[États généraux. [ port, et ont dit que quoiqu’ils eussent vérifié les pouvoirs de MM. les députés d’Auxerre, parce que ces pouvoirs leur avaient paru réguliers quant à la forme, ils avaient cru devoir observer à la Chambre, que, suivant le règlement du 7 février dernier, fait pour la Bourgogne, il n’avait été accordé qu’une députation pour Auxerre; que, cependant, les trois ordres de ce bailliage avaient jugé à propos de s’en donner deux, en nommant deux députés de l’ordre du clergé, deux de la noblesse et quatre du tiers-état; le tout sans y avoir été autorisés par aucune décision postérieure, et même sans l’avoir sollicité : qu'ils se croyaient d’autant plus obligés de remettre cette observation sous les yeux de la Chambre, que cette double députation ayant eu lieu dans les trois ordres du bailliage d’Auxerre, son résultat intéressait chacun des trois ordres aux Etats gé-n£pau � « M. le comte d’Arsy, second député de l’ordre de la noblesse du bailliage d’Auxerre, a fait lecture d’un mémoire contenant l’exposé des raisons qui avaient déterminé la double députation de ce bailliage. « La matière ayant été soumise à la discussion, on a mis en délibération s’il ne convenait pas, vu l’intérêt qu’avaient les trois ordres au fait dont il s’agissait de le renvoyer aux commissaires que la Chambre avait décidé de nommer par son arrêté du jour d’hier, pour se concerter avec les autres ordres ; et il a passé à la pluralité des voix de renvoyer l’examen de cette affaire aux commissaires qui viennent d’être indiqués. » Du mardi 9 juin 1789. t MM. les commissaires vérificateurs ont terminé le rapport de l’affaire relative à la députation de la province de Dauphiné, en faisant connaître à la Chambre le résultat de leurs déterminations. « La question, après avoir été profondément discutée, a été réduite à savoir si cette députation serait admise dès à présent, ou si la difficulté à laquelle elle avait donné lieu, serait préalablement soumise à l’examen des commissaires des trois ordres. Et, délibération prise, il a été décidé, à la pluralité des voix, que cette affaire serait préalablement soumise à l’examen des commissaires des trois ordres. « Signé : MONTMORENCY-LUXEMBOURG, président ; BoüTHILIER, secrétaire. » M. le Président, après la lecture de ces arrêtés, a répondu en ces termes à celui de MM. de la noblesse qui avait porté la parole : Monsieur, je suis chargé de vous répondre au nom de l’Assemblée nationale qui siège dans cette salle commune, que tous les députés de la noblesse ont été appelés et invités à la vérification commune des pouvoirs, et à se réunir à I’Assemblée nationale. Elle ne cessera de désirer qu’ils viennent les présenter, et elle le désire particulièrement pour délibérer en commun sur les moyens de soulager la misère publique. MM. de la noblesse ont été reconduits de la même manière qu’ils avaient été reçus. Plusieurs personnes observent que le premier acte de l’Assemblée, après s’être constituée, doit ttre de procéder à la nomination de ses officiers; mais l’importance des objets compris dans les [17 juin 1789.] motions exigeant qu’on se livre sans délai à leur examen, il est déclaré, après une délibération, que M. le président et les secrétaires sont confirmés pour remplir provisoirement les fonctions de ces offices. M. le Président jure et promet, entre les mains de l’Assemblée, de remplir fidèlement le& fonctions que l’Assemblée vient de lui conlier. Les secrétaires font les mêmes serments. Par rapport au serment à prononcer par l’Assemblée, il est proposé différentes formules, entre lesquelles la suivante est préférée : , « bous jurons et promettons de remplir avec zèle et fidélité les fonctions dont nous sommes chargés. « M. le Président annonce qu’il va faire prêter le serment selon cette formule, et que le serment sera regardé comme prêté en cette forme par quiconque ne se présentera pas pour signer une déclaration contraire. Alors, tout le monde étant debout et la