20 brumaire an II 10 novembre 1793 722 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Homme a observé que ces propositions étaient trop importantes pour être discutées dans une séance consacrée aux pétitionnaires, et il en a demandé l’ajournement au lendemain. Basire. Je ne veux point parler pour mob car je suis le plus pauvre -de la Convention; mais je veux observer que je ne vois dans les mesures qui vous sont proposées qu’une pomme de discorde jetée au milieu des patriotes. Il faut considérer d’abord que vous ne parvien¬ drez jamais à atteindre le fripon, parce qu’il sait s’entourer de ténèbres et faire disparaître jusqu’à la trace de son crime. En second lieu, vous devez vous rappeler que déjà vous avez rendu des lois qui renferment les mesures que l’on vous propose. J’observe que ce n’est pas en multipliant ainsi les lois que l’on parvient à d’heureux résultats; mais en tenant la main à l’exécution. Je demande l’ordre du jour sur les proposi¬ tions de Philippeaux, motivé sur l’existence de la loi. L’ordre du jour est décrété. Chabot obtient aussi la parole. Il représente que, d’après la loi sur l’instruction criminelle, un citoyen ne peut être frappé du décret d’accusation sans avoir été préalablement entendu. Il réclame le même droit pour les députés qui mériteraient d’être accusés, de¬ mande qu’aucun représentant du peuple ne puisse être mis dans les liens d’accusation, sans avoir été auparavant entendu dans le sein de la Convention. « La mesure que je vous propose, ajoute Chabot, est dictée par l’intérêt général. Il règne un système de calomnie, par le moyen duquel on prétend avilir la Convention nationale en inculpant différents de ses mem¬ bres. Que l’on ne dise pas que la mesure que je propose n’a pas été suivie à l’égard de Brissot et consorts : je répondrai que l’opinion publique les accusait, et que les preuves de leurs crimes étaient acquises. » Après une discussion, la Convention a décrété : 1° qu’aucun de ses membres ne pourrait être décrété d’accusation qu’il n’ait préalable¬ ment été entendu; 2° que néanmoins, d’après le rapport du comité de sûreté générale, il serait mis en état d’arrestation et les scellés apposés sur ses papiers; 3° qu’en cas d’évasion, Userait décrété d’accusation huit jours après le décret d’arrestation. Voulland et quelques autres membres pro¬ posaient par amendement que dans le cas où, après avoir été mis en arrestation pour délit contre-révolutionnaire, des députés prendraient la fuite, ils fussent mis hors la loi. Cette proposition a été renvoyée à l’examen du comité de sûreté générale. ANNEXE 2 A la séance de la Convention nationale dn 30 brumaire an II (Dimanche 30 novembre 1903). Comptes pendus par divers journaux, de l’admission à la barre des autorités constituées de Paris qui viennent invi¬ ter la Convention à assister à la fête de la Raison qui se célèbre à Ifotre-Rasne (1). I. Compte rendu du Journal dés Débats et des Décrets (2). Buîourny, orateur. Représentants du peuple, la race humaine est enfin régénérée; enfin le culte de la raison a succédé aux grimaces du fanatisme. Vous avez décrété que la ci-devant église métropolitaine de Paris serait désormais le temple de la Raison. On y célèbre aujourd’hui une inauguration de la statue de la Liberté. Représentants, le peuple vous y attend. Venez au milieu de lui; mais venez-y en masse, pour faire voir que ce sacrifice nouveau aux yeux de l’univers n’est point un sacrifice partiel, mais bien le résultat du vœu delà majorité de la nation. L 3 Président. L’invitation des autorités constituées est flatteuse. Chacun de nous, en particulier, et l’Assemblée nationale en général a dans le cœur le vif désir de vous accompa¬ gner, mais, fidèle à son poste, elle a besoin de se consulter. Cependant, en son nom, je vous invite à la séance. Charlier convertit en motion la demande du pétitionnaire. Elle est décrétée. Il y aura demain séance pour les autres pétitions. On annonce que la cérémonie est achevée. Thuriot demande que la Convention aille, malgré cela, au temple de la Raison pour y chan¬ ter l’hymne de la liberté. Il pense que cette démarche est du plus grand intérêt et que la Convention doit montrer, par un acte formel, que l’opinion ne l’a point devancée dansria des¬ truction des préjugés. Cette proposition est décrétée. t * i * * $ h i . «*»•«« Les citoyens qui avaient assisté à la fête de la Raison, demandent à défiler. La marche s’ouvre par un corps de jeunes musiciens; des groupes de citoyens de tous les âges suivent gaiement. Un citoyen s’arrête; il chante avec énergie un couplet dont nous n’avons pu saisir que le refrain : Paris sera toujours le tombeau des tyrans; il a été répété avec le plus vif enthousiasme. Pendant que le cortège défile, les jeunes musiciens qui s’étaient placés dans les bancs les plus élevés de la salle jouent des airs patriotiques, et de jeunes orphelins des défenseurs de la patrie chantent une hymne patriotique. Merlin en demande l’insertion au Bulletin : elle est dé¬ crétée. (1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 711, le compte rendu de cette admission à la barre, d’après le Moniteur. (2) Journal des Débuts et des Décrets (brumaire an II, n° 418, p. 274, 275 et 278). [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. »> brumaire an II 723 J MO novembre 1793 Un corps considérable de musiciens fait reten¬ tir la