641 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1791.] dant un rival m’a observé, il a conçu mon idée, il l’a méditée, il a bien jugé que mon entreprise manquait, uniquement faute de fonds; et comme il était riche, il n’a pas craint le môme accident ; il a donc essayé, il a continué, il a réussi; il s’est enrichi, et je me suis ruiné. » Voilà comme cette liberté banale peut trahir l’espoir d’un inventeur pauvre, et transporter ses droits à un imitateur opulent; voilà comme elle n’accorde à l’homme de génie que le droit de donner et non celui de jouir. « Verrons-nous donc encore, sous le règne de la liberté, la richesse tenir lieu de talent, au lieu de voir le talent tenir lieu de richesse? Verrons-nous encore le pauvre semer dans le champ du riche, et le riche moissonner dans le champ du pauvre? » Toutes ces objections, convenons-en, Messieurs, n’étaient imposantes que par leur nombre; et dans ce nombre, à peine en citerait-on quelques-unes de spécieuses; et comment pourrait-il en exister de solides contre une loi qui, en assurant aux hommes à talents la plus incontestable des propriétés, ne touche à la propriété d’aucun autre individu ; contre une loi redoutée de nos rivaux, qu’elle va priver du tribut énorme que leur industrie nous a trop longtemps imposé; contre une loi qui, en rétablissant le génie dans ses droits, va rétablir les Français dans leurs biens; car désormais nous ferons ce qu’on faisait pour nous : nous vendrons ce que nous achetions, et de ces changements salutaires il naîtra bientôt parmi nous un nouvel ordre de richesses d’autant plus précieuses, qu’elles sont, pour ainsi dire, attractives, et qu’une industrie supérieure est une sorte d’aimaut pour l'or des étrangers. Ces considérations sont grandes, Messieurs, et cependant elles disparaîtront devant un dernier motif qu’il me reste à vous présenter. Vous ne l’ignorez point, au moment où elle a été rendue, cette loi qu’on vous propose d’oublier, elle a retenti jusqu’aux extrémités de l’Europe, et tous les arts ont cru entendre une proclamation universelle, qui les rappelait de leur sommeil ou de leur exil; aussitôt, parmi nos concitoyens, une foule d’hommes habiles en tous genrés ont repris un nouveau courage et même un nouvel être; ils se sont dit à eux-mêmes qu’enlin ils allaient être récompensés par leurs propres travaux, que même ils seraient honorés, mais surtout qu’ils seraient utiles. Cet espoir leur suffisait ; et tandis que de tout côté ils vous bénissent, tandis qu’ils s’agitent, qu’ils se préparent, qu’ils se mettent à l’œuvre et qu’ils s’efforcent de hâter les destinées qui leur sont promises, une foule d’hommes utiles, attirés des Etats voisins et des contrées lointaines, sont prêts à se fixer dans la patrie des talents, et à l’enrichir de leurs ingénieux tributs. Quelques-uns peut-être ont eu trop de confiance dans leurs forces ; le temps nous en instruira. Mais faudra-t-il tous les accuser de trop de confiance en vos décrets? Cependant ils ont formé des spéculations nouvelles, ils ont quitté leurs familles, oublié leu; s affaires, contracté des engagement, rassemblé toutes leurs ressources, épuisé leur fortune et leur crédit, déposé des fonds, arrêté des ouvriers, et déjà commencé des entreprises dont ils se promettaient des avantages qu'un changement inopiné, qu’un souffle va faire disparaître. Que deviendront en ce moment et ces dépentes, et ces etablissements, et ces travaux commencés à l’ombre de votre protection, et ces emprunts cautionnés, pour ainsi dire, par vos décrets, et surtout que 4rc Série. T. XXIV. deviendront (ant de pauvres artisans qui, sur la foi de ces mêmes décrets, n’ont pas craint de passer dans� de nouveaux ateliers ? On était en droit de mêler votre nom aux promesses qu’on leur a faites; et ce nom les a décidés à les accepter. C’est de vous qu’ils en attendent l’effet; c’est vous qu’ils accuseront d’y manquer; et son-* gez, Messieurs, qu’il y va pour eux, non de ces grandes spéculations, non de ces brillantes perspectives, non de ces immenses fortunes dont quelquefois les débris mêmes offrent encore des moyens de subsistance ; mais il y va de leurs salaires, c’est-à-dire de la vie. Et ces mêmes artistes, pour lesquels on cherche à vous