ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 février 1791.1 [Assemblée nationale.] district de Nîmes, opposer des obstacles à la vente des biens nationaux. Animés par votre exemple, les succès que nous avons obtenus nous servent d’encouragement et sont notre récompense. « Dans l’espace de 20 jours, nous avons vendu soixante domaines qui, évalués sur les baux à 1 ,118,927 1. 16 s. 8 d, ont été vendus 1,776,455 livres. « Nous vous prions de mettre ce résultat sous les yeux de l’Assemblée nationale. Le grand nombre de soumissions que nous avons reçues dans le courant du mois dernier nous met à portée de continuer nos opérations dans ce genre. » Nos dernières lettres deNîmes nous apprennent que le calme règne dans cette partie, malgré tous les mouvements qu’on se donne pour y exciter le fanatisme. Les motifs de sagesse, qui ont déterminé l’Assemblée à différer le rapport de la malheureuse affaire de Nîmes, sont malicieusement interprétés par les ennemis du bien public. Nous vous prions de vouloir bien prendre en considération les inquiétudes qui régnent dans ce pays et d’ordonner que vos comités des rapports et des recherches vous fassent le plusincessamment possible le rapport de cette malheureuse affaire. (L’Assemblée décrète que ses comités des rapports et des recherches lui feront samedi prochain le rapport de l’affaire de Nîmes.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité d'imposition sur les droits d'entrée dans les villes (1). M. Bouche. Il nous a suffi de lire le projet du comité pour en sentir tous les inconvénients. Je demande donc qu’il soit rejeté par la question préalable. M. Bégnaud (de Saint-Jean-d' Angèly). Avant de rejeter le projet du comité, il faut le discuter, afin de faire connaître à la France entière que la réflexion et la prudence président à nos délibérations�! que c’est par des motifs puissants qu’elle a rejeté ces droits. M. de Sinéty. Messieurs, votre comité marche en tremblant entre deux écueils également dangereux, celui des impôts indirectes dont la perception semble alarmer la liberté toujours inquiète dans son berceau, et celui des contributions foncières qui menace les propriétaires territoriaux d’une surcharge redoutable. Votre comité vous propose un droit à l’entrée des villes ; mais il est injuste au fond puisqu’il porte sur les denrées déjà taxées par la contribution foncière : il est injuste dans la forme puisqu’il ne porte que sur 529 villes et qu’il exempte toutes les autres parties du royaume. Il faudrait au moins le répartir avec égalité. Je me résume et je propose sur cet objet les questions suivantes : 1° Les droits d’entrée des villes seront-ils perçus dans les 529 villes seulement, proposées par le comité ou bien perçus sur tous les villes et bourgs du royaume? 2° Tous les objets, énoncés dans le tarif comme exempts des droits d’entrées, y seront-ils soumis en exceptant seulement le blé, le seigle, l’orge, la farine et le pain ? 3° Les propriétaires qui recueillent des vins et boissons auront-ils la faculté de consommer et de vendre en exemption du droit dans les villes et bourgs dans le territoire desquels sont situées leurs propriétés et non ailleurs, lus vins et boissons seulement recueillis dans leurs propriétés ? 4° Les droits d’entrée des vins et boissons seront-ils déclarés comme impôts indirects, et comme tels, perçus sur les consommateurs qui s’en approvisionnent sans les avoir recueillis eux-mêmes, et sur les vendeurs de la seconde main qui achètent pour revendre en gros et en détail ? 5° Sera-t-il fait un règlement de police de vente pour distinguer, dans la manière de vendre, le revendeur de la seconde main, d’avec le propriétaire qui aura recueilli? 6° Le tarifs des taxes des entrées des villes sera-t-il enfin renvoyé au comité d’imposition, pour y fixer les prix entre toutes les classes d'une manière moins inégale et moins disproportionnée que celui proposé à présent ?, M. Bey. Vous avez besoin d’impôts ; vous en avez supprimé pour 140 millions et vous n’avez pour remplir ce vide que l’impôt du timbre et celui de l’enregistrement qui n’est qu’une augmentation du droit de contrôle; mais je regarde comme dangereux fi s droits d’entrée des villes. Il faudrait d’abord construire des enceintes dans les villes qui n’en ont pas et je ne vois là qu’une dépense onéreuse et inutile pour l’Etat. Il faudrait de plus une armée de commis pour faire la perception. Un autre inconvénient encore qui la rendrait impossible, c’est l’insurrection des peuples, sous le prétexte des exactions qui peuvent se commettre. Après vous avoir démontré les inconvénients du projet de votre comité, voici ce que je vous propose pour le remplacer : c’est d’asseoir un droit sur les boissons, les denrées et la vente du vin. Cette imposition était connue dans l’ancienne province du Languedoc sous le nom d'équivalent ; la perception en était affermée. Le fermier percevait ce droit par les abonnements qu’il faisait avec les fournisseurs, les aubergistes, les traiteurs, etc. S’il voulait en faire la régie dans quelques villes, il établissait un commis qui pesait les denrées et percevait le droit. Eu adoptant le projet dont je viens de vous parler, j’y ai fait quelques changements ; mais comme les articles de détail pourraient vous ennuyer, je me borne quant à présent à demander la question préalable sur le projet du comité et l’adoption de l’impôt que je vous propose sur les boissons, les denrées et la vente du vin. M. Boislandry (1). Messieurs, il vous a suffi de lire le rapport de votre comité d’imposition pour apercevoir les inconvénients sans nombre et les dangers multiples des droits d’entrée des villes. Les vices de cet impôt sont formellement reconnus par le comité lui-même presque à chaque page du rapport. Les difficultés desrépartitions, la complication des moyens de perception, les frais de recettes, l’embarras du classement des villes, l'inégalité de l’impôt entre elles y sont clairement énoncés. Le comité ne vous dissimule pas combien il a été embarrassé pour (1) Voyez ci-dessus le rapport de M. Dupont [de Nemours), séance du 10 février 1791, page 88. (1) Ce document est incomplet au Moniteur. 