[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 365 avec plaisir, sans attendre qu’on les y contraigne ; et, en les rendant tous égaux, on trouvera de quoi acquitter les dettes de l’Etat, sans achever d’écraser le malheureux. Et sans gêner les pères de famille, on payera les dettes du royaume ; et si MM. les ecclésiastiques se rendent généreusement à cette proposition , on les bénira, en disant que ce sont les pères qui ont payé les dettes des enfants. Art. 29. Que la répartition des impôts à prélever sur les habitants des paroisses soit faite en présence des membres de l’assemblée municipale de chaque paroisse pour prévenir et éviter les erreurs et les surcharges qui ont eu lieu, jusqu’à ce moment, dans lesdites répartitions. Art. 30. Qu’enfm, les Etats généraux ne puissent délibérer qu’en corps des trois ordres réunis, et que les voix soient comptées par tête ; et qu’ils assurent la liberté de la presse, l’abolition des lettres de cachet, la tranquillité et la liberté des individus du royaume, sous l’autorité sacrée des lois et du Roi. Signé Bidaut, député ; Geligneu; Noël Degrois; Genest; Boncorp, député; Meunier, collecteur; Couverset; Grain; Bénard; Villain; L. Geoffroy; Basile Meunier; Chatard; Guinot ; Beauvais, syndic et Baudin, greffier. CAHIER Des doléances de la paroisse de Bonneuil , en France (1). Art. 1er. Les choses de première nécessité, comme le pain, le vin, la viande, le sel, la lumière, doivent être à un prix raisonnable, afin que le pauvre puisse vivre ainsi que le riche. Art. 2. Suppression des privilèges et des compagnies. Art. 3. Grande réforme pour les chasses, le gibier détruisant les récoltes et le bois. Surtout, plus de lapins en plaine. Art. 4. Milice désastreuse pour la paroisse, par les bourses qui s’y font, les débauches des garçons, la perte du temps et les violations de l’abstinence. Si les campagnes n’étaient pas si misérables, il y aurait plus de mariages. Arl. 5. Mendicité restreinte aux infirmes et âgés. Chaque paroisse doit soulager ses pauvres. Art. 6. Bornage des propriétés particulières, seul moyen d’empêcher les empiétements et les procès qui en sont les suites. Art. 7. Entretien des routes pavées et des plantations qui les bordent. Art. 8. Les revenus communaux employés pour les besoins communs de la paroisse, décidés par Rassemblée municipale, et autorisés par les provinciales. Art. 9. La police des campagnes confiée à des personnes absolument indépendantes, comme serait un officier public. 11 pourrait veiller sur plusieurs paroisses, avoir des appointements sur chacune. Les amendes seraient remises aux biens communaux ; et les procureurs fiscaux seraient fort contents d’être restreints aux seuls actes de la justice contentieuse, où leur ministère est requis. Art. 10. Un seul impôt, s’il était possible, où chacun soit imposé avec justice. Abonnement de cet impôt par la province. Art. 11. Exportation des blés dangereuse, et souvent la cause de la cherté des vivres. Art. 12. Empêcher que les eaux d’une paroisse ne nuisent à une autre, en leur pratiquant des (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. canaux pour leur écoulement, et faisant des gares autant qu’il sera possible. Art. 13. Interdire tous les petits sentiers, comme très-nuisibles aux récoltes. Telles sont les doléances des habitants de Bonneuil, en France, qui ont été par eux signées* pour être remises aux députés qui ont été élus. Signé Nicolas-Pierre Chrétien, syndic; Pierre-Louis Prévôt ; Nicolas Simon ; Jean-Baptiste Bon-nevie; Huvivier; Charles Driancourt ; François Pillot ; Jean Gouffez ; Bouhey ; Henri Lefort ; Olin; Jean Lefort; Gabriel Dupont ; Pierre Lefort ; D. Bonnevie. CAHIER Des doléances de la paroisse de Bouqueval (1). Le Roi désirant toujours le bien de son peuple et i’honorant de sa confiance en lui permettant de lui présenter ses doléances par la voie des Etats généraux, nous lui présentons très-humblement lés suivantes : Art. 1er. Qu’il serait à souhaiter qu’on supprimât les gabelles ou que l'on prît des moyens pour faire diminuer le sel, qui depuis quelques années est monté à un si haut prix, que les pauvres sont souvent privés d’en pouvoir mettre dans leur nourriture : ce qui cause de fréquentes maladies dans cette classe indigente. Art. 