salle des airs chéris de la Révolution; il précède des jeunes filles vêtues de blanc|jet couronnées de roses : on les accueille par de nombreux applaudissements; ils redoublent au moment où une femme superbe paraît dans la salle; plusieurs citoyens la portent; elle est assise sur un fauteuil entouré de guirlandes de chêne. Sur sa tête est placé le bonnet de la liberté; elle s’appuie sur une pique; elle s’arrête au-de¬ vant de la barre; le silence succède aux accla¬ mations de joie qui n’avaient cessé de retentir jusqu’à ce moment. Cliaumette prend la parole : Vous l’avez vu, dit-il, citoyens législateurs, le fanatisme a lâché prise; il a abandonné la place qu’il occupait à la raison, à la patrie et à la vérité, ses yeux louclies n’ont pu soutenir l’éclat de la lumière. Il s’est enfui. Nous nous sommes emparés des temples qu’il nous abandonnait. Nous les avons régénérés. Aujourd’hui tout le peuple de Paris s’est transporté sous les voûtes gothiques, frappées si longtemps de la voix de l’erreur, et qui, pour la première fois, ont retenti du cri de la vérité. Là, nous avons sacrifié à la liberté, à l’égahté, à la nature, là, nous avons crié : Vive la Mon¬ tagne! et la Montagne nous a entendus, car elle venait nous joindre dans le temple de la Raison. Nous n’avons point offert nos sacrifices à de vaines images, à des idoles inanimées. Non, c’est un chef-d’œuvre de la nature que nous avons cherché pour la représenter, et cette image sacrée a enflammé tous les cœurs. Un seul vœu, un seul cri s’est fait entendre de toutes parts. Le peuple a dit : Plus de prêtres, plus d’autres dieux que ceux que la nature nous offre. Nous, ses magistrats, nous avons recueilli ce vœu : nous vous l’apportons, du temple de la Raison nous venons dans celui de la Loi, pour fêter encore la liberté. Nous vous demandons que la ci-devant métropole de Paris soit con¬ sacrée à la raison et à la liberté. Le fanatisme l’a abandonnée; les êtres raisonnables s’en sont emparés ; consacrez leur propriété ( On applaudit vivement). Le président félicite le peuple de Paris sur la victoire qu’il vient de remporter contre la superstition: il lui dit que l’importance des discussions de l’Assemblée l’ont seule empêchée d’assister à la cérémonie et qu’elle se propose d’aller dans le temple de la Raison chanter l’hymne de la liberté. On avait demandé que celle qui représentait la liberté s’assît auprès du président : la Con¬ vention le décrète. Elle se rend au bureau : des acclamations joyeuses l’y accompagnent; le président, les secrétaires lui donnent le baiser iraternel. Merlin convertit en motion la pétition de Chaumette : elle est décrétée aux cris répétés de Vive la République. Basire demande que la Convention se mette en marche avec le cortège. Il ne doute pas . que le peuple .de Paris ne retourné avec les représentants du peuple dans le temple de la Raison, pour lui rendre un nouvel hommage. Tliuriot qui en avait souvent fait la motion, appuie cette proposition. Elle est décrétée et l’on part. La séance est levée. II. Compte rendu de l’ Auditeur national (1). Les autorités constituées de Paris, admises à la barre, ont parlé de la sagesse du peuple qui, renversant les autels de la superstition après avoir brisé le sceptre et le trône des rois, ne veut plus reconnaître que la liberté, la raison et la vérité. La fête de la Raison étant aujourd’hui célébrée dans la ci-devant cathédrale, les auto-rités de Paris ont invité la Convention à s’y rendre en masse, afin que la France fût instruite que cette heureuse régénération n’est pas seu¬ lement le vœu . de Paris mais celui des repré¬ sentants du peuple. La Convention répond à cette invitation par de vifs applaudissements, et en décrétant qu’elle assistera tout entière à la fête de la Raison. Une députation du peuple de Par s est venue annoncer que la fête de la Raison venait d’être célébrée et que les citoyens demandaient à défiler dans le sein de la Convention. Thuri }t, après avoir observé que ce jour était trop remarquable et solennel pour que la Con¬ vention ne s’empresse pas d’y prendre part, a fait la motion qu’elle se portât en masse au sanctuaire de la Raison, où sans doute le peuple se ferait un plaisir de l’accompagner. Cette motion a été sur-le-champ décrétée et, après avoir reçu des députations des sections de Beaurepaire et des sans-culottes, qui sont venues exprimer des sentiments républicains, le peuple de Paris a paru. Il venait du temple de la Raison dans celui de la Loi annoncer sa victoire sur la supersti¬ tion. U a défilé au sein delà Convention, précédé d’une musique militaire. On voyait à la suite d’un groupe nombreux de citoyennes en habit de vestales, la plus belle représentant la déesse de la Liberté. Chaumetta a prononcé un discours éner¬ gique analogue à la circonstance. Le peuple a demandé, par son organe, que l’église, appelée Notre-Dame, fût désormais un temple consacré à la Raison. Cette pétition, couverte d’applaudissements, a été décrétée. Ensuite, après avoir rendu hommage à la Liberté, assise auprès du président, qui a reçu d’elle le bonnet, toute la Convention est allée avec le peuple de Paris dans le temple de la Raison chanter des hymnes patriotiques. Elle a, auparavant de partir, décrété que le peuple de Paris a bien mérité de la patrie. (1) Auditeur national jjn°. 415 du 21 brumaire an II (lundi 11 novembre 1793), p. 4 et 5 J.