[Axsembléa national©-! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 mai 1T91.J 573 rieare à celle de la personne morale du gouvernement, ce qui eet impossible, ou bien il faudrait rompre ruuité de cette personne morale, et faire du roi et de ses ministres des êtres distincts, ce qui est absurde, ou bien enfin, on tomberait dans Pinçon vénient des gouvernements mixtes, qui meurent bientôt avec la liberté. On m’a objecté à cela la responsabilité des ministres, et ou dit que puisqu’ils sout responsables, ils doivent être jugés. Mais ne sent-on pas que la responsabilité ne peut être qu’une loi provisoire pour arrêter les abus, en attendant le nouveau plan de gouvernement que nécessite notre nouvelle législation; car il ne serait pas plus sage d’adapter l’ancien gouvernement à nos nouvelles lois fondamentales, que de vouloir que l’habit d’un enfant lui servît encore dans l’âge de la maturité. La responsabilité ne prouve donc rien. Eolin, à mesure qu’on approfondit cette question, on est toujours plus convaincu que le seul juge du gouvernement est la nation... C’est ainsi ue cela se pratiquait chez les Germains... L’amour e la liberté et l’énergie de ce peuple nous assurent que nous ne nous conduirons pas indiscrètement en l’imitant. DEUXIÈME ANNEXE À LA SÉANCE DE L’ ASSEMBLÉE NATIONALE DU MERCREDI 4 MAI 1791. PRÉCIS HISTORIQUE sur les désordres arrivés à Nîmes (présenté à l’Assemblée nationale par le ministre de la justice). Il y a près d’un an que quelques boute feux établis à Nîmes n’épargnent rien pour y semer la division et pour arrêter le cours de la Révolution; la religion leur en a fourni le prétexte et le moyen. Nimes renferme 54,000 âmes et les protestants y font le quart de cette députation, selon le calcul même des chanoiûes, dans leur mémoire en faveur de la religion. On a répandu dans cette ville des écrits incendiaires et qui invitaient au massacre. On a fait des processions et des visites à une croix, célèbre par ses miracles, placée à deux lieux de la ville. Dès le mois d’août dernier, après que les citoyens des deux religions eurent formé des compagnies où ils étaient indistinctement confondus, quelques séditieux formèrent des compagnies toutes catholiques et forcèrent le comité permanent de les accepter. Ce fut le levain de Ja division et l’on en a excité la fermentation dangereuse. Ces compagnies, dirigées par des prêtres et des ex-jésuites, avaieat d’abord arboré la croix à leurs chapeaux. On vit que c’était trop se démasquer, on la leur fit ôter. Mais les conventicules, les conférences nocturnes, la correspondance des boute-feux avec d’autres personnes, d’autres villes du Languedoc entretenaient l’animosité que l’on se proposait de conduire jusqu’à une rupture ouverte. Quand le temps de former la municipalité fut venu, les boute-feux n’épargnèrent rien pour empêcher les protestants d’y entrer. Ils feignirent de redouter la supériorité de ceux-ci, qu’ils conviennent n’être que le quart des habitants ; ils formèrent des assemblées chez des prêtres. Les pénitents et les congrégations, dont cette ville est remplie, s’engagèrent par serment de ne donner leur voix à aucun protestant. Ces moyens ne suffisaient pas, parce que les protestants ne sont pas seuls patriotes dans cette ville, et qu’il fallait remplir la municipalité d’antipatriotes. On réunit à la communauté de Nîmes cinq villages qui en font la banlieue et ui auraient dû faire des communautés séparées. n prépara des listes; on inonda les sections d’habitauts de la campagne; on pratiqua des moyens d’adresse et de violence pour former la municipalité comme on le désirait; elle le fut selon les listes. Des intérêts particuliers et de vieilles haines avaient dirigé les choix. M. de Marguerittes, député à l’Assemblée nationale, fut élu maire. C’était ce même M. de Marguerittes qui avait été mal vu dans son pays, parce que, ayant le mandat de voter par tête, il n’avait point passé à l’Assemblée nationale avec la minorité de la noblesse. Il