SÉANCE DU 11 VENDÉMIAIRE AN III (2 OCTOBRE 1794) - Nos 6-9 211 deme, qui, depuis cinq années successives, a semblé défendre la cause de la liberté avec intrépidité, pour mieux servir les armes tyranniques des monstres de son espèce : il ne la caressait cette liberté, dont lui et ses vils créatures étaient indignes, que pour mieux l’étouffer et ramener s’il eût été possible, le peuple français sous le joug honteux de la tyrannie et de l’esclavage. Mais, grâces vous soient rendues, pères de la Patrie, vous avez par votre active surveillance, par votre tendre sollicitude pour vos enfans, démasqué le traître, et vengé avec éclat la nation française, de ce nouvel oppresseur du monde qui ne tendait à rien moins qu’à sa perte. Nous vous félicitons, citoyens, représentans du peuple, sur vos immortels travaux et nous vous conjurons au nom de la patrie, de rester à votre poste, jusqu’à ce que vous ayez de nouveau confondu par votre énergie tous les brigands couronnés et leurs satellites, et purgé le sol de la République de tous les ennemis qui l’infestent. Vive la République ! Vive la Montagne ! Vive la Convention nationale! sont les cris que répètent avec enthousiasme les élèves des écoles primaires de Preuilly. J.-L. Chanteloup, instituteur, et une douzaine de signatures. 6 La société populaire de Pont-sur-Rhône [ci-devant Pont-Saint-Esprit, Gard], témoigne ses alarmes sur les trames de l’aristocratie ; elle demande que le gouvernement révolutionnaire reprenne sa vigueur et son énergie. Renvoyé au comité de Sûreté générale (8). 7 La société populaire de Morlaix [Finistère], félicite la Convention sur son courage héroïque dans les journées du 9 et 10 thermidor; lui fait serment de fidélité et témoigne des inquiétudes sur les détenus mis en liberté; désire l’exécution de la loi du 17 septembre, et que les conspirateurs soient punis par des tribunaux intègres, et les patriotes protégés. Renvoyé au comité de Sûreté générale (9). (8) P.-V., XLVI, 220. (9) P.-V., XLVI, 220. 8 La société populaire de Marseillan, département de l’Hérault, annonce des craintes sur les trames de l’aristocratie; elle demande que la Convention fixe ses regards sur le danger des circonstances. Renvoyé, au comité de Sûreté générale (10). 9 La commune et la société populaire de Lisieux [Calvados], félicitent la Convention nationale sur ses travaux, l’assurent de leur attachement et du civisme de leur commune. Mention honorable, insertion au bulletin (11). [La commune et la société populaire de Lisieux à la Convention nationale, le 6 vendémiaire an 7/7] (12) Liberté, Egalité, Fraternité ou la Mort La commune de Lisieux et la société populaire présentent à la Convention nationale le témoignage de leur reconnoissance et l’expression de leur dévouement. La France n’aura donc point à regretter six années de travaux, de sacrifices et de privations. La République, oui, la République triomphera. L’intrigue, l’ambition et les préjugés ont à différentes époques, donné naissance à des monstres; semblables à ces oiseaux de proie, s’emparant de l’humble retraite des amis de l’égalité, ils ont cherché à dévorer les véritables habitans, et alors, sous les ailes protectrices de la révolution, on a vu éclore des parricides. Ces temps de calamité semblent être déjà loin de nous. Grâces soient rendues à l’énergie de la Convention nationale qui, d’une main hardie, a dirigé nos armées victorieuses, et de l’autre a renversé le triumvirat sanguinaire, grâces soient rendues à la justice bienfaisante de chacun des représentans qui veulent faire respecter le peuple dans la représentation, affermir son état d’indépendance, terrasser l’hydre des factions, en même temps qu’ils versent la consolation et l’espoir dans le sein des familles éplorées. Grâces soient rendues aux en-fans de la Liberté qui ne reconnaissent pour autorité que la Convention, pour ralliement que les principes, pour égide que la bonne foi; qui regardent la révolution française, comme l’époque du triomphe des moeurs et de l’anéan-(10) P.