[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 août 1791. J 577 au tribunal de Bergerac comme prévaricateur aux lois. Cette dénonciation fut signée par plusieurs citoyens; mais on attesta que cette dénonciation était sans aucun fondement ; car le sieur Bostavet qui avait été un des concurrents du sieur Lafargue, lors de la nomination à la placé de juge de paix, avait été recueillir plusieurs signatures, et avait en quelque sorte forcé des citoyens à signer la dénonciation. Le directoire du département intervint dans cette affaire et il ordonna que le sieur Lafargue serait suspendu de ses fonctions; en conséquence, il convoqua l’assemblée primaire pour procéder à la nomination d’un nouveau juge de paix : l’assemblée primaire vota à l’unanimité que le sieur Lafargue resterait en fonctions. Le comité a pensé que la conduite du département était contraire à vos principes, qui voulaient que, toutes les lois qu’il s’élevait quelques difficultés sur ces sortes de dénominations ou fonctions, elles fussent portées à l’Assemblée nationale : d’ailleurs, il a vu que le vœu de l’assemblée primaire qui avait volé à l’unanimité la continuation des fonctions du sieur Lafargue, lui était très favorable, et prouvait contre ses adversaires. Ën conséquence, il m’a chargé de vous proposer le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport qui a été fait, au nom du comité de Constitution, sur la réclamation qui lui a été présentée par le sieur Lafargue, juge de paix du canton de Ribagnac, district de Bergerac, département de la Dordogne, contre 3 délibérations du directoire dudit département, des 23 décembre 1790, 27 janvier et 24 février 1791, relatives à la nomination dudit sieur Lafargue à la place de juge de paix dudit canton de Ribagnac, et à une procédure commencée à sa requête devant le tribunal du district de Bergerac; décrète que les 3 délibérations du directoire du département de la Dordogne, ci-dessus mentionnées, sont et demeurent nulles et comme non avenues; lève le sursis provoqué par ledit directoire à l’instruction de la procédure criminelle commencée devant le tribunal du district de Bergerac, à la requête dudit sieur Lafargue à la place du juge de paix du canton de Ribagnac, et renvoie au pouvoir exécutif l’exécution du présent décret. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Hégonen . Messieurs, les ouvriers employés aux travaux du nouveau bassin du Havre ont déposé entre les mains des officiers municipaux de cette ville, ainsi qu’il est constaté par un extrait du procès-verbal de la municipalité du 14 août présent mob, une somme de 300 livres pour subvenir aux dépenses des gardes nationales envoyés sur les frontières. Je suis chargé par cette municipalité de présenter cette somme à l’Assemblée avec l’hommage du dévouement de ces ouvriers à la chose publique et à la Constitution. (L’Assemblée applaudit au patriotisme et à la générosité de ces ouvriers et ordonne qu’il sera fait mention honorable de leur don dans le procès-verbal.) M. Vernier, au nom du comité des finances , fait le rapport d'une demande de la commune de Berchères à l'effet d’être autorisée à acquérir la maison et l'emplacement du four ci-devant banal de cette localité , propose le projet de décret suivant : 4" SÉRIE. T. XXIX. « L'Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités d’aliénation et des finances, autorise la commune de Berchères -l’Evêque, district de Chartres, département d’Eure-et-Loir, à acquérir la maison et l’emplacement du four ci-devant banal dudit lieu, et à se présenter aux enchères pour obtenir l’adjudication, s’il y a lieu. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Martineau. Il me semble que lorsqu’on oblige les communes à vendre leurs propriétés pour payer leurs dettes, ce n’est pas le moment de les autoriser à en acquérir de nouvelles. Les banalités sont supprimées. Si on les recrée en faveur des communes, il faudra établir des administrateurs pour les exploiter ; c’est-à-dire, ouvrir la porte à de nouveaux abus. Je demande la question préalable sur le projet de décret. M. Gauliier-Diauzat. Je demande, non pas la question préalable, mais l’ajournement. Il peut être, en effet, très utile d’établir, dans les lieux où le bois est rare, des fours où. les particuliers puissent apporter leur bois et cuire en commun. Un membre : Le comité d’aliénation s'est aperçu, par la correspondance qu’il a avec les départements, qu’il s’est commis des abus énormes en cette partie, que les directoires autorisaient toutes sortes d’acquisitions inutiles. Il doit vous présenter incessamment un projet de décret à cet égard. Je demande, en conséquence, l’ajournement