demanda congé à l’Assemblée nationale pour aller passersix semaines dans sa ville, prendre sa place etjonirde sontriompne : c’était le 6 mars. Il aurait dû être de retour le 18 avril ; mais il écrivit à l’Assemblée nationale pour demander une prolongation de trois semaines; elle ne l’accorda pas : c’était un refus, et M. le maire y est encore. Le jour où le maire et les officiers municipaux devaient prêter sprment, on le fit avec pompe non pas dans l’hôlel-de-ville, mais dans une place hors de la ville, toutes les compagnies de la légion étant sous les armes. Plusieurs, et c’étaient des catholiques, s’étaient armés de fourches fabriquées exprès, dont on devait armer les catholiques de Nimes, d’Uzès et d’Alais. Le commandant, qui les avait défendues, voulut les faire poser, il fut insulté; il voulut donner sa démission. Ce fait devint la cause d’un tumulte dont la religion fut le prétexte. En effet, le lendemain, à l’ordre, le3 sergents ayant fait des reproches à un de ces sergents à fourche, de ce qu’il avait désobéi en la portant, il répondit que M. le maire le lui avait permis. On lui dit que cela n’était pas vrai. Un des sergents, tonnelier de son métier, malheureusement protestant et, comme les séd tieux les appellent, Gorge-noire , le prit au collet et lui dit : Allons chez M. le maire pour savoir si cela est vrai. Ou l'y mena. M. le maire dit qu’il ne lui avait pas permis et il le condamna, pour punition, à une ..... demi-heure de prison. Get homme sorti, il se forma un attroupement composé de ses amis. Ils se rendirent, sur les 11 heures du soir, chez le tonnelier avec une potence. Celui-ci se sauva par les derrières de sa maison. Les femmes donnèrent l’alarme dans le q artier, l’attroupement se dissipa cour aller se réunir sur une place voisine. Là il attendit les personnes qui se retiraient. 11 laissait passer les catholiques; il battait les protestants. Deux hommes furent grièvement battus et deux autres blessés dangereusement, un d’entre eux d’un coup de couteau. La municipalité n’en tint aucun compte et ne fit ni recherches ni proclamation. C’est de ces assassinats qu’a sans doute voulu parler l’auteur du Nouveau Complot découvert . Il s sont antérieurs et non nostérieurs à la nomination de M. Rabaut-Saint-Etiem.e à la présidence. Il a été mal instruit en cela, mais les assassinats n’en sont pas moins vrais; ce n’en est pas moins la religion qui en a été le prétexte, puisque les assassi u s laissaient passer les catholiques et mal- 574 (AsMiftbléç naUonale.] AKCIUYE8 BABLEMF.NTAiRES-[4 mi 17914 traitaient les protestants. Ges faits sont connus de toute la ville de Nîmes, hors de la municipal lité, et le procureur du roi poursuivit dès lors ces délits. Cependant la municipalité les a déniés, fondée sans doute sur l’anachronisme de l’auteur de la brochure, et elle avance hardiment que les citoyens de Mmes ne se sont point souillés des crimes atroces qu’on ose leur imputer , tandis qu’ils s’en sont souillés; qu'ils n'ont pas cessé de vivre en frères, tandis qu’elle est le témoin journalier d’une scission marquée. Elle désavoue hautement les atrocités imputées aux citoyens de Nîmes et atteste à toute l'Europe qu'il est faux que les catholiques de cette ville se soient portés contre les protestants à aucun excès , tandis que le procureur du roi informe publiquement contre ces excès. Elle désavoue les placards contre l'Assemblée nationale et son Président, tandis que cent témoins lui soutiendraient que ces placards ont été affichés, arrachés et aftichés de nouveau. M. l’évêque de Nîmes qui a fait réimprimer la délibération du conseil général de la commune de Nîmes, qui l’a distribuée à MM. les députés à l’Assemblée nationale, n’a pas été bien instruit des faits. Les 30 et 31 mars, les légions d’Orange et de Saint-Hippolyte invitèrent celle de Nîmes à envoyer une députation à chacun des deux camps fédératifs qu’elles formaient. La légion de Nîmes délibéra et, vu les dispositions des esprits, elle