-V., XLVI, 220. (11) P.-V., XLVI, 220. Bull., 29 vend. ; Débats, n” 741, 147 ; Ann. R. F., n° 12. (12) C 321, pl. 1345, p. 4. Moniteur, XXII, 133-134; M. U., XLIV, 211-212. 212 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tissement du crime, qui n’admettent pour ami de leur patrie que l’homme probe, que l’homme humain, que l’homme vertueux!... Grâces à jamais soient rendues au génie protecteur de la France. Eh quoi, se pourrait-il? Les ombres des traîtres et des tyrans viendraient-elles encore conspirer contre notre félicité? Braveraient-elles l’opinion publique et la justice nationale? Eh quoi? La calomnie lèverait-elle encore sa tête hideuse et voudrait-elle effrayer la Liberté par des fantômes? Voudrait-elle encore rappeler le règne de la terreur, celui des triumvirs, et abreuver les places publiques du sang des français? Il y a cependant une tactique perfide; on veut masquer la contre-révolution; on dit que les factions liberticides lèvent la tête, c’est pour se les rallier ; on cherche à défigurer les hommes les plus énergiques, afin que le peuple ne puisse plus les reconnaître; on veut attaquer la représentation nationale, et les suppôts de Robespierre ont encore en main les armes de l’arbitraire. Nous venons offrir à la Convention une analyse de notre conduite révolutionnaire. Les soupçons qui planent sur toutes les communes de notre département, nous font un devoir de les repousser loin de nous, et c’est par des faits que nous nous plaisons à nous montrer dignes de la bienveillance nationale. Puissiez-vous, re-présentans du peuple, en fixant votre attention sur ce récit rapide, lire dans tous les coeurs des citoyens de Lisieux le respect et l’attachement qu’ils y entretiennent pour vos travaux immortels. La commune de Lisieux s’est levée avec la France entière aux époques mémorables des 14 juillet, 5 et 6 octobre 1789, 21 juin et 17 juillet 1791. A peine sçut-on dans nos murs la fuite coupable du parjure Capet que la haîne pour les rois se mêla au saint enthousiasme pour la Liberté; en un instant tous les hochets de la tyrannie et de la féodalité furent brisés et foulés aux pieds. La République était dans nos coeurs. Déjà plus de 800 de nos concitoyens étaient à la défense de la patrie. Bientôt la journée du 20 juin 1792 donna le premier signal du triomphe du peuple français; nous préparions nos âmes à la jouissance ; arrive l’époque mémorable du 10 août ; le tyran est dans la poussière, son sceptre est brisé, la couronne sous ses pieds et le peuple est rentré dans ses droits ; cependant des hordes étrangères souillent et ravagent encore le sol de la Liberté ; nous courrons aux armes; 400 de nos concitoyens, dont la plus grande partie n’avait pas encore quatorze ans, se forment en bataillon et marchent à l’ennemi; d’autres avaient contribué à leur complet armement et équippement ; une collecte en outre est proposée et 60 000 L en forment le produit. La France armée voit la victoire se fixer sous les drapeaux, les ennemis sont en fuite et leur territoire envahi. La trahison vient pour un instant paralyser nos bras victorieux; au mois d’avril 1793, la représentation nationale fait connaître au peuple français les dangers auxquels le crime vient de l’exposer, elle fait un appel de 300 000 hommes; la commune de Lisieux fournit au-delà de son contingent, elle arme et équippe les défenseurs et une collecte de 13 000 L assure les premiers secours à leurs femmes et à leurs enfans. Qui oserait dire que dans la commune de Lisieux les fédéralistes lèvent la tête. Tous nous voulons et tous nous avons voulu l’unité de la République. Nous y offrons le spectacle attendrissant d’une société de frères, nous n’y avons qu’un voeu et qu’un sentiment. Tous