(Etats gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Melun.] 7 39 Les mêmes principes ont reçu une nouvelle sanction des Etats de Blois de 1576, qui ont prononcé, comme ceux de 1355, que deux ordres ne pouvaient lier le troisième. Et cette maxime a été inviolablement admise par les Etats de Blois de 1588, et ceux de Paris de 1614. La chambre ecclésiastique des bailliages de Melun et Moret a été trop heureuse de trouver dans la constitution de cette monarchie une loi que les lumières du dix-huitième siècle auraient sans doute inspirée, si elle n’était pas consignée dans les fastes de nos assemblées nationales. Elle pense que Ja distinction des trois ordres est un triple rempart contre les entreprises ministérielles et les efforts du pouvoir arbitraire; que l’indépendance respective des trois ordres assure leur force et leur sécurité ; qu’elle donne aux affaires une marche plus facile et moins compliquée ; qu’elle promet à la discussion le calme nécessaire pour l’éclairer, et qu’elle préserve les délibérations de cette précipitation dangereuse, qui leur ôterait le caractère imposant de la prudence et de la maturité. La chambre ecclésiastique des bailliages de Melun et Moret, après avoir enchaîné l’opinion de son député sur deux objets qu’elle regarde comme l’égide de la constitution et la sauvegarde des droits respectifs des différents ordres de l’Etat, l’invite encore à se rappeler les grands objets d’intérêt public qui ont occupé cette assemblée préparatoire : elle se persuade que les opinions, qui ont été développées avec cette franchise patriotique et ce zèle constant qui appartiennent surtout a des ministres des autels, viendront toujours éclairer ses démarches et préparer son opinion. Elle ne doute pas qu’i| ne sente l’influence des délibérations, qui n’ont jamais été prises qu’après avoir été longtemps éprouvées au creuset de la discussion et de l’amour du bien public. Elle lui enjoint de se concerter avec les députés des deux autres ordres des bailliages de Melun et Moret, afin que le concours de leurs lumières puisse servir plus utilement encore aux intérêts qui leur seront communs. Le clergé rassemblé à Melun espère que lorsqu’il s’agira de faire sur les provinces respectives, la répartition du subside qui aura été consenti, son député fera valoir le nombre et le poids des impôts qui, depuis tant d’années, accablent tous les habitants de cette province intéressante; et la multiplicité des contributions, que le pouvoir arbitraire a fait élever dans une proportion accablante et incompréhensible, ne permettra pas sans doute que l’on prenne, pour base de l’assiette de l’imposition générale, le marc la livre des impositions actuelles. La chambre ecclésiastique des bailliages de Melun et Moret engage son député à diriger tous les efforts de son zèle sur le retour de la concorde et de l’union entre tous les ordres. Quel avantage pourrait-on attendre de l’assemblée des Etats généraux, si l’on ne commençait par détruire le germe fatal de défiance réciproque qui avilirait une nation libre et franche, et qui mettrait sans cesse des entraves au cours précieux de ses délibérations? Aujourd’hui que tous les citoyens de l’Etat vont consacrer leur zèle et leurs travaux aux intérêts les plus chers à la patrie, ils s’apercevront, sans doute, qu’ils n’ont jamais d’autre sentiment que celui de la gloire du nom français et de sa félicité publique. Le clergé rassemblé à Melun croit devoir finir cette instruction par une réflexion importante, qui dirigera sans doute toutes les démarches de son député. . Il ne doit pas oublier qu’il va tenir dans scs mains le dépôt sacré de la confiance et les intérêts de tout le bailliage ; qu’il vase trouver, dans une célèbre assemblée, l’organe de la religion, le défenseur de la patrie et, pour ainsi dire, le protecteur de cent mille citoyens. H ne doit pas oublier que c’est lui seul qui est aujourd’hui l’espoir de ces pasteurs vénérables qui gémissent de voir sans cesse la misère au sein des campagnes, sans pouvojr en prévenir les tristes effets ni mettre un terme à sa durée.. Il ne doit pas oublier que le malheureux viendra lui demander compte de la mission importante qu’il aura reçue, et qu’il bénira ses efforts, ou qu’involontairement