208 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 juillet 1789 ] Enfin, après de longs débats sur la manière de poser la question, le président la pose en ces termes : Y a-t-il ou n’y a-t-il pas lieu à délibérer? On va aux voc\ par l’appel successif de tous les 'dépotés des différents bailliages; et à la majorité de 700 voix contre 28, il est décidé qu’il n’y a pas lieu à délibérer. L’arrêté est conçu ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, regardant ses principes comme fixés à cet égard, et considérant que son activité ne peut être suspendue, ni la force de ses décrets affaiblie par des protestations ou par l’absence de quelques représentants, déclare qu’il n’y a lieu à délibérer. » M. le comte de Mirabeau. Avant de vous occuper de l’objet souverainement important que je vais vous soumettre, je dois rétracter le mot de propositions, que j’ai hasardé l’autre jour, relativement à une négociation américaine pour les subsistances. Je suis porteur d’une lettre de M. Jefferson, où il déclare qu’il n’a point fait de propositions h ce sujet, et même que, sur la réquisition du directeur général des finances, il prévint, il y a plusieurs mois, les Américains que la France ferait un excellent marché pour les grains et les farines. Il n’en est pas moins vrai que les intentions du gouvernement ont été très-mal suivies par la faute des sous-ordres, et qu’une profonde ignorance et le défaut de concert dans la distribution des primes ont privé la France des denrées américaines. Une multitude de faits du même genre qui sont parvenus à ma connaissance jetteront un grand jour soit sur le commerce des grains, soit sur la théorie de ce commerce, et démontreront toujours mieux combien l’Assemblée nationale doit se garder d’aucune déclaration législative à ce sujet, tant que cette grande question n’est pas profondément instruite. Les faits et leurs conséquences seront l’objet d’un travail que je vous demanderai incessamment la permission de vous présenter. M. de Mirabeau dépose sur le bureau la lettre de M. Jefferson. M. le comte de Mirabeau s’exprime ensuite dans les termes suivants: Messieurs, il m’a fallu pour me décider à interrompre l’ordre des motions que le comité se propose de vous soumettre, une conviction profonde que l’objet dont j’ai demandé la permission de vous entretenir est le plus urgent de tous les intérêts. Mais, Messieurs, si le péril que j’ose vous dénoncer menace tout à la fois et la paix du royaume, et l’Assemblée nationale, et la sûreté du monarque, vous approuverez mon zèle. Le peu de moments que j’ai eus pour rassembler mes idées ne me permettra pas sans doute de leur donner tout le développement nécessaire; mais j’en dirai assez pour éveiller votre attention, et vos lumières suppléeront à mon insuffisance. Veuillez, Messieurs, vous replacer au moment où la violation des prisons de l’abbaye Saint-Germain occasionna votre arrêté du 1er de ce mois. En invoquant la clémence du Roi pour les personnes qui pourraient s’être rendues coupables, l’Assemblée décréta que le Roi serait supplié de vouloir bien employer pour le rétablissement de l’ordre les moyens infaillibles de la clémence et de la bonté, si naturels à son cœur, et de la confiance que son bon peuple méritera toujours. Le Roi, dans sa réponse, a déclaré qu’il trouvait cet arrêté fort sage; il a donné des éloges aux dispositions que l’Assemblée lui témoignait, et proféré ces mots remarquables: Tant que voue, me donnerez des marques de votre confiance, f espère que tout ira bien. Enfin, Messieurs, la lettre du Roi à M. l’arche ¬ vêque de Paris, en date du 2 juillet, après avoip exprimé les intentions paternelles de Sa Majesté, à l’égard des prisonniers dont la liberté suivrait immédiatement le rétablissement de l’ordre, annonce « qu’il va prendre des mesures pour ramener l’ordre dans la capitale, et qu’il ne doute pas que l’Assemblée n’attache la plu� grande importance à leur succès. » En ne considérant que ces expressions de Iq lettre du Roi, la première idée qui semblait de-4 voir s’offrir à l’esprit était le doute et l’inquié+ tude sur la nature de ces mesures. !