[Assemblée nationale.] M. Anson. Je trouve dans le projet du comité des finances deux articles qui doivent êlre insérés ici; ils sont ainsi conçus : « 1° Les receveurs des districts et des régies et administrations seront tenus de verser, sous les ordres du comité de trésorerie, les fonds de leurs recettes et perceptions destinées au Trésor public, de la manière qui sera déterminée. « 2° Les directoires ni les conseils de district et de département ne pourront disposer d’aucune partie de ces fonds, ni même les échanger contre d’autres valeurs, sans l’autorisation du comité de trésorerie. » M. de Moutesquiou. L’observation est juste ; mais il me semble que ces articles ne peuvent pas être insérés ici. L’organisation une fois faite, vous aurez une multitude de décrets de détail, et c’est là qu’ils trouveront leur place; seulement je demande qu’il soit dit positivement que le bureau de correspondance sera chargé de faire arriver les fonds des recettes de district au Trésor. M. Lebrun, rapporteur. Il y a plus de trois mois que le comité des finances désire que ces articles soient décrétés. M. Duport. J’adopte l’amendement de M. An-son; mais voici un article important à ajouter. Vous voulez rendre responsables tous ceux qui manieront vos deniers? £h bien, il y a une pièce nécessaire de cette garantie, c’est que tous les receveurs de district, qui corresponuent avec le bureau de correspondance, soient tenus de présenter au bureau de trésorerie, soit un éiat des deniers qu’ils envoient, soit un état de situation et des retards qu’ils auront éprouvés. Je demande donc que tous b s receveurs de district fassent parvenir un double à la législature, des états de situation et des deniers qu’ils envoient au bureau de correspondance. M. Driois-Beaumet*. Ce que vient de dire M. Duport ne fuit aucun doute; mais sur l’amendement de i\l. Anson, que je ne combats pas, je demande une explication : c’est de savoir si la correspondance du bureau de correspondance sera une correspondance coactive ou une simple tenue de livres et de lettres pour amener les fonds dans la caisse nationale? J’ai déjà énoncé mon opinion sur cette question, et je m’abstiendrai de la recommencer; mais je demande que la question ne soit pas jugée sans être aperçue, et que l’on entende bien ce que l’on veut dire par le mot de correspondance, et que sous ce mot nous n’enveloppions pas une équivoque. M. Démeunier. Je suis d’accord avec M. de Montesquiou; mais je demande, ainsi que M. An-son, qu’on intercale les deux articles du plan qui nous a été délivré par le comité des finances. En établissant 547 receveurs de district, l’Assemblée a voulu tenir le Trésor public bien séparé, pour le versement, de l’action du ministère. Il est absolument nécessaire que, dans l’organisation ministérielle du Trésor public, vous établissiez que vos administrateurs de la'trésorerie pourront, conformément aux lois et selon le mode qui sera déterminé, verser leurs fonds dans le Trésor public. Il est donc nécessaire de décréter ces deux articles. [10 mars 1791.] L’Assemblée décrète les articles proposés par MM. Anson et Duport, dans les termes suivants : Art. 16. « Les receveurs des districts et des régies et administrations seront tenus de verser, sous les ordres du comité de trésorerie, les fonds de leurs recettes et perceptions destinées au Trésor public, de la manière qui sera déterminée. Art. 17. * Les directoires ni les conseils de district et de département ne pourront disposer d’aucune partie de ces fonds, ni même les échanger contre d’autres valeurs, sans l’autorisation du comité de trésorerie. Art. 18. « Les receveurs de district seront tenus défaire parvenir à la législature un double des états qu’ils enverront au comité.» Les trois autres articles du projet de décret sont adoptés comme suit : Art. 19. « Le comité de trésorerie s’assemblera toutes les fois qu’il en sera requis par les commissaires du Corps législatif; et en leur présence toutes les caisses seront ouvertes à leur réquisition, et tous les registres leur seront communiqués. Art, 20. « Le président du comité de trésorerie portera tous les 15 jours au Corps législatif et au roi, le compte général de recette et de dépense; le même compte sera rendu public tous les mois par la voie de l’impression. Art. 21. « Se réserve l’Assemblée nationale de statuer sur le nombre de trésoriers, caissiers et commis, sur l’organisation des bureaux et sur le traitement qui leur sera accordé. » M. le Président lève la séance à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE NOAILLES. Séance du jeudi 10 mars 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre de M. de Lessart, ministre de l’intérieur, ainsi conçue : « Monsieur le Président, je m’empresse de vous « envoyer, suivant les intentions du roi, copie « d’une lettre des administrateurs du départe-« ment d’Ille-et-Vilaine, au sujet des excès com-v mis par les habitants des campagnes du district « de Redon, qui revendiquent des droits de pro-« priétéde certains terrains. Je vois, par les mêmes « pièces qui me sont communiquées, que les « mêmes troubles existent dans le département «■ du Morbihan, district de Glonher. Cet objet pa-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 mars 1791.] « raît d’autant plus mériter d’être pris en consi-« dération, que le maintien de la tranquillité « publique y est intéressée. Je crois qu’il est in-« téressant de faire observer à l’Assemblée que « la lettre du directoire d’Ille-et-Vilaioe, quoique « datée du 10 février, ne m’est