4âfi [Assemblée oatioaaie.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES . [31 août 1791.) Su’aiors libre, éclairé et paternel des bienfaiteurs e la patrie. « Le succès du décret du 15 mai était la dernière ressource de l’aristocratie. La contre-révolution était impossible en France î il fallait donc l’essayer par les colonies. Qui ne voit que, déchirés par l’effrayante perspective de la destruction totale et prochaine de leurs propriétés, le désespoir des colonies sera encore électrisé par la certitude que les rois et les princes de l’Europe saisiront avec avidité l’occasion assurée de démembrer le royaume, à l’instant où il se diminuera de ses forces maritimes pour en imposer à ses possessions d’outre-mer? « Si ce décret est accepté, Messieurs, il n’est qu’un moyen de calmer nos craintes, et de ranimer notre confiance (... et elle ne s’ôtait pas démentie depuis le berceau de la colonie, et surtout depuis l’heureuse révolution qui s’est opérée dans l’Empire) ; c’est de provoquer l’annihilation d’une loi funeste, sous quelque point de vue politique qu’on l’envisage. « La lettre de cette loi porte qu’elle est constitutionnelle : et sous ce rapport elle est au premier aspect infiniment respectable; mais ce premier aspect est illusoire et vain, si les 83 départements du royaume, auxquels nous adressons nos justes réclamations, donnent à leurs représentants au Corps législatif, un mandat ad hoc de la retirer. Voilà, Messieurs, le vrai et le seul moyen de déjouer sans retour les perfides manœuvres des ennemis de la Révolution. « Alors vous rétablirez l’ordre et le calme dans toutes les parties de l’Empire ; alors vous recevrez les bénédictions universelles des colonies ; alors leur amour, leur confiance, leur attachement à la mère-patrie vous donner ont, aux quatre extrémités du globe, des frères dont le zèle et la fidélité seront inaltérables; des frères qui se sacrifient sous un ciel brûlant, pour vous enrichir et contribuer avec vous à la prospérité de l’Etat, au respect dû au nom français, leur plus chère et leur plus douce espérance. » Nous avons l’honneur d’être dans cette légitime attente, Messieurs et chers compatriotes, vos très humbles et très obéissants serviteurs. « Les membres de l’assemblée provinciale du Nord de Saint-Domingue. « Grenier, président; Petit-Deschampeàux, vice-président ; Poulet jeune, Bouyssou, secrétaires.» M. le Président. Je donne maintenant la parole à M. Desèze pour communiquer à l’Assemblée la lettre dont elle a renvoyé la lecture à aujourd’hui. M. Desèze. Le document dont je dois donner connaissance à l’Assemblée est une adresse des citoyens négociants , marchands et capitaines de navires de Bordeaux à l’Assemblée ; voici cette adresse : « Messieurs, « Vos décrets des 8 et 28 mars avaient rétabli le calme dans nos colonies; dans celui du 12 octobre vous avez exprimé la ferme volonté de ne prononcer sur l’état des personnes qu’après l’émission du vœu des assemblées coloniales. Votre décret du 15 mai confirmait encore ces dispositions pour l’état des personnes non libres : quand le décret du 15 mai nous fut annoncé, nous ne pûmes nous empêcher d’en concevoir des alarmes. Elles n’ont été que trop justifiées, Messieurs. « Par l’arrivée du navire le Père-de-Famille, capitaine Fournier , parti du Cap le 6 juillet, nous apprenons que la nouvelle de ce décret rendu a retenti daüs toute la ville du Gap, comme le bruit d’une calamité désastreuse. Nous pouvons vous envoyer les copies de plus de cent Lettres où sont exprimés les mouvements qu’ont excités cette nouvelle, et où sont peints tour à tour les emportements, la stupeur, et le cri unanime du désespoir. (Murmures.) « C’est contre les commerçants de Bordeaux que la ville du Gap a fait éclater son ressentiment. On les accuse maintenant d’avoir sollicité ce décret ; il n’est que trop vrai qu’un de leurs députés extraordinaires s’était permis d'énoncer son vœu comme s’il eût été celui du commerce de Bordeaux ; mais il a été désavoué authentiquement. On leur reproche encore d’avoir offert des gardes nationales pour l’exécution du décret. L’envoi de la délibération du 21 mai qui vous a été fait par le canal du directoire à qui elle fut communiquée, suffit pour détruire cette inculpation. Mais il n’en est pas moins vrai que les motions les plus fortes ont été faites au Gap contre les capitaines bordelais ; et l’animosité