496 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j g “Xe m Côtes de Brest, pour agir en masse du midi au nord sur les rebelles ; « Il rendra compte chaque jour des mesures qu’il aura prises, et des progrès de nos armées. » Vers le 7 frimaire, l’armée de la République se ralliait à Rennes ; on se remettait en état de défense : le reflux des troupes de cette ville, qui fut si longtemps le siège de l’aristocratie nobi¬ liaire et robinesque, améliora subitement l’es¬ prit public, ranima les patriotes, et permit d’es¬ pérer que les intelligences que des brigands s’y étaient ménagées, seraient inutiles, et que les complots liberticides des royalistes bretons se¬ raient complètement déjoués. Alors le comité de Salut public s’occupait de réunir encore toutes ses forces, et de désigner un général en chef. « 7 frimaire. « Le comité de Salut public, considérant que les divers échecs éprouvés par l’armée dirigée contre les rebelles de la Vendée doivent être attribués en grande partie à la dissémination des forces, persiste dans ses précédents arrêtés, tendant à la réunion des armées des côtes de Brest et de l’Ouest, qui doivent concourir en masse à la destruction des brigands; charge en conséquence les généraux, sur leur responsabi¬ lité personnelle, de prendre toutes les mesures nécessaires pour opérer cette réunion de forces, et agir d’après les bases déjà arrêtées par le comité, et envoyées aux représentants du peuple chargés d’en surveiller rigoureusement l’exécu¬ tion. » Autre arrêté du 7 frimaire. « Le comité de Salut public arrête que le général Thurreau prendra le commandement de l’armée de l’Ouest, en sa qualité de général de division, et, qu’en attendant, le général Marceau exercera le même commandement. » Si les rebelles s’étaient emparés de Rennes, la révolte du Morbihan et les mécontents des autres parties de la ci-devant Bretagne réchauf¬ faient les espérances des contre-révolutionnaires, et s’assuraient les secours promis tant de fois par les scélérats britanniques : mais l’armée républicanisa cette fois la ville de Rennes, et Rennes défendue ne fut plus attaquée. Les bri¬ gands délibérèrent sur l’itinéraire de leur fuite. Il paraît par plusieurs relations que les chefs, les nobles, les prêtres et les marquises voulaient se porter vers les côtes de Cherbourg, et attendre des flots de l’Océan des secours qu’une terre qu’ils avaient trahie et ensanglantée devait leur refuser : les paysans, au contraire, les fanatiques, les habitués du sol français, les lâches et les femmes opinaient pour rentrer dans les repaires de la Vendée, et préféraient la Loire à l’Océan. Déjà même les drapeaux du brigandage étaient portés sur la route de Pontorson, mais la majo¬ rité et l’habitude du sol l’emportèrent, et les rebelles reprirent la route de Laval. Un bruit confus, propagé par la terreur, les précède; par¬ tout dans les départements de Mayenne-et-Loir, d’Indre-et-Loire, on (lisait qu’ils couraient, rava¬ geant tout sur leur passage, ne faisant grâce à Personne, et décidés à repasser la rivière du oir. Mais des dispositions militaires furent heureu¬ sement prises. Le général Tribaut, qui, avec un petit corps d’armée, avait fermé aux brigands l’entrée dans le département des Côtes-du-Nord par la route de Dinan, reçut l’ordre des représentants du peuple de se rendre dans le Morbihan, où des troubles commençaient à se démontrer avec un caractère funeste. 