et le renvoi au comité d’aliénation pour prendre les mesures convenables relativement soit au projet d’acquérir, soit à la suspension de la vente de l’objet dont il s’agit. (L’ajournement et le renvoi sont adoptés.) En conséquence, le décret suivant est mis aux voix : « L’Assemblée nationale ajourne le projet de décret qui lui a été présenté à l’instant par ses comités d’aliénation et des finances, et Je renvoi au comité d’aliénation, lequel prendra les mesures nécessaires pour suspendre l’adjudication définitive de l’objet dont la commune de Berchères, district de Chartres, département d’Eure-et-Loir, demande à faire l’acquisition. » (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de judicature sur le remboursement des offices des ci-devant justices seigneuriales (l). M. Jouyé des Moches, rapporteur. Messieurs, hier, plusieurs opinants ont parlé diversement sur le remboursement des offices seigneuriaux; il s’agit aujourd’hui de fixer la question. Le comité de judicature s’est trouvé, en examinant la question qui vous est soumise, dans le même embarras que celui où parait 3e trouver l’Assemblée. Il a donc divisé cette question en 3 classes, la première, qui doit exclusivement nous occuper avant toute autre, est le point de savoir si les officiers seigneuriaux seront ou non remboursés. Les raisons qui ont été alléguées hier pour la négative ne m’ont point du tout convaincu. On s’est efforcé de comparer ces offices avec des domaines corporels, et l’on est parvenu à traiter (1) Voy. ci-dessus, séance du 19 août 1791, page 568. 37 578 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 août 1791. cette propriété comme !a propriété d'une terre ou autre Lien acquis à titre singulier. M. Merlin a prétendu que l’office étant aliéné par le haut justicier, comme l’aurait pu être une terre, la propriété en a péri entre les mains de l’officier. Le haut justicier n’aliène pas son droit, il ne fait qu’en déléguer l’exercice, moyennant finance. Qu’un coup de foudre écrasât une maison ainsi aliénée, je demande si l’acquéreur de la jouissance ne serait pas fondé à dire : je vous ai donné mon argent pour que vous me fassiez jouir; donnez-moi une jouissance équivalente, ou rendez-moi mon argent. {Murmures.) Mais la considération sur laquelle j’insiste principalement, c’est que les ci-devant seigneurs n’ont pas eu le droit de vendre leurs offices. Je ne m’appuierai pas sur des jurisprudences versatiles, mais sur l’ordonnance de Blois, renouvelée par un article des Etats de 1674, qui défend aux propriétaires des offices seigneuriaux de vendre directement ou indirectement ces offices: et l’on ne peut pas prétendre que les seigneurs ont eu un droit contraire, parce que quelques arrêts du conseil et du parlement ont toléré et reconnu ces ventes. L’usage de vendre leurs offices n’a pu être introduit que par les seigneurs eux-mêmes; il n’y a donc pas lieu ici à la maxine « error communis facit jus ». L’usage, qui est le propre ouvrage de ceux qui y avaient intérêt, ne peut faire loi en leur faveur. Je demande si les ci-devant seigneurs doivent être récompensés de la contravention qu’ils ont commise à la loi. Pour l’intérêt de qui cet usage a-t-il été introduit? Pour l’intérêt des seigneurs, et par eux. Par qui a-t-il été confirmé? par quelques arrêts particuliers de cours supérieures composées de hauts justiciers. Mais n’est-il pas évident qu’ils n’ont pu se faire une jurisprudence à eux-mêmes? D’ailleurs, les arrêts du conseil et du Parlement n’ont jamais pu être regardés comme loi du royaume, ce n’étaient que des jugements ; et les jugements ne sont que Inapplication de la loi que les anciens tribunaux faisaient plus ou moins exactement. Ces vérités frappantes vous conduisent naturellement, dans un instant où la fortune d’un grand nombre de citoyens est meuacée, à la conséquence que voici. Les ci-devant seigneurs n’avaient pas le droit de vendre les offices dont la vente est nulle ; donc ils doivent en restituer le prix. Il n’y a donc pas de doute que le remboursement doit être fait par les seigneurs justiciers, et le décret cité hier par M. Merlin n’y a rien de contraire : il ne s’applique qu’aux seigneurs qui ont acquis des biens du domaine de l’Etat. On a, sans cesse, passé hier du principe à la conséquence. On vous a fait un calcul effrayant du prix de ces remboursements. Il est à remarquer que le plus grand nombre des justices seigneuriales était donné à titre gratuit, ou à un très petit taux, et moyennant quelques droits de provision. Voici donc ce calcul de millions écarté. On a voulu encore influer votre décision en vous touchant sur le sort des ci-devant seigneurs. Or, je demande ce