il le rendra responsable de ses peines. Mais il se persuadera sans doute que pour parvenir au but si désiré de la régénération d’un état jadis si florissant et si féconcf encore en ressources, il faudra que, lorsqu’il sera transporté dans une sphère qui lui sera peut-être étrangère, il s’éloigne du foyer des intrigues, qu’il redoute les complots dangereux et qu’il sache se mettre en garde contre les efforts de la faveur ou les menées de la séduction. Enfin, lorsqu’il sera au milieu des Etats généraux, qu’il n’abandonne jamais cet esprit de modération qui rend les résolutions plus imposantes et les hésitations moins équivoques ; et que l’on retrouve toujours en lui la douceur et la retenue qui font respecter un ministre des autels, et celte fierté inébranlable qui caractérise le citoyen d’une grande nation. Ont signé l’abbé Rigaut, abbé de Chaumes, président ; le doyen de Boisset, le curé de Sivry, le curé de la Chapelle-la-Reine, l’abbé de Galonné, l’abbé de Champigny, le curé de Mormans, le prieur des Bénédictins, le prieur de Samorau, le curé d’Ericy, l’abbé de Damas, le curé «le Perte, le curé d’Andreselle, l’abbé de Ri chebourg, chanoine de Ghampaut, le curé do Ghailly, Te curé de Villeneuve-la-Guion, le curé de Saimt-Aspel, le curé de Saint-Étienne, le curé de Saint-Barthélemy, le curé de Dannemarie, le prieur de Saint-Ambroise, le curé de Milly, le curé d’Elbe, le curé de Sessons, le curé de Châtelet, le curé de la Cbapeile-Gauthier, le curé de Champigny, l’abbé Pisson, le curé de Saint-Germain-d’Anis, l’abbé Menedrieux, le curé de Rosoy, et autres. Le curé de Saint-Etienne, secrétaire. CAHIER Des pouvoirs et instructions du député de l’ordre de la noblesse des bailliages de Melun et Moret , remis à M. Freteau de Saint-Just , seigneur de Vaux-le-Penil, conseiller de grand’chambre au parlement de Paris , élu député aux prochains États généraux par l’ordre de la noblesse des bailliages de Melun et Moret , le 20 mars 1789 (1). L’an 1789, le vendredi 20 mars, en vertu des lettres de convocation qui ordonnent aux trois ordres des bailliages de Melun et Moret d’élire leurs représentants aux Etats libres et généraux du royaume, et de leur confier tous les pouvoirs et instructions qui seraient jugés nécessaires pour la restauration de l’Etat et des bailliages de Melun et Moret, l’ordre de la noblesse desdits bailliages (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Corps législatif. 740 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Melun.] donne par ces présentes à son député auxdits Etats qui doivent se tenir à Versailles, le 27 avril 1789, les pouvoirs et instructions tels qu’ils suivent : Considérant que Sa Majesté, par le résultat de son conseil, du 27 décembre 1788, et par la lettre de convocation du 24 janvier 1789, a déclaré solennellement à ses peuples, Que sa volonté est : 1° non-seulement de ratifier la promesse qu’elle a faite de ne mettre aucun impôt sans le consentement des Etats généraux du royaume, mais encore de n’en proroger aucun sans cette condition ; 2° D’assurer le retour successif des Etats généraux, en les consultant sur l’intervalle qu’il faudrait mettre entre les époques de leur convocation; 3° Que sa Majesté veut prévenir de la manière la plus efficace les désordres que l’inconduite ou l’incapacité de ses ministres pourront introduire dans leurs finances, en concertant avec les Etats généraux les moyens les plus propres d’atteindre à ce but; 4° Que Sa Majesté veut que, dansle nombre des dépenses dont elle assurera la fixité, on ne distingue même pas celles qui tiennent plus particulièrement à sa personne; 5° Que Sa Majesté veut aller au-devant du vœu légitime de ses sujets, en invitant les Etats généraux à examiner eux-mêmes la grande question qui s’est élevée sur les lettres de cachet, son intention étant d’abandonner à la loi tout ce qu’elle peut exécuter pour le maintien de l’ordre ; 6° Que Sa Majesté est impatiente de recevoir l’avis des Etats généraux, sur la mesure de liberté qu’il convient d’accorder à la presse et à la publicité des ouvrages relatifs à l’administration, au gouvernement et à tout autre objet public; 7° Que Sa Majesté préfère avec raison aux conseils passagers de ses ministres les délibérations durables