[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mai 1790.) J591 du véritable esprit de vos décrets, ils ont cru que leur zèle ne devait pas se renfermer dans la limite de la ville qu’ils habitent, et que partout où il y avait des opprimés, ils doivent chercher à en être les libérateurs {Vifs applaudissements.) « Tous les volontaires de la garde nationale voulaient voler au secours de leurs malheureux frères; tous, Messieurs, nous pressaient également de les laisser partir et ceux qui sont privés, par la loi du sort, du bonheur d’aller déployer leur patriotisme, gémissent de se voir réduits à ne former que des vœux pour le maintien de la Constitution et pour la félicité de ceux qui la respectent. « La prudence, Messieurs, guidera la marche de ceux qui vont au secours de ces Français malheureux; mais ils ne croient pas que notre approbation doive leur suffire, c’est la vôtre, Messieurs, qui peut' seule leur persuader qu’ils feront bien en suivant l’impulsion de leur courage et de leur patriotisme. A Moissac, à quatre lieues de Montauban, ils attendent vos ordres et n’agiront que d’après votre volonté qu’ils vous supplient de leur faire connaître ( Nouveaux applaudissements dans la salle et dans les tribunes) . « Nous nous estimerons heureux si notre conduite peut mériter votre suffrage qui sera toujours la plus flatteuse récompense de nos travaux. « Nous sommes avec un profond respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. « Le maire et les officiers municipaux de la ville de Bordeaux. « Signé : Basseterre, secrétaire-greffier. » Lettre de la garde nationale. « Bordeaux, ce 17 mai 1790. « Nosseigneurs, « Instruits par la clameur publique, qu’une division cruelle s’est élevée à Montauban entre la municipalité et les vrais amis de la Constitution ; « Que les suites de cette division ont produit une lutte sanglante où les généreux défenseurs de vos décrets ont eu le malheur de succomber; « Que plusieurs d’entre eux, victimes de leur attachement aux bons principes, ont péri sous les coups de leurs concitoyens ; que d’autres, couverts d’opprobre et d’ignominie, ont été jetés dans les cachots : nous n’avons pu douter, un seul instant, que d’aussi grands malheurs n'excitassent votre vive sollicitude. Pressés même par le serment qui nous lie au maintien de la Constitution, par l’union et la fraternité qui nous attachent à la garde nationale de cette ville affligée, nous avons cru remplir ce double devoir en prenant d’avance les plus sages mesures pour donner à nos frères les secours qu’ils ont droit d’attendre de nous et pour assurer, autant qu’il sera possible, l’exécution de vos décrets et le rétablissement de l’ordre et de la tranquillité publique. « C’est dans ces vues que nous avons unanimement délibéré de partir au nombre de 1,500 hommes. Mais notre inviolable respect pour la loi nous a fait subordonner bette résolution à le réquisition de nos officiers municipaux. « Combien ils se sont honorés, aux yeux de la cité entière en applaudissant de tout leur cœur, aux sentiments qui nous animent, en s’empressant de pourvoir aux frais de notre marche patriotique, pour en accélérer le succès. Cet heureux concert, entre les organes de la loi et ses défenseurs, sera pour nous, Nosseigneurs, le plus sûr garant de votre approbation. « En vain les coupables auteurs de ces désordres, que votre sagesse se hâtera de réprimer, emploieront-ils auprès de vous les ressources des lâches: l’imposture et la calomnie ; en vain affecteront-ils le langage spécieux de l’innocence persécutée 1 Vous n’oublierez pas qu’ils ont fait mourir une partie de leurs compatriotes et qu’ils tiennent encore l’autre dans les fers; vous saurez prévoir les nouveaux excès qui pourraient résulter de leur impunité 1 Ah! si leurs forces répondaient à leur rage, nous perdrions hientôt la liberté que vous nous avez donnée et l’espoir de jouir du bonheur que vous nous préparez. « Pardonnez, Nosseigneurs, si nos expressions se ressentent de la douleur et de l’indignation qui agitent nos âmes; nous vous écrivons à l’ombre de nos drapeaux déjà déployés. Ils deviennent communs à nos braves camarades de Champagne; réunis à eux et jaloux de vous donner une preuve éclatante de notre zèle et de notre soumission, nous nous efforcerons de contenir, dans une sage limite, l’ardeur qui nous fait mouvoir : rendus à Moissac, à la distance de quatre lieues de Montauban, nous y attendrons dans la plus respectueuse inaction les ordres que nous vous supplions de nous transmettre : nous jurons, une seconde fois, dans vos mains, de verser jusqu’à la dernière goutte de notre sang pour en maintenir l’exécution. « Nous sommes avec respect, Nosseigneurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. » La garde nationale bordelaise; « Signé: le duc de Duras, président du conseil. « Par nous, secrétaire du conseil, Dizouàrd. » M. Paul Halrac, après cette lecture, ajoute : Je suis convaincu, Messieurs, qu’aucune de ces précautions ne sera démentie, lorsque l’intérêt de la patrie l’exigera ; vous trouverez toujours des légions bordelaises prêtes à déconcerter les ennemis de la liberté. Je vais vous proposer un décret qui renferme tout à la fois, et les mesures nécessaires pour arrêter le désordre, et les témoignages de satisfaction qu’ont droit d’attendre de l’Assemblée nationale les volontaires de Bordeaux. « L’Assemblée nationale, instruite par des lettres qui lui ont été directement adressées, qu’un détachement de 1,500 hommes de la garde nationale de Bordeaux, s’est transporté dans la ville de Moissac, à l’effet de rétablir le calme dans celle de Montauban, approuve le zèle de ladite municipalité et de la garde nationale et l’attachement qu’ils ont témoigné aux décrets de l’Assemblée acceptés ou sanctionnés par le roi ; décrète que son président sera chargé d’écrire au maire et officiers municipaux de la ville de Bordeaux, ainsi qu’au détachement de 1,500 hommes envoyés à Moissac pour le maintien de l’ordre, et de leur témoigner la satisfaction de l’Assemblée nationale, sur leur patriotisme, leur générosité et leur zèle à défendre les décrets constitutionnels ; décrète, en outre, que son président enverra audit détachement une expédition du décret du 17 de ce mois, pour le rétablissement de l’ordre dans la ville de Montauban, et qu’il se retirera par devers le roi pour le supplier