SÉANCE DU 1er JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (MERCREDI 17 SEPTEMBRE 1794) - N° 40 241 Voici le projet de décret que je vous propose (78) : La Convention nationale, sur la proposition d’un membre [Pons (de Verdun)], décrète qu’il est provisoirement sursis à l’exécution du jugement portant peine de mort, rendu par le ci-devant tribunal révolutionnaire, contre les nommées Saint-Pern, veuve Cornulier; Thomas, veuve Serilly; Marie-Anne Malicornay, Chambo-ran ; Gueniot, femme Mote ; Quingery, veuve Bauvilliers ; Blamont, Lecerle, veuve Labary ; auquel jugement avoit déjà été sursis par le tribunal, parce qu’elles s’étoient déclarées et avoient été reconnues enceintes, renvoie leur pétition aux comités de Législation, de Salut public et de Sûreté générale réunis, pour y être statué définitivement (79). PONS (de Verdun) : Maintenant, citoyens, permettez-moi de vous demander si vous n’avez jamais pu vous arrêter sans frémir à l’idée d’un être faible, d’une femme condamnée à mort, forcée en quelque sorte de la boire goutte à goutte, pendant un sursis de plusieurs mois, et sûre de la recevoir après qu’elle aura donné la vie ; l’humanité s’afflige, le but politique est manqué. Pouvez-vous compter sur la conservation d’un enfant dont la mère a passé tout le temps de sa grossesse dans une situation qu’il est impossible de se peindre? Vos cœurs et vos esprits sont pénétrés au premier mot de ces réflexions. Je demande que vous renvoyez à votre comité de Législation la proposition que je fais de décréter qu’à l’avenir aucune femme prévenue d’un crime emportant la peine de mort ne pourra être mise en jugement sans qu’il ait été vérifié et reconnu qu’elle n’est pas enceinte (80). Renvoie à son comité de Législation la proposition faite par le même membre, de décréter qu’à l’avenir aucune femme prévenue de crime emportant peine de mort, ne pourra être mise en jugement, qu’il n’ait été vérifié et reconnu de la manière ordinaire qu'elle n’est pas enceinte (81). Ces propositions sont vivement applaudies et décrétées (82). 40 La section des Tuileries [Paris] est admise à la barre, et après avoir témoigné (78) Moniteur, XXI, 784. Débats, n° 727, 513-514. (79) P.-V., XLV, 309. C 318, pl. 1287, p. 5. Décret n° 10 922 de la main de Pons (de Verdun), rapporteur. Moniteur, XXI, 784 ; Débats, n° 727, 513-514. (80) Moniteur, XXI, 784. Débats, n° 727, 514. (81) P.-V, XLV, 309. C 318, pl. 1287, p. 5. Décret non numéroté (C* II 20, p. 302) de la main de Pons (de Verdun), rapporteur. Moniteur, XXI, 784 ; Débats, n° 727, 514. (82) Débats, n° 727, 514. Moniteur, XXI, 784 ; J. Mont., n° 141 ; J. Fr., n° 723 ; Mess. Soir, n° 760 ; Ann. R. F., n° 289 ; M.U., XLIII, 508 ; Gazette Fr., n° 991 ; J. Perlet, n° 725 ; Rép., n° 272 ; F. de la Républ., n° 438 ; Ann. Patr., n° 625 ; C. Eg., n° 760 ; J. Paris, n° 626. son indignation contre les attaques portées ouvertement contre les sociétés populaires, témoigne son indignation contre les complots formés pour désunir les patriotes. Elle ajoute que c’est la faction d’Orléans qui revit et nous agite ; c’est sur le rejeton impur d’une tige encore plus impure que les fédéralistes et les puissances coalisées fondent leurs espérances : et termine en demandant qu’on punisse les fédéralistes, les aristocrates, les dilapidateurs, et qu’on protège les patriotes et les sociétés populaires. Le président répond à la députation, et sur la proposition d'un membre, la Convention décrète l’insertion au bulletin de l’adresse en entier et de la réponse du président (83). L’orateur : Citoyens-Représentans, Depuis cinq ans nous combattons pour la liberté. Nos enfans versent leur sang pour elle. Nous avions cru avoir détruit la tyrannie : nous avions cru avoir abattu le fédéralisme; la chûte et le supplice de Robespierre faisoient espérer que la République alloit arriver au port. Mais le royalisme et le fédéralisme osent lever une tête audacieuse ; un système de modérantisme se propage ; on parle ouvertement de dissoudre les sociétés populaires, comme si elles ne reposoient point sur les droits sacrés de l’homme, comme si elles n’avoient pas été jusqu’ici le boulevard de la liberté, les premiers remparts de la Convention nationale. Ces mêmes hommes, après avoir opéré la dissolution des sociétés populaires, iroient plus loin : bientôt ils ne manqueroient point d’attenter à la représentation nationale, et c’en seroit fait de la liberté. Citoyens-représentans, vous ne l’ignorez pas, c’est la faction d’Orléans qui revit et nous agite ; c’est sur le rejeton impur d’une tige plus impure encore que les fédéralistes, les aristocrates et les puissances coalisées fondent leurs criminelles espérances : On veut nous désunir, on veut nous isoler; mais nous avons juré l’imité et l’indivisibilité de la République, et le faisceau de la liberté ne se brisera jamais dans nos mains. Au nom de la patrie, au nom de nos braves enfans qui combattent et triomphent pour elle, prenez des mesures justes et vigoureuses. Punissez les fédéralistes, les aristocrates, les dilapidateurs des deniers publics; protégez les patriotes, protégez les sociétés populaires : le peuple s’est toujours rallié à vous, il est là pour vous soutenir; concevez toute sa force, concevez la vôtre. Fermeté, justice, courage, et vous aurez encore une fois sauvé la chose publique. [Ce discours est applaudi .] (84) (83) P.-V., XLV, 309. (84) Moniteur, XXI, 784. Le J. Mont., n° 141 indique de vifs applaudissements.