193 �Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1S février 1791.J se faire des règles à lui-même. S’il admet pour base la population et la richesse des ville-, bientôt il en reconnaît l’insuflisance et il propose des modifications. En effet, comment apprécier la richesse des villes ; comment s’assurer de l’exactitude des dénombrements; comment appliquer ces deux règles à 529 villes? Les bases seront si incertaines et les taxes tellement arbitraires qu’il faudra presque autant de tarifs qu’il y aura de villes dans le royaume. Sur 529 villes imposables, il n’y en aura peut-être pas une qui n’exige des modifications, des rédactions, des exceptions particulières. Ainsi, avant peu d’années, la forme des contributions des ville-serait plus bizarre en France qu’elle ne l’était sous le règne du despotisme. On se demande avec surprise comment des hommes éclairés, dont les intentions pures sont bien connues, après avoir analysé avec tant de sagacité les droits d’entrée, après s’être convaincus des vices de cet impôt, ont pu le proposer à une nation libre comme une des ressources de l’Etat? Dans toute la suite du rapport on rencontre des principes excellents dont on a tiré les plus étranges conséquences, des réflexions très lumineuses et des résultats qui leur sont opposés ; on y trouve le contraste frappant de la raison et de la justice appliqué à la théorie des impôts et j de la plus choquante inégalité de répartition entre les citoyens du même empire. En proposant cet impôt, le comité paraît avoir eu l’intention de ménager les terreurs des propriétaires, qui craignent que les biens-fonds ne soient trop chargés, et cependant les entrées des villes tendent directement à diminuer les consommations, conséquemment à réduire les produits de l’agriculture. Il a voulu, sans doute, aussi composer avec les préjugés des officiers municipaux des villes qui tremblant de perdre leurs octrois et leurs revenus; et cependant aucun impôt ne peut tarir plus sûrement toutes les sources du revenu et delà richesse des villes, puisque, par l’augmentation des denrées et de la main-d’œuvre, il ne peut manquer de détruire en peu de temps leur industrie et leurs manufactures. Je citerai un seul passage qui décèle l’opinion formelle du comité lui-même sur les droits d’entrée. Je pense qu’il suffira seul pour fixer votre jugement sur cette forme d’impositions : « Votre comité, dit le rapporteur, doit ter— « miner aujourd’hui son rapport, en vous obser-« vant qu’il n’a pas dépendu de lui de faire « que les taxes à l’entrée des villes fussent une « bonne imposition, et qu’il ne dépendît de lui « ni de vous d’empêcher qu’à l’époque actuelle « l’opinion publique ne décide l’établissement « ou plutôt la conservation de ces espèces de a taxes que l’on croit propre à diminuer la « contribution foncière, quoiqu’elles en soient « une véritable et nuisible augmentation. » Après la lecture de ce passage et du rapport entier, il n’y a pas un de nous qui n’ait dû conclure que le comité désirait sincèrement, et que nous devions tous souhaiter qu’un impôt, qu’il vous déclare lui-même être très mauvais, ne fût pas conservé; mais comme il pourrait encore rester quelques doutes sur la nécessité de le supprimer, je vous prie de me permettre un petit nombre de réflexions qui, j'ose l’espérer, vous détermineront à le proscrire; je vous offrirai ensuite les moyens d’y suppléer. Le reproche le plus grave à faire aux droits d’entrée des villes est que cet impôt est inégal, lre Série. T. XXIII. arbitraire, sans régulateur, sans base; conséquemment injuste et inconstitutionnel. En effet, Messieurs, il ne sera supporté que par la moindre parlie des habitants du royaume, par 4 millions 500,000 individus sur 25 millions. La répartition entre eux ne sera fondée sur aucune règle, elle se fera sans égard aux facultés très disproportionnées des habitants de chaque ville, d’après la présomption très douteuse de la richesse ou de la population des villes. Ces bases, malgré leur incertitude, serviront pour fixer le tarif du vin, par exemple : à Paris, à 25 I. 4 s.; dans les villes de la seconde classe, à 16 1. 16 s.; dans celles de la troisième classe, à 14 livres, et ainsi de suite; il eu sera de même de tous les autres articles. Ces bases serviront encore à déterminer que le droit sera perçu à Paris dans la proportion de 18 livres par tête pour le Trésor public, dans les villes de la seconde classe à raison de 12 livres, et, dans une proportion décroissante, à 10, 8, 6, 4, 2 1. et 1 1. pour les villes des classes inférieures. On cherche en vain à découvrir pour quelle raison”: 1° les villes doivent payer un impôt particulier au Trésor national : 2° pourquoi cet impôt est fixé à 18 livres par individu dans les villes de la lïe classe, et seulement à 20 sous dans celle de la huitième; 3° pourquoi les denrées sont inégalement tarifées dans les différentes villes; pourquoi, par exemple, le muidde vin doit 25 1. 4 s. dans les villes de la lre classe; 16 1. 