n’envoya point de députation, mais une adhésion à la fédération et au serment civique. La municipalité loua beaucoup le zèle des légions de Saint-Hippolyte et d’Orange et blâma la légion nîmoise d’avoir délibéré sous la municipalité. Les Nîrnois n’envoyèrent point de soldats nationaux à ces deux camps fédératifs. Le 6 avril, 4 hommes arrêtèrent un protestant et, le traitant de gorge-noire, ils lui portèrent l’un un coup de pierre à la tête, un autre un coup de sabre sur l-col; il fut meurtri et mutilé : le procureur du roi y fit une descente le 7 ; le 22, la municipalité n’en savait rien encore, à ce qu’il paraît par sa délibération. Lo 8 avril, le maire reçut, dit-il, l’avis (qui était faux) que les habitants d’un canton voisin, appelé la Yaunage, dont la plus grande partie est protestante, devaient venir tuer les catholiques de Nîmes; il n’en douta point, il alla faire patrouille sur le chemin, et il ne vit rien. Cependant on a mis, depuis lors, des troupes en garnison dans celte contrée, où l’on n’en avait pas vu depuis longtemps : les uns disent que cmst pour empêcher les habitants de la Vaunage de tuer les catholiques de Nîmes ; d’autres, que c’est pour les empêcher de venir au secours des patriotes Le 9 avril, M le maire proposa à la municipalité de demander au roi et à l’Assemblée nationale la conservation de l’évêché et du chapitre cathédrale de Nîmes; fondé sur ce qu’un grand nombrede citoyens d’Alais l’avaient déjà fait pour leur ville; il faisait allusion à l’adresse intitulée : Des catholiques d’Alais. Deux notables souhaitaient qu’on demandât aussi la conservation des religieux des deux sexes. M. le maire observa qu’il fallait se borner aux deux premiers objets, parce-que l’Assemblée nationale, dont il était membre, avait décrété le sortdes religieux ; qu’il avait signé lui-même ces décrets. Le 13 avril, on répandit dans la ville un libelle incendiaire contre les bons patriotes, contre la fédération armée, contre son chef, contre M. de la Fayette, où la religion était toujourspour quel* que chose, où l’on se moquait de la fédération nationale, où l’on annonçait que les villes et les villages du bord du Rhône feraient de leur côté une confédération toute catholique, qu’on imposerait aux habitants de la Yaunage, de la Gardon-nenque et des Gévennes. Dans ce temps-là paraissait le mémoire du chapitre de l’église cathédrale de Nîmes, pour demander d’être conservé. Il dit que « cette contrée « est dans le calme ; que ce calme tient à ne pas « dépouiller les uns eu même temps qu’on inves-« lit les autres-, à ne pas diminuer les ressources « du vrai croyant, tandis qu’on croit de la jus-« tice d’augmenter celles du partisan de l’erreur; « en un mot à ne pas détruire tout ce qui tient à * la catholicité, tandis que l’incrédulité et l’a-« théisme cherchent à s’établir sur ses ruines ». Cependant, ce chapitre s’assure qu’il sera conservé : « II attend tout d’une nation qui ne doit « sa véritable grandeur qu’à la religion catlioii-« que ; d’une nation dont le trône est si dévoué < à la foi depuis Clovis, que le droit de la proté-« ger est devenu, de tous nos litres, le plus hono-<« rable et le plus auguste. La municipalité aspirait à dominer la légion nîmoise, et tendait à la désarmer. Pendant que les gens de la croix , les contre-révolutionnaires faisait faire des fourches de fer et des haches, la municipalité prétendait que, par la destruction des comités permanents, elle leur était substituée , et que le comité ci-devant devant diriger la légion, la municipalité devait la diriger aujourd’hui. En conséquence, ce même jour 13 avril, «■lie fit un règlement provisoire, dont l’objet était de diviser b s compagnies entre elles, et qui donnait la prépon lérance à la minorité sur la majorité. Il défendait anx officiers de faire aucune adresse sans la participation de lamunicipa-lité. Il était combiné de manière que la municipalité aurait armé et désarmé qui elle aurait voulu. Enfin, il enjoignait à la légion, de