[Assemblé# nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. fl» janvier 17M.| 235 les chefs-lieux de leurs districts, sauf à fixer à Mézières et à Buzancy les tribunaux qui pourront être établis dans chacun d’eux. » M. Gossin passe ensuite au département d’Angers qui ne présente d’autre difficulté que celle de l'alternat proposé par la ville de Saumur entre Saumur et Angers. La première invoque à son appui les motifs pris de sa population de 16,000 âmes; la nécessité de continuer les édifices publics déjà commencés; ses rapports commerciaux si essentiels avec la capitale, surtout le passage des bestiaux destinés à sa consommation. Si c’est pour les administrateurs, dit le rapporteur, que l’administration est faite, il faut satisfaire l’ambition de toutes les villes ; mais si c’est pour la volonté et l’intérêt du plus grand nombre et surtout celui des utiles habitants des campagnes, il faut que les villes continuent de signaler leur patriotisme en faveur du plus grand intérêt de tous. Les pertes de la ville de Saumur ne seraient pas d’ailleurs réparées par l'alternat qui occassionnerait de grandes gênes et des frais doubles. Le comité, pour satisfaire la ville de Saumur avait d’abord adopté l’idée de l'alternat, mais le grand éloignement où se trouve Saumur de la plus grande partie des administrés, la grande population d’Angers, ses avantages de communication et ses établissements ont déterminé le comité à penser qu’Angers devait être le chef-lieu du département et que la question de l'alternat serait jugée par le département assemblé dans cette ville. Le rapporteur propose un décret qui est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que le département d’Anjou est divisé en huit districts, dont les chefs-lieux sont : Angers, Saumur, Baugé, Châteauneuf, Segré, Saint-Florent, Gholet et Vi-liers; qu’Angers est le chef-lieu du département, et que néanmoins il alternera avec Saumur, à moins que le département assemblé ne juge cet alternat contraire à ses intérêts, auquel cas le siège demeurera fixé à Angers. » M. Gossin. Une difficulté s’est élevée entre la Bresse et le Maçonnais pour savoir auquel des deux départements appartiendra le bourg de Saint-Laurent près de Mâcon. Le comité après avoir entendu les motifs des deux parties est d’avis de laisser le bourg de Saint-Laurent à la Bresse à laquelle il a toujours appartenu. Une discussion s’engage, après ce rapport, entre les députés des deux provinces. Les député du Maçonnais reprochent à leurs adversaires de n’insister si vivement pour conserver le bourg de Saint-Laurent, que parce que les Bressans s’entendent pour vendre, dans le marché qui s’y tient, le bléau taux qu’ils veulent. Les députés de Bresse reprochent aux Méconnais des vexations nombreuses et disent que le bourg de Saint-Laurent a toujours appartenu à leur province et qu’il leur est indispensable comme débouché de leurs produits avec les pays voisins. M. le Président consulte l’Assemblée qui adopte l’avis du comité et rend le décret suivant : » L’Assemblée nationale décrète que le bourg de Saint-Laurent demeurera au département de la Bresse. » M. le Président a fait lecture à l’Assemblée de la lettre suivante de M. d’Ollianison, commandant des carabiniers. L’Assemblée ordonne qu’elle sera insérée dans le procès-verbal de cette séance, ainsi qu’il suit : «Lunéville, ce 14 janvier 1790. « Monsieur le Président, « Je viens de recevoir la lettre en date du 4 janvier, que Monsieur votre prédécesseur m’a adressée. Lecture en a été faite au corps des carabiniers, qui a reçu avec joie et reconnaissance cette marque de justice que lui rend l’Assemblée nationale; ce qui ne peut que l’affermir encore davantage dans ses principes d’honneur et d’attachement au Roi et à la nation, lesquels, jusqu’ici, ontété inébranlables. Je vous prie, Monsieur le président, de vouloir bien