1,800 hom¬ mes en imposèrent à ces Vendéens obscurs. D’un autre côté, l’armée de Rennes se dispo¬ sait à poursuivre les brigands fugitifs, et à ne pas leur laisser reprendre haleine. Le comité de Salut public s’occupait en même temps des passages de la Loire et de la reprise de Noirmoutier, opération sur laquelle nous ne donnons aucun développement, parce qu’elle n’est pas terminée. Il fallait garnir tous les postes sur la rivière, et contenir l’armée de Charette; il fallait détruire entièrement l’an¬ cienne Vendée, et empêcher tout à la fois qu’elle ne se repeuplât. Vous jugerez par la lecture de nos arrêtés, s’ils ont été utiles et in¬ tempestivement pris. Arrêté du 9 frimaire. « Le comité de Salut public, informé que les rebelles sortis de la Vendée, après avoir échoué dans le projet de se porter dans le département de la Manche, reviennent sur leurs pas, et paraissent avoir le dessein de repasser la Loire, arrête : « 1° Les représentants du peuple et les géné¬ raux commandant les forces dirigées contre les rebelles s’opposeront par tous les moyens pos¬ sibles à ce que ces brigands puissent repasser la Loire ; « 2° A cet effet, dès que le projet des ennemis sera connu, on fera couper les ponts de Cé et de Saumur, et l’on fera passer sur la rive gauche de la rivière tous les bateaux et embarcations qui se trouvent depuis Saumur jusqu’à Nantes; les embarcations seront rassemblées dans les différents points de défense et détruites s’il le faut; on se tiendra aussi en mesure de couper le pont de Tours, si l’ennemi paraît vouloir se jeter de ce côté; « 3° On fera garder Saint-Florent avec de la grosse artillerie, de même que le four à chaux vis-à-vis Ancenis, et tous les passages prati¬ cables jusqu’à Nantes, notamment celui de Chanteauceaux ; « 4° Les forces qui sont maintenant en deçà de la Loire se réuniront en masse, pour agir sur les derrières et sur le flanc droit de l’ennemi lors¬ qu’il tentera de repasser la Loire; on tâchera de l’enfermer entre la rivière et l’armée, et on l’empêchera surtout de pénétrer vers Nantes et de rejoindre son pays, en tournant cette ville par la partie inférieure du fleuve; « 5° Aussitôt qu’on sera réuni, on marchera contre les rebelles, et on les poursuivra sans relâche partout où ils se porteront, toujours offensivement et sans se donner le temps de s’établir nulle part : on évitera sur toutes choses la dissémination des forces et les attaques par¬ tielles ; « 6° Les dépôts qui sont dispersés d’Orléans à Tours seront rassemblés et organisés dans cette dernière ville ; on ne réunira cependant que les hommes armés, et en état de servir ; « 7° Le général Haxo est particulièrement chargé de garder les postes de la rive gauche de la Loire, en même temps qu’il contiendra l’armée de Charette et empêchera la jonction avec les autres rebelles; il rendra compte de toutes ses opérations au général en chef de [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j J® Jrimaire “ “ 497 l’armée de l’Ouest et prendre ses ordres. Il sus¬ pendra l’expédition de Noirmoutiers, jusqu’à ce que Nantes soit à l’abri de toute insulte; « 8° Le représentant du peuple Levasseur par¬ tira sans délai, pour assurer les mesures qui ont pour objet la défense du passage de la Loire. » Ici une réflexion importante ne vous échap¬ pera point; c’est qu’il ne suffit pas, en matière de gouvernement, de faire des arrêtés et de don¬ ner des ordres; ce n’est rien faire, si le gouverne¬ ment ne s’assure pas de leur entière et prompte exécution. Des républicains qui ont lié leur des¬ tinée au salut de la République, ne peuvent pas se borner à donner froidement des ordres par écrit, et de les abandonner ensuite à l’exécution lente et incomplète de sous-ordres indifférents, ou à la responsabilité presque toujours insigni¬ fiante ou illusoire de ministres ou de commis, à leur impéritie, à leurs fautes ou à leur faiblesse. Ne vous hâtez pas d’applaudir à l’ensemble de ces mesures : à côté de chaque arrêté utile, la calomnie, ou je ne sais quelle autre passion aussi vile, place une accusation contre le comité il faut