des Etats généraux ; 8° Que Sa Majesté a formé le projet de donner des Etats provinciaux au sein des Etats généraux, et de former un lien durable entre l’administration particulière de chaque province et la législation générale ; 9° Que Sa Majesté a déclaré avoir besoin du concours de ses sujets pour établir un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui intéressent le bonheur de ses sujets et la prospérité du royaume; 10° Que Sa Majesté demande à connaître les souhaits et les doléances des peuples; qu’elle désire que, par une mutuelle confiance et par un amour réciproque entre le souverain et ses sujets, il soit apporté, le plus promptement possible, un remède efficace aux maux de l’Etat, et que les abus de tous genres soient réformés et prévenus; En conséquence d’une déclaration si solennelle et des droits nationaux qu’elle consacre, la noblesse des bailliages de Melun et Moret réunis charge expressément son député de demander : Que le premier acte des Etats généraux soit de présenter au Roi une adresse de remercîments conçue en des termes qui peignent à Sa Majesté toute la vénération et toute la reconnaissance dont les a pénétrés pour sa personne sacrée cette déclaration qu’elle a faite de ces principes vraiment constitutionnels ; et de renouveler la profession de leur attachement inviolable à la constitution monarchique et à la maison régnante; Qu’ensuite, conformément aux droits imprescriptibles de la liberté, de la propriété, qui appartiennent essentiellement à l’homme par la loi naturelle, et qui ne peuvent être gênés ni restreints que par la loi qu’il a consentie, lesdits Etats généraux statuent dans la forme la plus authentique les articles 'suivants, savoir : Art. 1er. Que dorénavant la nation s’assemblera périodiquement et à des époques régulières, qui seront déterminés par les Etats généraux, lesquels fixeront le nombre et la proportion des députés, la forme de la convocation, et généralement tout ce qui concerne l’organisation des Etats qui devront suivre la présente tenue ; qu’ils statueront sur l’admission aux présents Etats d’une représentation des colonies ; Que de plus, les Etats généraux aviseront éventuellement à ce qu’il soit pourvu aux circonstances d’une guerre, d’une minorité ou d’une grande calamité qui affligeront en tout ou en partie le royaume ; et qu’ils décideront si une tenue extraordinaire devant être prévue, il ne serait pas essentiel d’aviser aux moyens de la rendre la plus prompte possible; à l’effet de quoi le député exprimera le vœu que les bailliages se rassemblent immédiatement après la clôture des Etats généraux, pour y nommer les députés qui composeraient les Etats extraordinaires. Art. 2. Qu’à l’avenir, aucun acte public ne sera réputé loi du royaume, s’il n’a été consenti ou demandé par lés Etats généraux et revêtu du sceau de l’autorité royale, et n’en contient la mention expresse. Que dans l’intervalle d’une tenue à l’autre, le Roi statuera sur les difficultés survenues et objets instants qui seront à régler, par des déclarations et lettres patentes seulement. Qiie les Etats généraux, de concert avec le Roi, aviseront, dans leur sagesse, à la meilleure forme qu’il conviendra d’adopter, pour donner à ces actes la sanction nécessaire; mais qu’ils n’auront acquis le caractère de loi nationale, qu’autant qu’ils seront consentis par les Etats généraux. Qu’aucune modification, restriction, ni opposition ne sera dans aucun cas permise aux cours de justice contre les lois du royaume ainsi sanctionnées; qu’elles jureront d’en maintenir le contenu, de les exécuter strictement, de ne concourir à l’exécution d’aucune décision qui s’en écarterait, et de s’opposer à la levée de tout impôt non accordé par la nation. Que telle sera la base de la charte nationale, laquelle, signée par le roi et par les membres des Etats généraux, sera publiée, enregistrée dans toutes les chambres supérieures et autres, dans les municipalités, et lue tous les ans au prône des paroisses. Art. 3. Que la liberté individuelle étant le premier des biens comme le plus inviolable des droits, les lettres de cachet soient abolies et les prisons d’Etat supprimées; en sorte qu’aucun citoyen ne puisse être privé, en tout ou en partie, de sa liberté, que