prêter à la municipalité, outre le serment porté par les décrets de l’Assemblée nationale, un serment particulier au conseil général de la commune, ordonnant que ceux qui s’y refuseraient, seraient remerciés par la municipalité. Les légionnaires patriotes fré mirent. S’ils prêtaient le serment, ils connivaient à un abus d’autorité; s’ils ne le prêtaient pas, ils étaient remerciés et désarmés, et leurs armes étaient remises aux antipatriotes. Le club des amis de la Constitution s’assembla; il fit une pétition à la municipalité; il envoya une adresse à l’Assemblée nationale. Les légionnaires en firent autant et cette affaire est au comité des recherches. Mais elle pouvait traîner en longueur; le serment, délibéré le 13, devait être prêté entre le 15 et le 22, sinon ils allaient être désarmés. Les légions antipalriotes l’avaient prêté sans examen au moment de l’affiche; les légions patriotes se décidèrent, pour garder leurs armes et n’êtrepas désorganisées, à prêter ce serment provisoirement. La municipalité perdit le fruit de son réglement. C’est à cette époque ignominieuse que les rues retentissaient des cris des ennemis de la Constitution : » Vive le roi! à bas la nation f au bout de mon sabre, les gorges-noires ! r Le 15 avril, le journal de Nîmes rendit compte d’un fragment incendiaire de sermon, faussement attribué au père Bouchon, jacobin, qui avait prêché à Marseille. Le journal affirmait que le fragmeat n’était point incendiaire, qu’il était [Assemblée national*.] ARCiUVBS PARLEllENTAlttES. (4 mai 1791] seulement imprudent. Nous le citons en note (1), et nous annonçons que le père Bouchon a désavoué ce fragment entre les mains de MM. les officiers municipaux de Marseille. 11 était très propre à échauffer les esprits contre l'Assemblée nationale et contre les citoyens patriotes. Le bruit des vexations de la municipalité contre les patriotes s’était répandu dans les Cé-vennes, on y avait été piqué de ce qu’elles avaient empêché la légion nîmoise d’envoyer une députation au camp fédératif de Saint-Hippolyle. Gette fédération envoya un dragon d’ordonnance avec une lettre qui témoignait le mécontentement des Cévenols, contre la municipalité. Il dit qu’ils étaient disposés à donner du secours aux opprimés, quels qu’ils fussent; qu’ils étaient 30,000 hommes endurcis à la fatigue, qui ne craignaient ni la faim ni la soif, et qu’il était dangereux de mécontenter. Il leur fut répondu, par la municipalité, que le bon ordre et la fraternité régnaient dans la ville ; que, s’ils étaient troublés, la municipalité savait qu’elle pouvait compter sur leurs bous offices, ainsi que sur ceux de leurs voisins des bords du Rhône, et surtout de la ville d’Arles, leur ancienne amie. Cela signifiait que les villes d’Arles et celles du Rhône étant toutes catholiques, on les opposerait aux Cévenols, qui sont la plupart protestants et, pour dire le mot, qu’on aurait une guerre de religion. Mais les villes du Rhône sont patriotes zélés et elles se sont expliquées formellement sur leurs intentions très opposées à celles de la municipalité. Le 19 avril, on lâcha, dans la place aux Herbes, un homme en habit de dominicain qui demandait l’aumône et qui disait que, l’Assemblée nationale les ayant tous dépouillés, il fallait bien qu’ils demaudass nt leur pain. Le peuple criait à l’injustice. On recueilliice pauvre homme à l’évêché et on lui donna à dîner. Un Parisien, établi à Aimes, bon patriote, et de ceux qui ne prêtaient à la municipalité qu’un serment provisoire, étant allé remplir à regret celte formalité, fut insulté, au retour, par un des ennemis de la Constitution, homme du plus bas peuple. La querelle s’était engagée; ils étaient tous deux armés; et au moment que la femme du Parisien et ses amis le retenaient et l’entouraient, l’autre misérable le blessa au bras. Les insultes étaient journalières contre les patriotes qu’on affectait de dire protestants ou vendus aux (1) Peuple! écoutez la voix du Seigneur! Vous avez brisé les