territoriale. « En sorte qu’elle est portée dans sa totalité à 992 membres. Section III. Du Corps constituant. « Le corps constituant est l’Assemblée des représentants, ayant le droit de revoir la Constitution dans son ensemble, de changer la distribution des pouvoirs publics, et de créer une Constitution nouvelle. « Il est composé de la représentation au Corps législatif alors en exercice, et du dédoublement de la représentation attachée à la population et à la contribution directe. « En sorte qu’il est porté dans sa totalité à 1243 membres. Section IY. De la demande de la Convention nationale ou du Corps èonstituant, et de la nomination des représentants additionnels. « Les citoyens peuvent adresser en leurs noms, au Corps légistatif, des pétitions individuelles pour demander le rassemblement de la Convention nationale ou du Corps constituant. « Mais le Corps législatif peut seul déclarer, au nom de la nation, qu’il pense que ce rassemblement est nécessaire-. « Il fait cette déclaration par un acte public. « Lorsqu’il s’agit d'une Convention nationale, cet acte doit contenir l’énonciation précise des articles de la Constitution que le Corps législatif pense devoir être examinés, ou l’objet de l’addition qu’il juge nécessaire. « Lorsqu’il s’agit du Corps constituant, cet acte doit énoncer uniquement le vœu formé pour le rassemblement de ce corps. « Le Corps législatif ne peut, dans aucun cas, ajouter à cette exposition le détail de ses motifs, ni indiquer le sens de la réforme ou du changement. « Les membres de la législature qui a proclamé cet acte ne peuvent être élus membres ae la législature suivante. « La législature suivante mettra cet acte en délibération dans le mois de l’ouverture de sa seconde session. « Si elle rejette la proposition, elle le décrétera en ces termes : L'Assemblée nationale législative décrète qu'il n'y a pas lieu de former une Convention nationale , ou qu'il n'y a pas lieu de rassembler le Corps constituant. « Alors la proposition sera regardée comme si elle n’avait pas été faite. « Si la législature admet la proposition* elle lé déclarera en ces termes : L'Assemblée nationale législative pense qu'il y a lieu de former une Convention nationale , ou qu’il y a lieu de rassembler le Corps constituant* « Dans ce cas, les membres de Cette seconde législature et ceux de la précédente ne peiiVent être élus membres de la législature suivantes. « La législature qui succédera immédiatement sera tenue de délibérer, dans le mois de l’ouverture de sa première session, et avant de passer à d’autres actes, sur la même proposition; « Si elle la rejette, elle le décrétera en ces termes : L'Assemblée nationale législative déclare qu'il n'y a pas lieu de former une Convention nationale , ou qu’il n’y a pas lieu de rêisembler lé Corps constituant. « Alors la proposition sera regardée comme si elle n’avait pas été faite. « Si la législature apprdüvé lit proposition, elle le décrétera en ces termes : U Assemblée nationale législative décrète que la Convention nationale sera formée , ou que le Corps coAstitûûnt sera rassemblé sans délai pour prendre en considération les objets indiqués daM l'ncte (de tel jour) proclamé par l'Assemblée nationale législative (de telle année). « En vertu de ce décret, les électeurs seront convoqués dans chaque département au commencement du mois de juin d’après les formes prescrites par la Constitution*. « Ils se rassembleront dans ie Heu ordinaire de leurs élections le 19 du même mois. « S’il s’agit de former une Convention nationale, ils nommeront, dans chaque département* le nombre de représentants attribués à son territoire. « S’il s’agit de former le corps constituant* ils nommeront le même nombre de représentants qui aura été envoyé par le département à la dernière législature, en raison de la population et de la contribution directe du département; « Les actes, déclarations ou décrets du Gorps législatif concernant la demande de la Convention nationale ou du corps constituant sont indépendants de la sanction du çoi. 104 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1791. Section Y. De la réunion des représentants en Convention nationale. « Les nouveaux représentants nommés dans chaque département pour former la Convention se réuniront au Corps législatif dans le lieu de ses séances le 8 du mois de juillet. « Le président du Corps législatif quittera le fauteuil, et tous les représentants réunis se formeront provisoirement sous la présidence du doyen d’âge, pour vérifier seulement les pouvoirs des représentants additionnels. « Au 14 juillet, quel que soit le nombre des membres présents, ils se constitueront en Convention nationale. « Les représentants prononceront tous ensemble, au nom du peuple français, le serment de vivre libre ou mourir. « Ils prêteront ensuite individuellement serment de maintenir de tout leur pouvoir les bases fondamentales de la Constitution du royaume, décrétée par l’Assemblée constituante aux années 1789, 1790 et 1791, de ne