ggQ [Assemblée lïalion&le.l pour les assembler et leur apprendre qu’il est des cas pù l’on peut commettre un homicide ; songez que la société qui ne peut être passionnée, qui ne peut éprouver ces mouvements dont la violence semble excuser le meurtre, loin de le légitimer par son autorité, le rend plus odieux cent fois par son appareil et son sang-froid : car je conçois la colère, la vengeance et ses suites dans un premier mouvement, la nature même nous l’indique; mais, s'il estquelqu’un qui ait pu, sans éprouver une violente sensation d’horreur et de pitié, voir infliger la mort à un autre homme, je désire de ne le jamais rencontrer; non seulement il est étranger aux affections douces qui font le bonheur de la vie, mais il a arrêté sa pensée sur un meurtre : la nature cesse de me protéger contre lui, il ne lui faut plus qu’un intérêt pour me massacrer. Faites cesser, Messieurs, l’entreprise parricide de tourmenter la nature et de corrompre ses sentiments. La peine de mort offre encore à vos yeux un caractère de réprobation, puisqu’elle a une origine semblable à celle de tous les abus que vous avez détruits; elle doit comme eux sa naissance à l’esclavage, c’est contre les esclaves qu’elle a été inventée... M. l’abbé Maury. Caïn était-il un esclave? {Murmures.) M. Duport. On objecte l’histoire de Caïn. Certainement la société qui existait alors n’avait fait aucune loi; mais il est bien extraordinaire que l’exemple fqu’on choisit soit entièrement contre mes ad versaires. Dieu ne dit-il pas dans la Bible : que Caïn ne soit pas tué, mais qu’il conserve aux eux des hommes un signe de réprobation. — ’est précisément ce que l’on vous propose aujourd’hui. ( Applaudissements répétés.) Apprenez donc, Messieurs, combien vos lois sont odieuses par l’horreur invincible qu’inspirent ceux qui les font exécuter; honorez au contraire votre Code d’une ioiaralogue à voire Constitution, propre à fortifier les sentiments qu’elle a voulu inspirer aux Français, d’une loi qui a fait la gloire et la sûreté des peuples anciens, d’une loi que le despotisme a bien osé promulguer avant -vous, et maintenir avec succès dans des pays voisins ; d’une loi que les peuples esclaves adopteront, si, comme vous, ils sont appelés un jour à fonder leur Constitution; d’une loi enfin sollicitée par cette opinion saine de tous les hommes éclairés, qui ont su dérober leur raison à l’influence des préjugés anciens et à celle des circonstances du moment. Plusieurs membres demandent l’impression du discours de M. Duport. M. le Président. Je mets aux voix la motiou de l’impression. (L’épreuve a lieu.) M. le Président. L’Assemblée décrète que le discours ne sera pas imprimé. Plusieurs membres représentent que la motion n’a pas été entendue et insistent pour que l’épreuve soit renouvelée. ( L’épreuve est renouvelée et l’Assemblée décrète l’impression du discours de M. Duport.) (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.) M. le Président. Un homme également connu [31 mai 1791.J par son éloquence et sa philosophie, M. l'aibbê Raynal, m’a fait l’honneur de passer chez moi ce matin; il m’a remis, en me priant de la présenter à l’Assemblée nationale, une adresse de lui ; elle est écrite avec toute la liberté qu’on lui connaît. En félicitant l’Assemblée de ses travaux, il ne l’adule point sur les fautes qu’il croit qu’elle a commises. L’Assemblée veut-elle en entendre la lecture. {Oui! oui!) M. Ricard de Séalt, secrétaire , lit cette adresse qui est ainsi conçue : « Messieurs, « En arrivant dans cette capitale, après une longue absence, mon cœur et mes regards se sont tournés vers vous. Vous m’auriez vu aux pieds de cette auguste Assemblée, si mon âge et mes infirmités me permettaient de vous parler, sans une trop vive émotion, des grandes choses que vous avez faites, et de tout ce qu’il faut faire encore pour fixer sur cette terre agitée, la paix, la liberté, le bonheur qu’il est dans votre intention de nous procurer. « Ne croyez pas, Messieurs, que tous ceux qui connaissent le zèle infatigable, les talents, les lumières et le courage que vous avez montrés dans vos immenses travaux, n’eri soient pénétrés de reconnaissance; mais assez d’autres vous en ont entretenus, assez d’autres vous rappellent les titres que vous avez à l’estime de la nation. Pour moi, soit que vous me considériez comme un citoyen usant du droit de pétition, soit que, laissant un libre essor à ma reconnaissance, vous permettiez à un vieil ami de la liberté de vous n ndre ce qu’il vous doit pour la protection dont vous l’avez honoré, je vous supplie de ne point repousser des vérités utiles. J’ose depuis longtemps parler aux rois de leurs devoirs; souffrez qu’aujourd’hui je parle au peuple de ses erreurs, et à ses représentants des dangers qui nous menacent. « Je suis, je vous l’avoue, profondément attristé des crimes qui couvrent de deuil cet Empire. Serait-il donc vrai qu’il fallût me rappeler avec effroi que je suis un de ceux qui, en éprouvant une indignation généreuse contre le pouvoir arbitraire, ont peut-être donné des armes à la licence? La religion, les lois, l’autorité royale, l’ordre public redemandent-ils donc à la philosophie, à la raison, les liens qui les unissaient à cette grande société de la nation française, comme si, en poursuivant les abus, en rappelant les droits des peuples et les devoirs des princes, nos efforts criminels avaient rompu ces liens? Mais qon, jamais les conceptions hardies de la philosophie n’ont été présentées par nous comme la mesure rigoureuse des actes de la législation. « Vous ne pouvez nous attribuer, sans erreur, ce qui n’a pu résulter que d’une fausse interprétation de nos principes. Eh ! cependant prêt à descendre dans la nuit du tombeau, prêt à quitter cette famille immense dont j’ai ardemment désiré le bonheur, que vois-je autour de moi? Des troubles religieux, des dissensions civiles, la consternation des uns, la tyrannie et l’audace des autres, un gouvernement esclave de la tyrannie populaire, le sanctuaire des lois environné d’hommes effrénés qui veulent alternativement ou Jes dicter, ou les braver; des soldats sans discipline, des chefs sans autorité, des ministres sans moyens, un roi, le premier ami de son peu plu, plongé dans l’amertume, outragé, menacé, dépouillé de toute autorité, et la puissance pu-ARCHÏVES PARLEMENTAIRES.