main levée, M. le président prononce la formule du serment. L'Assemblée répond : Nous le jurons et promettons. M. Target présente deux motions sur le parti que l’Assemblée doit prendre relativement à la perception des impôts subsistants. M. Chapelier en présente aussi une sur le même objet, et il ajoute des dispositions relatives à la dette nationale et à la cause de la misère publique. Comme ces motions paraissent devoir être réunies, présentant les mômes objets, M. Target propose de les fondre ensemble; ce que l’ Assemblée approuve. MM. Target et Chapelier se retirent dans une salle voisine pour les joindre en une seule; ils rentrent, et la présentent à l'Assemblée qui l’adopte en ces termes : « L’Assemblée nationale , considérant que le. premier usage qu’elle doit faire des pouvoirs dont la nation recouvre l’exercice, sous les auspices d’un monarque qui, jugeant la véritable gloire des rois, a mis la sienne à reconnaître les droits de son peuple, est d’assurer, pendant la durée de la présente session, la force de l’administration publique; « Voulant prévenir les difficultés que pourraient traverser la perception et l’acquit des contributions ; difficultés d’autant plus dignes d’une attention sérieuse qu’elles auraient pour base un principe constitutionnel et à jamais sacré, authentiquement reconnu par le lAoi, et solennellement proclamé par toutes les Assemblées de la nation ; principe qui s’oppose à toute levée de deniers et de contributions dans le royaume, sans le consentement formel des représentants de la nation ; « Considérant qu’en effet les contributions, telles qu’elles se perçoivent actuellement dans le royaume, n’ayant point été consenties par la nation, sont toutes illégales, et, par conséquent nulles dans leur création, extension ou prorogation; « Déclare, à l’unanimité des suffrages , consentir provisoirement, pour la nation, que les impôts et contributions, quoique illégalement établis et perçus, continuent d’être levés de la même manière qu’ils l’ont été précédemment, et ce, jusqu’au jour seulement de la première séparation de cette Assemblée, de quelque cause qu’elle puisse provenir. ' « Passé lequel jour, l’Assemblée nationale en-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1789. J [États généraux. [ 129 tend et décrète que toute levée d’impôts et contributions de toute nature qui n’auraient pas été nommément, formellement et librement accordée par l’Assemblée, cessera entièrement dans toutes les provinces du royaume, quelle que soit la forme de l’administration. « L’Assemblée s’empresse de déclarer qu’aussitôt qu’elle aura, de concert avec Sa Majesté, fixé les principes de la régénération nationale, elle s’occupera de l’examen et de la consolidation de la dette publique; mettant dès à présent les créanciers de l’Etat sous la garde de l’honneur et de la loyauté de la nation française. « Enfin, l’Assemblée, devenue active, reconnaît aussi qu’elle doit ses premiers moments à l’examen des causes qui produisent dans les pro-Îinces du royaume la disette qui les afflige, et la recherche des moyens qui peuvent y remé-ier de la manière là plus efficace et la plus brompte. En conséquence, elle a arrêté de nommer un comité pour s’occuper de cet important objet, et que Sa Majesté sera suppliée de faire Remettre à ce comité tous les renseignements dont il pourrait avoir besoin. La présente délibération sera imprimée et envoyée dans toutes les provinces. ! M. Camus, l’un des secrétaires, est chargé de �e transporter à Paris pour faire imprimer chez M. Baudouin les deux actes importants par lesquels l’Assemblée établit ses droits et en commence l’exercice. La séance est levée à cinq heures, et remise au soir. Séance du soir. M. le garde des sceaux avait, dans la matinée, l'ait prier M. Bailly de se rendre à la chancellerie pour y recevoir une lettre du Roi. T L’Assemblée ne permet pas à M. Bailly de s’absenter, M. Bailly ne peut se rendre à la chancellerie du’à cinq heures