ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 486 [Assemblée nationale.] [26 août 1789.] donne un droit immortel à la reconnaissance et à la tendre vénération des Français. « Ainsi seront à jamais réunis les noms de deux rois qui, dans la distance des siècles, se rapprochent sur les actes de justice les plus signalés en faveur de leurs peuples. « Sire, l'Assemblée nationale a suspendu quelques instants ses travaux pour satisfaire à un devoir qui lui est cher, ou plutôt elle ne s’écarte point de sa mission : parler à son Roi de l’amour et de la fidélité des Français, c’est s’occuper d’un intérêt vraiment national, c’est remplir le plus pressant de leurs vœux. » Liste des membres désignés par le sort pour porter celte adresse avec M. le président. MM. Lescnrier. Le comte de Custine. Moyot. Papin. DeMercy, évêque de Luçon. Le baron de Gauville. Bouchette. Menu de Cbomorceau. Le comte d’Hodicq. Le comte de Sérent. Lesure. Camus. Farocbon. Vyau de Baudreuil. Francbeteau de la Glaustière. Le marquis de Cypières. La Poule. Le vicomte de Ségur. Tridon. Valentin-Bernard, L’abbé de Sl.-Estève. Germain, L’abbé de Dolomieu. Le marquis de Mesgrigny. MM. Dom Davoust. Marandat d’Qliveau. Rey. Perdry. Bonnet. Texier. Fleury. Tixedor. Le marquis de Chambrai. Dosfant. De La Viguerie. Guérin. De la Roche-Négli. Le comte de Sarrazin. Soustelle. Harmand. Le duc d’Orléans. Dillon. Berenger. Colbert de Seignelay, évêque de Rodez. Goudard. Morin. Brunet de Latuque. On s’occupe de nouveau de l’affaire du procureur du Roi de Falaise, décrété par le parlement de Rouen pour sa conduite comme électeur. Ce magistrat a demandé justice à l’Assemblée nationale. Le comité qui a rendu compte de l’affaire a pensé qu’il n’y avait pas lieu à délibérer. M. l’abbé Maury a appuyé l’avis du comité. M. le comte de Mirabeau. Entre les diverses prérogatives essentielles à toute Assemblée législative, il en est sans laquelle il est impossible de concevoir son existence: c’est le droit de veiller à sa propre police, à la liberté, à la sûreté de ses membres, et par conséquent à celle des assemblées électorales qui ont concouru à la formation de celle-ci. Ce dernier droit est inséparable des précédents ; sans lui, ils seraient incomplets, insuffisants, et presque illusoires. Car, quelle liberté peut avoir une assemblée, si ceux qui ont concouru à la former par leurs suffrages n’ont eux-mêmes pas été libres, s’ils ont été sous une influence étrangère; si, soit pour le choix qu’ils ont fait de leurs représentants, soit pour les instructions qu’ils leur out remises, ils ont été soumis à la censure et aux poursuites d’un intéressé par ses fautes mêmes à éteindre en eux toute liberté ? c’est ce qu’ont parfaitement bien vu les Anglais. Jamais aucun corps judiciaire, aucun département quelconque du pouvoir exécutif ne s’immiscerait dans les assemblées d’élection, n’essayerait de poursuivre un seul de leurs membres pour les avis qu’il y ouvrirait, pour les résolutions qu’il y ferait prendre, sans s’exposer au ressentiment de la chambre des communes: de tels actes ne seraient pas moins à ses yeux une haute infraction de privilège, que celui par lequel un membre des communes serait poursuivi pour ses opinions. L’Assemblée nationalen’empiéteraitdonc pas sur les droits du pouvoir judiciaire, en accueillant la plainte du magistrat de Falaise. Un il n’y a lieu à délibérer serait au contraire un abandon formel de ses droits, une abjuration de sa propre existence. Sur quoi donc y aura-t-il lieu à délibérer dans cette Assemblée, si ce n’est sur des actes qui compromettent tout à la fois son honneur, sa dignité, sa liberté? « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la natiou; nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. » Que signifient ces expressions que l’Assemblée nationale vient de consacrer, si elle craint de délibérer sur l’entreprise non moins coupable qu’illégitime du parlement de Rouen? Je n’entends point que notre délibération se porte sur le genre de réparation qui peut être due au magistrat de Falaise. C’est là vraiment ce qu’on pourrait, à juste titre, appeler une atteinte au pouvoir judiciaire. Mais le principe qui devra servir de base au jugement; mais la déclaration claire et positive que l’acte commis par le parlement de Rouen est une atteinte à la liberté nationale; mais le renvoi du magistrat opprimé à se pourvoir au conseil du Roi, pour obtenir toutes les réparations qui sont justes; voilà ce qu’il me paraît que dans la circonstance, l’honneur de la nation, la liberté publique, et de justes égards pour le pouvoir judiciaire sollicitent également. L’Assemblée décide que la procédure intentée au procureur du Roi de Falaise est nulle et attentatoire à la liberté nationale. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE. Séance du mercredi 26 août 1789. M. le Président a rendu compte de la députation faite hier au Roi, et de la réponse de Sa Majesté, conçue en ces termes : « Je reçois avec sensibilité les témoignages d’attachement que vous me présentez au nom de l’Assemblée nationale; elle peut toujours compter sur mon affection et ma confiance. » 11 a ensuite prévenu les différents comités qui n’avaient pas de lieux fixes pour la tenue de leurs séances, de vouloir bien le faire savoir au secrétariat. Un de MM. les secrétaires a donné lecture des adresses et adhésions de la ville de Coutances, des officiers municipaux de la ville et juridiction d’Hons-Chootz en Flandre, des officiers municipaux de la ville de Chaumont en Vexin, de la municipalité de Murdebarrès, de la ville de Martel, du comité patriotique de la ville de Cahors, de la ville de Ribemont, de la ville de Pignan en Provence, delà ville et commune de Tonnerre, des officiers du présidial et sénéchal d’Agen, de la ville de Sierck, du tiers-état de la ville de Toulouse, des officiers civils et municipaux, et citoyens de toutes les classes delà ville de la Souterraine, delà ville de Gaillac en Albigeois, de la ville de Sancerre en Berry, de la ville de Dax, de la ville de Lau- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 août 1789.] 