pour être remis aussitôt, dans une prison légale, entre les mains de ses juges naturels ; et que copie de l’ordre de sa détention soit remise dans les vingt-quatre heures au citoyen détenu, sauf aux Etats généraux à combiner les moyens propres à prévenir les crimes et l’éclat des désordres domestiques ; sauf aussi, par eux, à admettre les délibérations régulières des communautés, sous l’autorité du magistrat, contre les personnes notées, contre celles qui seraient réputées suspectes au jugement de dix de leurs pairs et contre les gens sans aveu. Art. 4. Que les Etats généraux, de concert avec le Roi, statueront sur la liberté de la presse et sur les moyens de connaître, juger et punir ceux 741 [États gén. 1789. Cahier?,.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Melun.] qui en abuseraient, ainsi que sur la sûreté inviolable des lettres missives et des relations de confiance, lesquelles ne pourront jamais faire titre d’accusation contre aucun citoyen. Art. 5. Que les propriétés personnelles, mobilières et foncières soient assurées, de manière que, sous aucun prétexte, on ne puisse inquiéter aucun citoyen dans sa personne, dans son honneur ou dans ses biens, autrement que d’après les lois du rovaume, ni le poursuivre ailleurs que devant les tribunaux ordinaires; que tout ministre qui se sera permis d’expédier et de faire exécuter des ordres contraires aux droits nationaux ou privés, en soit responsable et puisse être dénoncé, -soit aux tribunaux ordinaires, soit aux Etats généraux assemblés, pour être ensuite jugé légalement, s’il y a lieu. Art. 6. Qu’en conséquence des articles précédents, aucun citoyen ne puisse être enlevé à ses juges naturels, et qu’ainsi l’usage des commissions extraordinaires et des évocations soit entièrement aboli, à moins qu’elles ne soient demandées par toutes les parties intéressées dans l’affaire à juger. Et qu’à l’égard des arrêts de surséance et des lettres d’Etat, il soit avisé à la réforme des abus dont ces actes sont susceptibles. Art. 7. Que les parlements et autres tribunaux souverains, ainsi que les juges subordonnés à ces cours ne pourront, à l’avenir, être troublés dans l’exercice de leurs fonctions; mais que dans le cas où les parlements ou autres cours, par une conduite opposée à celle qui vient de mériter la reconnaissance publique, se rendraient coupables de quelque infraction aux lois constitutionnelles, ou se permettraient d’enregistrer des déclarations ou lettres patentes contraires aux droits y énoncés, ils seront responsables des faits de leurs charges à la nation assemblée. Art. 8. Qu’à la nation assemblée en Etats généraux appartient exclusivement le droit de consentir les impôts et les emprunts, d’en fixer la quotité, les conditions et la durée ; en conséquence, que toutes impositions mises ou prorogées sans cette condition, ou accordées au gouvernement, hors des Etats généraux, par une ou plusieurs provinces, une on plusieurs villes, une ou plusieurs communautés, seront nulles, illégales, et qu’il sera défendu, sous peine de concussion, de les répartir, asseoir et lever. Qu’à l’égard des octrois ou contributions particulières qui seraient demandées par une ville ou par une province, il sera établi, pour la forme de les lever et d’en compter, une loi qui en prévienne les abus et les inconvénients. Art. 9. Que passé le terme fixé par les Etats généraux pour la durée des impôts, leur perception cesse, sans pouvoir être continuée, sous peine de concussion, et sans qu’il puisse jamais être rien répété contre les contribuables, pour raison de l’interruption de la perception, et ce, sous la même peine. Art. 10. Que les Etats généraux statueront sur une composition d’Etats provinciaux dan s la forme qu’ils jugeront la plus propre à la bonne administration des provinces et localités, en respectant et combinant avec le bieu général les usages, conventions , traités et capitulations , au moyen desquels les diverses parties du royaume se trouvent réunies à l’empire français : c’est à la sagesse éclairée du Roi, assisté des Etats généraux, à donner aux provinces de l’ancien domaine une constitution tellement organisée, que les autres provinces désirent elles-mêmes d’en adopter le régime, et qu’on parvienne ainsi à