porter aucune atteinte à la distribution des pouvoirs publics , et de se borner à statuer sur les objets énoncés dans Vacte proclamé par l’Assemblée législative (de telle année). « La Convention nationale entrera dés lors en pleine activité. « Elle ne sera réputée Convention que dans les actes relatifs à l’objet de son rassemblement. « Ils seront acceptés par le roi purement et simplement. « Mais tous les actes de pure législation qu’elle pourrait faire pondant la durée de son exercice, sont soumis à la sanction. « La Convention nationale ne peut se prolonger au delà du terme désigné pour le retour de lu législature. « Mais elle peut se dissoudre avant cette époque, aussitôt qu’elle a rempli l’objet de sa mission. « Dans ce cas, les représentants additionnels se retirent et le Corps législatif se remet au même état qu’il était le jour de la réunion. Section VI et dernière. De la réunion des représentants en Corps constituant. « Les nouveaux représentants nommés dans chaque département pour former le corps constituant, se réuniront au Gorps législatif dans le lieu de ses séances le 8 du mois de juillet. « La vérification des pouvoirs des représentants additionnels, sera faite de la manière indiquée dans la section précédente. « Au 14 juillet, quel que soit le nombre des membres présents, ils se déclareront Assemblée nationale constituante. « L'Assemblée nationale constituante aux années 1789, 1790 et 1791, déclare qu’ici est le terme de sa prévoyance et la fin de ses pouvoirs. Le corps constituant ne peut prendre de règles que de lui-même, elle n’a rien à lui prescrire ; il trouvera tout dans cette devise qu’elle lui transmet : égalité, vivre libre ou mourir. » {Applaudissements répétés.) M. I�avie. Ce discours me paraît digne de l’ami de Mirabeau ; j’en demande l’impression. (Oui! oui!) (L’Assemblée, consultée, ordonne à l’unanimité l’impression du discours de M. Frochot.) M. Salle. Messieurs, nous sommes au moment de Unir, et jamais nous n’avons eu plus besoin de sagesse. L’impatience nous presse vers le but ; le dégoût des longues discussions, le besoin d’établir enfin notre ouvrage, tout tënd à nous détourner d’une méditation abstraite et difficile : et cependant ce qui nous reste à faire exige les plus savantes combinaisons ; jamais question plus délicate ne s’est présentée dans cette Assemblée. L’édifice est élevé , mais il faut en poser le faîte, et les longs travaux de l’architecte ne l’excuseront pas s’il ne couronne dignement son ouvrage. Faut-il donner à la nation des moyens constitutionnels pour avoir quand elle voudra des conventions nationales? Quels doivent être ces moyens? Tels sont les deux problèmes qu’il s’agit de résoudre. Si je ne consultais, Messieurs, que mon amour pour la Constitution ; si je m’en rapportais à cette voix intérieure qui me pénètre de respect et d’admiration pour l’ouvrage de l’Assemblée nationale, je n’hésiterais pas; je me dirais : « Cet ouvrage est fondé sur la nature; il doit durer autant qu’elle. Au lieu de chercher des moyens propres à changer un jour cette Constitution sublime, environnons-la plutôt d’une triple enceinte, éloignons d’elle les novateurs. Occupons-nous à la faire aimer de ceux qui s’obstinent à la méconnaître, et répondons surtout à ceux d’entre nous qui, ayant eu taDt de part à son établissement, ont aujourd’hui la coupable imprudence de la calomnier, parce que quelques décrets leur déplaisent ; répondons-leur, dis-je, en la jurant de nouveau, et terminons ainsi notre ouvrage. » Mais, Messieurs, c’est d’après les principes qu’il faut nous conduire, et la Constitution elle-même nous en fait un devoir. Rien de contradictoire ne doit la souiller ; et s’il découle de sa nature même qu’elle puisse être un jour légalement réformée, il importe de le prononcer, quelles que soient nos affections paticulières, car la vérité vaut encore mieux qu’elles. Le premier point qui se présente à examiner, c’est de savoir quel peut être le pouvoir d’une Convention nationale. Deux systèmes sont proposés : les uns, effrayés des secousses que peut donner à l’Etat un corps constituant investi de la plénitude de la souveraineté, demandent qu’une Convention nationale ne puisse jamais être chargée de revoir la Constitution dans son entier, mais seulement d’en corriger les points défectueux qui leur seront indiqués dans des mandats spéciaux ; les autres prétendent que cette forme est destructive de toute délégation de pouvoir et de toute réforme raisonnable ; qu’une Convention nationale, en un mot, est et doit être un corps constituant avec des pouvoirs illimités. Le premier système est séduisant : il offre un moyen terme propre à flatter les esprits modérés. On aime à prévoir que, si des réformes sont nécessaires, ce ne sera pas du moins au milieu d’une destruction générale qu’elles s’opéreront; et ce sentiment si naturel aux amis de la paix se renforce encore de tous ceux qu’ont fait naître en nous les circonstances actuelles. Mais, quand on examine froidement ce système,