liens de l’indépendance. Un glaive exterminateur ravage le sanctuaire; des mains sacrilèges secouent et renversent le trône de vos rois. Les giauds de l’empire, que la Providence avait places au-dessus de vous, pour être vus défenseurs et vos pères, sont dispersés, exilés, bannis de leur patrie ! Vous faites trembler par vos attentats ceux qui ont encore le courage d’être dans vos cités. L’on vous dit qu’on travaille à votre bonheur, qu’on va opérer une régénération qui essuiera vos larmes.... Ou vous trompe.... Si vous l’avez oublié, je vous le rappelle au nom de Dieu et de la religion ; les rois et les grands sont établis par la Providence ; les différents ordres dans l’Etal sont l’ouvrage de la sagesse ; malheur à ceux qui concourent à détruire cette harmonie si nécessaire à la prospérité des empires et si conforme aux vues de la divinité!... Oh! mon peuple, je vous en conjure au nom de la société, écoutez la voix île la douceur et de la raison. Les nations rivales se félicitent do nos malheurs, et vous voudriez être l'instrument aveugle de leurs victoires ! Je n’écoule ici que mon devoir : si l’ou veut une victime, me voici ; si mes discours vous déplaisent, me voilà; frappez ma tête. Je mourrai sans regret, martyr du zèle apostolique, et je ne survivrai as du moins aux malheurs de la France et à la défaite e la religion. 575 protestants. 11 y avait aussi, tous les jours, des assemblées secrètes chez uu curé aristocrate, ou dans l’église des Pénitents. La municipalité a ignoré tous ces faits. Le 20 avril parut la délibération des citoyens soi-disant catholiques de Nime3, qui a été vendue aux portes de l’Assemblée nationale et envoyée à la plus grande partie des municipalités du royaume, monument d’extravagance, d’hypocrisie et d’insolence envers l’Assemblée nationale et envers le roi. On y dit que les ennemis du bien public, de la paix et de l’ordre font tout leur possible pour égarer l’Assemblée nationale; qu’ils semblent vouloir renverser le trône et l’autel pour s’élever sur leurs ruines; que l’autorité royale est absolument nulle depuis le séjour du roi à Paris; que ce séjour imprime quelque défaveur sur les opérations de l’Assemblée nationale. On y demande que la religion catholique, apostolique et romaine soit déclarée la religion de l’Eiat; qu’il ne soit fait aucun changement ni aucune suppression dans la hiérarchie ecclésiastique; que ces changements ne puissent être faits que parles conciles; que l’Assemblée nationale soit suppliée de rendre au roi le pouvoir exécutif; que le roi discute de nouveau les décrets qu’il a sanctionnés depuis le 19 septembre et qu’il les sanctionne de nouveau, s’il le juge nécessaire. Plu-ieurs municipalités du royaume qui ont reçu des exemplaires de cette adresse, avec invitation d’y adhérer, l’ont dénoncée à l’Assemblée nationale. La municipalité de Nîmes a gardé le silence. Le 21 avril, les légions patriotes prêtèrent le serment provisoire; 20 compagnies, formant 1,400 hommes, remplirent celte anticonstitutionnelle formalité. Elles criaieut au retour : Vive la nation! Vive la loi! Vive le roi! Des spectateurs attroupés leur répondaient : A bas la nation! Vive le roi! La nation n'est plus rien! Les légions se rendirent aux caserne-, où elles donnèrent une chamade au régiment de Guyenne. Les officiers de la légion, mêlés aux soldats du régiment, dansèrent un branle du pays; tous se confondirent; la joie fut générale et la fête finit par un souper. Le 22 avril, la municipalité se mit fort en colère contre une brochure imprimée à Paris, qui parlait des placards et des assassinats de Aimes; mais l’auteur de la brochure intervertissait l’ordre des dates et mettait les assassinats après les placards, tandis qu’ils les avaient précédés. La municipalité dénia les uns et les autres, quoiqu’ils fussent très avérés. Elle dit que les citoyens n’avaie it pas cessé de vivre en frères, tandis que le sang avait coulé sous prétexte de religion. Elle racontait que le consul Yillars