refroidir, oublierez-vous qu’ils étaient venus se plaindre à vous comme des enfants à leur père ? Oublierez-vous que vous les aviez écoutés, que vous les aviez accueillis, que vous leur aviez rendu ce bien si précieux à l’homme, le sentiments de ses forces, que vous leur aviez rendu ce bien si précieux au citoyen, le sentiment de ses relations avec la chose publique; et vous briseriez votre ouvrage I et vous trahiriez leurs vœux ! et vous renverseriez leurs projets ! et vous tromperiez jusqu’à leur reconnaissance ! et vous leur raviriez jusqu’à leurs illusions ! Faudra-t-il donc qu’ils regrettent les abus qu’ils vous ont dénoncés! faudra-t-il que plus malheureux cent fois qu’auparavant, ces hommes, à qui vous avez tendu la main, soient plongés soudain dans le désespoir et dans l’ignominie? Faudra-t-il que ceux auxquels il restera les moyens de fuir, aillent demander à l’étranger l’effet de vos promesses, et lui porter le fruit de leur génie? On vous les a présentés comme des insensés, ces hommes que l’on n’a point entendus : on a dit qu’ils étaient des intrigants, ces hommes que l’on ne connaît point encore ; enfin, on leur a reproché jusqu’à leur pauvreté et leur discrédit ; comme si cette pauvreté même et ce discrédit n’étaient point pour eux des titres sacrés auprès de vous ! Faut-il donc être riche, faut-il être puissant pour être écouté par des législateurs? Non: il suffit d’être irréprochable et d’être infortuné ; et, dans la juste plainte du malheureux le plus obscur, ils entendent la voix de tout le genre humain. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU JEUDI 7 AVRIL 1791, AU SOIR. Respectueuse pétition des artistes INVENTEURS A l'Assemblée nationale (1). Messieurs, Au moment même où vous allez fixer le sort de l’industrie française, les artistes inventeurs vous supplient de permettre que, pleins de confiance < n votre justice, ils vous portent leurs espérances, vous manifestent les craintes dont ils sont agités et vous exposent une suite de faits, bien propres à dissiper les n âges que l’on cherche en vain à répan tre sur leurs imprescriptibles droitsl puisqu’ils ne les tiennent que de la nature. (1) Ce document est incomplet au Moniteur. 41 I Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (7 avril 1791.] m Dans la nuit à jamais mémorable du 4 au 5 août, les privilèges d’invention ne furent point compris en ce généreux holocauste brûlé sur l’autel de la patrie. Bientôt l’article 17 de l’auguste déclaration des droits, qui porte que les propriétés sont un droit inviolable et sacré, vint mettre sous son égide les divers fruits du génie inventif. Pressés du désir de voir renaître l’industrie nationale, ou plutôt de la créer, les artistes présentèrent, au mois d’août dernier, à votre comité d’agriculture et du commerce, une pétition motivée dans laquelle ils sollicitaient une législation conforme à celle des patentes anglaises. M. de Bouftlers fut chargé par le comité de lui faire le rapport de cette pétition. Les artistes, qui avaient profondément étudié et médité cette intéressante branche de la législation britannique, fournirent au rapporteur et mu eut sous les yeux du comité une série méthodique de mémoires, dont voici les résultats principaux, résultats fondés sur l’expérience et la politique: 1° En Angleterre, les patentes d’invention remontent jusqu'à la 21e année de Jacqui s Ier, c’est-à-dire jusqu’en 1623. Les salutaires effets de ces patentes sont généralement connus, et ils ont été développés avec soin dans les mémoires relatifs à cet objet ; 2° Les Anglo-Américains ont sagement adopté celte utile législation dans l’acte de constitution des Eiats-Ums, arrêté le 17 septembre 1787, contenant les lots fondamentales de leur confédération (section 8 de l’article 1er). Cette loi constitutionnelle d’un peuple libre est l’un des fruits des réflexions qu’ont faites pendant 12 ans des hommes d’une intelligence et d’une capacité éprouvées, et, en particulier, Je Solon de l’Amérique ; 3° En France, sous l’ancien régime, les découvertes et inventions lurent toujours considérées comme de véritables propriétés; mais les plus odieux abus s’étaient glisses dans la distribution des privilèges exclusifs, destinés à assurer la jouissance temporelle