271 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 août 1791.] pas de nature à entrer dans la Constitution; mais la première, certes, doit être admise; et comme dans le préambule que l’on vient de lire, l’Assemblée a rappelé ces différents abus qu’elle a voulu irrévocablement détruire, je crois que celui-là doit y être compris et que, dans l’énumération, il doit être dit : qu’il n’y aura plus d’inégalités résultant de la loi dans le partage des successions. M. Thouret, rapporteur . Les comités ont examiné la question de l’inégalité des partages et ils ne se sont enfin déterminés à ne pas en faire mention ici, que parce qu’ils l’ont considérée plutôt comme un objet législatif tenant véritablement à l’esprit de la Constitution que comme un principe constitutionnel. Cependant si l’Assemblée trouve que cette idée se lie assez prochainement avec les bases constitutionnelles pour devoir faire partie de l’acte constitutionnel, nous l’ajouterons. (Voix diverses: Oui! oui! Non nonl) En ce cas je proposerais de la mettre dans le titre premier avec les dispositions qui sont uniquement relatives aux droits politiques. Ainsi, au lieu de mettre : il n’y a plus d’inégalité de partage, nous mettrions : la Constitution garantit que tous les citoyens sont également admissibles, etc. » M. E*e Chapelier. J’ai la même opinion que j’ai eu dans les comités, après avoir mis, dans le projet que nous avions fait, cet article, j’ai cru ensuite qu’il n’était pas nécessaire de le placer dans la Constitution, et que comme tout n’était pas décrété relativement aux successions, il était dangereux de les comprendre, et voici les réflexions que j’ai faites à cet égard ; il est impossible de supposer qu’après avoir fait une déclaration des droits, qui doit être le régulateur des législateurs, après avoir établi une Constitution, après avoir pris pour base de celte Constitution, la liberté et la plus parfaite égalité, et après avoir porté des lois qui ont aboli les partages inégaux, il est impossible, dis-je, de supposer que les législateurs rétabliront l’inégalité de partage; car vous savez bien que l’inégalité de partage n’est venue que par la féodalité, que c’est là sa source, et vous l’avez détruite. (Murmures.) On dit que cela n’est pas ainsi : je maintiens qu’en l’examinant avec le flambeau de l’histoire, on ne pourra trouver à l’inégalité dans les successions a b intestat d’autres causes que la féodalité. J’observe ensuite que si l’on insérait dans la Constitution la disposition qui vous est proposée, il vaudrait mieux l’insérer dans le chapitre des destructions que dans le chapitre des droits garantis, car elle y serait difficile à placer-Vous n’avez rien décidé sur les testaments ; vous n’avez pas encore arrêté la faculté très-illimitée de l’homme, dans certains pays, de disposer de ses biens en mourant, et par conséquent de mettre, entre ses héritiers, une inégalité qui doit être désormais proscrite par la loi. Eh bien ! comme vous n’avez cependant rien décrété à cet égard et que vous avez ajourné le projet qui vous avait été présenté, vous allez être obligés maintenant de dire qu’il y a égalité entre les héritiers et d’exprimer que cependant vous entendez encore ne changer à la volonté de l’homme, sur laquelle vous n’avez rien statué, ou de statuer sur cette volonté; ce qui nous serait impossible dans ce moment, car nous ne voulons pas entrer dans cette discussion. Il faut éviter cet inconvénient de déclarer que les législatures pourraient vouloir détruire l’égalité établie par la loi. Je crois qu’il vaut mieux suivre le parti qui vous a été tracé par vos comités, c’est-à-dire abandonner cet article à la législation : on ne change les lois que lorsqu’on trouve de l’avantage à le faire, et je défie d’en trouver à changer celle-là. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour sur la disposition additionnelle de de M. Barnave.) M. Thouret, rapporteur. Nous passons, Messieurs, au titre premier du projet des comités : TITRE Ier. Dispositions fondamentales garanties par la Constitution. « La Constitution garantit, comme droits naturels et civils : « 1° Que tous les citoyens sont admissibles aux places et emplois, sans autre distinction que celle des vertus et des talents. « 2° Que toutes les contributions seront réparties entre tous les citoyens, également, en proportion de leurs facultés. « 3° Que les mêmes délits seront punis des mêmes peines, sans aucune distinction des personnes. « La Constitution garantit pareillement, comme droits naturels et civils : <■ La liberté à tout homme d’aller, de rester, de partir, sans pouvoir être arrêté, accusé ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites; « La liberté à tout homme de parler, d’écrire, d’imprimer ses pensées, et d’exercer le culte religieux auquel il est attaché; « La liberté aux citoyens de s’assembler paisiblement et sans armes, en satisfaisant aux lois de police. « La liberté d’adresser aux autorités constituées des pétitions signées individuellement. « Comme la liberté ne consiste qu’à pouvoir faire tout ce qui ne nuit ni aux droits d’autrui ni à la sûreté publique, la loi peut établir des peines contre les actes qui, attaquant ou la sûreté publique ou les droits d’autrui, seraient nuisibles à la société. « La Constitution garantit l’inviolabilité des propriétés, ou la juste et préalable indemnité de celles dont la nécessité publique, légalement constatée, exigerait le sacrifice. « Les biens qui ont été ci-devant destinés à des services d’utilité publique, appartiennent à la nation; ceux qui étaient affectés aux dépenses du culte, sont à sa disposition. « Il sera créé et organisé un établissement général de secours publics, pour le soulagement des pauvres infirmes et des pauvres valides manquant de travail. « Il sera créé et organisé une instruction publique, commune à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties d’enseignement indispensables pour tous les hommes, et dont les établissements seront distribués graduellement dans un rapport combiné avec la division du royaume. » (La discussion est. ouverte sur ce titre.) M. Buzot. Il ne suffit pas de dire, comme il est dit dans ce titre, que la Constitution garantit les droits civils et naturels, il faut que l’on connaisse comment elleJes garantit. Or, ce sont ces 272 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 août 1791.] formes de la liberté, conservatrices des droits civils, que je ne retrouve point dans l’article premier. D’abord sur le troisième paragraphe, il manque une addition essentielle. Si les mêmes délits doivent être punis des mêmes peines sans aucune distinction des personnes, il me faut une loi qui me garantisse que cela sera toujours ainsi. Vous l’avez décrétée vous-mêmes après une mûre discussion dans laquelle M. Duport nous montra les inconvénients de laisser au pouvoir exécutif le droit de faire grâce. Si quelqu’un dans la société a ce droit là, il est certain que rien ne me garantit que les mêmes délits seront punis des mêmes peines. Je demande donc, comme un moyen de garantir les droits civils et naturels, que l’article qui est dans notre Gode pénal soit mis ici. Cette addition ne suffit pas encore, et quoique j’aie approuvé d’abord ce premier titre, en y faisant une plus sérieuse attention, en le comparant à divers articles de la Constitution d’Angleterre, en le comparant avec les articles que vous avez décrétés vous-mêmes, je n’ai pas trouvé moi, qu’en promettant à chaque citoyen de lui garantir ses droits civils et naturels, vous les lui garantissiez. En effet, vous rapportez tout à la loi, c’est-à-dire vous donnez à chacun de nous la jouissance des droits politiques; mais les droits civils ne sont pas garantis contre les atteintes du Corps législatif lui-même, et il faut rétablir ici, je ne dis pas tous les articles, mais les articles en substance que je trouve dans votre projet de loi sur la police de sûreté. Dans le jury vous avez fait un décret contre les détentions injustes et contre tous actes arbitraires; il faut donc que la Constitution, ne pouvant pas déterminer les cas parce qu’ils peuvent se diversifier à l’infini, il faut qu’elle porte des peines contre ceux qui pourraient attenter à la liberté de quelqu’un; car, par ces peines là, il est impossible aux législatures, au pouvoir exécutif, d’y porter aucune atteinte. Je demanderais aussi que l’on y ajoutât les diverses lois que vous avez faites sur les prises à partie. (Murmures.) Un membre: Oui, oui, c’est très important. M. Buzot. Si vous ne portez pas cette loi il n’est rien qui puisse protéger un citoyen contre les atteintes de la législature ou du pouvoir exécutif. Examinez le titre que je discute, et vous y verrez, non pas que la Constitution me garantit des droits, mais que la Constitution promet que la loi me les garantira. Hé! bien alors, ce n’est