avait prévenu le massacre de la Saint-Barthélemv à Nîmes, et l’on se demandait où était le consul Yillars. Elle vouait l’auteur de la brochure et ses complices à l’exécration publique, et il n’avait dit que la vérité. C’était dans ce temps-là même que, quand dix hommes rencontraient un des patriotes, ils le menaçaient de l’éventrer, de le pendre, en l’appelant gorge-noire. Ils pariaient journellement d’un pro haiu massacre général, la municipalité seule ignorait tout. Le 23 ou le 24 parut un libelle incendiaire, intitulé : Avis important à l’armée française. Cet écrit fut lancé au milieu du régiment de Guyenne pour le détacher de la cause du peuple, pour laquelle il avait témoigné tant d’attache- 576 (Auemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [4 mai 179f.J ment. On y dit à l’armée qu’elle va être divisée en 83 sections ; qu’elle n’aura plus de camarades ni de patrie; gue les officiers et les soldais seront soumis aux officiers municipaux gui les feront aller et venir à leur gré. On leur disait de ne pas craindre que l’Assemblée nationale diminuât leur paye, parce qu’on aurait qu’à verser dans leur caisse le produit des impôts, et qu’alors il n’y avait point de garde nationale qui pût leur résister. Les soldats et les bas-officiers du régiment de Guyenne étaient bien au-dessus de ces lâches suggestions, et ils ont prouvé, peu de jours après, qu’ils n'avaient pas donné dans ce piège grossier. La municipalité n’informa point contre ce libelle. Le 27 avril, 162 citoyens actifs dénoncèrent à la municipalité cet écrit incendiaire adressé à l’armée française et plusieurs autres libelles dont le pays était inondé. Ils la suppliaient, dans cette pétition, d’éclairer le peuple et de lui faire connaître, les bienfaits de la nouvelle Constitution. Ils disaient au maire : « Vous qui, coopérateur des travaux de l’Assemblée nationale et témoin de son union intime avec un monarque adoré, avez entendu les plus belles paroles qui soient jamais sorties de la bouche d’un roi; vous qui nous avez retracé d’une manière si touchante ce discours à jamais mémorable qui garantit la Constitution et scelle notre bonheur, ne permettez pas qu’on publie autour de vous que le restaurateur de la liberté française n’est pas libre ; démentez les assertions injurieuses aux représentants delà nation ». Ils disaient au corps municipal en lui demandant une demande authentique : « Nous la demandons avec celte instance respectueuse que nécessi e l’intérêt dont nous nous occupons, et le caractère dont vous êtes revêtus. Qu’une ordonnance, émanée de votre autorité, désapprouve ces écrits, marqués au coin de la discorde et de l’imposture, que nous vous faisons connaître. Que les auteurs des querelles funestes, dont nous gémis�ns, soient recherchés et poursuivis. Que ces dénonciations injurieuses, qui séparent et outragent les citoyens, soient interdites et punies ». La municipalité délibéra qu’il n’y avait pas lieu à délibérer. Le 26, le 27, le 28, quelques légionnaires anti-patriotes arborèrent la cocarde Planche; le silence de la municipalité les enhardissant, leur nombre s’accrut de quelques-uns de ceux qui avaient signé la délibération prise chez les pénitents. On commença à crier dans les rues : A bas la nation! Vive le roi! Vive la croix! On annonça publiquement que la cocarde blanche serait arborée le dimanche suivant. La municipalité continua de ne rien voir. Le samedi, 1er mai, quelques légionnaires allèrent planter un mai devant la porte de M. le maire, ils portaient des cocardes blanches; M. le maire les accu» illit fort bien. Les cocardes blanches furent portées ce jour-là par beaucoup de personnes; la municipalité ne s’en formalisa point et ne songea pas à en prévenir les suites inévitables. Le lendemain matin, 2, M. le maire donna à déjeuner à trente des légionnaires à cocarde blanche, le maire ne leur fit point quitter la cocarde. Les soldats du régiment de Guyenne furent plus patriotes, car dans le même temps quelques légionnaires de l’espèce antinationale allèrent au quaitier pour y emprunter des tambours et des baudriers; ils portaient des cocardes blanches. Le sergent leur dit qu’il ne les connaissait pas, qu’ils ne portaient pas le signe de la nation. 