216 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Le rapporteur, après avoir exposé le but de cette loi, qui avoit évidemment pour objet de ne point conserver, dans le sein de la représentation nationale, des hommes attachés par des intérêts puissans aux nations étrangères, pour servir, par leurs intrigues et leurs crimes la cause des tyrans, a prétendu que ces motifs ne s’ap-pliquoient point à Dentzel, qui étoit domicilié en France six ans avant la Révolution, qui y avoit obtenu des lettres de naturalisation, dont le pays avoit été réuni au territoire de la République par décret du 30 mars 1793, et qui joignoit à tant de titres ceux d’époux et de père d’une Française et de quatre enfans nés en France; il a en conséquence proposé le projet de décret suivant, qui a été adopté : La Convention nationale, après avoir entendu son comité de Salut public, considérant que Dentzel étoit naturalisé français dès 1784, qu’il a épousé une Française, qu’il est né dans un pays dont les Français sont actuellement en possession, qu’il est père de quatre enfans nés en France ; Déclare que la loi du 5 nivôse dernier ne peut lui être appliquée, et qu’il conserve le caractère de représentant du peuple (109). 30 On demande que soit fait incessamment un rapport sur les troubles de Landau [Bas-Rhin], et que Dentzel, sans être obligé d’en attendre le résultat, reprenne ses fonctions de représentant du peuple. Cette proposition, mise aux voix, a été adoptée en ces termes : La Convention nationale décrète qu’il sera incessamment fait un rapport sur l’affaire de Landau, et que le représentant du peuple Dentzel reprendra de suite ses fonctions, et rentrera dans le sein de la Convention nationale (110). 31 Un rapporteur [COLLOMBEL Pierre] du comité de Sûreté générale rend compte d’une affaire relative aux administrateurs du district de Sedan [Ardennes], qui, égarés par Lafayette, au mois d’août 1792, avoient pris contre les lois rendues par l’Assemblée législative à cette époque un arrêté qui avoit déterminé leur incarcération (111). (109) P.-V., L, 129-130. C 327 (1), pl. 1431, p. 45. Ann. Patr., n° 695. Thuriot rapporteur selon C*II, 21. (110) P.-V., L, 130. C 327 (1), pl. 1431, p. 46. Débats, n° 794, 942. Ann. Patr., n ° 695 ; J. Fr., n° 792 ; Gazette Fr., n° 1059. Couturier rapporteur selon C*II, 21. (111) P.-V., L, 130. Collombel rapporteur selon C*II, 21. COLLOMBEL (au nom du comité de Sûreté générale) : Aussitôt après la journée du 10 août, l’Assemblée législative ayant envoyé des représentants aux armées, les trois commissaires chargés de se rendre à celle que commandait Lafayette furent arrêtés le 14 août par le conseil général de la commune de Sedan, qui prit à ce sujet une délibération unanime, très coupable dans ses motifs comme dans son résultat, mais qui porte aussi des caractères manifestes d’aveuglement et de suggestions. L’administration du département séant à Mézières n’avait pas méconnu le caractère des représentants; mais elle ne publiait point les lois du 10 août et jours suivants, et le 15 elle prit aussi un arrêté pour en suspendre l’envoi aux municipalités. Huit administrateurs se préservèrent de l’égarement de leurs collègues et se déclarèrent opposants. Le district de Sedan prit de son côté un arrêté répréhensible qu’il consigna sur le registre, mais il ne lui donna point de publicité, et la chose demeura si secrète qu’on n’en eut connaissance que d’après une recherche faite en floréal dernier, c’est-à-dire au bout de vingt-et-un mois. L’influence de Lafayette, sa grande réputation, les récits calomnieux qu’il fît faire de la journée du 10 août, furent la cause de l’égarement de ces trois autorités constituées. Son émigration leur dessilla les yeux; la prison des représentants fut ouverte à l’instant, et chacune des trois administrations fit une rétractation de ses erreurs. Le département donna à la sienne tout l’éclat qu’elle devait avoir; le district se contenta d’en rédiger une sur ses registres, où elle demeura ensevelie dans le même secret que la débbération. Les commissaires élargis, convaincus de la bonne foi des autorités constituées, de l’attachement que le peuple avait pour elles, et de la nécessité du concours des officiers civils de la frontière pour le service des armées, les confirmèrent dans leurs fonctions. Ceci se passa le 20 août. Ainsi, en moins de six jours, toutes les fautes furent désavouées ; elles ont été depuis réparées par une conduite irréprochable, tellement qu’on n’a pas articulé un seul fait postérieur, qu’on n’a pas même élevé un soupçon contre aucun des cinquante et un citoyens impliqués alors dans cette affaire, et que beaucoup d’entre eux ont été appelés de nouveau par élection aux fonctions publiques. Cependant trois nouveaux commissaires de l’Assemblée furent envoyés le 17 août 1792 avec mission spéciale de procurer l’élargissement de leurs collègues, et de faire traduire à la barre le seul maire de Sedan et les administrateurs du département, signataires de l’arrêté du 15. Le décret ne fait pas même mention du district de Sedan, parce qu’aucun délit ne lui était imputé. À l’arrivée des nouveaux commissaires, leurs collègues étaient libres, et les administrations maintenues par eux ; il