la connaître. On a dit que le comité avait destitué Haxo, et on voulait insinuer de cette manière que le comité se plaisait à désorganiser la victoire. La Convention voit bien évidem¬ ment le contraire par l’article 7 de cet arrêté qui porte « que le général Haxo est particulière¬ ment chargé de garder les postes de la rive gauche de la Loire en même temps qu’il con¬ tiendra Charette, et empêchera sa jonction avec les autres rebelles. » Jamais le comité n’a eu la pensée de desti¬ tuer ce général utile, et il ne pouvait pas l’avoir, car les mêmes représentants qui rendaient jus¬ tice au républicanisme . de Rossignol, appré¬ ciaient également les talents et le civisme de Haxo, ainsi qu’on peut le voir dans plusieurs de leurs lettres. La vérité est qu’il fut présenté au comité une liste d’un nouvel état-major dans lequel Haxo ne se trouvait pas compris; mais cette erreur du ministre n’eut aucun effet par les mesures positives qu’avait déjà prises le comité, et cette erreur fut d’ailleurs aussitôt réparée. Ainsi le comité, inaccessible à toutes les passions individuelles, ne connaît que la pas¬ sion de la liberté, et ne veut défendre et servir que la République. Le gouvernement établi par la Convention doit s’assurer la conviction que les mesures se¬ ront exécutées soit par le concours des témoi¬ gnages et des comptes qu’il se fait rendre, soit par le caractère prononcé et soutenu des agents à qui l’exécution de ces mesures est confiée, soit enfin dans certaines circonstances délicates ou scrètes, en envoyant des agents pris dans son sein, et en ne s’en rapportant qu’à lui-même. Au milieu des conspirations qui nous entou¬ rent, au milieu des complots qui se succèdent, et des défiances dont on cherche à nous envi¬ ronner contre nous-mêmes, vous ne sauriez im-prouver cette honorable et salutaire incrédulité qui nous force à employer plusieurs représen¬ tants du peuple, et à diminuer même quelque¬ fois, et momentanément, le nombre des mem¬ bres du comité. Levasseur qui avait montré, à Dunkerque et à Honscootte, de la fermeté et de la prompti¬ tude dans l’exécution, a été choisi par le co¬ mité, le 9 frimaire, pour remplir ses vues sur le bord de la Loire. Yoici l’arrêté pris à cette date : « Le comité de Salut publie a arrêté que le SÉRIE, T. LXXXI. citoyen Levasseur, représentant du peuple, se rendra sans délai dans tous les lieux qui bordent la Loire depuis Orléans jusqu’à Nantes, et au delà, s’il est nécessaire, pour assurer la défense de ces divers points et empêcher que les bri¬ gands sortis de la Vendée, ne repassent la Loire pour y rentrer. Il est chargé spécialement de tenir la main à l’exécution de l’arrêté du comité de Salut public qui règle les mesures à prendre pour opérer la défense de cette rivière; il y ajoutera toutes celles qu’il jugera propres à cet objet. En conséquence, il est investigdu pou¬ voir de donner des ordres à tous les fonction¬ naires publics civils et militaires, et à�tous les citoyens qui demeurent obligés par le présent d’y obéir; à la charge toutefois de se concerter avec ses collègues dans les lieux où il s’en trou¬ vera; enfin, il mettra la plus grande célérité à remplir sa mission et à en garantir le succès au comité de Salut public. » Levasseur a pleinement justifié la confiance du comité par son intelligence et son activité patriotique : tout a été surveillé, défendu, armé en peu de jours. Les mesures que nous prenions le 5 frimaire étaient si urgentes que nos collègues nous écri¬ vaient le 10, de Rennes : « Citoyens collègues, le projet des brigands de rentrer dans la Vendée paraît maintenant certain, et nous en avons la conviction dans la direction de leur marche en quittant Laval. Ils ont évacué cette ville hier, et se sont portés, une