487 rae-le-Grand, des ordres réunis de la ville de Carentan, de la ville d’Orange, de la ville deTho-rigny, des officiers de la sénéchaussée de Sain-tonge, de la ville de Clermont-Lodève, du conseil municipal de Tourves; du bureau d’administration patriotique de Montignac en Périgord, de l’assemblée des commissaires des trois ordres du ressort de la gouvernance de Lille, de la ville de Seyne dans la Haufe-Provence, des citoyens de tons les ordres de la ville et communauté de Mont-Dauphin et Evgliers. delà ville de Châlons-sur-Marne, des villes de Puylaurens, Forez, Dour-gue, Mazamet, Saint-Paul-de-Cap-de-Joux, la Bruyère, Revel, du diocèse de Lavaur, réunies; des trois ordres de la ville d’Alby, de Saint-Jouin en Bas-Poitou, de la cour des aides et finances de Guyenne, des électeurs et principaux citoyens de Bergues-Saint-Vinoc en Flandres, de la ville de Verdun. M. le Président a annoncé à l’Assemblée que les deux membres du comité des finances, dont la nomination n’avait pas été proclamée jusqu’à ce jour, étaient MM. d’ÀilIy et le Moine de Belle-Isle. On a lu les procès-verbaux des 21, 22 et 23 août. M. le Président a dit que l’ordre du jour ramenait l'Assemblée d la discussion de V article 22 du projet de déclaration de droits du sixième bureau , ainsi conçu: « La contribution publique étant une portion retranchée de la propriété de chaque citoyen, il a le droit d’en constater la nécessité, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. » M. Duport propose deux amendements; l’un en ces termes : par lui-même ou par ses représentants , à ajouter après ces mots, il a le droit; et on l’a adopté unanimement. Le second amendement tendait à retrancher ces mots : la contribution publique étant une portion retranchée de la propriété de chaque citoyen; il est mis à la discussion. M. Périsse-du-liuc. Cette phrase présente des idées fausses et dangereuses aux citoyens sur la définition de la nature de l’impôt. La portion du revenu ou des productions donnée pour la sûreté publique est une dette, un remboursement, ou un échange de services. Or, payer ce qu’on doit n’est pas un retranchement de sa propriété, et c’est faire un larcin à la république de ne pas acquitter cette dette. Il n’y a que trop de ces citoyens qui déguisent leur revenu pour échapper à une juste contribution. En présentant cette idée de retranchement, ils y verront des moyens d’éluder la contribution; ils croiront ne faire que conserver. Ne jetons pas nos concitoyens dans des erreurs dangereuses par des expressions hasardées. Le payement du tribut est une dette légitime à acquitter ; le corps national a le droit imprescriptible de le percevoir pour l’intérêt et la sûreté de tous; et les citoyens sauront enfin quec’est faire un véritable larcin au corps national de ne pas lui payer la dette sacrée de la contribution publique. Après ces idées sur la nature des contributions nationales, M. Périsse propose un projet de rédaction en deux articles conformes à ce principe. M. Robespierre. La nation a, dit-on, le droit de consentir l’impôt. Poser ainsi le principe, ce n’est pas le consacrer, mais c’est l’altérer. Celui qui a le droit de consentir l’impôt a le droit de le répartir; dès que le pouvoir législatif réside dans les mains de la nation, le droit de la répartition y réside également ; elle doit forcer tout citoyen à le payer, et sans cela ce droit ne serait plus, étant en la puissance du pouvoir exécutif, qu’un veto qu’il nous opposerait. Je viens actuellement à la seconde partie de la motion. Tout impôt, y est-il dit, est une portion retranchée de la propriété; je soutiens, au contraire, que c’est une portion de la propriété mise en commun dans les mains de l’administrateur public. Je développe cette idée. Qu’est-ce, en effet, au’un administrateur, si ce n’est le dépositaire e toutes les contributions? Or, admettons le principe contraire. Si c’est une portion retranchée de la propriété, elle n’appartient plus à la nation; la nation n’a plus le droit de lui en faire rendre compte; en conséquence, voici ce que je propose au heu de l’article 22 du projet du sixième bureau : « Toute contribution publique étant une portion des biens des citoyens mis en commun pour subvenir aux dépenses de la sûreté publique, la nation seule a le droit d’établir l’impôt, d’en régler la nature, la quotité, l’emploi et la durée. » On présente encore beaucoup d'autres modèles d’arrêté. Un curé propose la rédaction suivante : « Tout subside, par voie d’emprunt ou d impôt, doit être consenti par la nation; elle peut seule en fixer l’assiette, en faire faire le recouvrement, et en fixer la durée. » Dans la dernière séance, il s’était élevé des orateurs pour établir la thèse attaquée par les préopinants ; pour démontrer que l’impôt est une portion retranchée de la propriété. Cependant l’Assemblée, sans avoir égard aux projets d’arrêté, s’est contentée de rejeter la phrase qui porte que tout impôt est une portion retranchée de la propriété, et elle a adopté avec cette modification l’arrêté suivant. C’est celui du sixième bureau, avec les modifications proposées et adoptées. « Art. 14. Chaque citoyen a le droit par lui-même ou par ses représentants, de constater la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement. et la durée. » M. de l