16 s. dans celles de la deuxième, et seulement 2 livres dans celle de la huitième? Il est impossible de se rendre compte des motifs qui ont déterminé ces mesures et ces proportions étrangères. Tant d’arbitraire et de semblables inégalités ne suffisent-elles pas pour faire rejeter cet impôt, lors même qu’il serait exempt de toute autre imperfection? Mais, Messieurs, il y a bien d’autres inconvénients; l’énumération rapide que j’en ferai va vous en convaincra. Vous avez détruit les uroits sur les cuirs, sur les fers, sur les huiles, les péages, les aides, la gabelle et le tabac. Eh bien, Messieurs, tous ces impôts étaient moins funestes à la prospérité du royaume, ils réunissaient moins de vices que les entrées des villes. Les droits d’entrée frappent sur les besoins journaliers beaucoup plus quesuries facultés ; ils provoquent lacontrebande ; ils nécessitent des perquisitions aux portes de toutes les villes, et quelquefois des visites domiciliaires; ils soumettent un homme libre à l’inspection humiliante d’un agent du fisc; ils exigent un Gode pénal particulier qui doit être nécessairement rigoureux. La perception eu est très coûteuse et elle enlève à l’agriculture et à l’industrie une multitude d’hommes qui y seraient plus utilement employés; voilà ce que les droits d’entrée ont de commun avec les impôts que vous avez détruits. Mais voici en quoi ils sont plus défectueux et plus funestes que la gabelle même. Les droits i d’entrée exposent les habitants des villes à faire usage, de boissons mixtionnées et empoisonnées que la cupidité prépare pour augmenter ses profits et éluder l’impôt. Ils sont nuisibles à l’agriculture en diminuant la consommation des villes. Certainement, Messieurs, si le droit sur les vins n’était pas de 4 à 5 sons par bouteille aux portes de Paris, une multitude d’ouvriers et d’artisans, qui sont forcés de s’en priver plusieurs jours de la semaine, en feraient un bien plus fréquent usage, et la consommation de Paris serait d'un quart ou d’un tiers plus forte qu’elle ne l’est aujourd'hui. Les pays de vignobles des environs qui, à cause de l’élévation au droit, ne peuvent y 13 194 (Assemblée iaalionale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 février 1791.] envoyer vendre leurs vins, dont le prix est souvent très inférieur au droit, y auraient un très grand débouché si le droit était supprimé. Il en serait de même de toutes les autres denrées. Les entrées ne sont pas moins préjudiciables à la prospérité des manufactures qui existent et à rétablissement de celles qui nous manquent; car, en augmentant le prix des denrées, elles font hausser les salaires et la main-d’œuvre. Et par exemple si le taux du droit est à Paris de 18 livres par tête pour le Trésor public et de la mêmesomme de 18 livres pour la taxe municipale, c’est-à-dire de 36 livres par individu; si cet impôt cumulé porte les salaires à Paris à 10 ou 15 0/0 au-dessus des autres villes, toutes les étoffes et marchandises qui y seront fabriquées, dont le prix est en majeure partie composé de salaires, y seront de 10 à 15 0/0 plus chères que partout ailleurs. Le même raisonnement peut s’appliquer à toutes les villes, dans la proportion du taux auquel elles seront tarifées. Vous avez voulu accorder une protection spéciale aux manufactures du royaume en établissant des droits très élevés sur les produits des fabriques étian-gères; mais, Messieurs, vous n’aurez rien fait pour elles et cet encouragement sera nul si vous adoptez le projet des droits d’entrée dans les villes; ces droits sont inconnus dans tous les pays manufacturiers de l’Europe; vous vous exposerez donc à rendre les produits de nos manufactures les plus chers de l’Europe, et vous aurez la douleur de voir que nos marchandises seront dans l’impuissance de rivaliser avec celles des fabriques étrangères, tant au dedans qu’au dehors du royaume. L’encouragement qui résultera de l’établissement des droits aux frontières peut être éludé par la contrebande, il ne dépend pas de vous de l’empêcher; mais celui que vous pouvez, que vou3 devez accorder aux fabriques par la suppression des droits d’entrée dans l’intérieur, suppression qui doit amener la diminution des salaires et le bas prix de la main-d’œuvre est entièrement dans vos mains. Si vous conservez les droits d’entrée, nos manufactures resteront dans l’état de langueur qui les fait gémir depuis si longtemps ; si vous les supprimez, elles reprendront une nouvelle vie et ne redouteront plus la concurrence étrangère. Il ne Vous échappera certainement pas non plus, Messieurs, que la conservation des droits d’entrée vous conduira à rétablir les barrières intérieures, dont la France entière avait demandé l’anéantissement et dont la destruction avait été reçue avec tant de satisfaction. Ces nouvelles barrières entraveront la circulation et gêneront le commerce, plus encore que lesanciennes, parce qu’elles seront plus multipliées; elles occasionneront des embarras infinis dans les villes où les boissons sont entreposées, comme à Bordeaux, à La Rochelle, à Nantes, à Auxerre et ailleurs. De quels moyens se servira-t-on pour distinguer celles qui seront consommées dans chaque ville, de celles qui en seront exportées? Les mêmes embarras auront lieu pour les sucres, les épices et généralement pour tous les articles imposés. Combien de gênes et de formalités ne faudra-t-il pas employer pour prévenir la fraude! Ainsi, Messieurs, non seulement les droits d’entrée seraient une violation de la Constitution et un attentat continuel à la liberté des citoyens, mais ils tariraient à la fois toutes les sources de la prospérité publique; ils seraient une calamité pour l’agriculture, les manufactures et le commerce. Non, Messieurs, vous ne laisserez pas votre ouvrage imparfait. Vous venez de supprimer l’impôt du tabac; celui des droits d’entrée est bien plus onéreux à la nation. C’est le seul qui reste des anciens droits de la ferme générale ; en le supprimant, vous délivrerez pour jamais le royaume de ceux des agents delà fiscalité qui eu ont été le plus terrible fléau. L’abolition des droits d’entrée est d’autant plus juste qu’il vous a été proposé par le comité un projet de licences ou patentes qui frapperont également sur les consommations. Les licences ont bien aussi quelques inconvénients, mais ils ne sont nullement comparables aux