donc point la liberté civile que votre Constitution me promet, mais seulement des droits politiques, puisque vous renvoyez aux législateurs jusqu’aux atteintes qu’on pourrait y porter. Si vous l’avez entendu ainsi, je dis que votre titre est absolument inutile, car en me conservant mes droits politiques, la loi dans tous les temps me protégera comme les législatures le trouveront à propos ; mais si, au contraire, ne suivant que les termes de votre Constitution, vous me promettez que votre Constitution me garantit , alors il faut que vous me donniez à moi-même des moyens rassurants de garantie et je n’en vois pas ; c’est ainsi que, dans beaucoup d’articles de votre police de sûreté, vous avez garanti, à l’exemple des Anglais et des Américains, la liberté individuelle, en présentant des moyens de donner une caution ; vous m’avez promis alors que, dans certains cas, il me gérait possible de quitter la prison en donnant caution : loi qui rappelle la loi de Vhabeas corpus , si vantée par les Anglais, et qui assure leur liberté. Ces observations me paraissent à moi, tellement évidentes, que le paragraphe suivant, tout en disant qu’il garantit la liberté de la presse, ne garantit absolument rien. Je demande que vous me donniez un article très précis, une loi sur cette matière; je demande que, par suite de ces dispositions, il y ait un article qui détermine que les législatures à venir ne pourront pas toucher à cette liberté sacrée, sans laquelle il n’y a pas dans votre Constitution de liberté civile. Je ne disconviens pas, avec le comité de Constitution, qu’il ne soit des cas où l’on doive prononcer des peines contre les actes qui attaquent la sûreté publique et les droits d’autrui ; mais je soutiens qu’avec cette maxime générale et abstraite, vous n’avez rien qui garantisse la déclaration. ( Murmures ) ..... Si les législatures à venir, se coalisant peut-être contre la liberté publique, profitaient de quelques circonstances malheureuses pour porter atteinte elles-mêmes à la liberté de la presse, elles pe manqueraient pas de prétextes. Avez-vous quelque édit de nos rois dont le préambule ne présente quelque idée de justice et d’équité? La Constitution, en disant qu’elle garantit aux citoyens les droits civils et naturels, doit en effet les garantir ; si elle ne les garantit que par la loi, elle ne fait que donner des droits politiques et non point des droits civils. Je demande donc qu’on rétablisse dans ce titre: 1° la loi qui abolit le droit de faire grâce ; 2° qu’on y rétablisse les décrets qui garantissent véritablement la liberté et les lois qui prononcent une peine contre ceux qni porteraient atteinte à la liberté individuelle ; 3° qu’on y ajoute aussi ceux qui établissent cette liberté, la faculté de donner caution en de certaios cas, qui sont déterminés dans deux articles seulement de votre loi ; 4° qu’on détermine aussi une loi qui garantisse la liberté de la presse de toute espèce d’atteinte; et comme il est vrai et possible, dans certains cas, de porter des lois pour empêcher la liberté de la presse, je demande enfin qu’on circonscrive ici ces abus. Telles sont, Messieurs, les idées dont je tenais à faire part à l’Assemblée et dont je demande l’insertion dans le titre premier. M. Pétionde Villeneuve. Messieurs, lepréo-pinant vous a présenté, sur le paragraphe qui concerne la liberté de la presse, une idée extrêmement simple et qu’il est facile de faire sentir jusqu’à l’évidence. Je vous prie d’observer que l’intention de votre comité est de dire qu’il n’y a point de loi à faire sur cette matière, qu’il suffit de déclarer que la presse est libre, pourvu qu’on ne nuise, ni à la tranquillité, ni aux droits d'autrui. Eh! Messieurs, c’est également le langage que l’on tenait de l’ancien régime; c’est ainsique les Anglais, lors de leur révolution en 1680, faute d’avoir voulu également ne pas faire de loi pour assurer la liberté de la presse en sont parvenus à ce point où ils en sentent la nécessité indispensable. En effet, la liberté de la presse décroît journellement en Angleterre par cette raison, et cela est venu à un tel degré que le ministère a trouvé le secret dans le moment actuel de faire condamner au pilori un écrivain, pour avoir dit que les vaisseaux n’étaient pas armés contre l’Espagne, mais contre la France; et c’est Pitt qui a trouvé ce moyen. En Angleterre, la liberté de la [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 août 1791 .J 273 presse était confiée aux jurés, mais insensiblement on la leur a enlevée.. 