£62 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 décembre 1789. ses qu’entraîne cette habitude, et que souvent le prêt des compagnies y est consommé. Je n’ai Jamais compris qu’une composition aussi vicieuse, détruite depuis longtemps dans les militaires où on s’est occupé à établir l’ordre, ait pu substituer si longtemps parmi nous ! La France aura encore dans sa composition militaire un nombre proportionnel d’officiers bien plus nombreux que celui des Autrichiens et même des Prussiens; les premiers n’ont qu’un officier sur soixante hommes, et les derniers un par cinquante. Pour sentir la nécessité d’établir cette base fondamentale, il ne faut que réfléchir à la difficulté qu’apportent dans les subsistances les équipages des officiers. J’ai vu les armées françaises égaler sur ce point, par ces embarras, les armées turques, et compter à peine au nombre de ses combattants la moitié des bouches qu’elles avaient à nourrir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. FRÉTEAU DE SAINT-JUST. Séance du lundi 14 décembre 1789 (1). M. le baron de Menou, l'un de MM. les secrétaires, r, fait lecture du procès-verbal du samedi précédent, et lit les adresses suivantes : Adresse de félicitations, remerciements et adhésion du comité permanent de la ville de Mont-de-Marsan, et des trente-deux paroisses qui composent sa banlieue. Adresse du même genre des citoyens de la ville de la Ferté-Milon. Ils demandent une assemblée de district, et le rétablissement de leur ancien bailliage. Adresse du même genre de la ville de Nogent-sur-Seine; elle conjure l’Assemblée nationale de mettre à fin ses glorieux travaux ; elle demande d’être un chef-lieu de district, et que la ville de Provins soit le chef-lieu d’un département. Adresse du même genre de la ville de Salies en Béarn ; elle adhère notamment au décret qui détermine le sacrifice patriotique du quart du revenu; elle offre d’en faire verser le produit, ainsi que celui des impositions ordinaires, directement au Trésor royal. Adresse du même genre du comité permanent de la ville de Saint-Nicolas-de-la-Grave; il fait part des mesures qu’il a prises pour arrêter l’exploitation du Lillot, situé dans son territoire, possédé par le chapitre de Moissac. Délibération du même genre de la ville de Vannes en Bretagne; elle supplie l’Assemblée de prier Sa Majesté de réitérer ses ordres au parlement de Rennes d’enregistrer purement et simplement, et sans délai, tous les décrets acceptés ou sanctionnés, et notamment celui qui proroge les vacances du parlement; elle supplie aussi l’Assemblée de ne plus user de clémence envers les parlements, corps et corporations qui se rendraient coupables de désobéissance envers l'Assemblée nationale. Adresse du même genre de la ville de Grand-Pré; elle fait part des mesures qu’elle a prises pour veiller à la conversation des bois de l’abbaye de Saint-Remy de Reims, qui commençaient à être exploités. Adresse du même genre de la ville de Beaujeu en Beaujolais; elle demande d'être un chef-lieu de district et le siège d’une justice royale. Adresse du même genre du comité delà ville deNéelle; il a arrêté par acclamation que tous les membres qui le composent feront le don patriotique de leurs boucles d’argent, et que tous les habitants seront invités à faire le même sacrifice. Adresse du même genre de la ville de Bellegarde en Auvergne; elle demande une justice royale. Adresse du même genre du commandant et des officiers de la garde nationale du Château-Cam-brésis; ils demandent les armes nécessaires. Délibération du même genre de la communauté de Suze. Il n’est aucun citoyen qui ne soit prêt à sacrifier sa fortune et sa vie pour le salut de l’Etat. Délibération du même genre des communautés de Ghâteau-Villain, Quinsonnas, et leur mandement; elles font le don patriotique d’une rente annuelle de 93 livres 1 sol, qui leur est due sur les Etats du Roi. Adresse du même genre du comité et de la municipalité réunis de la ville d’Angoulême; iis réclament contre la contribution en remplacement de