colonne sur La Flèche et l’autre sur Château-Gontier, dans l’intention, sans doute, de piller cette première ville qui ne l’a point encore été, d’être moins embarrassés pour les subsistances et d’attaquer Angers sur deux points. Si cette ville peut leur résister un jour seulement, les rebelles ne pourront y en¬ trer; car notre armée, partie d’hier de Rennes our Château-Giron et la Guerche aura le temps e les rejoindre et de secourir Angers, où une colonne de 2,500 hommes a reç u ordre de se porter sur-le-champ pour renforcer le peu de troupes qui y est, tandis que le gros de l’armée les talonnera et leur ôtera toute idée de se por¬ ter sur Nantes ou sur Rennes, ou dans les dé¬ partements voisins du Calvados. » Telle était à cette époque la disposition de nos troupes. A Avranches, il y avait environ 10,000 hom¬ mes provenant de l’armée des côtes de Cher¬ bourg. Cette petite armée, avec Jean-Bon-Saint-André et Sepher garantissait la Manche. A Rennes, l’armée désorganisée par les mau¬ vais succès de Dol et de Pontorson, s’avançait de nouveau, jurait de vaincre ou de mourir pour la République. Les effets d’habillement man¬ quaient : nos braves défenseurs étaient pieds nus et ne murmuraient pas. On voyait les ci¬ toyens, sur la simple demande du représentant du peuple, porter en don civique leurs souliers pour l’armée, et substituer à une chaussure grossière celle qui devait adoucir, pour les militaires, les fatigues de la guerre. Le long de la Loire, Angers et San mur se retranchaient, Tours faisait des préparatifs avec un zèle incroyable. On coupait les ponts, on retirait, on coulait bas les bateaux; à Blois, des rassemblements de citoyens des environs y pré¬ paraient la défense de la ville et interceptaient les passages. Nantes présentait un front égale¬ ment imposant aux rebelles des deux côtés de la Loire; enfin un corps formidable de troupes bien disciplinées, extrait de l’armée du Nord, 32 498 [Contention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j f. Jî™" ”�“1793 traversait la Seine-Inférieure et s’avançait vers les points les plus avancés. Il ne s’agissait plus que de régler l’emploi de ces forees. Mais comment les forces seront-elles parta¬ gées? Marcheront -elles toutes sur les brigands? No consulterons -nous, dans ce moment, que la haine qu’ils méritent et la peine qui ieur est due? C’eût été s’abuser étrangement que de ras¬ sembler toutes ses forces contre les royalistes fugitifs. Croyez-vous que les brigands fussent allés se jeter sur les côtes de la mer pour une simple mesure de fuite, ou pour se précipiter dans quelques bateaux de Jersey? Croyez-vous que la direction des brigands vers Cherbourg, l’at¬ taque violente de Granville, les tentatives sur Cancale, les projets sur Saint-Malo, les intelli¬ gences avec Rennes, et les troubles du Mor¬ bihan fussent sans cause, sans relation, san 1 liaison intime avec nos ennemis acharnés, les Anglais? Croyez -vous que ce ne fût là qu’une déroute, ou plutôt un vaste plan de descente ou d’invasion sur nos côtes, plan dont le secret était confié aux chefs des brigands, et que les brigands subalternes ignoraient entièrement? Les rôles étaient partagés sur les frontières, sur les côtes de la mer, dans la ville commune de la République et dans ses environs, dans les départements centraux, dans les armées, dans quelques Sociétés populaires, dans quelques communes de campagne, dans nos armées, dans les groupes, dans les journaux mêmes, qui pro¬ pageaient de fausses nouvelles avec une appa¬ rente douleur. Certes, le plan est vaste, mais il est déjoué, et la publicité peut mieux le déjouer encore. Sou¬ levons un instant le rideau qui cache le spectre hideux de la contre-révolution royale, amené au milieu de nous par la famine, la