266 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de ceux pour qui un âge avancé et des infirmités que la vieillesse traîne après elle rendent l’enseignement un fardeau trop pesant. Les 300 000 livres qui ont été mises à la disposition du comité lui permettront de tirer des horreurs de la misère quelques-uns des professeurs de l’ancienne Ecole de Chirurgie, qui ne touchent pas même, depuis près d’une année, la modique rétribution qui leur était due, et dont ils ont le plus urgent besoin. Parmi les élèves de l’École centrale de Santé, le comité ne vous propose point de comprendre les pharmaciens, parce qu’alors le nombre des élèves indiqué serait bien au-dessous des besoins, et parce qu’aussi les études pour l’exercice de la médecine et de la chirurgie sont beaucoup plus étendues que celles qui sont nécessaires à la pharmacie. Cette profession a d’ailleurs, à Paris, une école toujours ouverte, et qui depuis longtemps est plus complète que celles qui étaient destinées à la médecine et à la chirurgie. La botanique usuelle, l’histoire naturelle des drogues, la chimie pharmaceutique et la pharmacie proprement dite y sont enseignées avec toute l’étendue et tout le soin convenables à cette étude. L’élève en pharmacie joint à ces leçons la pratique dans les laboratoires des pharmaciens chez lesquels il demeure, et dont il partage les travaux; il ne lui manque donc rien de ce qui est nécessaire pour le former. Très peu de changements sont nécessaires pour rendre l’instruction pharmaceutique plus complète, et le comité d’instruction publique s’en occupera avec la célérité que le bien public exige (100). 42 Un secrétaire lit la réclamation du citoyen Verbrouck, otage de la Belgique. Renvoyé au comité de Salut public (101). 43 Le même secrétaire lit une adresse du citoyen Mercier, de Compiègne [Oise], libraire, qui fait hommage d'un recueil contenant un poème sur le despotisme et autres poésies patriotiques qu’il a composées pendant sa détention. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoyé au comité d’instruction publique (102). (100) Voir A.P., CII, 12 frim., 35. (101) P.-V., L, 147. (102) P. -V., L, 147. Moniteur, XXII, 618; Débats, n° 795, 962. 44 Le citoyen Jeudy de L’Hourmeau, présente un ouvrage sous ce titre : L’horoscope de la France. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoyé au comité d’instruction publique (103). 45 Le citoyen Chabouille, détenu aux Mag-delonettes [Paris] depuis un an, fait hommage à la Convention nationale d’un ouvrage sur les abeilles, fruit de son travail pendant sa détention. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au comité d’Agriculture (104). 46 Un membre [PÉRÈS], au nom du comité de Législation, fait un rapport sur une lettre écrite par la seconde section du tribunal criminel du département du Nord, il propose et l’Assemblée adopte le décret suivant: La Convention nationale� après avoir entendu le rapport de [PÉRÈS au nom de] son comité de Législation sur le référé de la seconde section du tribunal criminel du département du Nord, du 29 brumaire dernier, dans lequel elle demande si la question intentionnelle doit être posée dans les affaires dont la connoissance spéciale lui est attribuée par le décret du 19 vendémiaire, ainsi que sur le référé de l’accusateur public près ce tribunal, sous la même date, dans lequel il expose les embarras et les entraves que va éprouver cette section, à raison des limites de sa compétence et de la variété des délits dont sont prévenus, ou dont se trouveront coupables par les débats, les individus arrêtés en exécution des lois des 7 et 17 septembre 1793 et 26 frimaire dernier; Considérant qu’à la vérité, la loi du 26 frimaire défend de poser la question institutionnelle ; mais que depuis est intervenu celle du 14 vendémiaire qui consacre ce principe d’éternelle vérité, qu’il ne peut exister de crime là où il n’y a pas eu d’intention de la commettre, et qui ordonne en conséquence que la question relative à l’intention sera posée dans toutes les affaires soumises à des jurés de jugement ; ainsi cette loi générale étant postérieure à la première l’abroge naturellement et de droit : Passe à l’ordre du jour; et, au surplus, décrète ce qui suit : (103) P.-V., L, 147. Gazette Fr., n° 1060. (104) P.-V., L, 147. Bull., 10 frim. (suppl.) ; M.U., n° 1360. SÉANCE DU 7 FRIMAIRE AN III (27 NOVEMBRE 1794) - N° 46 267 Tous les individus arrêtés en exécution des lois des 7 et 17 septembre 1793, et du 26 frimaire dernier, seront jugés par la section du tribunal criminel du Nord, qui en est spécialement chargée, de quelques crimes ou délits qu’ils soient prévenus ou coupa-blés ; la Convention nationale lui donnant, à cet effet, tous les pouvoirs nécessaires et non attribués par les lois précédentes (105). PÉRÈS (au nom du comité de Législation) : Citoyens, votre comité de Législation vient appeler un instant vos regards sur les prisons du département du Nord, où quinze cents individus, la plupart cultivateurs, arrêtés comme complices des ennemis, attendent de vous, dans un morne et respectueux silence, une explication qui peut les rendre à leurs familles ou les envoyer à l’échafaud: cet intérêt sacré me promet toute votre attention. Lorsque les féroces Autrichiens et les