corvée, que le commissaire départi se propose de continuer sur l’élection de cette ville. Adresse du même genre de la municipalité et du comité de la ville de Couches; ils supplient l’Assemblée nationale de perfectionner le grand œuvre qu’elle a si glorieusement commencé, et de compter sur toutes leurs facultés morales et physiques pour correspondre à l’exécution de ses décrets et aux vues bienfaisantes du plus juste des monarques. Adresse du même genre de la ville de Ques-temberg en Bretagne; elle demande d’être le chef-lieu d’un district et le siège d’une justice royale. Adresse des officiers de l’élection de Tours, qui présentent à l’Assemblée nationale l’hommage d’une délibération par laquelle ils ont arrêté de rendre la justice gratuitement, et qu’ils apporteront d’autant plus de zèle dans l’exercice de leurs fonctions, qu’il est urgent de venir au secours de l’Etat, et de faciliter l’exécution des décrets relatifs aux impositions. Adresse de vingt communautés du Dauphiné et du Vivarais, dont les forces militaires se portent à 12,650 citoyens soldats disciplinés, qui, réunis dans la plaine d’Etoile en Dauphiné, ont fait le serment, avec toute la solennité possible, de rester à jamais unis pour combattre les ennemis de la patrie et tous ceux qui oseraient se permettre d’éluder ou d’attaquer les décrets de l’Assemblée nationale. Cet acte fédératif renferme l’abnégation de la division ancienne de territoire par province, l’adhésion à la nouvelle, et l’obligation de favoriser la libre circulation des subsistances dont ils ont déjà ressenti les heureux effets. Adresse du comité municipal et permanent de la ville de Craon et de la milice nationale de cette ville, qui exposent que trois membres de l’ancienne municipalité ont formé opposition contre le vœu exprès de la commune à ce que les titres relatifs à la confection des rôles, suivant la forme indiquée par les décrets de l’Assemblée nationale, leur fussent remis. Ils demandent, attendu que cette confection est urgente, que l’Assemblée maintienne spécialement le comité municipal de cette ville dans l’exercice pro-(1) Cette séance est incomplète an Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 décembre 1789.] 563 visoire des fonctions municipales, en exécution du décret du 2 de ce mois; et demandent qu’en conséquence il soit fait défense aux sieurs Pan-netier, Halligon et Saget, qui se disent former la municipalité de cette ville, de troubler le comité dans ses fonctions, et surtout dans la confection des rôles des impositions à répartir dans ce moment : l’Assemblée a renvoyé cette pétition au pouvoir exécutif Adresse des officiers de justice seigneuriale, magistrat, municipalité, curé et notables de la ville d’Altkircb en Haute-Alsace, et des syndics des quarante-quatre communautéscirconvoisines ; ils expriment leurs respects pour l’Assemblée nationale, leur adhésion à tous ses décrets, et demandent une justice royale. Le commandant pour le Roi, dans la Haute-Alsace, adhère à leurs pétitions. Adresse de la commission intermédiaire de Champagne, qui déclare que les nouveaux rôles d’imposition n’étant pas encore faits, il lui paraît de toute justice de ne pas accorder aujourd’hui plus de faveur aux anciens taillables qu’aux privilégiés; que beaucoup de ces anciens taillables habitent les villes ou même d’autres provinces, et que le déficit de taille de propriété qu’ils devraient dans la situation de leurs biens, deviendrait une surcharge et pour le privilégié et pour le pauvre; qu’il est d’autant plus dangereux de mécontenter ces deux classes, que le peuple ne veut point permettre que l’assiette de l’impôt se fasse autrement que sur Puniversalilé des terres du territoire de chaque communauté; qu’il est cependant instant d’assurer les recouvrements arriérés depuis trois mois dans une province qui paye 22 millions. M. Dubois de Crancé propose, à cette occasion, un projet de décret tendant à ce que les ci-devant taiiliables de la Champagne soient assujettis aux mêmes formes et modes de répartition pour 