11 est évident que nous n’avons encore rien fait pour la liberté de la presse; il est des principes fort simples que nous devons nécessairement poser sur cette matière. En effet, on parle ou sur les choses ou sur les personnes : eh bien ! relativement aux choses, vous avez déclaré jusqu’à présent qu’il serait libre à tout citoyen d’exposer ses opinions sur tout objet d’administration de gouvernement ou autre, sans pouvoir aucunement être inquiété, et vous laissez la facilité aux législatures de faire des lois contraires. Or, les législatures ayant cette faculté, vous exposez la liberté individuelle. Quoique dans cette Assemblée on se soit expliqué, a-t-on jamais consacré les principes à cet égard? il faut Lisser la faculté de la censure, car il vaut mieux que quelquefois des écrivains donnent mal à propos l’éveil, que de laisser des hommes qui ont des fonctions importantes prévariquer impunément : il faut donc clairement et nettement s’expliquer; nous ne pouvons pas nous le dissimuler, si nous ne nous expliquons pas, rien n’est fait pour la liberté de la presse. Je soutiens qu’il est extrêmement dangereux de laisser cela à l’incertitude et surtout à la disposition des législatures. Je demande que, sur la liberté de la presse, on déclare nettement les principes; je demande une garantie contre les lois qui pourront être faites par les législatures; qu’il soit permis d’exprimer ses pensées verbalement ou par écrit sur tous les objets quelconques quant aux choses, sans pouvoir être recherché (Murmures), d’écrire librement sur tous les actes des fonctionnaires publics ; on a xvu trop souvent les ministres s'identifier avec leur maître. Quant aux hommes privés qui ne doivent pour ainsi dire compte de leurs actions qu’à eux-mêmes, je conçois que ces hommes puissent poursuivre ceux qui ont répandu des calomnies contre eux; mais consacrez que l’on peut écrire sur tout le reste et empêchez que les législatures portent aucune atteinte à ce principe. M. Oarat aîné. 11 est inutile d’insérer dans l’acte constitutionnel des détails qui pourraient l’affaiblir, il suffit que le principe de la liberté de la presse y soit déclaré pour qu’on ne doive λas craindre de le voir altéré. Quant au cas où es particuliers peuvent ou doivent être punis, je les regarde comme appartenant à la législation et ne pouvant pas être consignés dans la Constitution. Ne craignez pas que les législateurs anéantissent cette liberté, pour laquelle, il n’y a eu qu’un vœu, avant que vous la consacrassiez par vos décrets. Je demande la question préalable sur les changements proposés. M. BouUeville-Dnmetz. Les articles qui sont actuellement soumis à la délibération de l’Assemblée sont de la plus grande importance. Depuis 2 ans l’Assemblée Nationale a donné au monde un exemple bien imposant ; elle a prouvé, par sa constance, son attachement aux vrais principes de la liberté. Je ne peux me dissimuler, Messieurs, que je partage avec les deux préopinants les alarmes qu’ils ont montrées sur les conséquences funestes qui pourraient être tirées des articles qui vous sont actuellement proposés. Je dirai, Messieurs, avec eux, que très certainement ces articles annoncent des droits garantis, mais n’en consta-*"SÉhïK. T. XXIX. tent aucun, n’en donnent aucun, et que si nous avions le malheur de les adopter, dans les termes dans lesquels ils sont conçus, je crois que nous renverserions eu un instant le superbe édifice ue tant de travaux et de courage ont élevé epuis 2 ans. Je dis, Messieurs, qu’il faut avec le plus grand soin distinguer ce que c’est qu’une déclaration des droits, ce que c’est qu’une Constitution, ce qu’est une législation abandonnée aux pensées des législatures qui nous suivront. Une Constitution doit-elle être telle que son sort soit immuable, qu’il ne dépende pas des législatures de pouvoir renverser les droits sacrés que la Constitution a entendu garantir, etje vous soutiens avec MM. Pétion et Buzot que les articles qui vous sont proposés ne renferment pas eu effet cette garantie. C'est un droit qu’il n’est plus possible de détruire par une loi ordinaire. Je rappellerai le premier article que M. Buzot a énoncé : je crois comme lui qu’il serait infiniment sage de dire, dans le premier paragraphe de cet article, que les peines seront toujours supportées par ceux qui auront commis les