518 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |2 avril 1790. besoin d’écbapper à l’oppression, dès l’an 1400, ont commencé la nôtre, et leur rapport prouve assez combien vous avez connu la nature et ses droits. Une seule différence vous était commandée par l’étendue de l’Empire, et vous l’avez trouvée heureusement établie dans l’existence et la succession déterminée d’un chef suprême et inamovible qui, lui-même, a coopéré avec magnanimité à votre sublime ouvrage. Mais de tant d'abus que vous avez détruits, quelques traces pourraient demeurer dans notre patrie, et continuer d’y altérer notre liberté. « Le système des subsides secrets ne peut s’allier avec vos principes : or, au nombre des dépenses extraordinaires quelalégislationfrançaisefait dans notre pays, il en est (1) dont la nature et la distribution corrompent notre gouveruement sans aucune utilité pour la France ; et c’était un mal à vous dénoncer. Un autre concourt au même effet. L’inclination du peuple Grison pour le service militaire, son affection pour la France, la liberté illimitée que lui donne notre constitution, pour se livrer à ces deux penchants, nous permettent d’avoir un certain nombre de troupes à votre solde ; mais un régiment entier, outre les compagnies Grisonnes qui se trouvent dans les régiments Suisses, s’honore de porterie nom de notre nation; et cependant, à la faveur d’un règlement auquel notre république n’a pris aucune part, le chef y dispose de tous les emplois, de toutes les compagnies, de toutes les places d’officiers supérieurs. Si vous observez que ce chef sera toujours un de nos concitoyens, vous comprendrez quelle influence dangereuse lui donnent de tels moyens dans nosaffaires intérieures, en même temps qu’ils établissent un régime absolument destructeur des vrais principes militaires. « Nous espérons donc, Messieurs, que le nouveau mode d’avancement que vous projetez sera rendu commun à nos troupes par un de vos décrets, et qu’il fera renaître ensemble les temps célébrés de l’armée française et ceux de nos anciennes milices. Rien ne s’y oppose. Notre république n’a aucune capitulation avec la France; celles des Suisses sont au moment d’être renouvelées, et nos troupes n’existent dans vos armées qu'en vertu d’une confiance réciproque. «i Tels sont, après nos hommages, les objets que nous prions l’Assemblée nationale de prendre en considération, et de recommander au pouvoir exécutif. Nous n’avons à y ajouter que nos vœux sincères pour la prospérité de la monarchie française, à laquelle les principes qui la gouvernent à présent ne font que nous attacher davantage, et ces principes seront toujours plus puissants sur nous que tout l’art de la diplomatie ; car un peuple libre ne saurait espérer de véritables amis que là ouïe pacte social pose sur cette base sacrée : La voix du peuple est la source des lois. « Nous nous félicitons de cette occasion de vous assurer du profond respect avec lequel nous avons l’honneur de nous souscrire, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. (1) Ces dépenses sont des pensions secrètes dont la distribution corruptrice est confiée à un citoyen même du pays des Grisons, à qui celte commission donne une influence illégitime dans les affaires ultérieures. Cet étrange abus sera réformé, et d’une manière économique pour la France, si, comme on le désire, l’ambassadeur du roi, résidant à Soleure, est seql accrédité auprès des Ligues Grisonnes. « Les membres des ligues Grises, au nombre de cinquante-trois. Et ensuite est écrit : « Je, soussigné, atteste que les signatures ci-devant copiées de quatre exemplaires envoyés dans les trois ligues, et au pays sujet, sont analogues à l’original, souscrites des personnes énoncées ; en foi de quoi j’ai apposé mon cachet. Signé Jean Théodore de Mysani, en qualité de comte Palatin, ayant le droit d’autorité impériale ainsi que papale, et de la part des trois ligues Grises, de créer des notaires publics, ainsi que de légaliser». Et au-dessous écrit : « Nous sous signé, attestons qu’on doit ajouter foi à la signature de M. Jean Théodore de Mysani, en qualité de comte Palatin ; en foi de quoi j’ai apposé nos armes. A Goire, ce 18 mars 1790. Signé : Jean SPRECHER DE Bernec, chef en charge de la Ligue des Droitures. » M. de Clennont-Tonncrre. Je crois que l’Assemblée nationale doit accueillir avec empressement cette communication fraternelle d’un peuple ami de la liberté. Je demande que l’adresse soit insérée dans le procès-verbal, et que M. le président soit chargé de se retirer par devers le roi, pour le supplier de prendre en considération les abus dénoncés par les Ligues Grisonnes, et pour faire connaître à S. M. la sensibilité de l’Assemblée nationale aux témoignages que la fraternité de la république vient de manifester. M. Muguet de üantliou. Lorsque la société de la révolution d’Angleterre a témoigné les mêmes sentiments à l’Assemblée nationale, M. le président a été chargé de lui répondre directement. Il me paraîtrait convenable, et je le demande positivement, qu’on en usât de même à l’égard des Ligues Grisonnes. M. de Cïermont-Toimerre. J’ai l’honneur d’observer au préopiuaut que la société de la révolution d’Angleterre n’est que la réunion de quelques individus ; tandis que les Ligues Grisonnes sont une puissance, et qu’il n’appartient qu'au pouvoir exécutif de communiquer avec les puissances étrangères. (D’après ces observations, la question préalable est demandée sur la motion de M. Muguet de Nanthou.) M. de Ta Réveillère de Cépeaux. J’observe que ce n’est point par le canal du gouvernement que l’adresse des Ligues Grisonnes nous est parvenue, mais qu’elle nous a été directement envoyée. Il y a donc lieu à délibérer. L’Assembiée décrète successivement les propositions de M. de Clermont-Tonnerre et celle de M. Muguet de Nanthou. « L’Assemblée nationale décrète que M. le président se retirera par-devers le roi, pour prier Sa Majesté de prendre en considération les demandes énoncées dans l’adresse de la république des Grisons. « L’Assemblée, en outre, autorise M. le président à écrire à la république des Grisons, pour lui marquer sa sensibilité aux témoignages de fraternité qu’ils ont manifestés, et pour leur faire part qu’il est chargé de se retirer par-devers le roi, pour prier Sa Majesté de prendre leurs demandes en considération. »