2. Que l’on supprimât les entraves qui empêchent le commerce du vin, qui font souvent que les droits surpassent le prix de la chose; on pourrait parer à ces inconvénients en supprimant les commis ambulants, etc., etc., et en posant seulement un buraliste qui ferait la visite des caves aussitôt après la récolte, ainsi qu’il est d’usage, et serait seul chargé de percevoir les droits fixes et déterminés de chaque pièce, pour être directement remis au trésor royal sans passer de bureaux en bureaux. Art. 3. Que l’on supprimât toutes les compagnies munies de droits exclusifs, surtout celles pour les grains et les viandes, qui, en abusant de leurs droits, s’emparent de presque toutes les marchandises dans certains marchés et n’en fournissent que faiblement les autres, ce qui fait que les choses augmentent de plus en plus. Art. 4. Que les impôts soient répartis avec égalité en excluant tous privilèges. Art. 5. Réformer l’administration de la justice et en accélérer les opérations. Art. 6. Moyens à aviser pour la police dans les campagnes, qui souvent est négligée, ou parce que les procureurs fiscaux ne résident point sur les lieux de leurs juridictions, ou parce qu’ils ont d’autres charges dans les justices, comme de procureurs ou de notaires, etc., etc., et que, pour tenir la main à la police, il faudrait souvent qu’ils sacrifiassent leurs intérêts propres et personnels ; ainsi le crime reste presque toujours impuni; l’on passe librement le temps des saints offices et les nuits entières à boire, à se divertir, troubler le repos du voisinage et quelquefois même des paroisses entières; enfin on viole hardiment, sans une vraie nécessité, les jours particulièrement consacrés au culte du Seigneur, par des travaux de toute espèce. Art. 7. Il est nécessaire d’empêcher la mendicité, qui souvent dégénère en abus, et gui ôte à l’agriculture beaucoup de bras qui préfèrent de tendre (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de. l'Empire. 366 [États g: en. 4789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] une main paresseuse, à recevoir un salaire qui serait le fruit de leurs travaux. Le vrai moyen d’y parvenir serait, nous croyons, de maintenir les bureaux de charité déjà établis dans différentes paroisses, et d’en établir dans celles où il n’y en a pas encore ; et pour cet effet affecter une somme prise sur les impôts et proportionnée au besoin de chaque paroisse, besoin qui peut être connu par les curés de chaque lieu et réglés par les assemblées de département. Art. 8. Abus à corriger dans les chassos; l’abondance de gibier de toute espèce, augmentant de jour en jour, fait, pour le cultivateur et même pour tout le peuple, l’impôt le plus désastreux. 1° Le cerf, la biche, etc., etc., rongeant et mangeant continuellement les bois déjà venus, en empêchent la croissance, et les bois nouvellement plantés ne peuvent être conservés que par le moyen des palis très-dispendieux. Ces circonstances réunies font que, depuis environ quinze ans, le bois a doublé de prix et que nous sommes menacés d’en manquer. 2° Peut-on voir d’un œil indifférent et de sang-froid le délit journalier causé par des troupeaux de lièvres, de lapins, de faisans et de perdrix qui inondent les campagnes à plus des vingt lieues à la ronde de Paris, tant sur les terres de particuliers, que sur les capitaineries, fléau plus désastreux que celui des grêles et des gelées, puisque celui-ci n’arrive que rarement et que l’autre se renouvelle chaque année et dure même l’année entière ? Pour le peu qu’on veuille y faire attention, on jugera facilement des faits que nous avançons. 11 est démontré et prouvé, d après l’expérience, que deux terres d’égale qualité, cultivées avec le même soin, que sur l’une il y ait peu de gibier, et que sur l’autre il y en ait-beaucoup, comme il n’arrive que trop souvent, sür celte dernière le cultivateur est obligé de mettre 3 boisseaux de semence par arpent plus que dans l’autre et est moins certain de sa récolte. Ainsi 100 arpents, à 3 boisseaux de plus par arpent, font 25 setiers à 24 livres le setier, ce qui fait 600 livres de perte pour le cultivateur. Nous avons dit moins sur de récolter : 1° parce que s’il vient un hiver sec, le lièvre et le lapin, broutant continuellement la fànne