[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [!«' février 1791.] 659 « Vins en bouteilles et en doubles futailles ; 7 livres. » (Après quelques discussions, ce tarif est adopté.) M. Goudard, rapporteur. Les députés de la Flandre française ont demandé hier que les fils retors étrangers ne pussent être importés dans le rayaume que sous un droit de 60 livres par quintal. Votre comité de commerce, avec lequel vous avez chargé ces députés de se concerter, les a fait convenir que dans l’impossibilité où se trouvaient les retordeurs de Flandre de fournir, quant à présent, aux fabriques de dentelles du Puy et du Forez les fils dont ils avaient besoin, tout ce qu’il était possible de faire en faveur des retordeurs nationaux était de ne permettre l’importation de ces fils que par les bureaux de la Chapelle et d’Héricourt, et de les assujettir au droit de 30 livres par quintal, qui se paye actuellement. Nous vous proposons donc la disposition suivante : « Les fils de lin et de chanvre tors, bis4 et blancs seront prohibés; néanmoins les mêmes fils venant de Harlem, accompagnés de certificats du bourgmestre et importés par les bureaux de la Chapelle et d’Héricourt, acquitteront un droit de 30 livres par quintal. » M. de Kyspoter expose les inconvénients qu’il prévoit pouvoir résulter en ne portant les droits d’entrée sur les fils retors de Harlem qu’à 30 sols par quintal, et demande qu’ils soient portés à 60 sols. (La proposition du comité, qui fixe le droit à 3O livres, est adoptée.) M. Goudard, rapporteur. Je propose qu’il soit fait, sous la surveillance des comités d’agriculture, de commerce et des contributions publiques, réunis, une édition du tarif des droits de traites qui seront perçus à toutes les entrées et sorties du royaume. (Gette motion est décrétée.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les jurés. M. Duport, rapporteur. Messieurs, nous allons passer au titre IX : Des contumaces. J’observe à l’Assemblée qu’il nous a paru, d’après le plan déjà tracé et d’après les idées saines qui doivent régner dans un pays libre et où l’amour des lois est le principal ressort, il nous a paru, dis-je, que tout conturaax était criminel par cela même qu’il était contumax volontaire. C’est dans cet esprit de sévérité nécessaire que le titre a été rédigé. Voici les différents articles que nous vous proposons : TITRE IX. Des contumaces. Art. 1er. « Si, sur l’ordonnance de prise de corps, ou de se représenter en justice, l’accusé ne comparaît pas et ne peut être saisi, le président du tribunal criminel rendra une ordonnance portant qu’il sera fait perquisition de sa personne, et que chaque citoyen est tenu d’indiquer l’endroit où il se trouve. » {Adopté.) Art. 2. « Cette ordonnance, avec copie de celle de prise de corps, sera affichée à la porte de l’accusé et à son domicile élu, ainsi qu’à la porte de l’église du lieu de son domicile, ou à la porte de l’auditoire, pour ceux qui ne sont pas domiciliés; elle sera également notifiée à ses cautions, s’il en a fourni. » {Adopté.) Art. 3. « Cette ordonnance sera proclamée dans les lieux ci-dessus énoncés pendant deux dimanches consécutifs, à peine de nullité; passé ce temps, les biens de l’accusé seront saisis. » {Adopté.) Art. 4. « Huitaine après la dernière proclamation, le président du tribunal rendra une seconde ordonnance, portant qu’un tel... est déchu du litre de citoyen français, que toute action en justice lui est interdite pendant tout le temps de sa contumace, et qu’il va être procédé contre lui, malgré son absence. Cette ordonnance sera signifiée, proclamée et affichée aux lieux et dans la même forme que dessus. ■> {Adopté.) Art. 5. « Après un nouveau délai de quinzaine, le procès sera continué dans la forme qui est prescrite pour les accusés présents, à l’exception toutefois que les dépositions des témoins, reçues par écrit, seront lues aux jurés. » {Adopté.) Art. 6. « Aucun conseil ne pourra se présenter pour défendre l’accusé contumax sur le fond de son affaire; seulement, s’il est dans l’impossibilité absolue de se rendre, il enverra, par un fondé de procuration spéciale, son excuse, et sa légitimité pourra être plaidée par ses amis et décidée par le tribunal. » M. Chabroud. Il me semble qu’il y a de l’inhumanité à refuser à un accusé contumax un conseil. Où est, je vous prie, l’inconvénient de permettre que l’accusé, même contumax, puisse avoir des conseils, des amis, des parents présents à l’examen et pouvant faire expliquer les témoins? Où est, dis-je, l’inconvénient de cela? Je ne saurais l’entrevoir; il en pourra résulter seulement que les amis, les parents, les conseils de l’accusé pourront aboutir à faire triompher l’innocence absente. Messieurs, vous avez pris assurément des mesures très sages pour que l’innocence n’ait pas à craindre d’être facilement condamnée ; mais, malgré cela, vous ne pouvez pas vous dissimuler qu’il reste encore un danger propre à effrayer l’innocence. Celui qui aura des accusateurs puissants, intrigants, avides ou habiles, celui-là, s’il est faible ou incapable de se défendre en se représentant, peut-il être privé d’un conseil ? En conséquence, je propose d’amender l’article en retranchant les expressions qui tendent à refuser un conseil. M. Duport, rapporteur. Nous sommes partis d’abord de ce principe général, que rien ne peut faire dispenser un citoyen d’obéir à la loi. On ne peut trop répéter que ce principe est la sauvegarde de la liberté et de la tranquillité publiques. Nous avons encore