droits d’entrée des villes. Si vous décrétez en même temps l’un et l’autre impôt, ils seront accablants pour les villes, et, comme ils sont de même espèce, ils se nuiront dans leurs produits. On ne manquera pas de dire que la suppression des entrées des villes fera supporter aux campagnes un nouvel impôt dont cette taxe particulière aux villes les aurait affranchies ; votre comité, Messieurs, a répondu à cette objection, lorsqu’il vous a fait observer que les droits d’entrée frapperont réellement sur les habitants des villes; alors je demanderai de nouveau s’il est juste, s’il est consiitutionnel, que les villes soient chargées d’un impôt particulier envers le Trésor national. Une pareille proposition vous paraîtra, comme à moi, absurde et révoltante. Ce système était tolérable autrefois, parce que les villes étaient presque toutes exemptes de la taille ou dequelque autreimpôtdontlescampagnes étaient grevées, parce que plusieurs d’entre elles jouissaient de grands privilèges et vivaient des abus, des erreurs et des prodigalités du ministère; mais il n’en sera pas ainsi à l’avenir, le temps des abus et des iniquités est passé, les privilèges sont détruits, les villes supporteront l’impôt foncier dans Ja même proportion que les campagnes, et observez, Messieurs, que la nature de tous les autres impôts est telle qu’ils seront presque uniquement à la charge des villes, et, par exemple, l’impôt mobilier pèsera bien plus sur elles que sur les campagues. Caries revenus étant calculés dans la proportion des locations, et le prix des locations dans les villes étant triple et quadruple de celui des campagnes, le revenu présumé des habitants des villes les mettra, à facultés égales, dans le cas de supporter un impôt triple et quadruple de celui des habitants des campagnes. Le timbre et le droit d’enregistrement seront également supportés dansune proportion bienplus forte par les habitants des villes que par ceux des campagnes, car les transactions de ces derniers sont rarement écrites. Il en sera de même des licences dont le prix, calculé en raison des locations, sera bien plus élevé dans les villes. On objectera encore que la ville de Paris deviendra trop considérable et trop peuplée, et que sa grandeur nuira à la prospérité des campagnes; mais de longtemps Paris n’aura réparé les pertes immenses qu’elle a faites. Nous voyons aussi par l’exemple de l’Angleterre combien cette terreur est imaginaire; il n’existe de droits d’entrée ni à Londres, ni dans aucune autre ville dece royaume. Si Londres est riche, il y a en Angleterre un grand nombre d’autres villes qui le sont aussi; les campagnes partagent cette prospérité, leurs habitants sont dans une grande aisance, et la culture des terres y est portée à un bien plus haut degré qu’en France. Je suis député d’un département qui environne Paris de tous côtés; ses habitants savent bien que [15 février 1791. j 195 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. si les droits d’entrée sont anéantis, il en résultera pour eux une augmentation d’impôts, mais ils savent aussi qu’ils vendront leurs denrées avec plus d’avantage, et qu’il s’en fera une plus grande consommation. Les habitants des campagnes dans toute la France feront le même raisonnement; ils ne se croiront libres et heureux que lorsque leurs denrées seront affranchies de tout droit aux portes des villes et qu’ils pourront y entrer et en sortir sans essuyer des visites et des perquisitions, qui chaque jour leur deviendront plus insupportables à mesure qu’ils connaîtront mieux leurs droits et leur dignité. Le vœu formel du département que je représente est que les droits d’entrée soient supprimés. Et qu’on ne dise pas que la contribution foncière, telle qu’elle a été proposée par le comité, sera trop forte. L’opinion des peuples sur ce point s’est prononcée d’une manière qui n’est pas douteuse, et qui réfute victorieusement toutes les objections. Le projet du comité est public depuis longtemps; on connaît la somme qu’il veut faire supporter aux biens-fonds. Si la charge eût été regardée comme trop lourde, le prix des terres aurait dû diminuer ; le contraire est arrivé. Par les ventes qui se font journellement, vous avez vu que, non seulement le prix des biens-fonds se soutient, mais qu’il augmente tous les jours. On dira aussi qu’avant de supprimer les droits d’entrée des villes, il faut trouver à les remplacer par d’autres impôts. Mais, Messieurs, ne serait-il pas bien étrange que la nation française, qui, dans l’esclavage, supportait 7 à 800 millions de charges, ne pût pas, après être devenue libre, pourvoira un supplément de 24 millions, lorsque ses contributions annuelles seront réduites à 5 ou 600 millions ? Au mots de décembre dernier, le comité d’imposition a présenté à l’Assemblée le tableau des dépenses publiques, il iui a fait ensuite l’énumération des ressources qui serviraient à les acquitter. 11 y a compris les entrées des vides pour 24 millions, parce que sans doute elies étaient établies, et qu’il n’en avait pas encore reconnu tous les inconvénients. Mais faudra-t-il laisser subsister le plus mauvais de tous les impôts, parce qu’il a plu au comité de le placer au nombre des taxes à conserver, et sous le vain prétexte qu’avant la suppression, il faut trouver à le remplacer. Le comité avait aussi compris les aides et le tabac au nombre des ressources publiques, il s’est enlin convaincu que leur conservation chez un peuple libre était impossible ; il vous eu a proposé l’abolition et vous l’avez décrétée? Ont-ils été remplacés ces impôts avant d’être supprimés? Non, Messieurs, vous avez seulement considéré que la Constitution ne permettait pas de les laisser subsister : si vous voulez suivre le même guide, si vous êtes fidèles à vos principes, vous en ferez autant, et à bien plus forte raison des droits