calomnie, l’exagération et l’hypocrisie patriotique. Toutes les machines devaient jouer à la fois, mais les machinistes avaient un trop vaste théâtre pour s’entendre. Un roi, tiré de la race hmovrienne qui tyran¬ nise Londres, était embusqué sur nos frontières pour ceux qui aiment les rois à l’anglaise. Un régent, astucieusement reconnu par quel¬ ques puissances désespérées, était promené de Hamm sur les mers pour se rendre à Gênes, pour aller ensuite à Toulon exciter la pitié proven¬ çale en faveur d’un ancien comte de Provence, et mendier un apanage sur les bords de la Médi¬ terranée. Un autre ci-devant prince allait mendier des secours à Saint-Malo, en s’entourant généreu¬ sement de la révolte préparée dans la ci-devant Bretagne et la ci-devant Normandie. La ei-de-vant Picardie était même dans leurs royalistes projets. D’autres espérances pour les fanatiques du trône reposaient ailleurs. C’est ainsi que, harcelés par des simulacres royaux, nous voyons s’agiter autour de nous la calomnie divisant les patriotes qu’elle ne pour¬ rait noircir, les malveillants excitant des ter¬ reurs pour les subsistances; des réclamations artistement préparées contre l’incarcération des aristocrates et des personnes suspectes; monu¬ ments de haine et de malveillance dirigés con¬ tre le comité; des mesures ridicules et exagé¬ rées sur les cultes superstitieux que la raison devait abattre sans violence. Dans les départements, des rassemblements formés de nouveau à Chemillé, pour atténuer les forces qui défendent Saumur. Dans la Nièvre, qui se présentait si philo¬ sophe, si révolutionnaire, des rassemblements fanatiques et destructeurs de la liberté. Dans le Cher, des émeutes et des rassemble¬ ments dans les bois. A côté de Courtalin, des attroupements armés menacent nos manufactures nécessaires aux signes de la fortune publique. Dans le département de Seine-et-Marne des attroupements qui réclament les prêtres et les saints. Les mêmes communes qui ont fait don civique des richesses du temple, les mêmes prêtres qui ont abjuré le sacerdoce, armés, regorgeant de munitions, à Coulommiers, pays productif et qui fournit des magasins de subsistances pour Paris. A Amiens l’arbre de la liberté abattu la nuit par des scélérats qui donnaient le signal de la contre-révolution. A l’armée des Alpes un général qui empri¬ sonne des Commissions militaires, qui requiert et commande les autorités civiles, qui condamne aux travaux publics des citoyens arrêtés par mesure de sûreté et de suspicion, et qui menace d’envahir Genève, c’est-à-dire d’appeler lé fléau de la guerre sur nos frontières amies de la Suisse. Voilà le tableau raccourci des mines aux¬ quelles on faisait mettre le feu presque en même temps. Eh ! quel est le grand objet de tant de machi¬ nations simultanées contre la représentation nationale, et les représentants individuellement? C’est qu’il fallait tout diviser, tout obscurcir, tout semer de soupçons, tout mettre aux prises, et préparer ainsi la descente que l’Angleterre a audacieusement projetée sur Saint-Malo. Tous les papiers anglais, les relations particu¬ lières, les lettres des émigrés, et les complots de l’intérieur donnent tous le même résultat. Un convoi anglais de 40 voiles avait été vu à la hauteur de Cherbourg, faisant voile vers la baie de Cancale. Des frégates ennemies s’étaient approchées des côtes vers Granville; elles avaient fait des signaux auxquels on n’avait pas répondu, et le convoi, au lieu de suivre la destination qu’on doit naturellement lui sup¬ poser, avait été mouiller à Guernesey. L’Angleterre a voulu, sans doute, prévenir la vengeance que la République doit exercer sur cette île engraissée du sang et des sueurs de toutes les nations; mais qu’elle apprenne que son