qu'ils perdent à la suppression des justices seigneuriales? Des droits honorifiques, quelques droits de mutation, et quelques amendes qui compensaient à peine les frais. Plusieurs hauts justiciers étaient obligés de payer leurs officiers. Vous voyez donc qu’il n’est pas vrai, qu’ils soient ruinés par cette suppression. Mais, ailleurs, vous verrez ces misérables officiers tributaires des seigneurs, et ceux-ci percevoir sur eux, dans un court espace de temps, 20 ou 30 fois la valeur des offices. Serait-ce justice d’obliger encore les officiers à perdre leurs finances ? Je demande donc qu’on mette aux voix le principe, que les acquéreurs d’offices seigneuriaux à titre onéreux, seront remboursés. Ensuite, nous passerons aux autres questions. M. merlin. Pour répondre au préopinant, il suffit de lire l’article 36 du titre II du décret du 15 mars 1790, article ainsi conçu : « Il ne pourra être prétendu par les personnes qui ont ci-devant acquis de particuliers par vente et autre titre équipollent, des droits abolis par le présent décret, aucune indemnité ni restitution de prix... » M. Garat aîné. Dans la discussion qui a eu lieu, plusieurs opinants ont fait différents Syllogismes qui m’ont paru des preuves invincibles pour l’opinion que j’embrasse. Premier syllogisme : personne ne peut être reçu à invoquer les lois contre lesquelles il a péché lui-même. C’est un principe éternel de la raison ; or, si les lois défendaient aux ci-devant seigneurs de vendre leurs offices seigneuriaux, elles défendaient, par cela même, aux citoyens de les acquérir. Second syllogisme : ce qu’on appelait autrefois justices seigneuriales était une prérogative complexe qui se composait à la fois, pour les seigneurs, du droit de nommer des juges à titre gratuit ou onéreux, et pour les juges, une fois nommés, du droit de rendre la justice. Or, vous avez indistinctement détruit sans indemnité cette prérogative qui se composait de ees 2 droits à la fois; vous avez donc détruit sans indemnité et, du même coup, l’un et l’autre de ces droits; et conséquemment les juges ne doivent pas plus être remboursés que les ci-devant seigneurs. {Mouvements divers.) Je demande la question préalable. Plusieurs membres : L’ajournement du tout! M. Rewbell. Je demande à parler contre l’ajournement que l’on demande sur tout le projet du co-mité.J’ai l’honneur, cependant, d’observerà l’Assemblée, que le projet du comité a 2 objets très distincts et très séparés; l’un concerne le remboursement à faire parles seigneurs, d’objets que les seigneurs ne devaient pas toucher; l’autre, est le remboursement à faire par la nation, comme chargée de biens dont la nation vient de s’emparer. Nous avons, par exemple, les biens de l’évêché de Strasbourg, dont nous nous sommes emparés, et l'é-vêche a obtenu 10 fois des [lettres patentes enregistrées qui sont des lois publiques, à la faveur desquelles le chapitre et l’évêché ont vendu les offices. Je demande, Messieurs, s’il est proposable de dire que l'Assemblée nationale a eu le droit de s’emparer des biens de l’évêché de Strasbourg et de ne pas rembourser les officiera qui ont acquis sur la foi des lois du royaume. Je crois qu il ne faut que cette réflexion pour rejeter l'ajournement. M. Baudoin. Je dis que l’on doit ajourner la question, et par rapport aux ci-devant seigneurs particuliers, et par rapport aux objets qui sont maintenant dans la masse des biens nationaux. Considérez que la législature prochaine n’est pas loin d’être rassemblée. D’ailleurs, il faudrait ajourner, quelle que fût l’époque du rassemblement de nos successeurs. En : [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [20 août 1191.) 579 l’Assemblée actuelle est composée en grande partie (le propriétaires, qui ont intérêt à s’opposer aux remboursements des particuliers qui demandent à être remboursés. Ajoutez, encore, que la diversité d’opinions que vous voyez dans cette Assemblée demande des éclaircissements ultérieurs. Laissons mûrir ces réflexions, laissons ceux qui prononceront sur cette grande question, si les personnes qui ont linancé pour obtenir des offices seigneuriaux étaient vraiment propriétaires d’une partie des justices seigneuriales, ou si elles avaient seulement un exercice attaché à la nomination volontaire de l’administration de la justice des seigneurs, qui, pouvant rembourser, étaient conséquemment les maîtres de refuser le droit d’exercice. Je conclus l’ajournement à la prochaine législature. Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. Chassey. Je n’ai qu’une raison à opposer à l’ajournement. (Aux voix! aux voix!) Voiià 4 jours que l’on discute sur ce projet de décret; il est certain que la question est douteuse ; mais, pourtant, il paraît que les opinions peuvent se résoudre en cet instant ; et pourquoi? parce que cela ne tient pas à des éclaircissements de fait : cela tient à l’examen d’un contrat, et à la suite de l’exécution de ce contrat. Je ne m’explique point sur la question de savoir s’il faut ou non une indemnité, parce que dans l’état des choses, elle ne gît point en faits, elle est purement question de droit. Conséquemment après 3 jours de délibération on peut bien décréter le 40. Et voici, encore un motif plu3 pressant : à supposer qu’il y eût une résolution pour éconduire la demande des officiers seigneuriaux en indemnité, il en est une partie qui tient des provisions du roi, sur la présentation des seigneurs ; il en est une partie dont la finance a été versée daos le Trésor public. Eh bien ! sous prétexte de cet ajournement, vous les évinceriez, vous les reculeriez et vous leur feriez un tort irréparable. Je dis donc que vous ne pouvez pas prononcer l’ajournement. (L’Assemblée ferme la discussion.) Plusieurs membres : Aux voix ! Le renvoi à la prochaine législature ! MM. Chassey, Gaultier-Biauzat et BLau-juinais. On n’a pas dit : à la prochaine législature. Noix diverses : Si! si ! — - Non! nonl M. le Président. Je pose la question d’ajournement pur et simple. M. Régnier. Je demande la priorité pour l’ajournement à la prochaine législature. (L'Assemblée, consultée, accorde la priorité à cette dernière motion.) M. Merlin. Je demande la division et je demande à lire un projet de décret qui renferme l’amendement de M. Chassey. Plusieurs membres : L’ajournement ! M. Chassey. Je demande à être entendu pour la division. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! (L’Assemblée, consultée, prononce l'ajournement à la prochaine législature du projet de décret présenté par le comité de judicature.) Plusieurs membres soutiennent que l’Assemblée n’a entendu décréter qu’un ajournement indéfini et non pas un ajournement jusqu’à la prochaine législature. M. le Président consulte l’Assemblée sur ce point défait. (L’Assemblée, consultée, confirme son vote d’ajournement à la prochaine législature.) M. Chassey. Je ne viens pas m’opposer à la décision de l'Assemblée; personne n’est plus que moi soumis à ses décrets ; mais je crois entrer dans ses vues en lui proposant une chose qui lui paraîtra, sans nul doute, invariablement juste et sur laquelle il est impossible de ne pas statuer en ce moment. Je ne parle pas des justices seigneuriales; mais il y a, au comité de liquidation et au bureau de judicature, de3 difficultés sur la liquidation de certains offices dont voici la nature : Il est des offices pour lesquels les officiers étaient tenus de prendre des provisions du roi sur la présentation du seigneur et, à ce sujet, ils payaient droit de marc d’or, tous les droits de mutations et autres; voilà, Messieurs, les officiers pour lesquels j’ai demandé la parole. Le jugement des difficultés soulevées à l’égard du mode de leur liquidation, avait été renvoyé après que vous auriez statué sur le sort des officiers des justices seigneuriales. Maintenant que vous venez de prononcer l’ajournement à la prochaine législature et que, par conséquent, la question reste toujours indécise, il va y avoir incertitude au comité de judicature. Je demande donc, Messieurs, que ces officiers qui ont versé leurs finances primitives au Trésor public, qui sont véritablement des officiers royaux, puisque les seigneurs n’avaient sur eux que le droit de présentation, et qu’ils étaient pourvus par le roi, ue ces officiers, dis-je, pour lesquel il s’élève es difficultés dans les bureaux de la liquidation, soient formellement exceptés de l’ajo-irnernent, qu’on statue sur leur sort, et que l’on dise s’ils seront payés par la nation ou par ceux qui ont reçu leurs finances. (Murmures.) Je dis, qu’on ne peut pas ajourner cet objet à la première législature, et je demande qu’il en soit fait un rapport particulier très incessamment. (Murmures.) Un membre : L’Assemblée décidera ces questions partiellement lorsqu’on lui fera le rapport de ces liquidations. Je demaude qu’on passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) L’ordre du jour est un rapport des comités réunis des domaines , de la marine , des finances, d'agriculture et de commerce et d'aliénation, concernant V établissement d’une administration forestière. M. Pison du Galand, rapporteur. Messieurs, vous avez chargé vos comités réunis des domaines, de la marine, des finances, de l’aliénation des domaines nationaux et d’agriculture, de vous présenter le plan d’une nouvelle administration forestière. Par la loi du 11 septembre, vous nous