n’avoir, dans le royaume, qu’une administration uniforme pour toutes ses parties. Que la répartition, assiette et levée des impôts ne se fassent que par les Etats provinciaux. Les Etats généraux examineront, dans leur pru dence, s’il ne serait pas avantageux de charger les Etats provinciaux d’administrer et porter à leur valeur réelle les domaines de la couronne, pour en connaître le véritable produit, et de n’adopter au cun projet quelconque à cet égard, avant que leur valeur ne soit ainsi constatée. Art. 11. Que tous les fonds qui auront été versés au trésor public par la nation, devant être assignés aux dépenses des différents départements, les ministres qui en seront chargés seront tenus de rendre public chaque année, par la voie de l’impression, le compte détaillé de la recette et de la dépense, dont la minute, signée par eux, sera remise aux greffes des tribunaux établis par la comptabilité, afin que les comptes effectifs de chacune des années qui se seront écoulées d’une assemblée à l’autre des Etats généraux, puissent leur être rendus dans la forme qu’ils jugeront à propos d’adopter ; et que les administrateurs coupables de prévarication puissent être dénoncés à la nation et légalement poursuivis. Art. 12. Telles sont les bases de la constitution, sur lesquelles il est enjoint formellement au député de faire statuer dans l’assemblée des Etats généraux, préalablement à toute délibération relative aux finances, avec défenses expresses de rien voter sur l’impôt ni sur l’emprunt ; de vérifier, constater ni reconnaître le montant de la dette publique, ni de s’expliquer sur les moyens d’y satisfaire, avant que le principe de la nécessité du concours de la nation pour la formation des lois générales, les maximes de la liberté individuelle et de la propriété, ainsi que la périodicité des Etats généraux, au moins tous les cinq ans, et la responsabilité des ministres, n’aient été solennellement et irrévocablement établis. Et néanmoins le député ne se retirera point de l’assemblée, il n’adhérera à aucune scission; mais il s’efforcera par tous les moyens d’y entretenir ou d’y ramener la paix et la concorde, demandant seulement acte de ses protestations. Art. 13. Le député prendra ensuite une connaissance détaillée des réductions, dont chaque partie de la dépense sera susceptible, de la situation des finances et des besoins de l’Etat, rigoureusement démontrés ; et il sera autorisé, après cet examen, à consentir à l’établissement des subsides qui seront jugés indispensables, dans la forme et sur les objets qui seront le moins onéreux à la nation. Art. 14. Le député aura également pouvoir de substituer aux impôts, maintenant établis, te' s que la taille, la gabelle, déjà jugées par le Roi, tels que les aides, les traites, les marques des cuirs et autres impôts d’une nature accablante, ceux qui en remplaceraient le produit nécessaire, ttqui seraient d’une nature moins greveuse pour le peuple, en frappant sur le luxe, d’une assiette plus facile et surtout d’une perception moins dispendieuse. Il s’occupera particulièrement des moyens de faire disparaître les différences qui existent maintenant dans la dénomination et la forme des impôts supportés jusqu’ici par les trois ordres; différences dont l’effet serait de diviser des intérêts communs, d’affaiblir ces idées d’égalité et de juste répartition, seules bases équitables de tout impôt entre les citoyens d’une même patrie. 742 [États gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Melun.] Art. 15. Après qu’il aura été pourvu à l’acquittement des dettes, et que l’état des dépenses aura été arrêté, les Etats généraux délibéreront dans leur sagesse, si, dans le cas d’une grande calamité publique ou d'une guerre imprévue, il ne serait pas utile de statuer à la disposition du Roi un crédit dont ils détermineront le montant, bien entendu que ce fonds extraordinaire sera soumis au même ordre de comptabilité que les fonds ordinaires dont il ferait partie pour l’année suivante, si la circonstance à laquelle il aurait été spécialement destiné ne l'avait pas entièrement consommé. Le vœu de la noblesse est que le crédit accordé ne s’élève que jusqu’à la somme indispensablement nécessaire pour fournir au premier besoin, jusqu’à une