délits. Il faudra aussi, dans cet article ou dans un article subséquent, raupeler le principe que vous avez décrété: qu’il n’existera dans le royaume aucun individu au-dessus de la loi, qu’en un mot il n'existera plus de droit de faire grâce au crime. Je crois, Messieurs, que cette loi est Constitutionnelle. On vous parle de la liberté individuelle et je crois qu’il ne suffit pas de dire que la Constitution la garantit. Oui, Messieurs, à cette disposition il faut une sanction qui rende son exécution certaine; je crois donc qu’il faut rappeler les peines qui seront toujours sévèrement infligées à quiconque oserait se permettre tout acte contre la liberté individuelle. Je passe à ce qui vous a été dit sur la liberté de la presse. Oui, Messieurs, votre ouvrage demeure imparfait si vous ne garantissez pas à la nation cette liberté. Or, les dispositions qui vous sont proposées laissent aux législatures suivantes la faculté la plus indéfinie de ne pas laisser, même dans le royaume, la moindre trace de cette liberté; il ne faut pas abandonner les droits les plus sacrés, parce que, dans un certain moment, ils ont pu paraître dangereux. Je me rappelle que le lendemain des troubles qui ont agité la capitale, on vous proposa 2 articles qui, s’ils n’avaient été modifiés sur les observations faites par M. Pé-" tion, auraient porté à cette liberté une atteinte alarmante. Un peuple ne peut pas être certain de demeurer libre, s’il n’a pas eu soin de garantir toujours la liberté de parler et d’écrire. On nous dit qu’il est impossible de faire des lois sur cette matière. Non, Messieurs, il n’est rien d’impossible à l’Assemblée nationale (Rires), à la justice, à la sagesse. Les principes en sont bien simples ;lepremier, c’estqueles délits qui se commettent par la plume ne peuvent être punis que comme toute autre espèce de délits, ils ne doivent être punis que par la voie du juré. En second lieu il est clair que tout particulier a le droit d’intenter action, contre quiconque s’est permis une calomnie. Il est encore très évident qu’on peut, qu’on doit poursuivre quiconque conseille directement le crime. Ce serait, Messieurs, nous défier de nos forces et de notre amour pour la patrie que de remettre à des temps à venir, de faire cette loi sur la presse, si nécessaire pour la liberté. Je dirai que tout peuple qui aura négligé de 18 [Assemblée ùationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 août 1191.) profiter d’tm moment ou il établit sa Constitution pour porter cette loi iùdispen sable, qui consent à la laisser à de simples législatures, perd en un moment le fruit de ses travaux. Je demande donc que les articles actuellement en discussion soient renvoyés aux comités. M. Ditport. C’est surtout dans la position où nous sommes qu’il faut donner à la délibération une direction qüi la refid utile èt profitable. C’est sans amertume, mais avec un vrai chagrin, que je ferai d’abord observer que les détlx préopinants auraient dû se rendre au£ comités dont ils sont membres, et y fortifier de leurs réflexions et de leurs suffrages les diverses opinions favorables à leurs avis qu’on y a soutenues ; par là ils auraient évité des longueurs à l’Assemblée (Applaudissements). Mais, il n’y a pas de fin de non-recevoir contre la raison et la justice, et je dirai avec franchise que parmi les objections faites ar MM. Büzot et Pétion il en est de justes, il en st d’iûütiles, il en est de dangereuses. Quant à ce qui regarde la liberté de la pressé, il ù’y a qü’ün petit nombre d’idées fondamentales qui, sous là forme de principes, peuvent être ?' lâtëesdanS l’acte constitutionnel, savoir : 1° que hacun puisse écrire et imprimer sans qu’aucu-Ùe législature puisse porter obstacle à l’exercice de ce droit ; 2° que chacun réponde de l’abus de cette liberté ; 3° enfin que les libelles, ainsi que les délits de la presse, soient jugés par un juré. Lorsqu’on a dit cela, oti a dit tout ce qüi est nécessaire sur Cette question ; le reste appartient à la loi. Qüànt à la demandé d’un préopinant de placer dans là Constitution que le roi n’a pas le droit de faire grâce, je me servirai de l’article qui sert de base a son raisonnement pour fonder la contradiction à son opinion. 