[Assamblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 janvier 1791-1 Blein repartit le lendemain de grand matin, et le sieur Borie peu de temps après lui. M. de Bussy convient qu’il a eu, avec le sieur Blein, une conversation particulière; il dit que le sieur Blein l’a instruit des bruits circulant à Valence au sujet des uniformes, et qu’il l’a prié de repartir promptement, de retourner à Valence, pour y détruire tous ces bruits, eu disant la vérité. Enfin, Messieurs, nous croyons devoir vous parler d’un fait qui n’a rien changé à notre opinion, sur lequel nous ne vous proposerons aucune disposition particulière, et qui peut seulement prouver que M. de Bussy avait dans son voisinage des ennemis qui voulaient le perdre. Un nommé Meiziat, habitant de Romanèche, gagné, à ce qu’il a dit depuis, par un nommé Bévillon,de Mâcon, a fabriqué deux lettres : l’une, signée le comte d’Artois, la seconde, de Mon-trevel, destinées toutes deux à faire paraître des liaisons criminelles entre les deux prétendus signalaires et M. de Bussy. La fraude a été découverte : le nommé Meiziat l’a avouée, en la traitant de plaisanterie; ce qui lui a attiré une sentence de police de la municipalité de Romanèche, qui le condamne en 50 livres d’amende. Un faux de ce genre, qui tendait à compromettre gravement l’honneur d’un citoyen, nous a paru un grand crime; mais nous avons cru que la poursuite de ce délit privé appartenait essentiellement à M. de Bussy. Toutes les explications données par celui-ci et les détenus nous ont paru, Messieurs, plausibles et satisfaisantes : nous ne pouvons pas scruter les intentions des hommes; leurs actions seules sont soumises à notre jugement. Nous avons trouvé, dans leurs réponses, séparées, et que, très difficilement au moins, ils ont pu concerter, de l’uniformité, et, par une conséquence naturelle, de la bonne foi. Le projet de défendre ses propriétés et celles d’autrui, quoique très légitime et très louable en soi, n’autorisait cependant pas M. de Bussy à faire faire des uniformes à ses amis; mais, dans les circonstances présumées où il se trouvait, était-ce un délit? Nous ne le croyous pas. Un crime de lèse-nation? encore moins : c’était une imprudence grave qui l’exposait à tous les soupçons et à tous les déplaisirs qui en ont été la suite. Mais vous penserez peut-être, comme nous, que trois mois de détention sont une réparation suffisante de cette faute. Nous venons d’exprimer notre opinion sur l’affaire de M. de Bussy et des autres détenus : mais qu’il nous soit permis de saisir encore cette occasion d’apprendre aux ennemis de la patrie que toutes leurs tentatives seront vaines, et qu’il n’est pas une seule de leurs démarches qui ne soit éclairée par mille regards. Sans doute, nous n’avons pas le droit d’exiger le sacrifice de leurs opinions; mais nous avons celui d’exiger leur soumission : la liberté publique, notre repos et leur propre intérêt la leur commandent impérieusement. Nous vous proposons, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait, au pour de sou comité des recherches, décrète que le roi sera prié de donner des ordres ali n que les sieurs Mignot, dit de Bussy; Dubost, dit de Gursieux ; Muzi, Girier, dit des Fontaines; Chanu, Loin pré, Sur-van, Platel frères, Borie et Besse, dit la Montagne, actuellement détenus aux prisons de l’abbaye de Sainl-Germain-des-Prés, soient mis en liberté, et lra Série, T. XXII. 97 que tous leurs effets leur soient respectivement rendus sous leurs décharges.» (Ge décret est adopté.) L’ordre du jour est la discussion d'un projet de décret du comité d'agriculture et de commerce , relatif à une pétition des pêcheurs français. M. Delattre, rapporteur du comité d'agriculture et de commerce (1). Messieurs, par votre décret du 14 mai dernier, vous avez défendu l’entrée en France du sel étranger ; aujourd’hui, les pêcheurs français viennent vous demander la liberté de s’en approvisionner provisoirement et pour la saline de leur poisson seulement. Leselentre pour beaucoupdans la grandepêche; sans cet agent, il n’y aurait point de grandes pêcheries; c’est un fait incontestable. Il est donc d’une essentielle importance aux pêcheurs français de se procurer le sel avec facilité, à bon marché, et de la meilleure qualité possible. Si le sel étranger est moins cher que celui de France, s’il est meilleur, et qu’en même temps il reste interdit à vos pêcheurs de s’en approvisionner, dès lors vous anéantissez vos pêcheries; vous leur fixez pour mesure la consommation du royaume , en accordant même qu’il puisse vous réussir complètement de repousser le poisson de pêche étrangère, auquel vos ports francs offrent déjà tant d’accès ; vous ôtez à vos pêcheurs les moyens, que vous devriez leur fournir, de rivaliser avec les autres peuples; vous les empêchez d’agrandir une navigation utile, d’étendre des entreprises qui doivent devenir profitables; vous frappez enfin de stérilité une des branches les plus productives de l'industrie des peuples navigateurs et commerçants. Depuis l’abolition de la gabelle, soit accaparement, soit une plus grande consommation, le prix du set a été porté au triple de sa valeur ordinaire, et ce prix est bien au-dessus de celui du sel étranger. L’activité des demandes a été telle, que nos marais salants ont pu à peine y suffire. L’empressement des acheteurs a fait qu’on n’a pas même laissé à la denrée le temps de se perfectionner dans les marais ; enfin, le sel de France est plus cher, il n’est pas d’une aussi bonne qualité que le sel étranger. Permettez, au moins provisoirement, à nos malheureux pêcheurs de s’approvisionner de sel étranger. N’usez point envers eux d’une imprudente sévérité, qui, quand elle pourrait favoriser l’exploitation de nos marais salants, porterait d’une manière trop funeste sur les pêcheurs français, classe d’hommes précieux que nous devons seconder par tous les moyens qui sont dans notre puissance. Observez surtout que le sel de France n’est pas propre à la préparation de la morue blanche; qu’interdire le set étranger, c’est renoncer de votre part à cette espèce de poisson , qu’il faudra vous soumettre à recevoir des Anglais et desHollandais ; et que, pour n’avoir pas voulu recevoir le sel étranger, vous vous trouverez forcés, par une bizarrerie sans excuse, à recevoir à la fois, et le sel et le poisson étrangers. Votre comité vous porte le vœu des marins pêcheurs des ports qui se livrent à la grande pèche, de presque tout le commerce; vous ne serez pas insensibles à un cri aussi universel. Rejetez leur demande, bientôt vous n’avez plus de pèche, et tout à l’heure plus de marins; (1) Voyez le rapport do M. Delattre, Archives parlementaires , tome XXI, séance du 30 novembre 1790, pages 130 et suivantes. 7