SÉANCE DU 13 BRUMAIRE AN III (3 NOVEMBRE 1794) - N° 19 357 l’Espagnol. Nous ne vous retracerons point la glorieuse carrière qu’elle a parcourue ; vous avez mis à ses travaux la plus douce récompense, la seule qu’enviât son courage : vous avez écrit dans les fastes immortels de la République la journée mémorable du Boulou, les victoires signalées du 30 floréal, du 26 thermidor, et les combats de Belvès. Vous avez consacré par vos décrets ce jour où la garnison de Bellegarde, tourmentée par la faim, implora la clémence française. Notre territoire entièrement affranchi ; la mort et les ravages portés dans les superbes manufactures d’armes, dans les fonderies de ces usurpateurs ; cinq cents bouches à feu, quinze mille fusils, trésors militaires qui enrichissent nos parcs et nos arsenaux; des milliers d’esclaves anéantis ou faits prisonniers, tels sont les fruits de ses efforts et de sa valeur. Mais ce n’est point assez pour nos frères d’armes d’avoir purgé nos plaines et nos murs envahis, d’avoir précipité du haut des Pyrénées l’insolent ennemi qui osa les franchir; commandez-leur de nouveaux succès, ordonnez qu’aux voûtes triomphales du temple de la liberté une place soit destinée pour leurs nouveaux trophées, et bientôt ils la rempliront. Fidèles interprètes de leurs sentiments auprès de vous, organes de leur profonde reconnaissance et de leur dévouement inaltérable, nous vous jurons de vaincre, d’achever à votre voix d’écraser les tyrans et les sectateurs de la tyrannie ; nous vous jurons de cimenter de tout notre sang, s’il le faut, l’édifice du bonheur que vous avez fondé pour le peuple français, et que vous venez d’asseoir sur les bases immuables de la justice et de la probité. Vive la République! vive la Convention nationale! Citoyens représentants, je suis chargé d’ajouter aux trophées de l’armée des Pyrénées-Orientales cette épée, que le citoyen Joseph, caporal des Allobroges, natif de la cote d’Angole, a enlevée au général espagnol Saint-Maurice, et qu’il vous présente comme une offrande civique. ( Vifs applaudissements.) (80) LE PRÉSIDENT : Soldats de la patrie, la Convention nationale voit avec le plus vif enthousiasme et la plus douce émotion ces drapeaux que la valeur de l’armée des Pyrénées-Orientales a enlevés aux satellites des tyrans. Bellegarde et une partie de la frontière du Midi avaient été livrées à l’ennemi par la plus lâche des trahisons; votre valeur les a reconquises. Des montagnes fameuses nous séparaient de l’Espagne : vous les avez franchies. Vous avez trouvé au delà des monts des victimes de la tyrannie : vous avez brisé leurs fers ; le flambeau de la raison a éclairé les peuples (80) Moniteur, XXII, 422. Débats, n° 771, 627-628 ; Bull., 13 brum. ; Ann. Patr., n° 672 ; Ann. R. F., n° 43 ; J. Fr., n° 769 ; J. Perlet, n° 771; Mess. Soir, n° 808; C. Eg., n° 807; M. U., XLV, 220; F. de la Républ., n° 44; Gazette Fr., n° 1036; J. Univ., n° 1803; Rép., n° 44; J. Paris, n° 44; J. Mont., n° 21. des contrées que vous avez parcourues ; les liens de la douce fraternité les ont réunis aux républicains; et c’est alors que nous avons pu dire avec raison qu’il n’y avait plus de Pyrénées. Digne émule des autres armées de la République, l’armée des Pyrénées-Orientales a enrichi les fastes de notre heureuse révolution d’un grand nombre de victoires que ces drapeaux attesteront encore à nos neveux. Leur vue embrasera leurs coeurs du feu sacré de la liberté ; ils seront comme vous les apôtres de la raison et de l’humanité, et la terreur des despotes. Portez à vos braves compagnons d’armes l’assurance que, tandis qu’ils combattent avec tant de gloire les ennemis extérieurs, la Convention nationale leur conservera le dépôt précieux de la liberté et de l’égalité que le peuple français lui a confié ; assurez-les encore que le but unique de ses travaux est le bonheur universel. La Convention nationale vous invite aux honneurs de la séance. Sur la proposition d’un membre [GASTON] (81), le président donne l’accolade fraternelle au général Despinois et à ses compagnons d’armes, au milieu des plus vifs applaudissements (82). Insertion de la lettre, du discours de l’orateur, de la réponse du président, au bulletin (83). SOUBRANY expose que parmi les vainqueurs que l’Assemblée voit à sa barre, cinq ont cimenté de leur sang les victoires de l’armée des Pyrénées-Orientales ; l’un d’eux a été blessé dans la même armée avec ses deux frères ; ceux qui sont guéris, n’ont dit-il, d’autre désir, que de retourner à de nouveaux combats, et ceux qui sont hors d’état de servir, n’ont d’autre regret que de ne pouvoir plus défendre leur patrie. ( Vifs applaudissemens). Soubrany demande le renvoi au comité pour accorder à ces guerriers les récompenses qu’ils méritent, et pour qu’ils soient inscrits sur la liste des promotions qui sont à la nomination de la Convention. Décrété. Quant au guerrier dont vous venez d’applaudir le discours, continue Soubrany, il a eu l’honneur de verser son sang pour la patrie, sous les murs de Toulon ; c’est ce qui lui a valu le grade d’adjudant général. ( Vifs applaudissemens) (84). (81) Débats, n° 771, 628. (82) Moniteur, XXII, 422-423. Débats, n° 771, 628; Bull., 13 brum. ; Ann. Patr., n° 672 ; Ann. R. F., n° 43 ; J. Fr., n° 769 ; J. Perlet, n° 771; Mess. Soir, n° 808; C. Eg., n° 807; M. U., XLV, 220; F. de la Républ., n° 44; Gazette Fr., n° 1036; J. Univ., n° 1803; Rép., n° 44; J. Paris, n° 44; J. Mont., n° 21. J. Perlet, n° 771, précise que l’un des républicains a perdu un bras et l’autre un oeil. (83) P.-V., XL VIII, 172. (84) Débats, n° 772, 629.