■ Cette inquiétude aurait pu conduire l’Assemf blée à demander dès lors au Roi qu’il lui plûl de s’expliquer à cet égard, et de caractériser et détailler ces mesures pour lesquelles il paraissait désirer l’approbation de l’Assemblée. Aussi, dès ce moment, eussé-je proposé une motion tendante à ce but si, en comparant ces expressions de la lettre du Roi avec la bonté qu’elle respire dans toutes ses parties, avec les paroles précieuses qu’on nous a données comme l’expression affectueuse et paternelle du monarque, je trouve votre arrêté fort sage, je n’avais cru apercevoir dans ce parallèle de nouveaux motifs pour celte confiance dont tout Français se fait gloire d’offrir des témoignages au chef de la nation. Cependant quelle a été la suite de ces déclarations et de nos ménagements respectueux? Déjà un grand nombre de troupes nous environnait. Il en est arrivé davantage, il en arrive chaque!) jour; elles accourent de toutes parts; 35,000 hommes sont déjà répartis entre Paris et Versailles,: on en attend 20,000; des trains d’artillerie les suivent; des points sont désignés pour les batteries; on s’assure de toutes les communications!, on intercepte tous les passages; nos chemins, nos ponts, nos promenades sont changés erj postes militaires. Des événements publics, de& faits cachés, des ordres secrets, des contre-ordres précipités, les préparatifs de la guerre en un mot, frappent tous les yeux et remplissent d’indignation tous les cœurs. Ainsi, ce n’était pas assez que le sanctuaire dé la liberté eût été souillé par des troupes ! ce n’était pas assez qu’on eût donné le spectacle inouï d’une Assemblée nationale astreinte à des consignes militaires et soumise à une force armée ! ce n’était pas assez qu’on joignît à cet attentat toutes les inconvenances, tous les manques d’é ¬ gards, et, pour trancher le mot, la grossièreté d© la police brutale. Il a fallu déployer tout l’apf pareil du despotisme et montrer plus de soldats menaçants à la nation, le jour où le Roi lui-mêmè l’a convoquée pour lui demander des conseils eit des secours, qu’une invasion de l’ennemi n’en rencontrerait peut-être, et mille fois plus du moins qu’on n en a pu réunir pour secourir dep amis, martyrs de leur fidélité envers nous, pour remplir nos engagements les plus sacrés, pour conserver notre considération politique, et cettp alliance des Hollandais si précieuse, mais si chèrement conquise, et surtout si honteusement perdue! I Messieurs, quand il ne s’agirait ici que denou�, quand la dignité de l’Assemblée nationale serait [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [S juillet 1879.] ' 209 seule blessée, il ne serait pas moins convenable, juste, nécessaire, important pour le Roi môme, que nous fussions traités avec décence, puis-qiu’enfin nous sommes les députés de cette même nation qui seule fait sa gloire, qui seule constitue lai splendeur du trône, de cette nation qui rendra la personne du Roi honorable à proportion de ce qjü’il l’bonorera plus lui-même. Puisque c’est à des hommes libres qu’il veut commander, il est mps de faire disparaître ces formes odieuses, :s procédés insultants qui persuadent trop faci-ment à ceux dont le prince est entouré que la ajesté royale consiste dans les rapports avilis-nts du maître à l’esclave; qu’un Roi légitime chéri doit partout et dans toute occasion ne se ontrer que sous l’aspect des tyrans irrités, ou ; ces usurpateurs tristement condamnés à méconnaître le sentiment si doux, si honorable de la confiance. ; Et qu’on ne dise pas que les circonstances ont nécessité ces’ mesures menaçantes; car je vais démontrer qu’égaiement inutiles et dangereuses, soit au bon ordre, soit à la pacification des esprits, soit à la sûreté du trône, loin de pouvoir être regardées comme le fruit d’un sincère attachement au bien public et à la personne du monarque, elles ne peuvent servir que des passions particulières et couvrir des vues perfides. Ces mesures sont inutiles. Je veux supposer que les désordres que l’on