pensé que d’autres raisons devaient également détourner l’Assemblée d’éta- 660 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [lcr févriei’ 1791.] blir un conseil pour un accusé contumax. En effet, lorsqu’un homme refuse de se présenter à la justice, ses amis peuvent bien plaider la cause de son absence; mais pour plaider le fond de l’affaire, je demande s’il est possible que des jurés qui entendent le débat de l’accusateur, des témoins, et qui, d’un autre côté, entendraient un conseil qui nierait les faits, qui alléguerait des motifs faux, je demande si les jurés peuvent avoir aucune espèce de confiance dans un pareil homme qui viendrait rapporter des faits qui ne lui sont pas personnels? Il s’établirait en France la plus abominable procédure, qui est que les gens riches plaideraient par procureur. M. Dnquesnoy appuie l’amendement de M. Ghabroud. Plusieurs membres demandent la question préalable sur l’amendement. (L’Assemblée décrète qu'il n’y a pas lieu à délibérer.) M. Tronchet. Messieurs,... ((Bruit.) M. le Président. Je réclame le silence; M. Tronchet n’a pas autant de voix que de lumières. (Applaudissements.) M. Tronchet. On croirait, par la seconde partie de votre article, que les amis ou les parents de l’accusé ne pourraient présenter son excuse qu’autant qu’elle serait d’abord proposée par l’accusé lui-même, aux fins d’une procuration spéciale. J’ai l’honneur de vous observer qu’il peut se faire qu’un homme soit en voyage dans un pays éloigné; que pendant ce temps, par méchanceté, ou autrement, on intente contre lui une accusation criminelle. Les délais qui sont accordés, jusqu’à ce que l’affaire soit portée devant les jurés, ne sont au plus que de cinq semaines; il est très possible qu’il n’ait pas pu être instruit assez à temps pour pouvoir envoyer, de l’endroit où il est, une procuration spéciale pour justifier de son absence légitime. En conséquence, je demande qu’il soit permis aux amis de l’accusé de proposer et de plaider l’excuse légitime. On pourrait donc rédiger l’article en ces termes : « Aucun conseil ne pourra se présenter pour défendre l’accusé contumax sur le fond de son affaire; seulement, s’il est dans l’impossibilité absolue de se rendre, la légitimité de son excuse pourra être plaidée par ses amis et décidée par le tribunal. » M. Duport, rapporteur. Cet amendement est susceptible de quelques inconvénients ; mais ses avantages paraissent l’emporter. (La rédaction proposée par M. Tronchet est adoptée.) Art. 7. « Dans le cas où le tribunal trouverait l’excuse légitime, il ordonnera qu’il sera sursis à l’examen et au jugement pendant un temps qu’il fixera, eu égard à la nature de l’excuse et à la distance des lieux. » (Adopté.) Art. 8. « Les condamnations qui interviendront contre un accusé contumax! seront exécutées, en les inscrivant dans un tableau qui sera suspendu au milieu de la place publique. » (Adopté.) Art. 9. « L’accusé contumax pourra, en tout temps, se représenter, en se constituant prisonnier, et donnant connaissance au président de sa comparution; de ce jour, tous jugements et procédures faites contre lui seront anéantis, sans qu’il soit besoin d’aucun jugement nouveau: il en sera de même s’il est repris et arrêté. » (Adopté.) Art. 10. <« Il rentrera également dans tous ses droits civils, à compter de ce jour; ses biens lui seront rendus, ainsi que les fruits de ceux qui auront été saisis, à la déduction des frais de régie et de ceux du procès. » (Adopté.) Art. 11. « Il sera de nouveau procédé à l’examen et au jugement de l’accusé contumax qui se sera représente ; néanmoins, les dépositions écrites des témoins décédés pendant son absence seront lues au juré, pour y avoir tel égard que de raison. » (Adopté.) Art. 12. « Dans le cas même d’absolution, l’accusé qui a été contumax n’obtiendra aucune indemnité; et le juge pourra lui faire en public une réprimande pour avoir douté de la justice et de la loyauté de ses concitoyens ; il sera de plus condamné, par forme de correction seulement, à garder prison pendant un temps qui ne pourra excéder un mois. » M. de Lachèze. Je demande la question préalable sur cet article ; on ne peut faire un crime à un citoyen pusillanime, accusé d’un délit grave, de redouter le jugement des hommes et les terribles effets de leur erreur. M. de Folleville. Dans un état d’accusation, la fuite est le premier mouvement; il serait barbare de refuser toute indemnité à un citoyen calomnié. M. Mongins (ci-devant de Roquefort). Dans l’ancien régime, si le contumax était absous, il n’éprouvait aucune peine; ici, au contraire, vous lui faiter subir des condamnations de prison. M. Robespierre. Je me demande comment le comité a pu nous proposer un article qui porte que, dans le cas d’absolution, l’accusé contumax n’obtiendra aucune indemnité et que le juge le condamnera, par forme de correction seulement, à garder prison pendant un temps qui ne pourra excéder un mois. Le rapporteur méconnaît ici les premiers principes du droit naturel et du bon sens. Gomment peut-il substituer des sophismes politiques si frivoles à cette loi écrite dans le cœur de tous les hommes, qui justifie les craintes de l’innocence même, qui se dérobe au pouvoir d’un petit nombre d’hommes qui peuvent le condamner à cette loi sacrée qui veut que, dans tous les cas, l’innocence soit indemnisée lorsqu’elle est reconnue. Il est déjà assez fâcheux pour un innocent d’avoir été l’objet d’une poursuite criminelle, sans être encore puni, dans ses biens et par la