fut unanimement résolu par tous six, après mûre délibération, d’écrire à l’Assemblée pour lui demander ses ordres; ils n’en reçurent aucuns. SÉANCE DU 6 FRIMAIRE AN III (26 NOVEMBRE 1794) - N° 32 217 À leur retour, ils rendirent à la tribune un compte exact et détaillé de ces faits ; leur rapport ne contient absolument rien sur le district ; on en a vu la raison. Le conseil général de la commune de Sedan, qui aurait pu chercher un motif d’excuse dans l’exemple d’une administration supérieure, garda le silence; les patriotes les plus zélés se turent également sur ce fait, parce qu’encore une fois, il était parfaitement ignoré. Les commissaires terminèrent leur rapport par demander «l’approbation provisoire des mesures qu’ils avaient prises dans le département des Ardennes ». L’Assemblée par son décret du 1er septembre 1792, approuva (purement et simplement) la conduite de ses commissaires et «les mesures qu’ils avaient prises à l’égard des administrations ». Le rapporteur conclut de ces faits, qu’il développe, que les administrateurs de Sedan ont été depuis injustement incarcérés. Il lit ensuite la lettre suivante : [Charles Delacroix à son collègue Collombel, Sedan, le 3 brumaire an III\ Citoyen collègue, J’ai appris que tu étais chargé du rapport à faire à la Convention de l’affaire concernant les administrateurs du district de Sedan en août 1792 (vieux style). Toutes les autorités constituées de cette commune réclament ces citoyens, la plupart pères de familles, cultivateurs, et dont plusieurs n’ont depuis 1792, cessé d’être, à la satisfaction publique, membres des différentes autorités constituées, épurées et conservées par les représentants du peuple qui m’ont précédé dans cette mission. Accélère, je t’en prie, ce rapport et fais en sorte que ces citoyens ne languissent pas plus longtemps privés de la liberté. Signé, Ch. Delacroix. Le rapporteur termine par proposer un décret qui est adopté en ces termes : «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Sûreté générale, décrète : Art. 1er.- Les onze administrateurs du district de Sedan en août 1792 (vieux style) seront mis sur-le-champ en liberté. Art. IL-Les scellés apposés sur leurs lettres, papiers, meubles et effets, seront levés par les agents nationaux de leurs communes respectives» (112). Le rapporteur propose et la Convention adopte le projet suivant : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Sûreté générale, décrète : (112) Moniteur, XXII, 610. Rép., n° 68 ; Débats, n° 794, 942 ; Ann. Patr., n° 695 ; F. de la Républ., n° 67 ; J. Fr., n° 792 ; M.U., n° 1354 ; J. Univ., n° 1826 ; Mess. Soir, n° 831 ; J. Perlet, n° 794. Art. Premier-. Les onze administrateurs du district de Sedan en 1792 (vieux style), seront mis sur-le-champ en liberté. Art. II-. Les scellés apposés sur leurs titres, papiers, meubles et effets, seront levés par les agens nationaux de leurs communes respectives (113). 32 Un membre [GIRAUD], au nom des comités de Commerce et des Approvisionne-mens, de Salut public et des Finances, présente un projet de décret dont le but est de provoquer l’importation dans la République, des marchandises et denrées non-prohibées, en les laissant à la libre disposition des propriétaires (114). GIRAUD : Toutes les vues de la Convention nationale doivent se tourner vers les moyens de faire cesser quelques mesures que la force des circonstances et des événements l’ont contrainte d’adopter. Sans doute que ceux qui peu à peu vous ont amenés à concentrer dans une même main, dans une seule maison, toutes les denrées, toutes les marchandises, toutes les subsistances de la République, avaient des vues moins pures que celles qu’ils paraissaient vous présenter. Mais le vœu bien prononcé des Français pour la République a fait surmonter des difficultés sans nombre ; si le peuple, dans cette circonstance comme dans beaucoup d’autres, a su, par son énergie, faire tourner à bien un état des choses dont ses ennemis espéraient profiter pour le conduire à sa perte, il est de la prudence du législateur de ne pas trop forcer ce bon esprit et de le réserver pour les grandes crises de la Révolution. Vous entendez tous les jours des réclamations sur les besoins des matières premières nécessaires à nos manufactures; on vous demande de toutes parts des subsistances, dont l’intempérie des saisons a privé beaucoup de nos districts, à la veille de la plus riche récolte. Vos comités voudraient vous proposer de remédier à tous ces maux à la fois; mais si le mal vient, pour ainsi dire, spontanément, il faut appliquer avec prudence les remèdes nécessaires au corps politique comme au corps humain. La difficulté des charrois, par la pénurie de chevaux et de bras que le service des armées de la République exige, multiplie les empêchements de satisfaire aux demandes faites par différents districts. Vos comités se sont occupés des moyens d’atténuer ces circonstances impérieuses ; ils croient les avoir trouvés en engageant le commerce particulier à importer des denrées dont l’arrivée, par ce canal, diminuera d’autant sur les ports les besoins, et contribuera à y entretenir une abon-(113) P.-V., L, 130. C 327 (1), pl. 1431, p. 47. Rapporteur Collombel selon C*ll, 21. (114) P.-V., h, 131.