craint sont de nature a| être réprimés par des troupes; et je dis que, djans cette supposition môme, ces troupes étaient inutiles. Le peuple, après une émeute dans la capitale, a donné un exemple de subordination infiniment remarquable dans les circonstances. Une prison avait été forcée, les prisonniers en avaient été arrachés et mis en liberté; la fermentation la plus contentieuse menaçait de tout embraser... un mot de clémence, une invitation du Roi ont calmé le tumulte et fait ce qu’on n’aurait jamais obtenu avec des canons et des armes; les prisonniers ont repris leurs fers ; le peuple est rèntré dans l’ordre, tant la raison seule est puissante! tant le peuple est disposé à tout faire, lorsqu’au lieu de le menacer et de l’avilir, on lui témoigne de la bonté, de la confiance. j Et dans ce moment, pourquoi des troupes ? Jamais le peuple n’a dû être plus calme, plus tranquille, plus confiant; tout lui annonce la fin de sës malheurs, tout lui promet la régénération du royaume. Ses regards , ses espérances , ses vœux reposent sur nous. Gomment ne serions-njous pas auprès du monarque la meilleure garantie de la confiance, de l’obéissance et de la fidélité des peuples? S’il avait jamais pu en douter, il ne le pourrait plus aujourd’hui; notre présence est la caution de la paix publique, et sans doute il n’en existera jamais de meilleure. Ajh ! qu’on assemble des troupes pour soumettre le peuple aux affreux projets du despotisme! Rfais qu’on n’entraine pas le meilleur des rois à cbmmencer le bonheur, la liberté de la nation avec le sinistre appareil de la tyrannie ! ; Certes, je ne connais pas encore tous les pré-textes, tous les artifices des ennemis du peuple, uisque je ne saurais deviner de quelle raison lausible on a coloré le prétendu besoin de troupes au moment où non-seulement leur inutilité, mais leur danger frappe tous les esprits. De quel œil ce peuple, assailli de tant de calamités, verra-t-il cette foule de soldats oisifs venir lui dis-uter les restes de sa subsistance ? Le contraste l’abondance des uns (du pain, aux yeux de cjelui qui a faim, est l’abondance), le contraste i* Série, T, VIII. de l’abondance des uns et de l’indigence des autres, de la sécurité du soldat, à qui la manne tombe sans qu’il ait jamais besoin de penser au lendemain, et des angoisses du peuple, qui n’obtient rien qu’au prix des travaux pénibles et des sueurs douloureuses ; ce contraste est fait pour porter le désespoir dans les cœurs. Ajoutez, Messieurs, que la présence des troupes frappant l’imagination de la multitude, lui présentant l’idée du danger, se liant à des craintes, à des alarmes, excite une effervescence universelle; les citoyens paisibles sont dans leurs foyers en proie à des terreurs de toute espèce. Le peuple ému, agité, attroupé, se livre à des mouvements impétueux, se précipite aveuglément dans le péril, et la crainte ne calcule ni ne raisonne. Ici les faits déposent pour nous. Quelle est l’époque de la fermentation? Le mouvement des soldats, l’appareil militaire de la séance royale. Avant, tout était tranquille; l’agitation a commencé dans cette triste et mémorable journée. Est-ce donc à nous qu’il faut s’en prendre, si le peuple, qui nous a observés, a murmuré ; s’il a conçu des alarmes lorsqu’il a vu les instruments de la violence dirigés, non-seulement contre lui, mais contre une Assemblée qui doit être libre pour s’occuper avec liberté de toutes les causes de ses gémissements? Gomment le peuple ne s’agiterait-il pas, lorsqu’on lui inspire des craintes contre le seul espoir qui lui reste ? Ne sait-il pas que si nous ne brisons ses fers, nous les aurons rendus plus pesants, nous aurons cimenté l’impression, nous aurons livré sans défense nos concitoyens à la verge impitoyable de leurs ennemis, nous aurons ajouté à l’insolence du triomphe de ceux qui les dépouillent et qui les insultent? Que les conseillers de ces mesures désastreuses nous disent encore s’ils sont sûrs de conserver dans sa sévérité la discipline militaire, de prévenir tous les effets de l’éternelie jalousie