d’entrée des villes, puisqu’il est démontré qu’ils sont iufiniment plus oppressifs, plus onéreux, plus nuisibles à la prospérité publique, et plus inconstitutionnels que tous ceux que vous avez abolis. Enlin, Messieurs, on vous dira (et c’est l’objection qu’on regarde comme la plus forte) que les classes inférieures du peuple, si les droits d’entrée sont supprimés, ne payeront aucun impôt; qu’on ne peut les atteindre que par leurs consommations journalières; que si chaque individu ouvrier, ou artisauucontribue annuellement parles entrées pour 40 ou 50 livres aux dépenses publiques, et que les droits soient supprimés, on lui demandera en vain, en remplacement, une somme beaucoup moindre, parce qu’il ne met rien en réserve. Cet argument, Messieurs, porte en lui-même la preuve la plus claire de l’immoralité et de l’injustice de 1 impôt des entrées. Ceux qui le font ne s’aperçoivent pas qu’ils en prononcent eux-mêmes la réprobation ; car tout impôt qui porte sur les besoins et non sur les facultés est essentiellement mauvais. Non, sans doute, vous n’atteindrez pas les classes indigentes et infortunées par le remplacement qui sera établi; et la raison en est que vous ne devez pas les atteindre. Si tous les citoyens ne doivent contribuer aux dépeuses de l’État que dans la proportion de leurs moyens, tout homme qui n’a point de moyens, qui n’a point de facultés ne doit pas d’impôt. Il doit à la patrie son bras, et s’il le faut, sa vie pour la défendre. O vous, riches des cités et des campagnes, qui craignez de porter des charges plus fortes, si le fardeau du peuple est diminué, considérez que vous ne ferez que semer pour recueillir! Les classes aujourd’hui indigentes et sans fortune, moins chargées, moins opprimées, augmenteront d’aisance; elles acquerront des facultés ou des propriétés, et alors elles partageront avec vous les contributions dont vous les aurez momentanément soulagées : que dis-je, nos craintes sont mal fondées, votre contribution ancienne ne sera pas augmentée, le pauvre ne devra la diminution qu’il éprouvera qu’à la suppression des frais de régie. Sans doute il faut des impôt, mais la France avant tout demande une Constitution juste. Voulez-vous, Messieurs, consolider à jamais la Révolution, voûtez-vous que la Constitution soit inébranlable? Conciliez-vous les habitants des villes ; jusqu’à présent vous avez tout fuit pour les campagnes, et vous le deviez, parce qu’elles étaient les plus opprimées. Le nouvel ordre de choses a causéaux habitants des villes despertes immenses; c’est à force de privations et de sacrifices qu’ils ont conquis la liberté et maintenu la Révolution qui éiait leur ouvrage. Il esttemps de leur accorder, non pas une laveur, mais une justice en supprimant les droits d’entrée. Je vais plus loin, Messieurs, je dis que si la Constitution vous est chère, si vous ne voulez pas qu’elle soit exposée à des dangers sans cesse renaissants, vous devez encore supprimer les droits d’entrée. Cet impôt sera, entre les mains des ennemis de la Révolution, une arme sûre dont ils se serviront pour soulever le peuple des villes contre la Constitution, et pour l’exciter à renverser son propre ouvrage. « Vous payez, lui « diront-ils, des droits énormes sur le vin et sur « les objets de première nécessité, vous êtes « honteusement fouillés aux portes de toutes les « villes; à quoi donc vous sert votre liberté? « Attachez-vous à nous, nous ferons supprimer « tous les droits d’entrée, et ce sera alors que « vous pourrez vous glorifier d’être véritablement « libres. » Je ne vous présente pas ici, Messieurs, de vaines terreurs, des craintes exagérées; si vous doutiez de l'effet de semblables arguments sur le peuple, rappelez-vous qu’ils ont été employés déjà plusieurs fois, et avec succès, à Lyon. Oui, Messieurs, tant qu’il subsistera un seul impôt inégal, injuste, et qui frappera sur les besoins journaliers du peuple, la Constitution sera chancelante, et la Révolution ne sera pas achevée. 496 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (15 février 1791. Mais je n’aurais pas rempli la tâche entière que je me suis imposée, si je ne vous indiquais pas Ils moyens de suppléer à cette ressource. 1° Messieurs, je viens de vous parler des droits de licences, votre comité ne les avait d’abord évalués qu’à 8 ou 10 millions de produit; mais, par l’extension qui leur a été donnée, ils en produiront au moins 18 ou 20; vous en serez convaincus si vous voulez vous occuper de la discussion de ce projet, comme je crois nécessaire de le faire avant de statuer sur les droits d’entrée. 2° En supprimant le privilège exclusif du tabac, vous avez établi un droit de 25 livres du quintal sur tous les tabacs étrangers. Le produit de ce droit, réuni au bénéfice de la vente, en concurrence avec le commerce libre, a été évalué par le comité de 6 à 8 millions. 3° Le droit d’enregislrement que vous avez établi sur les successions collatérales, est de 1 à 4 0/0, et son produit est estimé à 5 millions; il n’y aurait aucun inconvénient à augmenter ce droit de deux tiers, et de le porter de 3 à 10 0/0, ce qui en élèverait le produit à 13 millions au lieu de 5, et procurerait au Trésor national une augmentation de revenus de 8 millions. 4° Le comité des impositions n’a pas mis les loteries au nombre des ressources. Je sais que ce genre de revenu est immoral, mais il sera très difficile, peut-être impossible, que le peuple renonce au jeu des loteries ; si les loteries publiques sont supprimées, il s’élèvera une multitude de loteries partit ul ères. Le peuple sera la dupe d’un grand nombre de fripons et de gens sans aveu, qui lui vendront des billets de loteries particulières ou de loteries étrangères. On a déjà proposé d’abolir les petits billets ou billets faits, ce sont ceux qui sont le plus communément achetés par les citoyens les moins aisés. Cette suppression rendrait la loterie moins vicieuse, elle m réduirait les profits de 3 à 4 millions; ses produits seraient alors bornés à 8 ou 9 millions, qui formeraient une nouvelle ressource, du moins pour quelques année-. Assurément s’il fallait opter entre la conservation des luteries ou des entrées des villes, votre choix ne serait fias longtemps incertain. En récapitulant les diverses ressources que je viens de vous présenter, vous trouverez 33 à 34 millions, qui compenseront bien au delà les 24 millions des entrées des villes. 