des propriétés inventives. Sur ce poiin, la routine ministérielle était diamétralement opposée à la législation anglaise. Presque jamais ces privilèges n’étaient accordés au mente; l’intiigue, au contraire, était sûre de les obtenir, et l’insatiable cupidité des bureaux faisan publiquement, des fruits du génie, l’objet du plus honteux agiotage; 4° Cependant, le principe immuable que les inventions tout des propriétés a été consacré par plusieurs lois, notamment par les statut et règlement pour la fabrique de Lyon, ou 19 juin 1744 (titre IX., articles 12, 13 et 14), sur la propriété des dessiUo puur étoiles, et par l’arrêt du conseil du 14 juillet 1787, dont le préambule est formel sur la propriété; 5° Lue déclaration du roi du 24 décembre 1762, enregistrée au Parlennnl le 16 mars 1763, res-tieignait à 15 années les privilèges exclusiis pour le commerce et le;-, inventions, saut aux privilégiés à obtenir la prorogation desdits privilèges, s’il y a lieu. L’esprit de cette loi est précisément le même que cemi qui, en 1623, avait dicté le statut de Jacques 1er ; 6° La chambre de commerce de Normandie, dans ses observations sur le tiaité de commerce entre la France et l’Angleterre, publiées au mois de décembre 1787 (art. 7), ht un graüd éloge des patentes anglaises, et proposa d’en accorder de semblables en France ; 7° Les députés du commerce, dans un avis donné au commencement de 1783, représentèrent à l’administration que l’on pourrait tirer un parti très avantageux, de ces sortes de concessions en faveur des arts el du commerce. Ils ne dissimulèrent pas que ce moyen leur paraissait, sous tous les rapports, préféiable aux gratitications accordées à des découvertes ou à des entreprises communément protégées, mais qui ne sont que trop rarement suivies de succès. Ils avertirent en même temps que les progrès de l’industrie anglaise sont dus, pour la plus grande partie, à des moyens fournis par des Français, qu’attire i’espérauce d’obtenir des patentes; enfin, ils votèrent pour un règlement qui secondât l’industrie nationale par ce moyeu éprouvé pendant près de deux siècles ; 8° Les inspecteurs généraux du commerce donnèrent, le 13 février 1789, un avis raisonné et fort étendu, dans lequel ils insistaient sur la nécessité de naturaliser en France la législation anglaise concernant les patentes; 9° MM. les intendants généraux du commerce, après avoir consulté M. Barthélemy, ministre plénipotentiaire du roi à Londres, sur la législation des patentes, ont, dans un mémoire sur le commerce de la France et de ses colonies (in-4°, 1789, pages 95, 98 et 101), énoncé le vœu le plus positif pour l’introduction des patentes, comme le moyen le plus juste et le plus sûr d’encourager les inventeurs ; 10° La plupart des bailliages ont consigné dans leurs cahiers un vœu formel sur la conservation des privilèges exclusifs pour les inventions et découvertes. Ce vote se trouve notamment exprimé dans le cahier du Tiers-Etat de la ville de Paris, au chapitre de la déclaration des droits; 11° Le comité d’agriculture et de commerce et celui des pensions se sont aussi clairement expliqués sur la nécessité de protéger, d’aider et de récompenser de toutes les manières, les découvertes utiles, les savants, les artistes, les gens de lettres et les établissements qui servent essentiellement aux progrès des sciences et des arts ; 12° Enfin , l’Assemblée nationale elle-même, dans plusieurs décrets reiaüls aux découveites de divers artistes, a manifesté que son intention, d’accord avec les vrais principes, est de conserver aux inventeurs leurs droits de propriété. Le comiîé d’agriculture médita cette législation, pesa ces principes, et forma enfin un projet de décret pour conserver les propriétés d’invention. Par un décret du jeudi soir 16 décembre, l’As-semblee nationale avait renvoyé à la séance du sumeüi soir 18, ce rapport, qui ne pût cependant être fait que ie jeudi soir 30 du même mois. Ce projet, discuté article par article, au nombre de 18, fut adopté en totalité, avec de légers changements. Ce serait, est-il dit dans le préambule, attaquer les droits de l’homme dans leur essence, que de ne pas regarder une découverte industrielle comme la propriété de son auteur. L’article 1er est conçu en