entre les troupes nationales est les troupes étrangères, de réduire les soldats français à n’être que de purs automates, à les séparer d’intérêts, de pensées, de sentiments d’avec leurs concitoyens? Quelle imprudence dans leur système de les rapprocher du Jieu de nos Assemblées, de les électriser par le contact de la capitale, de les intéresser à nos discussions politiques ? Non, malgré le dévouement aveugle de l’obéissance militaire, ils n’oublieront pas ce que nous sommes ; ils verront en nous leurs parents, leur amis, leur famille occupée de leurs intérêts les plus précieux; car ils font partie de cette nation qui nous a confié le soin de sa liberté, de sa propriété, de son honneur. Non, de tels hommes, non, de tels Français ne feront jamais l’abandon total de leurs facultés intellectuelles ; ils ne croiront jamais que le devoir est de frapper sans s’enquérir quelles sont les victimes. Ges soldats, bientôt unis et séparés par des dénominations qui deviennent le signal des partis, ces soldats, dont le métier est de manier les armes, ne savent dans toutes leur rixes que recourir au seul instrument dont ils connaissent la puissance. De là naissent des combats d’homme à homme, bientôt de régiment à régiment, bientôt de troupes nationales aux troupes étrangères ; le soulèvement est dans tous les cœurs, la sédition marche tête levée; on est obligé, par faiblesse, de voiler la loi militaire, et la discipline est énervée. Le plus affreux désordre menace la société; tout est à craindre de ces légions qui, après être sor-U 210 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] [3 juillet 1789. [ tiesdu devoir, ne voient plus leur sûreté que dans la terreur qu'elles inspirent. Enfin, ont-ils prévu, les conseillers de ces mesures, ont-ils prévu les suites qu’elles entraînent pour la sécurité même du trône? Ont-ils étudié dans l’histoire de tous les peuples comment les révolutions ont commencé, comment elles se sont opérées? Ont-ils observé par quel enchaînement funeste de circonstances les esprits les plus sages sont jetés hors de toutes les limites de la modération, et par quelle impulsion terrible un peuple enivré se précipite vers des excès dont la première idée l’eût fait frémir? Ont-ils lu dans le cœurde notre bon Roi? Connaissent-ils avec quelle horreur il regarderait ceux qui auraient allumé les flammes d’une sédition, d’une révolte peut-être, (je le dis en frémissant, mais je dois le dire), ceux qui l’exposeraient à verser le sang de son peuple, ceux qui seraient la cause première des rigueurs, des violences, des supplices dont une foule de malheureux seraient victimes? Mais, Messieurs, le temps presse ; je me reproche chaque moment que mon discours pourrait ravir à vos sages délibérations, et j’espère que ces considérations, plutôt indiquées que présentées, mais dont l’évidence me paraît irrésistible, suffiront pour fonder la motion que j’ai l’honneur de vous proposer. Qu'il soit fait au Roi une très-humble adresse, pour peindre à Sa Majesté les vives alarmes qu’inspire à l’Assemblée nationale de son royaume l’abus qu’on s’est permis depuis quelque temps du nom d’un bon Roi pour faire approcher de la capitale et de cette ville de Versailles un train d’artillerie et des corps nombreux de troupes, tant étrangères que nationales, dont plusieurs se sont déjà cantonnés dans les villages voisins, et pour la formation annoncée de divers camps aux environs de ces deux villes. Qu’il soit représenté au Roi, non-seulement combien ces mesures sont opposées aux intentions bienfaisantes de Sa Majesté pour le soulagement de ses peuples dans cette malheureuse circonstance de cherté et de disette de grains, mais encore combien elles sont contraires à la liberté et à l’honneur de l’Assemblée nationale, propres à altérer entre le Roi et ses peuples cette confiance qui fait la gloire et la sûreté du monarque, qui seule peut assurer le repos et la tran-quilliié du royaume, procurer enfin à la nation les fruits inestimables qu’elle attend des travaux et du zèle de cette Assemblée. Que Sa Majesté