convocation extraordinaire des Etats généraux qui seront assemblés dans le plus court délai possible. Art. 16. Le député aura un pouvoir indéterminé de concourir à régler tout ce que le temps permettra aux Etats généraux de statuer sur les améliorations de tous les genres et sur la poursuite des principaux abus qui affligent le royaume* et en particulier : Sur le maintien de la religion ; Sur le respect dû au culte ; Sur le rétablissement de la discipline ecclésiastique ; Sur la restauration des mœurs ; Sur la vénalité des charges; Sur la réformation si nécessaire et si désirée des lois civiles et criminelles, et notamment sur le conseil qu’il paraît si instant de donner aux accusés; Sur l’allégement des décrets pour les citoyens qui donneront caution, toutes les fois qu’il ne sera pas question de meurtre ou agression violente, de rapt, d’incendie, ou de trahison d’Etat, conformément aux anciennes lois du royaume; Sur l’état des non catholiques en France, et sur la nécessité de rendre loi du royaume l’édit du mois de novembre 1787, et de statuer définitivement sur les mariages mixtes; Sur la réforme de l’éducation nationale; Sur l’assignation de fonds certains destinés à entretenir et à récompenser ceux qui se consacrent à cette Utile et honorable fonction ; Sur les moyens d’établir entre les cultivateurs et propriétaires fonciers d’une part* et les capitalistes de l’autre, cet équilibre sans lequel l’impôt pèse entièrement sur l’agriculture et sur l’existence des gens de campagne. Pour y parvenir, le député exprimera avec force le vœu que la chambre forme de voir proscrire efficacement les loteries, les spéculations usuraires et l’hydre de l’agiotage; Sur les abus multipliés de la forme actuelle de la comptabilité causée par les retards de la reddition des comptes; sur les déprédations sans nombre et impunies qui en résultent, et dont le détail est énergiquement développé dans un Mémoire particulier (1) qui sera remis au député; Sur les meilleurs moyens à trouver pour prévenir les banqueroutes et les faillites , ou en empêcher l’impunité et les funestes effets; Sur la propagation et extension du commerce national, en enregistrant les lois prohibitives, et l’abus des privilèges exclusifs, toutes les lois qu’ils ne sont pas accordés à l’invention ; Sur l’encouragement à donner aux arts et aux manufactures; Sur la faveur à accorder aux entreprises de (1) Ce Mémoire a été composé par M. du Tremblay de Rubelles* maître des comptes. canaux, d’où résulteront une prodigieuse diminution du prix des transports, et une augmentation de bras et d’animaux pour la culture des campagnes; Sur la suppression des entrées vexatoires qui s’exigent au détriment du commerce et de la liberté des provinces, et qui, en reculant les barrières aux frontières du royaume, les placerait au véritable point où elles peuvent être utiles à l’équilibre du commerce national. Art. 17. Et pour le redressement des griefs des bailliages de Melun et Moret , Le député demandra : l°des Etats provinciaux pour la Brie, auxquels sera confié tout ce qui est felatif à l’administration des chemins. 2o La diminution jusqu’à la suppression de la taille, dont le taux excède le plus souventle tiers du loyer, surcharge terrible à cause de la cherté de laculture, de l’immensité des bâtiments nécessaires à l’exploitation, de l’inégalité des produits et delà difficulté des communications pour le transport et la vente des denrées. Toutes ces causes réunies à l’incertitude et à la fluctuation de la législation sur le commerce des grains , et au renchérissement subit des bestiaux, ont opéré la ruine d’un grand nombre de laboureurs. Plusieurs fermes sont abandonnées, et les villages sont, pour la plupart, dans une misère extrême rendue encore plus affreuse par l’intempérie des saisons, par l’oubli total des lois sur le prix de la mouture et la police des moulins, par l’augmentation arbitraire des droits d’aides, par l’impuissance des juges des élections pour les réprimer, par la rigueur des exécutions pour les impôts depuis les frais de bulletin jusqu’à l’emprisonnement des malheureux contribuables ; enfin plus de la moitié du bailliage est dévastée par l’horrible fléau des capitaineries de Fontainebleau et de Gorbeil, qui fait tomber en friche toutes les terres riveraines des bois et des terrains sablonneux. 