ces termes : « Toute découverte ou nouvelle invention dans tous les genres d’industrie est la propriété de son aukur; en conséquence, la loi lui en garantit la pleine et entière jouissance, sui\ant le mode et pour le temps qui seront ci-après déterminés. » [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1791.] Ainsi consacré, ce principe se trouve développé dans les suivants, qui roulent sur l’obtention, la durée, la jouissance et le transport des patentes. Le dernier article porte : « Le comité d’agriculture et de commerce, réuni aux comités des impositions, présentera à l’Assemblée nationale un projet de règlement qui lixei a les taxes des patentes d’inventeurs suivant la durée de leur exercice, et qui embrassera tous les détails relatifs à l’exécution des divers articles contenus au présent décret. » Enfin, l’Assemblée décréta l’impression du rapport qui a été distribué à domicile. Ce décret revêtu de la sanction du roi, le 7 janvier, devint une loi du royaume. (Procès-verbal du 18 janvier 1791.) Animés du désir de faire tourner promptement cette loi au plus grand avantage de l’industrie, des artistes citoyens se bâtèrent de se réunir, sous le nom de Société nationale des inventions et découvertes. Cette société s’empressa d’offrir à l'Assemblée nationale l’hommage de sa vive gratitude par une adresse où elle exposait le but de ses travaux, et qui fut lue à la barre le mardi soir 8 février. M. de Mirabeau, alors président, fit à cette députation la réponse suivante : « Les découvertes de l’industrie et des arts étaient une propriété avant que l’Assemblée nationale Peut déclaré; mais le despotisme avait tout enchaîné, jusqu’à la pensée. Il est des inventions que sans doute i’amour de l’humanité publiera, sans en faire une source d’intérêts particuliers; mais ce sacrifice sera du moins volontaire, et la reconnaissance publique deviendra pour leurs auteurs une véritable propriété. « Une société, consacrée à favoriser les découvertes, acquitte une dette de la suciété entière; Part de créer le génie n’est peut-être que Part de seconder, et la société des inventions est déjà une-invention d’autant plus utile qu’elle deviendra la source de beaucoup d’autres. « L’Assemblée nationale applaudit à vos vues et vous invite à assister à la séance. » En outre, l’Assemblée ordonna qu’il en serait fait une mention honorable dans son procès-verbal. Trop longtemps opprimés par le régime barbare des corporations, des maîtrises et jurandes, les artistes inventeurs avaient regardé comme un nouveau bienfait leur suppression, décrétée le 16 février. L’impatience bien naturelle de jouir des droits que leur assurait la loi du 7 janvier s’est accrue en eux par le décret du 2 mars, sur les patentes municipales pour négoce. Ils ont ardemment souhaité que le bureau, chargé d’expédier les patentes ou brevets d’invention, fût mis en activité à la même époque que les bureaux pour les patentes de marchandises, c’est-à-dire au 1er avril. Pour la formation de ce bureau central, il était indispensable que le projet de règlement sur la loi du 7 janvier fût présenté par le comité d’agriculture à l’Assemblée nationale. Diverses circonstances en avaient éloigné le rapport. Entin, ce projet de règlement, qui n’est qu’un développement simple et presque littéral de la loi, fut distribué le 19 mars et mis à l’ordre du jour du mardi soir 29. Ce règlement est divisé en trois titres, dont le premier a pour objet le jeu réciproque du directoire d’inventions et des directoires de départe-643 ment; le second titre est relatif au mode d’obtention, de jouissauce et de cession ; le troisième est consacré à l’organisation du directoire d’inventions. Selon le vœu de l’Assemblée, le rapporteur lut le premier titre, qui fut décrété en masse et sans discussion, avec un seul amendement de M. Lan-juinais, qm se trouvait implicitement renfermé dans l’article 14 du titre 111. Cet amendement porte que les fonds nécessaires à rétablissement ne seront pris que sur le produit même, et non sur le Trésor public. Le rapporteur ayant fait lecture du titre III, divers membres le combattirent, sous prétexte qu’il était plus compliqué que le code de 1667, qu’il ferait naître beaucoup de procès entre les artistes, etc... Ils