y est portée à un tel point que plusieurs armateurs justement effrayés du péril qui menace la colonie n’osent réarmer leurs navires. Cette suspension dans les armements va répandre une consternation géné*- raie dans la classe immense d’ouvriers que le commerce salariait tous les jours ; il en peut résulter les effets les plus fâcheux. « Dans des circonstances aussi alarmantes, nous nous devons à nous-mêmes, nous devons à nos frères de l’Amérique, nous devons à des millions d’individus que le commerce des colonies fait subsisterions devons à tous nos agriculteurs, à tous ceux qui peuplent nos villes maritimes, nous devons à tous les propriétaires dans les colonies, à tous les créanciers, nous devons enfin à tout ce qui constitue et entretient la prospérité de l’Empire, le témoignage éclatant qu’à l’époque où le décret a été rendu, nous étions bien loin d’en prévoir des effets aussi funestes. Aujourd’hui que nous voyons les plus grandes propriétés en péril ; que la splendeur des villes maritimes est prête à s’évanouir, que la fortune de l’Etat est menacée dans celle de tous ses membres; que les ateliers les plus nombreux etles plus actifs vont être déserts ; pressés de tous côtés par de grandes raisons d’Etat, nous venons avec confiance implorer votre justice et votre sollicitude paternelle. Vous ne cherchez, vous ne voulez que la vérité, vous mettez votre courage à l’entendre, et notre devoir est de vous la dire : elle est terrible cette vérité, Messieurs ; mais plus elle s’avance avec des caractères effrayants, plus il est important qu’elle vous soit présentée, et plus elle nous oblige de ne vous rien dissimuler. « Hé bien, messieurs ; c’en est fait de la prospérité de l’Empire, si le décret du 15 mai est en-ènvoyé aux colonies, et si l’on tente le moindre effort pour le faire exéeuter. La distinction entre les blancs et les gens de couleur paraît inséparable du régime des colonies; et elle est aussi ancienne que leur ancienne fondation. Si c’est un préjugé odieux à la philosophie, ia nécessité, cette première loi, la plus impérieuse de toutes, doit le justifier. Nous disons plus ; si la sûreté des blancs en dépend, si cette opinion suffit seule pour tenir en respect 500,000 cultivateurs ; si la conservation de toutes les propriétés, si la [Assemblée Haiiouale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 août 1791.1 m sûreté de l’Etat y est attachée, si en l’attaquant on ébranle l’édifice de votre Constitution, ce préjugé cesse d’en être un, c’est au contraire une loi salutaire, c’est un principe conservateur des colonies ; il est, pour ainsi dire, un dogme respectable et sacré, et que l’humanité vous impose de protéger. <; Ce fut votre bienfaisance, Messieurs, ce fut le désir d’entendre au delà des mers l’esprit d’égalité et de fraternité, qui vous fit rendre le décret du 15 mai ; mais puisqu’il est incompatible avec le régime des colonies, puisqu’il compromet la sûreté des blancs, puisqu’il menace l’Empire d’une dissolution inévitable, en provoquant peut-être dans l’Amérique la guerre la plus sanglante, nous osons invoquer auprès de vous cette même bienfaisance et ce même amour de la liberté : nous venons vous conjurer de rétablir l’exécution des décrets du 8 mars et du 12 octobre. « Vous avez voulu le bonheur des colonies ; votre décret du 12 octobre y avait répandu une joie universelle ; le décret du 15 mai y a été le signal d’une consternation générale. C’est à votre sagesse à décider présentement duquel de ces deux décrets vous devez maintenir l’exécution. Si vous maintenez celui du 15 mai, nous n’aurons point à nous reprocher de ne vous avoir pas représenté toutes les calamités qu’il peut entraîner avec lui ; et nous n’aurons plus à craindre que le cri de la génération actuelle nous accuse et que celui de la postérité nous condamne. « Nous sommes avec respect, etc... « Les citoyens marchands, négociants, et capi-« taines de navires de Bordeaux. » (Suivent 6 pages de signatures.) Dans la lettre qui accompagnait l’envoi de cette adresse, l’assemblée du commerce nous annonçait qu’elle nous enverrait sous peu une somme de 70,000 livres qu’elle avait destinée pour l’entretien des gardes nationales aux frontières, et elle nous charge d’en faire hommage à l’Assemblée ; nous la remettrons sur le bureau aussitôt que nous l’aurons reçue. M. Inouïs Ufonneron. Voici une adresse des administrateurs