c64 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 décembre 1790.] M. Chesnon de Baignenx dépose sur le bureau le congé qui lui a été accordé le 27 octobre dernier, et déclare qu’il est de retour d’hier. L’ordre du jour est un rapport du comité des Domaines sur les moyens de pourvoir provisoirement à la conservation des bois. M. de VIsmes, rapporteur du comité des Domaines. Messieurs, la séparation qui vient de s’opérer dans la matière des eaux et forêts, entre les fonctions administratives et l’autorité judiciaire, fait naître quelques difficultés sur les opérations des gardes et sur la poursuite des délinquants. Ces difficultés seront prévues, elles seront levées dans le travail sur l’administration forestière dont s’occupent sans relâche les différents comités que vous en avez chargés. Mais quelle que soit leur activité, et quoiqu’ils espèrent pouvoir vous offrir bientôt le résultat de leurs méditations, il est impossible de se dissimuler qu’il s’écoulera encore quelques temps avant l’établissement d’un nouvel ordre de choses en cette partie. Cependant, Messieurs, les circonstances sont pressantes: au milieu des besoins qui naissent des conjonctures difficiles, et qui s’accroissent dans une saison rigoureuse, les délits se multiplient dans les bois, et toute la vigilance de la force publique a peine à garantir les forêts d’une dévastation totale. Il est donc extrême ment essentiel que le service des gardes et que la poursuite des délits n’éprouvent aucune interruption dans ce passage de l’ancien au nouvel état. Un seul instant de ralentissement dans l’exécution de vos décrets, encouragerait les malveillants et les plus funestes effets résulteraient de l’espoir de l’impunité. C’est pour cela qu’on demande de toutes parts à votre comité des domaines de fixer les doutes qui vont suspendre la marche de la justice. Il a éprouvé d’abord quelque répugnance à vous proposer uneioi provisoire, à la veille de vous présenter le projet d’une loi définitive; d’autant que cette loi provisoire exigeait elle-même la conciliation difficile de quelques poinis délicats. Mais le plus grand de tous les inconvénients serait l’inaction de la police forestière, et il faut l’éviter à quelque prix que ce soit. On demande d’abord, Messieurs, qui recevra l’aflirmation des procès-verbaux des gardes. La difficulté naît de ce que l’affirmation devant être faite dans les 24 heures, souvent la brièveté du délai ne permettra pas au garde d’arriver à temps devant le juge du district, pour remplir cette formalité. Cependant le délai nous a paru essentiel à conserver pour garantir la foi du procès-verbal. Nous vous proposons de donner concurremment aux juges du district et aux juges de paix, ainsi qu’à leurs prud’hommes assesseurs, le droit de recevoir l’affirmation des procès-verbaux et en cela nous ne nous écartons point de ce qui s’est pratiqué jusqu’à ce jour, puisqu’a une certaine distance du tribunal, tout juge était compétent pour l’affirmation d’un procès-verbal de garde. Nous n’appelons à cette fonction les officiers municipaux qu’en un seul cas, c’est celui où les juges de paix ne seraient pas encore en activité. Leur ministère nous a paru alors inévitable : passé ce temps, il est superflu, et peut-être même ne serait-il pas sans quelque danger, puisque nous avons la certitude que nombre de municipalités rurales ont eu la faiblesse de tolérer et que quelques-unes ont même autorisé d’énormes dégâts dans les bois. Si l’affirmation du procès-verbal dans un bref délai est destinée à lui imprimer un caractère de vérité et d’authenticité, son dépôt au greffe a pour but d’en assurer l’état et d’empêcher qu’il ne subisse aucune altération : d’où nous avons conclu que le dépôt légal devait se faire au tribunal de district, qui devra juger le délit. Mais votre comité, Messieurs, a pensé en même temps que l’administrateur qui devra saisir le tribunal de la poursuite du délit devait aussi avoir connaissance du procès-verbal, et qu’il devait l’avoir promptement, pour que cette poursuite n’éprouve aucun retard : et de là la disposition qui assujettit le garde à envoyer au procureur du roi de la maîtrise une copie de son procès-verbal, dans le même délai qu’il en aura effectué le dépôt. Il est nombre de communautés qui ont négligé de préposer des gardes pour la conservation de leurs bois communaux, quoique l’obligation leur en soit imposée par l’ordonnance de 1669. L’on pressent aisément les motifs de cette négligence : plus ils sontsuspects, plus il faut s’empresser de rappeler les communautés à l’observation de leur devoir. L’article que votre comité vous propose à ce sujet, autorisera les directoires de district à nommer eux-mêmes les gardes, après avoir mis en demeure les municipalités qui sont en retard. On a élevé, Messieurs, dans certains districts, la prétention d’astreindre les gardes actuellement en activité à prêter un nouveau serment devant le tribunal dans le ressort duquel ils sont établis. Celte prétention est déraisonnable, et il faut la faire cesser. Les anciens gardes doivent conserver leur qualité et leurs pouvoirs, jusqu’à ce que vous ayez prononcé sur leur sort. Quant à ceux qui vont être établis, point de doute que leur réception ne doive se faire au tribunal du district; mais tant que les maîtrises ne seront point dépouillées de l’administration que vous leur avez laissée provisoirement, il est juste, il est nécessaire que les nouveaux gardes leur soient connus par un enregistrement de la nomination en leur greffe. Nous voici parvenus, Messieurs, à la difficulté la plus sérieuse. Quel est l’officier public qui sera chargé de la poursuite des délits commis dans les bois ? Trois fonctionnaires publics paraissaient se disputer ce devoir; le procureur syndic du district, le commissaire du roi près le tribunal et le procureur du roi de la maîtrise. Votre comité, Messieurs, s’est bientôt convaincu que le procureur syndic devait être écarté de ce concours. Des raisons puissantes ne permettent pas, du moins dans ce moment, de l’appeler à une telle fonction. Ce n’est pas seulement, Messieurs, parce que le procureur syndic, peu versé dans les matières forestières, entraîné d’ailleurs par un grand courant d’autres affaires, est peu propre à une partie pour laquelle il faudrait qu’il recourût à des conseils, qu’il employât des agents dans les tribunaux souvent éloignés de sa résidence et qu’il fit des frais dont il faut éviter la multiplication. Ces considérations sont fortes : mais il en est une plus décisive. L’action pour la réparation des délits commis dans les bois ne peut appartenir qu’à l’administrateur ; et il serait contre toutes les règles de donner au procureur syndic le droit de stipuler en justice les intérêts d’une administration à laquelle il est jusqu’ici absolument étranger. Ce motif qui repousse le procureur syndic, appelle d’abord le procureur du roi de la mai-