projet est déjà échoué, et que la nôtre ne peut être évité par ce gouvernement machia¬ vélique et barbare. Ainsi, aucune partie de l’horrible plan de nos ennemis n’a échappé au comité de Salut public. Son arrêté du 13 frimaire prouve qu’en même temps qu’il voulait qu’une armée formidable ferait poursuivre les brigands, il réservait des forces plus que suffisantes pour garantir nos côtes de toute invasion étrangère, pour mettre à l’abri Cherbourg, Granville, Saint-Malo, les points qui pouvaient être menacés d’une des¬ cente, la corruption qui pouvaic se reproduire dans Bresc et dans Rennes. Une escadre légère de 5 frégates et 3 corvettes, fut réunie dans la baie de Cancale, pour interrompre toutes les communications avec les Anglais. Le surplus des forces ne formait qu’une seule armée sous le général de l’Ouest. Il fallait diriger les troupes tirées de l’armée du Nord par la route la plus directe, en présu¬ mant d’avance la marche que tiendraient les bri- [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { g ïéœmbre�Æ gands. C’est ainsi que le nouveau corps de troupes a été d’abord dirigé sur Alençon, où il devait recevoir des ordres ultérieurs, combinés par les succès ou les revers de nos troupes. Vous verrez, citoyens, par la suite de ce rap¬ port, comment les mesures militaires se sont tellement accordées avec les circonstances que cette colonne formidable et inattendue devant se présenter en tête devant la borde des bri¬ gands, tandis que l’armée de l’Ouest les harce¬ lait, les exterminait sur les derrières. Voici l’arrêté du 13 : a Le 13 frimaire, l’an II de la République une et indivisible. « Le comité de Salut public, d’après la nou¬ velle marche que paraissent suivre les rebelles échappés de la Vendée, arrête ce qui suit : « 1° Il sera tiré du corps de l’armée [des côtes de Cherbourg, réuni à Avranches, une force suffisante d’hommes qui resteront avec le général Sepher, dans l’arrondissement des côtes de Cherbourg, pour assurer la garde des côtes et la défense des places fortes ; le surplus des troupes se portera, le plus rapidement pos¬ sible, sur Laval, et de là opérera une jonction avec l’armée de l’Ouest, pour y rester sous les ordres du général en chef Tureau ; « 2° Les représentants du peuple qui sont actuellement près de ce corps de troupes, régle¬ ront, en prenant l’avis du général Sepher, quels seront les corps particuliers, tant d’infanterie, que de cavalerie et d’artillerie, qui devront se joindre à l’armée de l’Ouest pour agir contre les brigands, ainsi que les officiers généraux qui seront chargés de les commander; « 3° Le général de l’armée des côtes de Brest restera pareillement dans cet arrondissement pour la sûreté de ce territoire ; mais les troupes déjà détachées de cette armée, pour marcher contre les rebelles, conserveront cette destina¬ tion, et seront entièrement aux ordres du géné¬ ral de l’armée de l’Ouest; 4° Les troupes tirées de l’armée du Nord, et qui doivent être en marche par Rouen, se diri¬ geront sans retard sur Alençon, où on leur fera passer de nouveaux ordres; « 5° Le général en chef Tureau aura pour objet principal de s’opposer à ce que les bri¬ gands repassent la Loire; il se portera en con¬ séquence avec toutes ses forces, partout où il pourra leur barrer ie chemin ou les combattre. « Il fera en sorte aussi de les empêcher de passer la Loire et de garantir de la dévastation le pays qui se trouve compris entre cette rivière et la Loire (sic). « 11 prendra les moyens les plus propres à faûliter sa jonction avec les troupes des côtes de Cherbourg, qui doivent lui arriver par Laval. « 6° Le conseil exécutif provisoire est chargé de l’exécution du présent, de donner en consé¬ quence les ordres les plus précis aux différents généraux