du département de la Gironde , à V Assemblée nationale. Elle est datée du 27 août : « Messieurs, « Nous ignorions encore l’effet qu’aurait produit, sur les représentants de la nation, la nouvelle venant des colonies au moment où le décret sur les gens de couleur y est parvenu. Fidèles à nos serments et aux principes invariables de justice qui doivent guider les administrateurs du peuple, nous avions ordonné à la municipalité de Bordeaux de faire des recherches sur une assemblée qui s’est tenue à la Bourse de Bordeaux : on nous l’a dénoncée comme inconstitutionnelle, comme ayant pour objet de vous demander la révocation des décrets des 13 et 15 mai. Les discours qui y ont été tenus, nous ont été rapportés comme dangereux, contraires à la loi et aux autorités qu’elle a instituées. Nous attendons le résultat des recherches de la municipalité, et nous aurons l’honneur de vous en rendre compte. « Gomme la pétition de cette assemblée inconstitutionnelle pourrait aujourd’hui vous être adressée comme étant le vœu des citoyens de Bordeaux, nous croyons devoir à leur honneur, aux sentiments dont ils sont animés, et à leur amour pour la Constitution, de vous assurer, Messieurs, que cette pétition ne peut vous être adressée que par l’intérêt particulier. (. Applaudissements .) Les négociants ne voient jamais que leurs propriétés, leurs créances, leur commerce. Nous vous avions marqué d’avance que l’on préparait dans les colonies une résistance ouverte à vos décrets : nous savions avec quelle noirceur avaient été peintes vos intentions; nous savions par combien de rapports ceux qui excitaient celte résistance étaient liés avec ceux qui voudraient renverser la Constitution ; nous avions vu se former tous ces complots ; nous avons eu le courage de nous élever contre cette ligue dangereuse ; nous avions demandé avec instance des commissaires-citoyens, et nous vous avions offert des soldats-citoyens pour maintenir la paix dans les colonies, 1,200 hommes étaient inscrits et brûlaient du désir d’aller maintenir la paix et la liberté dans cette partie de l’Empire. « Ces mesures dictées par notre amour pour la Constitution ont été dénaturées par les ennemis de la patrie, et, dans une brochure incendiaire, on nous a accusés d’avoir voulu porter le feu dans les colonies. Tranquilles sur nos motifs, nous avons attendu en silence l’effet que produiraient le décret et les invitations fraternelles que nous avions adressées aux colons. « Nous savions, Messieurs, que, malgré les efforts de l'intrigue, nous trouverions, dans ces climats éloignés, des amis de la justice et de la liberté ; ils se sont fait entendre. Ce sont eux aujourd’hui qui nous demandent des commissaires etdes défenseurs citoyens : ce sonleux qui rendent hommage à la sagesse de vos décrets. « Un de nous reçoit à l’instant une lettre de la Martinique, dont nous joignons ici l’extrait. Les nouvelles que nous recevons de lq Guadeloupe et de Port-au-Prince nous annoncent les mêmes dispositions. « Nous espérons que partout la cause de la liberté triomphera ; elle assurera votre gloire et la félicité publique, qui seront le prix de vos travaux. « Nous avons l’honneur d’être, etc. « Signé : Les administrateurs de ia Gironde. » Voici V extrait de la lettre datée de la Basse-Terre. 14 juillet 1791. « La présente, mon cherDuranci, est pour vous accuser la réception de votre lettre du 24 mai, du décret, ainsi que des autres pièces que vous m’avez adressées. « Je l’ai trouvé très sage ce décret ; il a fait ici sensation sur les esprits dans le premier moment, et a fini par être approuvé de tous les vrais patriotes. Il est grand temps qu’on nous envoie des forces : l’insurrection commence à gagner. (Ah ! ah !.) Nous avons éprouvé des troubles tous ces jours-ci, occasionnés par la frégate commandée par M. Malvaux, et envoyée précisément pour cela. A son arrivée on a débité la nouvelle qu’elle n’y venait que pour mettre à terre quelques passagers qu’elle avait pris à la Dominique et tous passagers aristocrates. ( Rires à gauche et à droite .) « Vendredi 8 du courant, jour de son arrivée, M. Baudrissel, notre maire, fut averti de se tenir sur ses gardes, parce qu’il devait lui, quatrième, être enlevé par ladite frégate ; et le jour de son arrivée, M. Malvaux a donné quatre piastres gourdes à ses matelots, pour qu’ils allassent s’amuser. Les matelots qui avaient le| mot du