28â [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 septembre 1791. times vous est connu. Pouviez-vous croire que votre décret du 15 mai serait accueilli, serait applaudi? N’avez-vous pas prévu, au contraire, qu’il serait un arrêt de proscription contre ceux qu’il favorise? Vous voulez donner aux mulâtres un état politique, et vous leur arrachez la vie. Vous avez voulu augmenter le nombre des citoyens dans les colonies, et vous serez cause qu’elles abjureront la métropole. Vous serez les auteurs de cette scission malheureuse qui, en divisant l’Empire dont on vous avait confié les destins, le livrera à toutes les horreurs de la misère et de la guerre civile. Vous avez éteint la confiance qu’on doit avoir dans les décrets du Corps législatif quand, après avoir promis par votre décret du 12 octobre qu’il ne serait statué sur l’état des personnes que d’après l’aveu des colons, vous leur avez enlevé par celui du 15 mai l’initiative que celui du 12 octobre leur avait accordée. Distraits, entraînés par le3 idées métaphysiques, vous avez oublié que l’activité de l’industrie dépendait de l’action du commerce dont les colonies sont le principal mobile. « II est peut-être encore temps de conjurer l’orage qui nous menace : révoquez le décret qui vous a été surpris. Que la maladroite philanthropie des amis des noirs n’influe plus sur vos délibérations, que les croassements de l’avide C..., du mercenaire B..., de l’abominable G..., et de leur secte ennemie de la prospérité française n’attirent plus votre attention. Que les leçons et les lumières de l’expérience vous guident; et si vous daignez consulter quelqu’un, que votre choix tombe sur ceux dont les connaissances locales peuvent être utiles, et la France est sauvée. « Considérez combien il est plus important de conserver à l’Empire la considération et la consistance politique que son étendue, sa population et de bonnes lois peuvent lui assurer, que de fronder un préjugé que le temps seul peut détruire. La franchise dont nous faisons profession, l’amour que nous avons pour notre patrie nous font un devoir de vous exprimer librement nos sentiments. « Nous sommes, etc. » 2° Adresse de la chambre de commerce de Rennes. « Messieurs, « Nous cesserions d’être Français, d’être dignes de la liberté que vous nous avez donnée, si nous tardions un instant à déposer dans votre sein les vives alarmes que nous cause l’état des colonies et les suites désastreuses qui vont nécessairement en résulter pour la mère patrie, si dans votre sagesse vous n’y apportez le remède. Déjà les ennemis de la chose publique triomphent. La nouvelle du soulèvement universel des blancs qui a éclaté à Saint-Domingue au moment où votre décret du 15 mai dernier a été connu, comble leurs espérances. Heureux de notre malheur, ils annoncent la perte assurée des colonies, la destruction du commerce et la ruine des propriétaires. « Pères de la patrie, prévenez leurs desseins perfides, renversez leurs espérances. Le désordre et la défiance sont leurs seules ressources. Ramenez l’ordre, rétablissez la paix par une simple condescendance : préparez les colons eux-mêmes à admettre les principes d’égalité que vous avez consacrés pour la métropole, et à l’observation desquels les convenances locales et particulières apportent des obstacles invincibles. Rendez-vous au vœu des commerçants des ports de mer et des villes de manufactures : tous se réunissent pour vous demander la suspension de l’exécution de votre décret du 16 mai, qui, vu la disposition des esprits, causerait infailliblement la ruine des colonies et la ruine de plusieurs millions de citoyens Français. « Usez du remède que vous avez employé avec tant de succès lorsqu’au mois de mars et d’octobre derniers, vous éteignîtes les torches incendiaires de la guerre civile que les passions en mouvement avaient allumées dans nos villes : renouvelez cette déclaration salutaire qu’il ne sera définitivement rien statué sur Fétat de leurs habitants qu’après avoir connu le vœu des assemblées coloniales. Nous devons vous dire, avec les citoyens commerçants de Nantes, que cette mesure resserrera infailliblement les liens indissolubles qui doivent nous réunir avec les colonies. Nous ajouterons que c’est le eeul moyen de leur assurer le bonheur qui est l’unique but de vos immenses travaux. Nous adhérons, au surplus, aux adresses et pétitions des corps administratifs, des citoyens commerçants de Nantes. « Nous sommes, etc. » 3° Adresse de la chambre de commerce de Rouen. « Messieurs, » « Vous avez vu les citoyens de toutes les parties de Saint-Domingue, les députés à l’assemblée coloniale de la même ville, les citoyens du Gap, ceux de la Croix-des-Bouquets, et toutes les paroisses qui étaient restées attachées à vos décrets, ceux de Port-au-Prince, et les autres citoyens qui avaient agi dans les mêmes principes, et qui avaient mérité d’être remerciés, au nom de la nation par l’Assemblée nationale, vous les avez vus solliciter de votre auguste Assemblée l’effet de la promesse qu’elle avait faite aux colonies, de l’établissement prochain des lois les plus propres à assurer leur prospérité, et l’effet de la ferme volonté qu’elle avait manifestée dans son décret du 12 octobre 1790, d’établir comme article constitutionnel dans leur organisation, qu’aucune loi sur l’état des personnes ne serait décrétée pour les colonies, que sur la demande précise et formelle de leurs assemblées coloniales. Forts des éloges que leur dévouement à la mère patrie leur avait mérités, ils demandaient l'initiative sur le régime intérieur, dont l’état des personnes est la première et la plus importante partie. « Presque toutes les villes maritimes de France, la majeure partie des villes manufacturières et leurs députés extraordinaires adressèrent alors leuropi-nion : toutes se réunissaient sur la pétition des députés des colonies, en l’appuyant, comme la seule mesure capable de rendre la paix. Cette unanimité dans le commerce fut hautement calomniée. Elle n’était, selon quelques orateurs, que l’effet d’une coalition enfantée par l’intérêt individuel des commerçants, comme si cet intérêt individuel réuni n’était pas celui de la nation entière, comme si ces adresses n’eussent pas présenté aux législateurs des tableaux frappants et malheureusement trop vrais des résultats que l’opinion contraire devait avoir. « Nous ne vous les retracerons pas, Messieurs, ces tableaux; nous vous rappelons avec douleur qu’ils furent mal accueillis. Les prestiges d’une fausse philosophie l’emportèrent sur les conseils