lâches Anglais, unissant aux moyens ordinaires de la guerre les armes les plus redoutables de l’intrigue, de la perfidie et de la trahison, achetaient plutôt qu’ils ne prenaient nos places, et portaient la terreur et la dévastation dans nos campagnes, vous prîtes des mesures vigoureuses contre ces faux ou tièdes amis de la liberté que la présence du danger intimide, qui caressent un maître dès qu’il se présente en vainqueur, ou qui préfèrent à une belle mort la plus honteuse servitude. Par un premier décret du 7 septembre 1793, vous déclarâtes traîtres à la Patrie et vous mîtes hors la loi tout Français qui aurait accepté des fonctions publiques dans les parties de la France envahies par les despotes coalisés ; par un second décret du 17 du même mois, vous rendîtes ces dispositions communes à tout Français employé à un service public, ou jouissant de quelque bienfait national, qui, après l’invasion du lieu de sa résidence ou de l’exercice de ses fonctions, ne serait pas rentré aussitôt dans le territoire non envahi; un troisième décret du 26 frimaire dénombra les autorités constituées comprises dans la rigueur des précédents, traça un mode d’exécution qui atteignait les personnes et les biens, et détermina la manière dont les coupables devaient être jugés. Cette marche ferme et rapide annonçait la sainte colère dont vous enflammait la présence des satellites de la tyrannie ; elle annonçait votre indignation contre les déserteurs de la cause de l’égalité, et votre solbcitude sur la contagion de l’exemple ; mais un nouvel ordre des choses est prêt à éclore. Le génie de la liberté ouvre la campagne, et sous ses auspices, les champs de la Belgique se couvrent de lauriers que moissonnent nos valeureux républicains, Fleurus surtout est le théâtre de leur gloire ; l’ennemi fuit épouvanté ; nos places sont reprises, nos frontières redeviennent libres, et des chants de victoire succèdent partout aux accents de la douleur ou au silence de la consternation. Pourquoi faut-il qu’au milieu de ces triomphes il y ait des vengeances à exercer ? (105) P.-V., L, 147-148. C 327 (1), pl. 1432, p. 9. Pérès rapporteur selon C*II, 21. Des traîtres ont favorisé les progrès de l’ennemi, des lâches ne s’y sont pas opposés ; mais la différence des temps en va mettre une dans vos dispositions. Vous tempérerez la rigueur des lois précitées, qui auraient dépeuplé une partie intéressante du sol français, et votre main paternelle ne frappera qu’autant que l’exigeront le besoin et le salut de la patrie. C’est dans cet esprit que vous portâtes la loi du 16 fructidor, qui diminue le nombre des personnes mises hors la loi, en ne comprenant dans cette mesures, quelquefois salutaire, toujours terrible, que celles attachées aux armées ou employées à leur suite. Il fallait, pour compléter cette loi bienfaisante, une disposition qui enjoignît aux tribunaux de ne pas confondre la terreur, l’égarement ou la faiblesse, avec des intelligences perfides et des trahisons caractérisées, c’est-à-dire une disposition qui rétablît la question intentionnelle que l’art. XXTV de la loi du 26 frimaire leur avait défendu de poser. Les individus arrêtés avaient d’autant plus lieu de l’espérer, qu’à cette époque le dernier tyran avait payé de sa tête infâme tout le sang dont il avait couvert la France ; que la justice, qui n’était armée sous son règne que d’un glaive exterminateur, avait repris ses poids et ses balances, et qu’une loi formelle du 23 fructidor avait enjoint au Tribunal révolutionnaire d’employer cette formule protectrice dans tous ses jugements. Avec la Convention nationale rendue à elle-même on ne soupire pas longtemps après un acte de justice, et tout le bien qu’on lui indique, elle s’empresse de le faire. Aussi des bénédictions universelles accompagnent ses travaux, et le succès le plus glorieux en marquera le terme. Vous consacrâtes donc, le 14 vendémiaire, ce principe de tous les temps et de tous les lieux : « qu’il n’y a point de crime là où il n’y a point eu intention de la commettre », et vous décrétâtes, comme une conséquence nécessaire, comme une émanation forcée de ce principe éternel, qu’à l’avenir, dans toutes les affaires soumises à des jurés de jugement, les présidents des tribunaux criminels seraient tenus de poser la question relative à l’intention, et les jurés d’y prononcer par une déclaration formelle et distincte, à peine de nullité. Les tribunaux chargés, par la loi du 26 frimaire, de juger les suspects dont je parle, devaient voir que celle du 14 vendémiaire la révoquait dans cette partie par les termes généraux dans lesquels elle est conçue ; qu’il suffisait que les prévenus, même ceux mis hors la loi, eussent le droit de porter leurs réclamations devant un jury de jugements, comme le leur assure l’article XXI de ladite loi du 26 frimaire, pour que la question intentionnelle dût être posée à leur égard. Cependant ils ont eu des doutes, et ces doutes ses sont accrus, notamment au tribunal criminel du département du Nord, depuis qu’en exécution du décret du 19 vendémiaire il y a été créée une seconde section chargée d’expédier ces sortes d’affaires. Tel est le premier objet de son référé du 29 brumaire dernier. Il en est un second qui mériterait également toute votre attention.