soit suppliée très-respectueusement de rassurer ses fidèles sujets en donnant les ordres nécessaires pour la cessation immédiate de ces mesures également inutiles, dangereuses et alarmantes, et pour le prompt renvoi des troupes et du train d’artillerie aux lieux d’où on les a tirés. Et, attendu qu’il peut être convenable, en suite des inquiétudes et de l’effroi que ces mesures ont jetés dans le cœur des peuples, de pourvoir provisionnellement au maintien du calme et de la tranquillité, Sa Majesté sera suppliée d’ordonner que dans les deux villes de Paris et de Versailles, il soit incessamment levé des gardes bourgeoises qui, sous les ordres du Roi, suffiront pleinement à remplir ce but sans augmenter autour de deux villes travaillées des calamités de la disette le nombre des consommateurs. Les signes les moins équivoques d’approbation se manifestent par les vifs applaudissements de toute l’Assemblée. Le bruit des applaudissements se prolonge. M. le Président. La motion qui est faite vierpt d’autant plus à propos, que j’ai reçu aujourd’hui des ordres qui peuvent rassurer les esprits de l’Assemblée et du public ; le Roi m’a fait ordonner de me rendre auprès de sa personnne à six heures du soir. Jugez-vous à propos, Messieurs, de renvoyer au bureau pour en rendre 'compte demain, comme le demande M. de Mirabeau ? M. le marquis de Lafayette. Il me semble que la motion de M. de Mirabeau est tellement importante, qu’elle est de nature à être renvoyée au bureau, et je suis d’avis que la discussion s’établisse aussitôt sur cette motion. M. de Goupil de Préfeln. Le sentiment dje l’honneur et de la liberté est inné dans le cœür des Français ; il importe à notre honneur que nous délibérions en liberté ; cela importe ausèi au bien du service du Roi. Quel citoyen, désirant reconnaître les droits légitimes de la puissance exécutive, ne se trouverait pas arrêté par cpt appareil alarmant : que doit-on espérer, quan}d ce sera au milieu des troupes que nos travaux se formeront ? Notre réclamation ne saurait êffie un acte de faiblesse ; chacun de nous en e$t incapable : ce n’est qu’un hommage que je rends aux libertés nationales. ] Je propose d’engager M. le président de présenter ce soir au Roi cette considération importante. M. l’abbé Sieyès. Je ne parle point pour faire adopter ni pour faire rejeter la motion, parce que je n’en connais pas encore suffisamment la contexture; mais je crois utile de rappeler A l’Assemblée que dans toutes les Assemblées délibérantes, et notamment aux Etats de Bretagne, on ne se croirait pas assez libre pour délibérer, s’il se trouvait des troupes à dix lieues à la ronde du lieu où ils se tiennent ; qu’il est une vérité incontestable : c’est que l’Assemblée nationale doit être libre dans ses délibérations ; qu’elle ne peut l’être au milieu des baïonnettes ; et enfin, que lors même que le sentiment intérieur de tous ceux qui la composent les élèverait au-dessus de toute crainte, ce n’est pas assez, puisqu’il est absolument nécessaire que le peuple, que la nation les regarde comme libres si l’on ne veut pas perdre tout le fruit de cette Assemblée. M. Chapelier: Personnne n’a osé s’élever contre ia motion ; car, comment soutenir en effet que des corps et des armées doivent environner l’Assemblée et alarmer nos commettants? 11 y a vingt ans qu’une pareille réclamation fut faite aux Etats de Bretagne ; cette réclamation partit de la noblesse, et les troupes furent retirées. M. le comte de Mirabeau. Lorsque j’ai présenté ma motion, j’étais persuadé et je n’ai jamais douté que la noblesse ne se jetât entre nous et les baïonnettes ; ce n’est pas elle que je redouté; je les connais les conseillers perfides decesatteù-tats portés à la liberté publique, et je jure sûr l’honneur et la patrie de les dénoncer un jour. (On applaudit.) M. Target met sous les yeux de l’Assemblée un article de son cahier qui porte « qu’aucune troupe militaire ne pourra approcher plus prés de dix lieues de l’endroit où seront assemblés les Etats généraux, sans le consentement ou la demande des Etats. »