ou agents, et d’y ajouter toutes les mesures qui peuvent opérer la plus prompte destruction des brigands. Il rendra compte au comité de Salut public des obstacles qui pour¬ raient survenir. » A cette époque, le comité apprend, par une lettre de Francastel, datée d’Angers le 11 fri¬ maire, les victoires multipliées que Haxo venait de remporter sur les rebelles commandés par Charette. Voici la lettre de Francastel : « J’ai envoyé de suite copie de votre arrêté au général Haxo. Je venais de recevoir les dé-499 tails suivants sur son expédition de Noirmou¬ tiers. Il y a eu à Machecoul trois ou quatre affaires avec les brigands; partout il les a re¬ poussés et battus complètement. Le 8, il leur a tué 800 hommes à la Harnache et s’est em¬ paré du poste. Ses colonnes sont actuellement réunies à celles des Sables et de Paimbœuf. Le général Dutruy, qui commande celle des Sables, avec 1,400 hommes, a mis 7 à 8,000 brigands en déroute près de Challans. Haxo se dispose à marcher sur Noirmoutiers incessamment. Vos intentions lui seront connues cette nuit. » Le comité, avant tout, devait songer à la garde de Nantes, puisqu’il fallait, à tout prix, interdire aux brigands le passage de la Loire, Carrier, représentant du peuple, en nous déve¬ loppant l’expédition de Haxo, et en dévoilant la trame ourdie à Nantes contre la liberté, nous écrit en même temps que Nantes était à l’abri de toute insulte. Aussitôt le comité rend à Haxo la liberté de reprendre le cours de ses avantages, Arrêté du 15 frimaire. « Le comité de Salut public arrête que le gé¬ néral Haxo est autorisé à reprendre son expé¬ dition projetée contre l’armée de Charette et Noirmoutiers, s’il juge que la ville de Nantes est hors de danger de la part des brigands. Le mi¬ nistre de la guerre est chargé de faire parvenir en conséquence les ordres nécessaires. » On a lu à cette tribune les lettres de Carrier, qui annoncent tous les succès du général Haxo; six fois il a battu les brigands, et les a rejetés dans le marais. L’île de Boin a été reprise, et les dispositions de terre et de mer préparent la prise de Noirmoutiers; mais voici les détails de ce concqflot préparé à Nantes : « Vous ne pouvez pas vous former une idée des progrès rapides qu’a fait ici l’esprit depuis environ trois semaines, vous aurez peine à croire qu’il est à toute la hauteur de la Révolution, partout on n’entend que des cris du plus brû¬ lant civisme ; le drapeau tricolore flotte à toutes les fenêtres; partout des inscriptions civiques; les anciennes églises deviennent des établisse¬ ments publics; tout annonce la mort du fana¬ tisme et de la superstition et le triomphe assuré du patriotisme. L’accident des prêtres qui ont péri sur la Loire réjouit tous les citoyens. Mes collègues à An¬ gers viennent de m’en envoyer cinquante-trois. En échange de ces tisons de guerre civile, j’ai fait passer à Angers cent -trente des plus forts contre-révolutionnaires de Nantes. Mes collè¬ gues me marquent qu’ils ont pris les précautions nécessaires pour les réduire à l’impossibilité absolue d’aller joindre leurs chers brigands. Les autres contre-révolutionnaires restés dans les prisons de Nantes ont ourdi les plus horribles complots, après le départ de leurs compagnons� A l’aide de plusieurs fausses clefs qu’on a saisies et trouvées à Nantes, ils devaient ouvrir toutes les portes des prisons, égorger les concierges, les gardes, incendier les prisons et une grande par¬ tie de Nantes. Six des principaux coupables ont été guillotinés sur-le-champ, une grande mesura va nous délivrer des autres. Les brigands ont attaqué Angers sur tous les points de la rive gauche de la Mayenne, par les routes de la Flèche et de Saumur; l’attaque a été très vive; elle a duré deux jours, et elle