5° Enfin, il est une très grande mesure infiniment utile et désirable, c’est celle du rachat volontaire des rentes viagères, qui sont une des charges les plus accablantes pour la nation. Après avoir fait tant de choses pour les générations futures, ne serait-il pas raisonnable que l’Assemblée nationale songeât aussi à la génération présente? Ces rachats volontaires pourraient s’effectuer soit par un échange en contrats perpétuels à 5 0/0, soit par une conversion en reconnaissances qui seraient reçues tour comptant en payement des biens nationaux. Cette rne.-ure est d’autant pli. s facile et d’autant plus sûre aujourd’hui que les prix auxquels ces biens sont vendus en feront monter la valeur beaucoup au delà des premières estimations. Si ces rachats se faisaient seulement pour 30 ou 40 millions de rentes viagères, ce serait une diminution de dépenses qui équivaudra t à une augmentation de recette, elle suppléerait encore, et bieu au delà, aux 24 millions des droits d’entrée. A l’égard de la partie des droits d’entrée qui doit être employée à acquitter les dépenses des villes, il n’y a pas lieu de douter que, lorsque vous aurez renoncé à ce genre d’impôt, les municipalités ne doivent pareillement y renoncer; elles y seraient forcées par l’énormité des frais de régie, qui resteraient en entier à leur charge, et qui seraient sans aucune proportion avec les produits. Mais cette considération n’est pas la seule, les mêmes motifs qui doivent faire proscrire les entrées des villes comme impôt national s’opposent à sa conservation comme impôt municipal;, car il n’est pas moins impolitique, inégal, injusie, inconstitutionnel, destructeur de l’agriculture et de l’industrie, sous ce dernier rapport que sous le premier; et si les officiers municipaux des villes étaient assez aveugles sur les intérêts ne leurs concitoyens pour méconnaître ces vérités, ce serait à vous, Mes-ieurs, à les éclairer : dirigés par vos principes, ils ne tarderaient pas à revenir de leur erreur. Il sera donc convenable l’adopter, pour subvenir aux dépenses municipales, un impôt particulier, qui serait acquitté par tous les habitants de chaque ville ou paroisse, sans distinction de propriétaires ou de non-propriétaires Cet impôt pourrait être ou une taxe sur les fenêtres ou une contribution en raison de la valeur locative de l’habitation. La taxe sur les fenêtres est établie en Angleterre, elle y est très productive, elle s’y perçoit sans difficultés, sans vexations, et presque sans Irais; elle n’a aucun des inconvénients dont on vous a parlé, elle a cependant i lusieurs défauts dans sa combinaison, iju’il serait possible de rectifier. Une taxe sur la valeur locative de l’habitation serait peut-être encore préférable, ori se servirait d. s bases adoptées pour l’impôt mobilier ; mais on ne ferait aucune diminution aux propriétaires; car ils sont tenus de contribuer comme tuus les autres citoyens, en proportion de leurs facultés, aux dépenses municipales. Le revenu net foncier est évalué à 1200 millions; le revenu des salaires publics et de l’industrie est estimé à plus d’un milliard ; en supposant que les dépenses de toutes les municipalités du royaume s’élèvent à 30 millions, la taxe municipale ne sera pas de 1 1/2 0/0 sur les facultés. Je n’aperçois pas un seul inconvénient dans ses arrangements, et j’y vois une multitude d’avantages, j’y vois l’afié rmissement de la Constitution, le soulagement des classes les moins fortunées des citoyens, la diminution des charges publiques par la suppression presque entière des frais de perception qui s’élèvent à 7 ou 8 millions. L’encouragement de l’agriculture par l'augmentation de la consommation dans les villes; fa réduction du prix de la main-d’œuvre pour les fabriques et les manufactures; la liberté de la circulation pour le commerce intérieur et extérieur de la France ; enfin la destruction, et pour jamais, des barrières, des entraves et de la fiscalité. On vous adit, Messieurs, que l’opinion publique n’était pas encore suffisamment foi mée peur remplacer les droits d’entrée par d’autres taxes : mais a-t-on oublié que le vœu du peuple s’est manifesté très positivement à cet égard ; d’abord ici, au commencement de la Révolution, ensuite dans un très grand nombre de villes, et notamment à Lyon et à Marseille. On sait que plusieurs villes des ci-devant provinces de Normandie et de Picardie se sont affranchies depuis longtemps de tous droits d’entrée, et qu’on a vainement tenté de les y rétablir. L’événement terrible arrivé il y a peu de se- (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (15 février 1791.] maines aux portes de Paris, en vous faisant connaître les dispositions des esprits, doit vous inspirer la plus juste horreur pour un impôt, dont la perception ne put être assurée que parles baïonnettes, et au prix du sang des citoyens. En supposant même que ces scènes affreuses ne se renouvellent jamais, il me paraît impossible que l’Assemblée nationale décrète que des Fra mais, des hommes libres pourront être arrêtés, visités et rançonnés aux portes de toutes les villes du royaume ; qu’ils seront exposés aux caprices, aux violences et à la brutalité de gens sans éducation; qu’ils seront tenus de se soumettre auxdé-cisions arbitraires d’employés ignorants et