{Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [20 août 1790.] Plusieurs membres demandent la priorité pour cette proposition. La priorité est accordée et le décret est rendu en ces termes: « L’Assemblée nationale a décrété que le chef-lieu du département du Finistère resterait définitivement fixé à Quimper. » L’Assemblée passe à la suite de la discussion du projet de décret sur le placement des tribunaux. M. Gosgin, rapporteur , lit les articles qui suivent: Département des Deux-Sèvres. Niort, Saint-Maixent, Parthenay, Thouars, Mesle, Bressuire. {Adopté.) Département de la Somme. Amiens, Abbeville, Péronne, Doulens, Mont-didier. (Adopté.) Département du Tarn. Castres, Lavaur, Alby, Gaillac, La Caune. (Adopté.) Département du Var. Toulon, Grasse, Hyères, Draguignan. Saint-Maximin, Brignolles, Fréjus, Saint-Paul-iès-Vence, Barjols. (Adopté.) M. Lebrun . rapporteur du comité des Finances , reprend la suite de son rapport sur toutes les parties de la dépense publique. Les décrets que le rapporteur propose à l’Assemblée concernent : les académies et sociétés littéraires et la société royale de médecine (1). Messieurs, dit le rapporteur, je viens représenter à votre decision les projets de décrets sur les académies. Vous avez paru penser, du moins quelques-uns d’entre vous ont paru penser que le comité des finances était sorti de ses limites. Que la dépense seule appartenait à la mission qui lui était donnée. Qu’il devait vous proposer des réductions et rien que des réductions. Je ne sais, Messieurs, si j’ai besoin de justifier votre comité d’un reproche de cette nature. Certes, un comité qui n’aurait que la fonction aveugle de manier la serpe, un comité qui, toujours le b mdeau sur les y ux, serait condamné à tourner la meule delà finance, serait le plus dangereux des comités, s’il n’était pas le plus inutile. Souffrez, Messieurs, que je dépouille un moment ce rôle de rapporteur du comité des finances et que je redevienne ce que doit être un membre de cette Assemblée, un homme d Etat, le dépositaire et le juge de tous les intérêts de la nation. C’est en mon nom seul que je vais parler; je (1) Nous empruntons ce rapport au journal LePoint-durJour , tome XIll, page 214; il a été totalement omis au Moniteur. 173 laisserai au comité des finances ce qui appartient rigoureusement à son ministère et je justifierai le reste comme s’il était mon ouvrage. Je le ferai sans prévention pour les académies qui me sont, qui me seront toujours étrangères; sans intérêt pour ce vieil ordre de choses au |uel leurs détracteurs prétendent qu’elles appartiennent. Les arts, les sciences seront toujours le besoin et l’embellissement des empir s : ils ornent leurs prospérités, ils consolent et font respecter les disgrâces ; c’est par eux que, dans des temps de faiblesse, dans des jours de décadence, la France a régné encore sur les opinions et que les hommes de toutes les nations sont venus s’instruire à son école. Cet éclat, c’était aux académies que vous le deviez, c’était à ces institutions multipliées qui offrent partout des encouragements aux sciences et des récompenses aux savants. Avant que les académies fussent formées, vous aviez eu sans doute quelques génies distingués; vous comptiez quelques hommes célèbres ; mais ce n’était point cette réunion de talents, cette réunion, si j’ose ainsi parler, de connaissances que nous voyons aujourd’hui. La science n’était connue que de quelques adeptes séparés nu reste de la société; deux ou trois hommes en France entendaient leur langage. Quelques beaux esprits amusaient l’inutilité de la cour et le reste de la France était barbare. Du moment où les académies furent formées, les lettres, les sciences, les arts devinrent le goût ou le délassement de tous les citoyens. Les ouvrages qui sortaient de leur sein, l'éclat de leurs séances, l’exagération même de leurs succès, vantés par plus de cent bouches, fixèrent sur la France les regards de toute l’Europe. C’est à cette époque que Pans commença d’être le rendez-vous