des blés, les tiennent dans un état de langueur ; la perdrix et le faisan viennent ensuite enfoncer leur bec meurtrier jusque dans le cœur des plantes, leur donnent la mort : aussi point de récolte ou très-peu; 2° s’il vient un hiver tendre et qui donne beaucoup de neige, et qu’elle reste longtemps sur la terre, le gibier ne peut plus prendre la portion que le cultivateur lui a sacrifiée ; alors le blé vient trop fort, il verse et ne produit que de mauvais grain et de mauvaise paille. Ainsi le cultivateur, malgré ses soins, est frustré du fruit de qes travaux, tandis que son voisin, n’ayant point de gibier, récolte abondamment, même avec moins de dépenses. On voit donc clairement que la bête se nourrit librement du pain que Dieu a créé pour l’homme, et l’homme partout meurt de faim ; la bête tient la place de l’homme et l’homme la place de la bête. Qu’il soit donc permis à tous les hommes de détruire ces sortes d’animaux si destructeurs et si nuisibles à la nourriture du genre humain. Art. 9. Il serait nécessaire d’arrêter plusieurs fermiers qui, non contents de faire valoir deux fermes, poussent leur ambition jusqu’à quatre et cinq, ce qui cause un dommage notable aux fermiers même et encore davantage dans le public. Telles sont nos doléances et les abus que nous croyons devoir être réformés. Paraphé ne varietur au désir de l’assemblée, le 17 avril 1789. . Signé François Châtelain, syndic; Dumont; Nicolas-François Châtelain; Nicolas Châtelain; Pierre Cousin; Etienne Pigneux; Jean Chatelaiu; Louis Garry; de Louvre; Jean-Baptiste Châtelain; Charles Olivier; Dumont; Antoine de Louvre, et Garry. CAHIER Des plaintes , doléances et vœux du tiers-état de la paroisse de Boudoufle, du ressort du châtelet de Paris , délibéré et arrêté en l’assemblée générale dudit tiers-état , présidée par Louis-Didier La-DEY, notaire et greffier des bailliages et baronnie du Plessis-Sebbeville, Boudoufle et dépendances , faisant pour l'empêchement de M. . le bailli , à cause de son indisposition , contenant les articles qui suivent (1). Art. 1er. Les habitants supplient Sa Majesté de réformer tous les privilèges, exemptions et abonnements, afin que tout seigneur, privilégiés et ecclésiastiques, soient sujets à l’impôt ci-après demandé. Art. 2. La suppression de tous les impôts, sous quelque dénomination qu’ils soient établis; création d’un seul impôt appelé territorial, réparti également sur tous les biens-fonds. Art. 3. La suppression de tous les droits d’aides sur tous les vins et autres boissons, et taxation d’une somme par arpent de vigne qui fera partie de l’impôt ci-dessus : ce qui occasionnerait la réformation des commis des aides. Art. 4. La suppression des gabelles, le sel pris dans les salines, rendu marchand suivant un prix uniforme, la propriété exclusive desdites salines conservée à Sa Majesté, le tabac rendu de même marchand. Art. 5. La destruction de tout gibier et les re-' mises supprimées, ainsi que les colombiers et volières. Art. 6. L’abolition des grosses et menues dîmes en nature, et création d’une somme par arpent payable en argent. Art. 7. La diminution des entrées de toutes denrées à Paris. Art. 8. Demandent, les habitants, que les droits honoraires de MM. les curés et vicaires soient égaux dans toutes les paroisses, et que leurs revenus soient fixés. Art. 9. La suppression des offices de jurés-pri-seurs et des 4 deniers pour livre, afin de ne point gêner la volonté et confiance des particuliers. Art. 10. La suppression de la corvée. Art. 11. La suppression des droits de minage, péage et autres droits domaniaux. Art. 12. La suppression des milices. Art. 13. L’uniformité des poids et mesures dans tout le royaume. Art. 14 et dernier. Au surplus, les députés du tiers-état du village et paroisse de Boudoufle seront et demeureront autorisés à proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui sera avantageux pour le bien de l’Etat et ce qui pourrait être employé dans le cahier général de la prévôté et vicomté de Paris, même contre et outre les articles ci-dessus et d’autre part. Fait, délibéré et arrêté en l’assemblée générale du tiers-état de là paroisse de Boudoufle, tenue cejourd’hui 16 avril, avant midi, de l'année 1789, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.