nous sommes prêts à marcher si jamais on essayait de porter sur la Convention nationale une main sacrilège. Est-ce dans la commune de Lisieux que les bustes de Marat et Pelletier ont été renversés ? venez et vous les y verrez exposés à la vénération publique. Est-ce là que l’égoïsme étouffe les sentimens de fraternité? qu’on se rappelle donc qu’il y a trois mois, ayant reçu six boeufs gras à titre de don, oubliant un besoin pressant, nous n’avons vu que ceux de nos frères de Paris et nous leur en avons fait un hommage. Qu’on jette un coup d’oeil sur nos institutions. Nous avons organisé une commission civique chargée d’aller au devant des bataillons qui passent dans nos murs, de visiter leurs chaussures et d’en procurer aux dépends des habitans à ceux de nos défenseurs qui peuvent en avoir besoin. Nous avons dans la plus grande activité trois moulins à papier, un atelier d’armes et une nitrière. Qu’on se reporte à l’époque de frimaire dernier où les brigands de la Vendée ont essayé une invasion dans notre département. On verra tous nos concitoyens de la première, de la deuxième et de la troisième réquisition, un escadron de cavalerie, nos canoniers traînant à leur suite deux pièces de canon et leurs caissons, se lever par un mouvement spontané et marcher à l’ennemi; on verra l’empressement des citoyens pour les monter, armer et équip-per, et il leur fut fait en outre un fonds de 8 000 L. Veut-on connaître notre situation politique vis-à-vis de la République? La première réquisition du district est entièrement partie et, depuis plus de 8 mois, nos concitoyens se mesurent avec l’ennemi, ayant obtenu l’honneur de marcher les premiers. Dans notre district la vente des biens des émigrés est dans la plus grande activité, elle se fait depuis le denier 60 jusqu’au denier 80. Les acquéreurs mûs par l’ensemble de l’esprit public s’empressent de payer le complément de leur acquisition. Nos impositions arriérées sont acquittées. Nous offrons à la patrie un cavalier Jacobin monté, armé et équippé et notre contribution pour la construction du vaisseau Le Calvados se monte déjà à une somme considérable. Nous sommes bien loin, citoyens représen-tans, de nous croire quittes envers nous-mêmes, envers notre patrie, envers vous. Les hommes s’ils veulent être libres doivent unir leurs forces et leurs facultés; l’intérêt d’un seul doit se confondre dans l’intérêt général. De l’union SÉANCE DU 11 VENDÉMIAIRE AN III (2 OCTOBRE 1794) - Nos 10-11 213 entre les membres dépend l’unité de l’action du gouvernement. La force commune, la personne et les biens de chaque associé sont dans les mains du corps qui gouverne et qui est chargé de protéger et défendre; les sacrifices sont un devoir dans une république. Nous nous félicitons avec la France d’obéir aux loix que vous avez rendues depuis l’époque du 9 thermidor. Déjà les arts et les sciences entendent dans cette enceinte la voix de leurs amis, et cette voix ne sera plus étouffée. Le commerce va renaître de ses cendres, sous la main de la confiance et des encouragemens ; l’économe industrie ne craindra plus les cachots et la mort ; les manufactures de Lisieux étaient dans un état de souffrance et bientôt l’ouvrier laborieux reprenant son travail bénira son pays et les législateurs. Un seul génie va présider à l’éducation nationale et partout on reconnaîtra ce mouvement qui portera dans toutes les parties de la république l’instruction, la sagesse et la morale. L’esprit public ne sera plus comprimé par la volonté d’un tyran et de ses subalternes, et, à cet état d’anéantissement et d’effroi, on voit déjà succéder cette douce sérénité qu’inspirent la justice et la confiance. Le peuple français est humain, jamais son coeur n’accepta la proscription. Les usurpateurs seuls amènent ou choisissent les temps de troubles pour faire passer, à la faveur de l’effroi public, des loix