des nations, que l’urbanité française devint proverbe, que notre langue lut la langue des autres peuples; que la curiosité, l’imitation des étrangers, enrichirent notre industrie. Que ne doivent point la marine, l’artillerie, le génie, les arts, les manufactures, à l'académie des sciences, dont la réputation efface encore celles de toutes les academies de l’Europe? Les JNtwlon, les Huygbens, les Leibnitz, les Bernouilly, les Eulers, l’orgueil des autres nations s’honorent d’être inscrits sur sa liste et les souverains l’envièrent à la France. L’Académie des belles-lettres nous a révélé les monuments de l’histoire ancienne et de la nôtre. Elle nous devient plus intéressante, plus précieuse, au moment où des congrégations qui s’étaient vouées à l’élude de nos antiquités vont disparaître sans retour. C’est à cette académie de recueillir leur héritage, de rassembler leurs richesses et de lier le passé avec l’avenir. Des hommes isolés, sans encouragements, sans le secours des communications littéraires, ne rempliraient poiat cette tâche. Appelés désormais à des professions utiles, à la culture de nos champs, aux manufactures, au commerce, nous laisserons ces connaissances stériles pour la fortune , à ce petit nombre d’hommes qui y sont entraînés par une sorte d’instinct et de passion. Mais il faut suu tenir leurs efforts, il faut leur montrer, au bout de cette cairièie ingrate et difficile, la gloire et des récompenses. Et c’est une gloire, c’est une récompense la 174 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [90 août 1790.J plus touchante de toutes, d’être associé à une compagnie qui a mérité de grands succès et obtenu une grande célébrité. L’Académie française, Messieurs, n’a pas certainement autant de titres, si vous la considérez dans ses rapports avec l’utilité publique. Et cependant, Messieurs, elle n’a point été, elle ne sera point encore sans influence sur la prospérité, sur la réputation même de la France. Il vous manque des historiens, et c’est surtout aujourd’hui que vous devez aspirer que vous pouvez prétendre à en avoir. Il vous faut des écrivains politiques qui défendent les grands intérêts de votre Constitution, qui la rendent chère à vos concitoyens. Avec des mœurs nouvelles, il vous faudra de nouveaux génies pour la peindre , et déjà vos théâtres appellent d’autres Corneilles et d’autres Molières pour offrir à ce peuple, jusqu’ici étranger aux plaisirs de la scène, des caractères et des actions qui le corrigent et l’instruisent, Tous les hommes, Messieurs, vous ne les obtiendrez qu’en leur offrant avec quelques grâces pécuniaires, la vaine fumée des litres et des distinctions. Et vous avez tout cela dans l’Académie française. Avec une dépense de 25,000 livres vous créerez encore des génies, et ces génies-là vous attireront encore l’argent du reste de l’Europe. Le premier article du décret met tous ces établissements sous la protection du roi. Cette disposition a paru sortir de la ligne constitutionnelle, et je ne sais pas pourquoi elle l’a paru. Tous les citoyens, tous les établissements doivent être protégés par le roi. Il doit donc aussi protéger les académies. Mais j’ai cru, moi, qu’il était important de les recommander à sa protection plus particulière. Elles ont besoin de son appui ; mais sous une administration parcimonieuse, telle que doit être la nôtre, elles auront encore besoin de ses bienfaits. Il y a des expériences à faire, des machines à construire, quelquefois des voyages à entreprendre pour le progrès des sciences; c’est à ces dépenses extraordinaires qu’il faut intéresser les rois. Le Corps législatif ne peut jeter sur ces établissements qu’uu coup d’œil rapide, toujours distrait par des intérêts plus pressants ; il faut donc que les encourager, les faire fleurir, devienne une occupation chère au monarque, qu’il s’y attache comme à son patrimoine. Je vais vous révéler, Messieurs, un grand secret: pour les distraire des affaires publiques , je leur demanderai des questions de grammaire à déci - der, disait le fondateur de l’Académie française. Moi, Messieurs, je vous dirai : vous avez repris aux rois, ou plutôt à leurs ministres, le pouvoir de faire les lois, le pouvoir de faire des conquêtes, le pouvoir de remuer les fondements de la monarchie. Abandonnez-leur ces hochets séduisants et cette gloire innocente ; qu’on les vante comme les restaurateurs des sciences et des arts, les amis et les pères des lettres, et que, dans ces distractions, ils oublient la passion des ministres et des rois. Je n’ai pas besoin de justifier le dernier article; celui qui établit un prix national et oblige les académies à vous rendre compte de leurs travaux; c’est par cette disposition que tous les lierez à la chose publique, que vous perpétuerez leur émulation et leur succès. M. Lanjninafs. Les académies et tous les corps littéraires doivent être libres et non privilégiés ; il doit être permis à tous ceux qui eu ont le goût, de se réunir en société pour l’avancement des sciences; il ne doit point y avoir de privilèges pour ces sociétés, car elles deviendraient des jurandes. Il n’y a pas quinze ans que l’Académie des sciences obtint la suppression d’une société très intéressante qui se formait sous le nom de Société des Arts. Les académies privilégiées et pensionnées sont des foyers d’aristocratie littéraire et civile; la plupart de leurs membres ont contrarié ia Révolution par leurs discours et par leurs écrits. L’Académie française surtout, sur laquelle le gouvernement a non pas une autorité directe comme sur les autres, mais une autorité d’influence très efficace, est un établissement dangereux dans uu gouvernement libre. L’éloquence ne consiste plus à aligner froidement quelques phrases ingénieuses et correctes. Voltaire, cet écrivain prématuré, malgré ses supplications avilissantes, n’a été de l’Académie qu’à cinquante anset n’eD était pas moins Voltaire. Rousseau, Raynal et Mably, dont je déteste les erreurs, mais dont j’admire le génie et les talents, ces hommes qui ont taut fait pour la Révolution n’étaient pas de l’Académie. Richelieu est le fondateur de l’Académie, le nom du fondateur indique assez le but de la fondation et l’expérience n’a que trop bien justifié les profonds desseins de cet orgueilleux despote, Le gouvernement avilissait les lettres, mais il réunissait, il protégeait, il dirigeait, les littérateurs pour les corrompre et façonner par leurs mains ce peuple à la servitude. Vous avez une académie de peinture et de sculpture. Il y a, dans ce moment, les plus fortes réclamations contre sou despotisme. Le monopole et les dépenses de la société royale de médecine excitent les plus justes plaintes. Qu’on nemedise pas que si le gouvernement ne paye plus les académies èt les autres sociétés d’art et de sciences, elles se dissoudront. Je chéris trop la gloire des arts, des lettres et des sciences, gloire évidemment liée à la gloire des empires, pour vous proposer rien qui puisse en altérer l’éclat. En Angleterre, en Allemagne, le gouvernement ne les paye pas et il en existe un grand nombre. Le gouvernement n’a pas institué les sociétés patriotiques et il y en a aujourd’hui plusieurs de très florissantes. Les hommes qui ont les mêmes goûts chercheront toujours à se réunir et à se désigner mutuellement à leurs semblables. Déjà une société des arts, une société d’histoire va se former en cette ville sous les auspices de la liberté. Aussi il se formera des sociétés littéraires à volonté, mais mieux composées et plus utiles. On dit que les académies privilégiées font de grands travaux ; ces grands travaux sont toujours mieux faits et plutôt achevés par des particuliers; je citerai, par exemple, Je dictionnaire de Johnson : les actes de Rymen, la biographie anglaise, le dictionnaire de ühambers, celui de Bayle, les œuvres de Montfaucon, deMacillas, etc. Les entreprises littéraires payées par le gouvernement ne s’achèvent point ou que très lentement. Exemple : le dictionnaire du commerce, le Froissard depuis douze ans, le dictionnaire du