11 leur signifia de quitter la cocarde; qu’autrement il les ferait arrêter. Ils répondirent que c’était la cocarde royale, qu’ils n’en connaissaient et n’en porteraient point d’autres. Le sergent leur répliqua qu’on ne connaissait en France qu’une cocarde, celle que le roi avait envoyé à ses troupes, qu’il portait lui-même ainsi que tous les bons sujets. Les légionnaires antinationaux se retirèrent. La municipalité fut instruite de ces faits; elle ne donna aucun ordre contre la cocarde blanche, qui fut portée tout le jour. Il faut maintenant détailler les faits de cette journée. C’était un dimanche, jour où tout le peuple se rend dans les allées d’une promenade appelée le Cours. Sur les cinq ou six heures du soir, quelques soldats s’y promenaient aussi; l’un d’eux ren* contre un légionnaire à cocarde blanche, il lui dit de la quitter; le légionnaire répond qu’il est aristocrate ; le soldat indigné lui arrache la cocarde et la foule aux pieds. Le légionnaire appelle des camarades, le peuple poursuit à coups de pierre tous les soldats qu’il trouve ; ceux-ci se rallient, fondent à coups de sabre sur les assaillants; on s'attaque avec chaleur, les légionnaires des deux partis se battent entre eux. Ce combat dura deux heures à diverses reprises; il y eut plusieurs blessés de part et d’autre. Pendant ce temps-là, les municipaux avertis s’assemblent et délibèrent : ils se décident enfin à signer une délibération contre la cocarde antinationale; ils annoncent même qu’elle sera proclamée; ils se rendent enfin sur le lieu du combat, et se donnent beaucoup de soins pour apaiser avec peine un tumulte que depuis longtemps ils avaient été invités à prévenir. M. le maire harangua le peuple, on l’applaudit; la nuit survint, et chacun se retira. M. le maire fit faire une patrouille par la ville; il consacra à la délicate fonction de veiller à la tranquillité des citoyens une de ces compagnies de la Croix, une compagnie à cocarde blanche, qui avait été cause du désordre. La nuit cependant lut tranquille. Le lendemain 3, les municipaux informèrent sur la rixe de la veille; ils firent porter des soldats de la Croix, blessés, sur des brancards à l’hôtel de ville, ce qui ranima la chaleur du peuple; ils reçurent les dépositions des journaliers agresseurs; ils firent proclamer une défense de s’attrouper. Sur le soir il y eut de nouveaux attroupements de la part des compagnies de la croix; plusieurs hommes, tous journaliers, se rassemblèrent devant le collège où les officiers de la légion avaient voulu se réunir; ce qui obligea les patriotes, qui étaient les plus faibles, de se retirer; plusieurs même furent insultés. Un autre attroupement de malintentionnés se forma sur la place des Récollets. Ceux-ci étaient armés de fusils et de sabres, car les soldats de la Croix ont leurs armes, et les armes des légionnaires patriotes sont en dépôt chez les capitaines. Ils arrêtaient les patriotes, les battaient, les maltraitaient; ils blessèrent plusieurs personnes: un chasseur de Guyenne eut le poignet coupé. La même scèue se passait dans un autre quartier tout habité par du peuple; les patriotes, les soldats de Guyenne étaient assaillis et blessés à coups de fusil ou autres armes. On court aux officiers municipaux : leur devoir était de publier la loi martiale; on leur demande de permettre aux compagnies de s’armer et de sortir, ils s’v refusent; mais le maire se porte partout avec beaucoup de célérité, il voit 577 l Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 mai 1791.] cet affreux désordre, il harangue partout : « Mes amis, la paixl là paixl je vous en conjure. » On ne l’écoute pas, et il ne remédie à rien. Après sa retraite, la rixe continua. La nuit survint, le tumulte finit, mais on entendait