destructives, que le peuple n’adopterait jamais de sang froid : aussi voit-on les chefs d’une inquisition, trop longtemps prolongée, s’agiter en tout sens, créer des dangers, accuser, dénoncer des chimères, pour appeler encore, s’il était possible, la terreur au secours de la royauté. Qui le croirait? on ose calomnier vos travaux et on essaye de faire circuler le venin dans les départemens. En apparence l’opinion est encore chancelante, parce que le premier état de stupeur n’est pas encore entièrement dissipé ; mais tous les coeurs sont pour la représentation nationale ; eh ! quel est le républicain qui pourrait penser autrement? L’ordre social est un droit sacré qui sert de base à toutes les obligations de l’homme dans un gouvernement libre. Ceux-là qui voudraient s’affranchir de leur respect envers les dépositaires de l’autorité et voudraient propager leur sistème de résistance, ceux-là doivent être frappés de l’anathème national. Nous avons aussi entendu dans le sein de notre société populaire des correspondances d’autres sociétés populaires calomnier la révolution du 9 thermidor, en criant qu’elle a été l’époque du triomphe des factions. Est-ce donc parce qu’aucun parti ne peut se l’attribuer et qu’elle est l’ouvrage de la Convention nationale? Nous avons aussi entendu dire que l’aristocratie levait la tête dans nos sections ? Etait-ce donc pour diviser les citoyens entre eux? Etait-ce pour opposer la société populaire au peuple même? Ils demandèrent que leurs allégations vous fussent présentées sous l’aspect d’une vérité effrayante; mais nous nous sommes détournés, nous avons reconnu l’atrocité des calomnies, et à l’instant tous les perturbateurs ont été renversés. Tous les citoyens de Lisieux se sont serrés, se sont unis de principe et de sentiment; leur voeu a été la fraternité ou la mort, et ils se sont ralliés tous à la Convention pour ne jamais s’en désunir. Ce moment était beau pour les âmes sensibles, il fut terrible pour les traîtres. Lorsque nous comparons l’exemple de Marseille, nous frémissons des dangers que nous avons courrus!... Trop longtemps la liberté a été aux prises avec la tyrannie ; trop longtemps les poignards des factions ont été levés sur la tête des re-présentans du peuple ; trop longtemps le peuple a été livré aux fluctuations de parti ; trop longtemps on a soufflé le feu de la guerre civile; trop longtemps enfin on a tenté d’usurper l’autorité nationale. L’heure est sonnée, il faut que cette lutte cesse. A la Convention seule appartient d’être dépositaire de la souveraineté du peuple; à la Convention seule appartient la confiance du peuple; et le peuple est là pour environner la Convention. Continuez, citoyens représentans à mettre en pratique les grands principes de gouvernement. Que la Convention nationale soit sublime, comme le peuple qu’elle représente; que les sceptres, les couronnes, les intrigues et les factions viennent en même temps se briser à ses pieds. Jettez toujours des regards d’intérêt sur la masse du peuple; le peuple attend de vous seuls son salut, son bonheur et sa liberté. Suivent trois pages et demie de signatures. 10 La société populaire de Rosay, département de Haute-Saône, assure la représentation nationale de son dévouement à la liberté; elle se plaint des entraves mises à l’agriculture pendant la tyrannie de Robespierre, et propose des moyens de régénération. Renvoyé au comité de Commerce et approvisionnements (13). 11 Le citoyen Robert, secrétaire-greffier de la commune de Menerbes, district d’Avignon [Vaucluse], fait don à la patrie, au nom de son fils Barthelemi-Xavier Robert, de la gratification qui lui est accordée, en sa qualité de membre de la ci-devant congrégation de l’Oratoire. Mention honorable, insertion au bulletin et le renvoi au comité des Finances (14). (13) P.-V., XLVI, 221. (14) P.-V., XLVI, 221. Bull., 16 vend, (suppl.).