demandaient l’ajournement à la prochaine législature; mais sur les sages et impartiales réflexions de M. Emmery, qui demanda que ce titre fût discuté article par article dans les séances du soir, l’Assemblée décréta l’ajournement à jeudi le soir. Cette discussion ayant été annoncée à l’ordre de deux heures, les 6 premiers articles furent décrétés sans éprouver de grandes difficultés; mais la lecture de l’article 7 fit naître d’assez vifs débats, pendant lesquels plusieurs membres renouvelèrent la motion de l’ajournement à la première législature. M. Delavigue les combattit par des raisons solides ; et M. Rœderer, qui s’opposait au règlement, par la crainte que les brevets d’invention ne nuisissent au produit des patentes de négoce, ayant demandé un article additionnel, que M. le rapporteur adopta, les esprits se calmèrent, et l’Assemblée ajourna la suite de la discussion a la séance de ce soir. Jaloux de l’estime publique, les artistes déclarent et jurent à l’Assemblée nationale qu’ils n’ont jamais pensé ni désiré que la taxe du brevet d’invention les dispensât de payer la patente du négoce. Les inventions étant des propriétés doivent, comme toutes les propriétés, une prestation contributoire à la force publique qui les protège et en fait jouir les possesseurs. Ici les artistes croient devoir, par des explications franches et démonstratives, répondre aux objections proposées, ou qui pourraient l’être contre les artistes non discutés. Art. 7. Pour bien entendre et saisir le sens de cet article, qui certes n’aurait rien d’équivoque ni d’obscur pour un Anglais, il faut se garder de confondre la perfection du travail manuel avec le perfectionnement qui consiste dans une addition à des principes, à des machines, à des procédés déjà connus. Plusieurs patentes sur un même sujet sont très communes en Angleterre. Nos magasins de quincaillerie sont pleins de mouchettes remarquables par une lame placée au milieu du coffre, et qui sert tout ensemble à couper le bout de la mèche, et à renfermer le lumignon. L’inventeur prit une patente pour cette lame, qu’il était réduit à faire mouvoir avec la main. Un autre artiste imagina de faire élever et tomber la lame, au moyen d’un ressort caché. Il eut une patente de sorte que l’un ne pouvait fabriquer que sa lame, et le second qu’adapter le ressort sur les mouchettes du premier. Ils finirent par s’associer. Gela est fréquent dans ce pays-ià. _ A Londres, il existe dans ce moment deux artistes, dont l’un fabrique des niveaux de son invention ; l’autre les monte sur un pied de sa composition. 18 avril 1791.] 644 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. L’inventeur des garde-robes avait une patente pour une construction, dans laquelle des robinets bien justes prévenaient assez bien des exhalaisons fétides. Un autre artiste imagina de recourber une partie du tuyau en forme desyphon, lequel étant toujours rempli bouche hermétiquement, et ne permet à aucun méphitique de pénétrer. Eh bien! il eut une patente et personne ne s’avisa de la lui disputer. Le premier vend son appareil 7 guinées ; l’antre fait payer le sien 10 guinées comme plus parfait. Finissons par un exemple sensible et qui est sous nos yeux à Chaillot et à l’lie des Cygnes. Depuis un siècle, les machines à feu, dont le moteur est l’eau vaporisée, n’étaient qu’à une seule injection; ce qui en rendait l’effet moins utile, et la marche moins égale. Par une ingénieuse extension du principe, M. Bolton a fait servir la vapeur, au moyen d’une nouvelle injection supérieure, à refouler le piston qu’une injection inférieure sert à élever. Certainement cela valait une patente; aussi personne n’a cherché à en dépouiller l’auteur. C’est sur ce principe que sont construites les deux superbes machines de l’ile des Cygnes, qui font tourner chacune six meules. Ainsi tout esprit juste verra qu’il est facile de reconnaître la ligne de partage entre deux machines ou procédés analogues. Les gens de Part ne s’y trompent point ; et lorsqu’à Londres il y a eu des contestations de ce genre (quoique rares), on les appelle pour faire les fonctions d’experts et de jurés. Art. 8. Il ne saurait fournir de difficultés. Art. 9. On propose celte rédaction, qui est conforme à la loi du 7 