crier dans les rues : Vive le roi! Vive la croix! A bas lanation! Vive l'aristocratie ! Le lendemain matin 4 devait nécessairement être une scène de carnage. M. de Bonne de Les-diguières, lieutenant-colonel du régiment de Guyenne, voyant qu’il ne pourrait plus être maître desessoldats, que les officiers avaient jusque-là contenus, et voulant prévenir les maux qu’il prévoyait, se rendit, dès les six heures du matin, à l’hôtel de ville. Il signifia au maire que s’il ne faisait proclamer incessamment la loi martiale, il ne répondait ni de son régiment ni des suites. Il exigea même que le maire se fît accompagner de (feux compagnies, des bonnes, et non pas de celles de la Croix. Cet acte de ri-gueur et de patriotisme de la part de M. de onne décida le retour de l’ordre. La loi martiale lut proclamée à dix heures du matin; le maire fut escorté de deux compagnies patriotes. Le temps de la douceur est passé , ait éloquemment le maire, celui de la rigueur est venue, la loi martiale est proclamée. Le drapeau rouge fut promené ; le peuple obéit; M. le maire fit des harangues partout; le soir, tout fut calmé. M. de Bonne promit à ses soldats que les coupables seraient punis. On s’embrassa dans les rues, et l’on n’entendit plus que ces cris : Vive le roi! Vive la loi! Vive la nation ! La rigueur de M. de Bonne, la bravoure des soldats de Guyenne ont sauvé la ville. Les officiers municipaux ont écrit à M. le Président de l’Assemblée nationnale, qu’on devait cette réunion auxsoins infatigables de M. le maire, que toutes les corporations ont prié de retarder son départ pour l’Assemblée nationale! Ils racontent que ce qui avait occasionné les rixes du 4, c’éiait la sortie du quartier de quelques bas officiers ou soldats du régiment de Guyenne. Ce qui a causé toutes les rixes, c’est le fanatisme hypocrite de la Croix, la double aristocratie du pays, et la connivence de la municipalité. TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU MERCREDI 4 MAI 1791. Liste TRÈS EXACTE des membres de l'Assemblée nationale qui ont répondu à l’appel nominal le 4 mai sur le premier article proposé par les comités réunis diplomatique et a' Avignon (1), conçu ainsi : « La ville a’ Avignon, le Gomtat Venaissin et leurs territoires font partie intégrante de l’Empire français. » Le Président posa ainsi la question : Ceux qui seront de l’avis de l’article proposé par le comité diront : oui ; ceux qui ne seront pas d’avis, diront : non. (1) Noos extrayons cette pièce d’un recueil de documents réunis sous le titre ae Constitutions politiques, tome LXV. lrt Série. T. XXV. BOUCHES-DU-RHONE ( Marseille ). Non. De Clapier. Cousin, curé. Davin, curé. Dulau, archevêque d’Arles. Marquis de Clermont-Lodève. Poe h et. L’abbé Poulle. Fondchateau, ( Provençal , marquis de). L’abbé Royer. L’abbé de Villeneuve-Bar-GEMONT. Oui. Bonnemant, juge. Bouche, avocat. Boolouvart, négociant. Bouvier. Castellankt. Dumas. Durand-Maillane. CALVADOS (Caen). Non. Oui. De Ladnay. De Cussy. Dufresne, curé. Flaust. L’abbé de Griedx. Lamy ( l’ainé ), négociant. Baron de Wimpfen. CANTAL ( Saint-Flour ). Non. Oui. Bertrand, avocat. Bigot de Vernière, curé. Baron d’AuRiLLAC. Lescurier. Lollier, curé. Baron de Rochebrune. Armand, avocat. Daude. Devillas. Hébrard, avocat. CHARENTE (Angoulême). Non. Augier, négociant. Comte de Culant. Marchais, juge. Roy, avocat. Leborlhe de Grandpré, curé. Oui. POUGEARD DU LlMBERT, ffltfO-cat. CHARENTE-INFÉRIEURE (Saintes). Non. Oui. De Bonnegens. Alquier. LecomteDEBRÉMOND-D’ARs. Augier, négociant. Garesch ë. Griffon de Romagné. Labrousse de Beauregard, prieur-curé. Landreau. De La Rochefoucauld-Bayers, évêque de Saintes. Lemercier. Vicomte de Malartic. Pineuère, curé. Point de voix. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angély). CHER (Bourges). Non. Marquis de Bouthillier. Chastenet de Puységur, archevêque de Bourges. Vicomte de La Merville. Salle de Choux, avocat. Thoret, médecin. De VlLLEBANNOlS, CUfé. Yvernaült, curé. Oui. 37