/ 94 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE l’histoire des tyrans anciens et modernes fournisse d’exemple. La représentation nationale égorgée, les patriotes massacrés, voilà le système affreux de combinaison politique de ce soi-disant ami de la justice et de l’humanité pour faire rentrer dans le néant une révolution que l’histoire donnera pour exemple à tous les peuples à venir. Le sang que tant de français ont versé pour affranchir leur patrie du joug de la servitude n’auroit donc servi qu’à sceller leur retour à l’esclavage et à mettre à la place d’un roi parjure et assassin, un tyran plus parjure et plus assassin encore! Représentons du peuple, le dénouement de la conspiration que votre courage vient de déjouer offrira désormais un exemple terrible mais salutaire au peuple qui vous a confié son bonheur; suivez le fil de ce vaste complot, le volcan étoit autour de vous, mais il a pu lancer des étincelles sur tous les points de la République. Que le glaive de la vengeance nationale s’arrête quand le dernier des conspirateurs n’existera plus, jusques-là frappez, si vous voulez affermir la liberté de la Patrie. Si nos frères de Paris ne pouvoient pas nous garantir le dépôt que nous leur avons confié, parlez, nos bras, nôtre sang sont à la Patrie. Les membres composant le bureau de la société, J.-B. Boscary fils, président, Veruhet, vice-président, Credon, Lestrade, secrétaires. 16 Un membre [LAKANAL] fait un rapport, au nom du comité d’instruction publique, sur le manuscrit qui fut remis hier à la Convention, par la veuve de J.-J. Rousseau : il en résulte que ce manuscrit, écrit en entier de la main de cet auteur célèbre, est une copie plus correcte et plus complète de ses Confessions qui sont imprimées avec ses autres ouvrages. Il observe au surplus que la souscription portant que ce manuscrit ne doit être ouvert qu’en 1801, n’est pas de la main de J.-J. Rousseau, qui n’auroit pas plus employé le terme de monsieur , en parlant de lui, qu’il n’employoit celui de votre serviteur , en terminant ses lettres. Il termine ainsi son rapport : Le comité a pensé que le manuscrit qu’il a lu en exécution de vos décrets pourra servir utilement, lorsqu’on préparera une nouvelle édition des Confessions de J.-J. Rousseau; mais qu’il n’offre pas des nouveautés assez importantes pour déterminer aujourd’hui l’impression de cet ouvrage. Cette proposition est adoptée (25). LAKANAL, au nom du comité d’instruction (25) P.-V., XLVI, 115-116. Bull., 6 vend. publique : Citoyens, votre comité d’instruction publique m’a chargé de vous faire le rapport que vous lui avez demandé, sur le dépôt littéraire dont la veuve de J.-J. Rousseau vous a présenté l’hommage. Ce dépôt ne renferme que le manuscrit des Confessions du philosophe genevois, mais plus correct et plus soigné que celui qui a servi à l’impression de ses œuvres. Les personnages qui, dans l’ouvrage imprimé, n’étaient désignés que par des lettres initiales, sont nommés dans ce manuscrit. Il nous a d’ailleurs présenté quelques variantes de rédaction et de pensées qui ne sont pas sans intérêt. Il semble que, si J.-J. Rousseau avait voulu qu’on respectât le vœu qu’on lui a prêté, il l’aurait exprimé de sa propre main; et cependant la suscription du dépôt littéraire dont il est question n’est pas écrite de la main de ce grand homme; elle porte : remis par M. J.-J. Rousseau; et nous observerons que Rousseau, parlant de lui, n’employa jamais le mot de monsieur, pas plus que celui de votre serviteur, en terminant ses lettres. La lecture des manuscrits de l’auteur du Contrat social et d’Emile fournit naturellement une réflexion qu’on n’a pas faite jusqu’ici dans les divers jugements qu’on a portés sur le caractère des ouvrages de ce grand homme : son premier jet dans la composition est toujours une pensée ingénieuse, mais il l’efface ensuite pour y substituer le sentiment. Dans toutes les ratures de ses ouvrages, le langage du cœur est substitué à celui de l’esprit. Il n’est pas douteux, d’après les renseignements parvenus à votre comité, qu’il n’existe dans des portefeuilles particuliers des manuscrits de Jean-Jacques Rousseau, qui n’ont pas encore éclairé l’Europe. Nous avons lieu de croire que les dépositaires de ces ouvrages précieux n’en frustreront pas plus longtemps leur pays. L’art de jouir de ces trésors c’est de les répandre à propos, et c’est aux Français régénérés qu’il appartient surtout de posséder les ouvrages du philosophe qui a amené la révolution de la liberté. Le comité a pensé que le manuscrit qu’il a lu, en exécution de votre décret, pourra servir utilement, lorsqu’on préparera une nouvelle édition des Confessions de J.-J. Rousseau, mais qu’il n’offre pas de nouveautés assez importantes pour déterminer aujourd’hui l’impression de cet ouvrage (26). 17 La Convention renvoie à son comité de Salut public, sans en entendre la lecture, (26) Moniteur, XXII, 83; Débats, n° 736, 75-76. Mention dans Ann. Patr., n° 635; Ann. R. F., n° 6; C. Eg., n” 770; F. de la Républ., n" 7; Gazette Fr., n“ 1000; J. Fr., n° 732; J. Mont., n” 153; J. Perlet, n“ 734; J. Paris, n° 7; Mess. Soir, n° 770; M. U., XLIV, 89; Rép., n° 7.