parvenue qu’lner « 9 mars 1791. « Je suis avec respect, etc. « Signé : DE LESSART. » Copie de la lettre écrite par MM. les administrateurs du district de Redon , à MM. les membres du directoire d'Ille-et-Vilaine. « Nos craintes ne se sont que trop malheureu-« sement vérifiées. Instruits, le 18 du courant, « qu’il y avait un grand nombre de personnes « attroupées, les commissaires du district en-« voyèrent un huissier, accompagné de deux « cavaliers de la gendarmerie nationale. Rendus « sur les lieux, cet huissier et la gendarmerie « nationale y trouvèrent un attroupement consi-« dérable, qui voulut leur faire remettre le réqui-« sitoire dont ils étaient munis; et ce ne fut « qu’après avoir essuyé les plus grands dangers « qu’ils obtinrent d’être relâchés. * « De retour, ils rendirent compte de leur mis-« sion et des risques qu’ils avaient courus. Le « danger parut si pressant à la municL alité, « qu’elle jugea à propos de faire usage de la loi « martiale. Le drapeau rouge a été arboré, la « garde nationale et les troupes de ligne se « mirent en marche; plusieurs coups de fusil « ont été tirés; deux de ces malheureux ont été « tué-, et quatorze autres ont été faits prison-« nii rs. Après une scène au-si cruelle, serait-il ? de la prudence de nous dégarnir de nos troupes? « Tels sont les motifs impérieux qui nous ont » déterminés à retenir le détachement de ..... « pour intimider les malintentionnés, protéger « efficacement les personnes et les propriétés, « et maintenir la tranquillité publique. » M. Bouche. Messieurs, on vient de lire une lettre de M. deLessart, accompagnée d’une lettre du directoire du district de Redon. Je crois qu’il y aurait lieu de la renvoyer au comité des rapports. (Ce renvoi est décrété.) Un de MM. les secrétaires fait lecture de la lettre suivante : « Monsieur le Président, le résultat de notre travail est le plus digne hommage que nous puissions offrir à l’Assemblée nationale; elle y verra que, constamment attachés à remplir ses vues, nous avons en 6 semaines terminé 187 affaires qui ont été portées à notre tribunal; 72 seulement ont été jugées à l’audience et n’ont opéré de frais qu’une somme de lüû I. 12 s.; une seule où nous avons été obligés d’entendre 10 témoins, de nous transporter deux fois sur les lieux contentieux, d’y rédiger des procès-verbaux, n’a coûté aux parties qu’une somme de 8 livres, y compris 6 livres de dommages-intérêts. « Pour ne pas abuser de vos moments, nous terminons en vous assurant que tous les citoyens de notre section bénissent vos travaux et notamment l’institution des tribunaux de paix, dont la simplicité sublime excite sans cesse la recon-lr° Série. T. XXIV. 47 naissance des amis de la Constitution et force à l’admiration ses détracteurs. « Signé : Les juge et assesseurs du tribunal de paix de la section du Ponceau. « Patru Juge de pqix ; Roucheron, Petit, assesseurs; Delaunay, secrétaire greffier. » (L’Assemblée décrète qu’il sera fait une mention honorable de cette lettre dans son procès-verbal.) M. Brostaret, qui était absent par congé, demande qu’il soit fait mention dans le procès-verbal de son retour. (Cette motion est décrétée.) M. Deferïnom. J’ai l’honneur d’annoncer à l’Assemblée que le département d’Ille-et-Vilaine a procédé à l’élection de l’évêque métropolitain du Nord-Ouest et que la majorité des suffrages s’est réunie en faveur de M. Coz, principal du collège de Quimper, connu par plusieurs ouvrages patriotiques et par ses vertus ecclésiastiques. (Applaudissements.) M. Cobel , évêque de Lydda. Messieurs, en conséquence de l’ordre dont vous nous avez honorés ce matin pour aller chez le roi, nous nous sommes rendus tout à l’heure aux Tuileries. Introduits jusque dans le salon et annoncés chez le roi, la reine s’est donnée la peine de passer au salon, et là Sa Majesté a entendu notre mission ; elle nous a fait l’honneur de nous dire que le roi avait pris ce matin de l’émétique qui avait fait un très bon effet et que Sa Majesté, ayant une fièvre de deux jours, se trouvait heureusement dans son septième, ce qui était d’un augure avantageux pour son prochain rétablissement. Voilà, Messieurs, ce que nous avons appris. (Vifs applaudissements.) L’ordre du jour est la discussion d’un projet de décret du comité des finances sur une demande , faite par la municipalité de Paris , d’une avance de fonds. M. de liMosnttes�alcu, rapporteur, donne lecture du projet de décret du comité (1). M. Faydel. Messieurs, sur la pétition de la ville de Paris, votre comité vous propose de décréter que la caisse de l’extraordinaire versera dans celle de la municipalité de cette ville, une somme de trois millions à titre d’avance et par imputation, tant sur les sommes que ladite municipalité pourrait avoir droit de réclamer sur le Trésor public que sur le seizième qui lui est attribué dans le prix des reventes des biens nationaux par elle acquis, sauf à vérifier dans la suite l’état et les motifs des réclamations que cette municipalité peut former sur le Trésor public, pour, sur le rapport qui en sera fait à l’Assemblée, être pris par elle tel parti qu’elle jugera convenable, auquel effet le directoire du département adressera incessamment, au comité des finances, l’état et les motifs desdites réclamations. Et moi, Messieurs, je maintiens que si l’Assemblée adopte ce projet de décret en la forme qu’il est conçu, et surtout avec les motifs dénués de (1) Voyez Archives parlementaires, tome XXIII, séance du 5 mars 1791, page 675, le rapport de M. de Mon-tesquiou sur cet objet. 12