sans principes, qui n’ont embrassé leur état pour la plupart que par l’incapacité où ils étaient d’en exercer aucun autre ; qu’ils seront enfin jugés et condamnés sur la déposition infidèle de commis subalternes, intéresses à trouver les citoyens en contravention, parce qu’ils savent qu’ils auront une part dans leur dépouille. On supprimera, nous dit-on, toutes ces formes vexatoires. Vaines pr< messes, Messieurs, cela ne peut pas être, car sans elle il n’y a pas de perception possible. Tant de motifs, Messieurs, me persuadent que vous n'hésiterez pas à prononcer l’abolition des droits d’entrée ; mais s’il nous restait encore quelque regret de sacrifier ce revenu, je demande au moins que le projet soit renvoyé au comité, et que \ous le chargiez d’examiner les différents moyens de supplément que je viens de vous présenter. Je me persuade qu’il n’aura pas de grands efforts à faire pour trouver une imposition plus conforme à la Constitution, à la liberté et à la justice, surtout moins dangereuse, et moins nuisible à la prospérité générale du royaume que les rentrées des villes. Je demande, en outre, qu’avant de prononcer sur les droits d’entrée, l’Assemblée s’occupe du projet de licences ou patentes qui lui a été proposé par le comité. Cet impôt est aussi une taxe sur les consommations. S’il en faut adopter une, il est raisonnable de préférer celle q d sera la moins défentmu-eet la moins oppressive. J’a déjà observé que le produit des patentes servira en partieà rem placer les droits d’entrée (1), et, comme cette quesdon intéresse spécialement l’agriculture et le commerce, je pense que vous croirez raisonnable que les comités d’agriculture et de commerce soient réunis à celui d’imposition pour l’examiner. M-Dupont (de Nemours ), rapporteur. Messieurs, votre comité, en vous proposant cet impôt, ne vous a point dissimulé qu’il métait pas bon. Presque toutes lesohjections qu’on lui a faites, presque tous les raisonnements et les calculs qu’on lui propose sont puisés ou dans les travaux du comité on dans ceux connus de ses membres ; mais il s’est arrêté au projet qu’il vous offre, pareeque les 45 millions perçus ci-devant, étant réduits à 24 ou 25, opéreraient un soulagement en masse très considérable. La question est donc de savoir si l’on peut et si l’on veut supprimer les taxes à l’entrée des villes, et défendre aux villes d’y percevoir aussi (1) Les patentes, telles qu’elles sont décrétées, remplaceront en entier les droits d’entrée. Tous les états donnant des profits, toutes les professions lucratives y seront assujetties, les agriculteurs et les fonctionnaires publics en seront les seuls exempts. Quelques personnes en portent le produit à 50 millions ; mats il ne sera certainement pas au-dessous de 30 à 35 millions. (Note de M. de Boislandry . 197 leurs droits ; si l’on peut et si l’on ose compenser sur la contribution foncière et mobilière les 24 et 25 millions des revenus que la nation pourrait retirer des droits d’entrée sur les vi IL s. La question élant ainsi réduite à ses propres termes, c’e-t le jugemeDt que portera l’Assemblée qui déterminera nos travaux ultérieurs. Vous crovez-vous assez éclairés? Le comité vous proposera, pour mesure provisoire, le décret suivant : « Art. 1er. Au lieu de 70 millions qui se percevaient àl’enîreedes villes dont 45 millions é aient au prolit du Trésor public, il ne sera plus levé que 24 millions par le Trésor public et 24 millions de plus pour le besoin des villes. «Art. 2. Cette perception ne sera que provisoire et pour les années 1791 et 1792. « Art. 3. Les administrations de département feront passer sans délai ou au plus tard avant le 1er mars 1792, à la première législature, leur avis motivé et les renseignements nécessaires ponr mettre le Corps legislatif à portée de prononcer sur la modilication ou suppression de toutes ou partie desdites taxes ponr l’année 1793. » M. l’abbé Charrier de La Roche. J’avais demandé la parole pour faire quelques observations, relativement au projet qui vous est présumé. Je demande l’ajournement de la délibération, atin que l’Assemblée puisse connaître la situation et les divers intérêts des villes et qu’elle les balance avec l’intérêt de la chose publique. M. Chevalier. Messieurs, je n’ai pas à vous présenter des calculs abstraits et des idées métaphysiques; je vous offrirai des vues simples, dictées par la raison et par la justice. Les impôts perçus à l’entrée des villes sont injustes dans leur principe, improductifs, immoraux et désastreux dans leurs conséquences. C’est au nom des villes et des campagnes que je Eollicite l’abolition de ces droits, en les remplaçant parut) impôt plus simple, plus léger, qu’on pourrait ajouter en accessoire à celui sur les maisons, le pauvre ne payerait qu’une légère portion sur son loyer, ou tout autre contribution. Vous êtes les défenseurs du peuple, il est votre soutien; ce peuple est bon et confiant, il veut le bien, mais il ne le voit pas toujours; il ne fait le mal que quanti on l’égare. On l’a calomnié; s’il a quelquefois été cruel, c’est qu’on l’avait provoqué; il a fait la Révolution et il la soutiendra. Ce n’est pas le peuple qui fait des complots contre la Constitution, ce sont les mauvais citoyens, qui cherchent à l’égarer ou le corrompre; ce peuple est souvent sans pain et sans travail; cependant il donne aux mauvais riches l’exemple de la résignation aux lois et du patriotisme ; il était accablé par les droits d’entrée, supprimez-les ; rendez l’impôt proporiion-nel aux facultés, d’après les déclarations des droits, le pauvre ne doit pas payer plus qu’il ne doit. On l’avait opprimé, on avait calculé sur ses subsistances ; on avait mis un tarifa ses besoins; anéantissez ce fatras d’édits bursaux et scandaleux, cette collection d’iniquités fiscales, enfantées par des financiers avides, des ministres