janvier, et à d’autres décrets de l’Assemblée : « Lorsque le propriétaire d’un brevet d’invention croira devoir exercer, sur les contrefaçons des objets dont il a l’exercice privatif, le uroit de saisie qui lui est assuré par l’article 12 de la loi, il l’obtiendra, sur une simple requête en donnant bonne et suffisante caution, telle que l’ex ge ledit article 12 « t l’article 25 du decret du 2 mars sur les patentes annuelles pour les négoces. Les fabrications frauduleuses ou contraventions seront constatées et poursuivies dans le-* formes prescrites pour les procédures civiles, et devant les tribunaux de district, ainsi qu’il est porié à l’article 28 du décret susmentionné. » Art. 10. Ceux qui trouveraient trop sévère cet article, le seul vraiment conservateur des propriétés d’invention, changeront d’avis s’ils le comparent aux articles 25, 26, 27 et 28 du décret du 2 mars. Art. 11. A moins qu'il ne légitime sa dénonciation par des preuves littérales et testimoniales. Lisez ; Par des preuves légales. Art. 13. Il n’eat que le développement des articles 7 et 9. Art. 14. Il est destiné à écarter de l’industrie le fléau de l’agiotage. Art. 15. Il a pour but de prévenir les abus de confiance. Art. 16. Ce recensement servi! a à empêcher qu’un artiste ne sollicite un brevet pour des objets déjà privilégiés. Suivant le décret des patentes pour négoce, un colporteur, un marchand forain, poiteurd’un semblable titre, peut empêcher celui qui n’en aurait point de vendre en concurrence. Et l’on voudrait qu’un artiste inventeur ne pût paisiblement jouir de sa découverte, pour un temps limité? Ce serait violer les éternelles lois de la justice et de la morale! Les auteurs dramatiques ont été bien plus favorablement traités dans le décret du 13 janvier que les artistes dans celui du 30 décembre. Ecoutez ces deux articles; « Art. 3. Les ouvrages des auteurs vivants ne pourront être réprésentés sur aucuns théâtres publics dans toute l’étendue de la France, sans le consentement formel et par écrit des auteurs, sous peine de confiscation du produit total des représentations au bénéfice de l'auteur. » « Art. 5. Les héritiers ou les cessionnaires d’auteurs seront propriétaires de leurs ouvrages durant l’espace de 5 années après la mort des auteurs. » Ces éclaircissements, dictés par la candeur et l’amour des arts, doivent suffire, et convaincre les esprits les plus opiniâtres ; s’ils persistaient néanmoins à demander l'ajournement à la prochaine législature, nous leur dirions qu’il serait injuste, barbare et impolitique d’ajourner à la prochaine législature une loi publique du royaume, dont le règlement explicatif est décrété plus des trois quarts; d’une loi seule propre à réveiller l’industrie nationale, d’une loi qui a consacré la plus inviolable des propriétés, d’une loi que bénissent tous les artistes, d’une loi que la nation et les étrangers applaudissent, d’une loi contre laquelle personne ne réclame, d’une loi sur laquelle les artistes ont fondé leurs plus douces espérances. Nous n’avons plus qu’un mot ; mais il renferme une vérité effrayante: c’est que la suspension de la loi du 7 janvier aurait des suites terribles, et cent fois plus funestes à l’industrie et au commerce, que n’en causa la révocation de l’édit de Nantes. Di meliora piis erroremque hostibus ilium. Paris, le 2 avril 1791. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TRONCHET. Séance du vendredi 8 avril 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Boncïie. Messieurs, il a été fait sur les appointements des membres du conseil de la marine, pendant les deux années et demie qu’il a existé, une réserve de 165,000 livres. Je demande que le comité de la marine soit chargé d’examiner l’emploi qui a été fait de cette somme, et d’en rendre compte à l'Assemblée Je plus tôt possible. Je propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale charge son comité de la marine d’examiner l’emploi qui a été fait de 165,000 livres mises en réserve pendant les deux années et demie qu’a existé le conseil de la marine, et de lui en faire le rapport sous 8 jours. » (Adopté.) M. Bouche. Vous avez décrété, le 27 décembre, Messieurs, que les officiers intermédiaires des défi) Cette séance est incomplète au Moniteur.