3° Pour relever l’agriculture, il est indispensable de supprimer les capitaineries , cet attentat à la propriété, qui a excité les remords de plusieurs de nos souverains expirants, ainsi qu’on le voit par l’histoire qui s’est chargée de leur tardif repentir, et qui nous en a transmis les inutiles monuments ; de rétablir une juste proportion entre l’impôt et le produit net, toutes mesures étant rompues, au point qu’une foule de propriétaires payent par eux ou par leurs fermiers quatre dixièmes et plus d’impôts directs. Les autres droits du Roi s’opposent à tous baux à longs termes, à la facilité des échanges, à la mutation et au commerce des biens-fonds arrêté par les francs-fiefs. On ne s’est pas même occupé des réformes les plus faciles, telles que l’abolition du parcours , la suppression d’un grand nombre de fêtes dans les jours les plus précieux de l’année, et qui n’ont pas lieu dans les autres diocèses ; de l’extinction des droits de minage, hallage, péages, bien entendu après l’examen des titres, avec les indemnités dues à la propriété reconnue légitime; ni des vexations exercées, à Melun même, pour la perception des droits de minage qui s’y exigent contre les ordonnances du royaume, sans tarifs ni pancarte, source intarissable de procès, ni de la rectification du cadastre le plus injuste et le plus arbitraire, fait d’autorité absolue par le commissaire départi, exécuté d’une manière impérieuse et vexatoire par ses agents oppresseurs. Sous les auspices de ce même commissaire, la milice est devenue un impôt sans cesse renaissant, et qui pèse autant, et plus, sur les familles pauvres, que la taille elle-même ; les rénarations ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Melun.] 743 [États gén. 1789. Cahiers.] et les constructions des églises ou presbytères, auxquelles on sait que le clergé s’est soustrait depuis 1695, épuisent les villages pour plusieurs années. Des paroisses entières sont réduites à la mendicité par les frais énormes de la construction des murs et entreillagements destinés à écarter les bêtes fauves, et qui ne servent malheureusement qu’à multiplier lé petit gibier. Art. 18. Enfin la masse des impôts étant votée pour tout le royaume, il est agité parles Etats généraux quelle sera la part proportionnelle que chaque province devra supporter de ce fardeau commun ; le député devra représenter, avec la plus ferme énergie, combien il serait souverainement injuste pour la généralité de Paris, et notamment pour le bailliage de Melun, de prendre pour base de la répartition, de l’assiette et de l’impôt général, le marc la livre des impositions actuelles dans la généralité ; il démontrera que la province de l’Isle-de-France, et en particulier le bailliage, livré depuis longtemps par la servile complaisance des anciens administrateurs, aux volontés du pouvoir fiscal, a Vu successivement, et pour ainsi dire d’année en année, le poids accablant des contributions s’élever à un degré presque incompréhensible et hors de toute proportion avec les autres provinces du royaume ; il se concertera sur ces objets avec les députés des autres bailliages de la province, et il se procurera les lumières qui peuvent être utiles au soutien de cette grande vérité dans le dépôt de l’assemblée provinciale ; et il n’oubliera rien de ce qui pourra faire rétablir entre la province defl’Isle-de-France et les autres provinces du royaume l’équilibre qui n’existe plus depuis longtemps, et qu’il est également juste et nécessaire d’y voir incessamment rétabli. Art. 19. La chambre de la noblesse, sans ré-clamer aucun privilège qui puisse la soustraire à la plus juste égalité dans la répartition des impôts, ne croit pas avoir besoin de recommander à son député de défendre et de maintenir la prééminence des rangs, les honneurs, les immunités non pécuniaires, et les droits dont là noblesse a joui dans tous les temps, et qui ne sont que la juste récompense de ses services. Ces distinctions tiennent à la constitution de la monarchie ; elles en ont toujours fait la force, et le député rappellera qu’elles sont tellement fondées par la justice, qu’elles ontété solennellement reconnues et consacrées