égoïstes et tous les agents vicieux d’une administration corrompue. Encore une fois, établissez l’impôt d’après les principes de la justice distributive, ou déchirez 198 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 février 1791.J [Assemblée nationale.) la Déclaration des Droits. (Vifs applaudissements .) Je vous propose de décréter : Art. 1er. Qu’il ne sera perçu aucuns droits et impôts indirects sur les denrées ou marchandises, à l’entrée des villes et bourgs dans l’intérieur du royaume. Art. 2. Qu’il sera pourvu à une contribution soit personnelle ou autrement, soit sur les maisons ou les loyers, ou de telle autre manière qui paraîtra plus douce et plus équitable en remplacement des droits d’entrée. Art. 3. Que la municipalité de Paris sera autorisée à vendre les bureaux et murailles de l'enceinte de Paris, de la même manière que les aulrt-s biens nationaux. Art. 4. Qu’il sera pourvu au sort des receveurs, contrôleurs, brigadiers et commis des barrières, pourvu qu’ils aient 25 ans de service sans interruption. M. Pétion de Fillenenvé, secrétaire , dopne lecture de la lettre suivante adressée àM.le Préskient de l’Assemblée nationale par l’assemblée électorale du département de Loir-et-Cher : « Blois, le 14 février 1791. « Monsieur le Président, « L’assemblée des électeurs du département de Loir-et-Cher nous charge d’avoir l’honneur de vous faire savoir qu’elle a élu pour son évêque, M. Grégoire, curé d’Emberménil. (Vifs applaudissements.) Ses vertus, ses lumières, son patriotisme, sont les titres qui lui ont obtenu nos suffrages. « Veuillez, Monsieur le Président, vous réunir à nous pour forcer sa modestie à accepter.... » Un membre à droite : Il acceptera. ( Applaudissements à gauche.) M. Pétion de Villeneuve, continuant sa lecture... « à accepter une dignité que ses qualités éminentes rendront encore plus digne de nos respects. (Vifs applaudissements.) « Signé : Les président, secrétaire et scrutateurs de l’Assemblée électorale du département de Loir-et-Cher. » M. le Président. Un membre de la commune de Haguenau demande, par lettre, à avoir en communication des pièces déposées au comité des recherches, et nécessaires à la justification des députés de cette ville, et à leur défense, dans le procès qui se poursuit au tribunal du district établi à Saverne. M. de Foucault de Fardimalie. Je demande que l’Assemblée accueille la demande de la commune de Haguenau et que, de même que l’Assemblée l’a toujours entendu, on continue de donner communication à tous les inculpés des pièces qui sont à leur charge. D’un autre côté, à présent que les tribunaux sont établis, je me joindrai à M. de Macaye pour demander la suppression de tous les comités des recherches du royaume. Voix à gauche : Pas encore ! A l’ordre du jour! M. de Vautrée. J’ai l’honneur de vous assurer qu’il n’y a pas de petite ville où l’on n’ait établi de ces comités; c’est une inquisition horrible. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il seradonné communication des pièces demandées.) M. d’Ambly. Il reste la motion de M. de Foucault , M. Goupil-Préfeln. Le comité des recher� ches n’a jamais été plus nécessaire à la chose publique; je demande que l’on passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) La discussion sur les droits d'entrée dans les villes est reprise. M. Prieur. Nous sommes quatre opinants pour le rejet des droits d’entrée; si personne ne se présente pour les défendre, il me semble inutile de continuer la discussion. M. Rœderer, membre du comité d'imposition. Messieurs, le comité d’imposition n’a jamais pensé que les droits d’entrée des villes ne fussent pas par eux-mêmes un impôt essentiellement mauvais;- mais il croit cependant que, dans l’état des besoins du Trésor public, dans l’état d’in fer-tilité où la féodalité a réduit les terres, il faut nécessairement recourir à quelques-uns de ces mauvais impôts. La taxe à l’entrée des villes a paru à votre comité la moins contraire à vos principes. Avant de la décréter néanmoins, je demande que l’Assemblée veuille bien examiner le projet sur le droit de patente, qui a été distribué ; et, dans la discussion on examinera si ce droit de patente est susceptible d’extension, s’il peut produire au delà de ce que nous avons espéré, sans entraîner les gênes d’une inquisition comme les droits d’entrée des villes. Au premier cas, si ces droits de patente peuvent être étendus au delà de ce qu’a prévu le comité d’imposition, alors nous ferons volontiers le sacrifice des droits d’entrée et l’Assemblée supprimera les droits d’entrée. (Applaudissements.) En conséquence, je demande qu’on fasse le rapport des patentes et qu’on ajourne après cet examen la question sur les droits d’entrée. (L’Assemblée décrète l’ajournement du décret sur les droits d’entrée des villes jusqu’après le rapport concernant les droits de patente.) L’ordre du jour est un rapport du comité des contributions publiques sur les patentes. M. d’AlIarde, rapporteur (1). Messieurs, votre comité des contributions publiques, eu vous soumettant sonrapport sur le timbre, vous annonça qu’il s’occupait d’un droit de patente. Nous devons aujourd’hui vous entretenir des détails relatifs à ce droit, et des motifs qui ont déterminé votre comité à le mettre au nombre de vos moyens de finance. La position, Messieurs, dans laquelle vous vous trouvez pour lixer la somme et la nature des impôts, est singulièrement fâcheuse. Les dilapidations de l’ancien régime ont plus que doublé les charges annuelles qu’on ne peut éviter de faire supporter à la nation. Car tel est le malheur du despotisme, qu’il semble, pour ainsi dire, se survivre dans ses effets ; il atteint, par ses suites désastreuses, les générations pour lesquelles il n’existe plus. Alors les contributions d’une bonne nature ne (1) Ce document est incomplet au Moniteur.