assurer l’Assemblée que cette lettre a produit sur le corps que j’ai l’honneur de commander, l’effet qu’elle deyait en attendre, « Je suis avec respect, M-le Président, « Votre très humble et très obéissant serviteur, Signé, « le vicomte d’Ollianison. » M. le Président lit ensuite une lettre du régiment royal étranger, et l’Assemblée ordonne de l’inscrire dans je procès-verbal de la séance. « Dôle, le 13 janvier 1790. « Monsieur, nous venons de recevoir la lettre que vous avez fait au régiment royal-étranger Fhonneur de lui adresser le 4 de ce mois, d’après le décret de l’Assemblée nationale. » Le régiment, Monsieur, en partageant les sentiments que tous les officiers de l’armée doivent aux soldats qui la composent, n’a pu penser que M. Dubois de Crancé ait eu la pensée d’attaquer les défenseurs de la patrie ; et persuadé que ses représentants eussent réprimé avec sévérité un tort volontaire, d’un genre aussi grave, il n’a point demandé de réparation quand l’Assemblée nationale ne voyait pas d’offense. » Cette respectueuse confiance vous assure, Monsieur, que le régiment royal-étranger est pénétré des sentiments que vous lui recommandez. Il nous charge de vous supplier d’en faire agréer l’hommage à l’Assemblée nationale. » Nous sommes avec respect, « Vos très-humbles et très obéissants serviteurs, « Signé : Rougeot, George, Nerin, Jouve, Caülaincourt, Raulin, Gondeau, De-grain, Lameth. » Ces deux lettres ont reçu les applaudissements de l’Assemblée. M. le Président fait part à l’Assemblée du procédé d’un citoyen qui ne veut pas être connu, et qui fait don à là patrie de 5,000 livres. Il envoie aussi quelques observations sur la manière d'asseoir et de percevoir l’impôt sur le fonds. Un membre demande d’ajourner au lendemain, à deux heures, l’affaire concernant Valencien- 236 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 janvier 1790 ] nés, et l’Assemblée admet cette proposition. Sur la réflexion d’un de ses membres, l’Assemblée ajourne à jeudi prochain à deux heures la reprise de la discussion au sujet des matières criminelles. M. Dupont (de Nemours ), membre du comité de Constitution, fait un rapport sur les limites du département de Paris. 11 dit qu’il s’est élevé quelques légères difficultés entre les députés du département de Versailles et ceux du département de Paris relativement à Sèvres et à Saint-Cloud. Les premiers réclament ces deux endroits comme essentiels à leur arrondissement; les députés de Paris le réclament comme essentiel à leur administration et pour pouvoir empêcher la contrebande et avoir la garde et la police immédiate des ponts de Sèvres et de Saint-Cloud. Le comité, après avoir pris les raisons de convenance, a donné gain de cause aux députés de Versailles et fixé pour limite de ce côté le milieu de la Seine ; d’ailleurs le village de Saint-Cloud et la ville de Saint-Denis demandent à n’être pas compris dans la banlieue de Paris. M. Camus observe qu’il est très important pour la ville de Paris d’avoir dans son département les ponts de Sèvres, Saint-Cloud et Neuilly, tant pour son intérêt propre que pour celui de tout le royaume à cause de la surveillance qu’elle pourra exercer. M. Dupont (de Nemours ) répond que la ville de Paris aura tout le pont de Neuilly dans son département et que le comité de constitution a pensé qu’il lui suffisait de partager l’administration des deux autres avec la ville de Versailles. M. Ce Pelletier de Saint-Fargeau. J’observe aussi que des raisons de police et d’utilité publique doivent engager à ne pas considérer la rivière comme la limite de la banlieue ; si cela était ainsi, Sèvres offrirait une grande facilité pour la contrebande, et les bois de Meu-don présenteraient aux malfaiteurs une retraite sûre; il paraît, en conséquence, indispensable de placer sous la surveillance de la capitale ces deux parties de son voisinage. Au