pour y prendre la lettre du Roi. Il en fait lecture à l’ouverture de cette séance. j Voici son contenu : « Je ne refuserai jamais, Monsieur, de recevoir aucun des présidents des trois ordres Jors-du’ils seront chargés d'une mission auprès de moi, et qu’ils m’auront demandé, par l’organe iksité de mon garde des sceaux, le moment que jfe veux leur indiquer. Je désapprouve l’expres-âion répétée de classes privilégiées que le tiers-état emploie pour désigner les deux premiers ordres : ces expressions inusitées ne sont propres qu’à entretenir un esprit de division absolument contraire à l’avancement du bien de l’Etat, puisque ce bien ne peut être effectué que par le éoncours des trois ordres qui composent les Etats généraux, soit qu’ils délibèrent séparément, soit qu’ils le fassent en commun. « La réserve que l’ordre de la noblesse avait mise dans son acquiescement à l’ouverture faite de ma part ne devait pas empêcher l’ordre du tiers de me donner un témoignage de déférence. L’exemple du clergé, suivi par celui du tiers, aurait déterminé sans doute l’ordre de la noblesse à se désister de sa modification. Je suis persuadé que, plus l’ordre du tiers-état me donnera de marques de confiance et d’attachement, 1" Série, T. VIII. et mieux leurs démarches représenteront les sentiments d’un peuple que j’aime et dont je ferai mon bonheur d’être aimé. « Signé LOUIS. « A Marly, ce 16 juin. » Au dos est écrit: A M. Bailly , doyen de V ordre du tiers-état. Après la lecture de cette lettre, l’on s’occupe de la nomination des commissaires pour la rédaction de l’adresse au Roi arrêtée le matin. Le choix en est déféré au bureau qui nomme les anciens commissaires conciliateurs pour la rédiger. En conséquence, MM. Chapelier, Bergasse et Barnave sont chargés de faire l’adresse projetée. , MM. Chapelier et Bergasse se réunissent pour rédiger l’adresse, et M. Barnave en fait une seconde de son côté. Un de Messieurs a observé à l’Assemblée qu’il s’était glissé une faute dans la rédaction de la motion qui a été adoptée, et qu’on y avait laissé mal à propos une phrase inutile, commençant par ces mots: nulle autre Chambre de députés, etc. Il a demandé que cette phrase fût retranchée de la rédaction de la délibération prise ce matin; ce qui a été ainsi arrêté par l’Assemblée. M. Guillotin. L’air pesant et pestilentiel exhalé du corps de plus de trois mille personnes concentrées dans la salle produira infailliblement un effet funeste sur tous les députés. Je crois qu’il convient à l’Assemblée de donner ses ordres pour faire faire des ouvertures suffisantes au renouvellement de l’air. J’observe de plus que la distribution des bancs est insalubre; que chacun étant resserré derrière son voisin, à peine peut-il respirer; l’air reste intercepté. Remarquez encore que les banquettes actuellement existantes sont des sièges très-incommodes pour des séances de douze et quatorze heures, comme celle d’aujourd’hui. Je crois donc qu’il est nécessaire d’y faire mettre des dossiers. L’Assemblée adopte avec empressement les réflexions de M. Guillotin, et elle le charge de présider à tous les changements nécessaires à la construction de la salle et à la distribution des banquettes. MM. Chapelier et Bergasse reviennent dans l’Assemblée; ils lisent l’adresse qu’ils ont rédigée ensemble ; elle est entendue avec de grands applaudissements. M. Barnave lit celle qu’il a faite; elle est accueillie avec les mêmes sentiments que la première. M. Bailly propose de refondre ces deux adresses en une seule. Les députés qui préfèrent la première s’y opposent; les partisans de la seconde veulent que l’on n’y change rien. M. Barnave. Je n’ai osé lire cette adresse que parce que plusieurs députés qui l’ont approuvée me l’ont conseillé. Je sens toute la supériorité de la première. C’est moins par amour-propre que je me suis exposé à faire lecture de la mienne que par déférence. Je retire mon projet d’adresse. M. Target. Il y a dans la première des senti-9