11 est dit que les mêmes délité seront punis des niêinéé peines; et pour que cet article dit sa pleiüe exécution, il faut de toute nécessité bU’il existé Un droit d’équité qui établisse éntrè les peines, les nuances qui existent eritte léS délits extérieurement les mêmes. PrédOns üil exemple; tin particulier assassine un hommé sans provbfcatioü, Sans autre motif que la Saine oü là cupidité ; il est in finement plus coupable que céftii qui tüe un homme poussé par une provocation Violente, par Un motif qui rend son actitin sinon entièrement innocente, du moins éicusâble jusqu’à tiri certain point. Les deux délits Sont ihatériellëment lés mêmes, néanmoins l’auteur de l’un est Un scélérat; l’atiteür de l’autre peut-être un honnête homme. Afin donc que les mêmes délits soient punis des mêmes peines, il fàtit qüe l’équité puisse tempérer la justice; il ü’a jamais existé au rficmde de pâys où la justice ait été rendue sans des moyens d’équité et d’a-doucisséihetit dans les peines. A qüi de droit sera-t-il remis maintenant? En Angleterre èt en Amérique, même ce droit est remis àü poli voir eiêcUtif, parce que les Américains ont Copié les Anglais, et que leur juré pro-ridüçarit Uniquement coupable ou non coupable, il à fallu laisser à quelqu’un le droit d'adoucir en certains cas la peine. Pour nous, Messieurs, nous avons pensé, qu’au moyen d’une prononciation différente des jurés, il était possible de répartir, etitre les juges et les Jtirës, le droit de déterminer les cas d’excuse. fous n’avons ancun modèle à cét égard, et au cOUtraire I’e&périence des pays libres est contre nous; nous n’en avons pas moins proposé la loi parce qu’elle nous â pas paru et nous paraît encore plus pure et meilleure. Mais, Messieurs, il nous a paru trop hardi et trop dangereux d’établir dans la Constitution même une disposition qui n’a pas pour elle la sanction de l’expérience. En effet, Messieurs, la disposition qui abolit le droit de faire grâce* étant absolument corrélative à la méthode des jurés que nous avons adoptée, si elle venait à être détruite par la législature, si l’on rétablissait la prononciation anglaise et américaine, coupable ou non coupable, il faudrait bien rétablir aussi un droit d’équité, lequel droit ne pourrait être évidemment remis qu’au roi, avec des formes déterminées. Dans de telles circonstances, il fallait tout mettre dans la Constitution : l’abolition du droit de faire grâce et ce qui en tient lieu, ou n’y rien mettre; et nous avons préféré ce dernier parti, afin que la Constitution entière ne soit pas changée, que les malheurs et le trouble attachés à des conventions ne renaissent pas. Il ne reste plus qu’une observation; c’est celle qui a rapport au second paragraphe. On a observé à cet égard qu’on parlait beaucoup des droits politiques des Français et point de leur droit civil... Cette observation n’est pas juste, car les droits dont il s’agit ici sont civils et non pas politiques. Il me semble que le préopinant a poussé trop loin ses inquiétudes :il désire que l’on établisse qn’un particulier îie sera accusé que de telle manière, arrêté que de telle manière, jugé que de telle manière; or, cela existe dans l’acte constitutionnel, dans la partie qui traite du pouvoir judiciaire. 11 se peut qu’il eût mieux valu placer le tout dansle’titre actuel ; et Vous voyez, Messieurs, que nous différons très peu des préopinams. En somme, Messieurs, dans les observations qui vous on t été présentées par MM. Buzot et Pétion, il enestquisont bonnes et justes, er, qui peuventêlre admises ou qui, tout au moins sont suceptibles de modifications et d’examen ultérieur ; il en est d’aü-tres, au contraire, qui doivent être écartées si on les discute plus profondément. Je pense qu’il serait bon de renvoyer aux comités l’examen dü titré qui nous occupe; ils l'examineront à nouveau et vous présenteront leurs vuesà laséancededémain. Je prie enfin MM. Buzot et Pétion de venir ce soir aux comités et d’y apporter leurs réflexions afin de prévenir des débats inutiles et prolongés dans l’Assemblée. ( Assentiment .) (L’Assemblée ordonne le renvoi du titre Ier atix comités èt ajourne la discussion à la séance de demain.) M. le Président lève la séance à trois heures et demie. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU LUNDI 8 AOUT 1791. Opinion de M. IMâloüet sur l'acte constitutionnel, commencée et interrompue dans la séance du lundi 8 août 1791. Statuo esse optimè constitutam rempublicam quâ ex tribus generibus regali optimo po-pulari ..... (CicerO; De Republicd.) Si la nation française, en cet instant, était rassemblée tout entière, chaque citoyen aurait le