dans les Etats généraux du royaume assemblés à Blois. Le député présentera aux Etats généraux le vœu de la noniesse, pour qu’ils prennent en considération la multiplicité des charges qui la donnent en très peu de temps, la nécessité de prononcer sur l’abus de l’usage des titres, celle d’inscrire la liste des nobles dans un catalogue déposé aü greffe des bailliages et Etats provihciaux, et l’examen de la question sur les francs-fiefs, soit pour supprimer entièrement ce droit, soit pour qu’il ne soit payé qu'une seule fois par la même personne. Il leur exposera ensuite les trop justes remontrances de la noblesse pauvre qui sert dans les armées, dont l’état précaire change à chaque mutation de ministre, dont le traitement pécuniaire, l’avancertient, les récompenses et les retraites sont soumis à une instabilité injuste, destructive du talentet d’autant plus décourageante, que cette noblesse même, qui condamne en quelque sorte le gentilhomme à la pauvreté, se prodigue au prix de l’argent, et que l’ordre militaire, qui devrait être la récompense de ses services, se prostitue chaque jour à des personnes avilies. j II ajoutera à la doléance de la noblesse consacrée au service militaire de demander : 1° Que les officiers de l’armée soient admis à jouir du droit réclamé pour les autres citoyens de ne pouvoir être privés de leurs emplois sans un jugement. ; 2° Qu’ils ne soient pas livrés à une forme de j jugement, qui est telle que les officiers mis au ! conseil de guerre n’ont pas la permission de ré-; cuser aucun juge, et qu’il n’existe aucun tribunal ! militaire permanent auquel ils puissent appeler | des sentences prononcées contre eux, dans le j cas même où les formes judiciaires auraient été violées pendant la procédure, tandis que les ministres se sont permis d’aggraver à leur volonté ces sentences mêmes. Enfin le député sera autorisé à promouvoir et consentir tous règlements, ou nouvelles institutions tendantes à améliorer le sort des citoyens de toutes les classes, et à s’occuper avec le plus grand zèle de tout ce qui pourra, en rétablissant l’ordre et l’économie dans toutes les branches de l’administration, rendre à l’Etat et à la couronne le degré de considération et de puissance qui appartiennent à la première nation de l’Europe. Signé le duc du Châtelet; le duc dePraslin ; de Bougainville; Desroches; Freteau de Saint-Juste; de GuerChy ; de Gouy Id’Arsy ; Boudet, commissaires. Bernard de Goubert ; de Ghavignÿ ; de Bizemont; Geoffroy de Chamois ; de Montmorin ; Desaul-nois ; Dargens ; de Miton ; de Vauxblanc ; Gitton de La Ribellerie; La Barre de Carroy ; Dupré de Saint-Maur ; Des Massues ; de Saint-Blancart; Fra-guier ; de Lery ; Du Tremblay de Rubéfiés; Marié de La Gatinerie ; Marié de Bois d’Hyver ; Marié de Chanteloup ; de Bodesson; de Valmanet; de Che-vry ; Morel de La Borde ; Moreau de La Rochette ; Moreau d’Olibon ; Dulau d’Allemans ; deBlanchy; de Bausse; Jamin ; Jamin de Changea ; Düpont de Compiègne; Gillet de La Renommière; Pâjot; Fontaine de Gramayel ; Agasse ; de Gassonville ; Hede-lin ; Le Rayer ; de Neuville ; Boussier ; de Toulon-geon, Dallard; de Mauroy; Le Feron ; chevalier de Compiègne ; de Gouy a’Arsy, président ; de Vauxblanc, secrétaire. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances du tiers-état des bailliages de Melun et Moret , ensemble des pouvoirs donnés à ses députés pour rassemblée des Etats généraux , à l’effet de déclarer | demander et consentir (1). Art* lef. Que comme c’est par une des lois fondamentales que la succession du trône est déférée à l’aîné mâle, c’est aussi par la loi que le Roi doit régner. Art. 2. Que le pouvoir législatif appartientà la nation avec le concours de l’autorité du Roi ; et que, pour consacrer ce principe, il sera mis dans le préambule des lois qu’elles ont été faites sur la demande, ou d’après le consentement des Etats généraux. Art. 3. Que le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire appartiennent au Roi, pour être exercés, j le premier par Sa Majesté, et le second, au nom j du seigneur Roi, par des tribunaux, dont les membres ne seront amovibles que dans leeas de i forfaiture bien et dûment jugée. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des 1 Archives de l’Empire.