1790, que les ci-devant privilégiés. — La question est ajournée à demain au soir. M. le président annonce une lettre de M. de Beauveau qui accompagne un mémoire adressé à l’Assemblée nationale par M. de Bournissac, prévôt général de Provence. Ce mémoire qui contient des détails relatifs à l’affaire de Marseille est renvoyé au comité des rapports. Les pouvoirs donnés à M. Barrère de Vieuzac par le pays de Bustaing (ce pays avait été omis dans les convocations du mois de mars de cette année, pour députer aux Etats généraux), ont été vérifiés et trouvés en bonne forme. Des députés du district des filles Saint-Thomas apportent un don patriotique. L’Assemblée leur accorde la séance. L’Assemblée passe à son ordre du jour relatif au décret d'ensemble sur l'organisation des municipalités. M. Thouret. Votre comité de constitution s’est occupé deux de objets : 1° de classer les différents décrets relatifs aux municipalités suivant l’ordre des idées et la série qu’ils doivent avoir dans la pratique ; 2° de donner des instructions nécessaires pour lever les doutes qu'aurait pu entraîner la mise à exécution de vos décrets. Nous les avons tous rassemblés sous le même point de vue, quoiqu’ils ne soient pas de la même nature, car on ne peut se dissimuler que les uns sont constitutionnels et les autres réglementaires. Nous avons cru, vu l’urgence de procéder à la formation des municipalités, ne pas devoir les séparer, sauf à l’Assemblée à charger son comité, de faire le triage des articles qui doivent entrer dans le code constitutionnel d’avec ceux qui ne sont que réglementaires et de les présenter à son jugement dans un autre moment. M. Thouret, après avoir donné lecture des articles propose le décret suivant: « Tous les articles ci-dessus seront publiés pour servir à la prochaine formation des municipalités; mais le comité de constitution fera la distinction des articles qui doivent entrer dans le code constitutionnel, de ceux qui sont simplement réglementaires, et fera le rapport de ce travail à l’Assemblée ». M. Pison du Galand. C’est l’Assemblée nationale qui doit faire la distinction des articles constitutionnels et non le comité de constitution. M. de Bousmard. Après les mots : seront publiés, il faut ajouter ceux-ci: après avoir été sanctionnés ou acceptés par le Roi. M. Target. Je propose d’ajourner l’article présen té par M. Thouret, et de porter indistinctement à l’acceptation du Roi tous les décrets sur les municipalités. M. Démeunier. Je demande que vous insériez dans votre décret l’article concernant l’incompatibilité des gardes nationales avec les fonctions des municipalités. M. Malouet propose deux nouveaux articles relatifs aux fonctions et à l’étendue du pouvoir des municipalités. — Ils sont ajournés. M. de Lachèze, revenant à l’article proposé par. M. Thouret, propose de dire que les décrets sur les municipalités seront à la fois sanctionnés et acceptés. La question préalable est invoquée. La première épreuve sur cette question parait douteuse à une partie de l’Assemblée. On fait une deuxième épreuve. Une grande majorité est pour qu’il n’y ait pas lieu à délibérer. M. le Président prononce le décret. La même partie de l’Assemblée pense qu’il y a du doute, et demande l’appel nominal. MM. Madier de Afonjau, l’abbé de Bon-neval. de Colbert-Seignelay, évêque de Rodez, le marquis de Fumel-Montségur etc., sont d’avis qu’il n’y a pas de doute. L’auteur de l’amendement et les membres qui l’ont appuyé expriment le même sentiment. M. le Président met aux voix la auestion de savoir fi tous les articles, soit constitutionnels, soit réglementaires, seront indistinctement portés à l’acceptation du Roi. Une très-grande majorité est pour l’affirmative. (Les galeries manifestent leurs sentiments par des applaudissements réitérés.) M. le vicomte de Mirabeau, avec toute la latitude de ses vastes poumons. Huissiers, faites votre devoir et faites faire silence dans les galeries. — Puis s’adressant à M. le président, il l’apostrophe hautement et l’accuse d’avoir mis aux