reste, je suis persuadé que la ville de Paris recevra la décision, quelle qu’elle soit avec la soumission dont elle doit donner l’exemple. On demande à aller aux voix. Le comité de Constitution présente un projet de décret qui est adopté en ces termes : L’Assemblée nationale décrète : « Que le département de Paris aura environ trois lieues de rayon, excepté depuis Meudon jusqu’au-dessous de“ Saint-Cloud, où il sera borné par les murs du parc de Meudon, et par une ligne, qui, embrassant GJamartet les Moulineaux, ira finir au pont de Sèvres, d’où le milieu de la rivière servira de limite, les deux ponts de Sèvres et de Saint-Cloud réservés néanmoins en entier au département de Paris; qu’au-dessous de Saint-Cloud, les limites s’élèveront au nord-ouest jusque vis-à-vis le village des Carrières de Saint-Denis, à partir duquel le milieu de la rivière bornera le département en remontant jusqu’au territoire de la paroisse d’Epinay; que depuis ce point, le rayon aura trois lieu es jusqu’au coude de la Marne à Champigny; qu’il aura trois lieues et demie depuis le coude de la Marne jusqu’à Bonneuil; et que depuis Bonneuil jusqu’au-dessus du Plessis-Piquet, le rayon de trois lieues, à partir du parvis Notre-Dame, servira déréglé, conformément au décret de l’Assemblée, qui a décidé que ce rayon s’étendrait à trois lieues au plus; enfin, que depuis les bornes du Plessis-Piquet, une ligne tirée jusqu’aux murs du parc de Meudon, clora le département. » M. le Présideut annonce un don patriotique de la paroisse de Greissy et de la commune de Largillière-en-Bourgogne. M. le Président. Conformément à l’ajournement prononcé dans la séance d’hier, je donne la parole à iM. le marquis de Bouthillier, chargé de faire un rapport au nom du comité militaire sur la force et sur la solde de l'armée française. M. le Marquis de Bouthillier (1). Messieurs, quatre questions importantes sont aujourd’hui soumises à votre décision : Quelle est la force nécessaire de l’armée à entretenir en temps de paix? Dans quelle proportion doivent être, entre elles, les différentes armes destinées à la composer? Quelle doit être celle des officiers de tout grade, avec les soldats qu’ils doivent commander? Enfin, quelle dépense son entretien doit-il occasionner annuellement? PREMIÈRE QUESTION. Force nécessaire de l'armée en temps de paix. La politique de la France ne doit point être de chercher à agrandir ses possessions. Le système destructeur des conquêtes rend les rois guerriers un fléau funeste pour l’empire soumis à leur administration. Une nation sage ne saurait prendre trop de précautions pour enchaîner leur ambition ; et si les principes nécessaires d’une monarchie prescrivent que les rois aient le-droit de faire la paix et la guerre; si la prudence exige que des forces nécessaires pour la défendre, et pour faire respecter son nom, soient déposées entre les mains de celui qui la gouverne, l’intérêt particulier de la nation lui fait impérieusement la loi de les fixer habituellement au simple nécessaire, non seulement afin de lui ôter la tentation d’en pouvoir abuser, mais encore afin de n’être jamais écrasée sous le poids des dépenses d’une armée, vain appareil de puissance toujours menaçante sans nécessité. La force militaire de terre doit avoir pour but de défendre le royaume contre ses ennemis extérieurs, et de fournir au dedans main-forte à l’autorité civile, lorsqu’elle pourrait la requérir pour la protection des lois. Une bonne constitution militaire sera celle qui, en réduisant pendant la paix les forces aux besoins indispensables du service, organisera l’armée de manière à être augmentée facilement, saris secousses, sans moyens violents, lorsque les attaques de nos ennemis obligeraient à des efforts extraordinaires. (I) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du rapport de M. le marquis de Bouthillier.