30 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE le triomphe de la raison, une éducation publique basée sur les mœurs et les vertus républicaines, enfin l’affranchissement des hommes de couleur tels sont vos titres immortels à notre reconnaissance. Quant à nos vœux les voici, que la Convention reste à son poste, jusqu’à ce que les despotes coalisés soient entièrement vaincus, point de paix,, point de trêve avec eux ; il n’en peut exister d’autres entre les hommes libres et les tyrans et leurs esclaves, que le triomphe complet de la Liberté et la destruction totale de la tyrannie. Glorieuse Montagne, demeure immuable comme tu l’as toujours été et la Liberté placée sur ta cime verra se briser à ses pieds les spectres et les talismans du despotisme et de la superstition, ces deux oppresseurs du genre humain. Citoyens Législateurs, s’il nous est permis maintenant de vous parler de nous ; nous vous dirons que les citoyens du district de Marennes, constamment attachés aux vrais principes, ont toujours été au pas révolutionnaire ; lorsque la Vendée se révolta, nous nous levâmes en masse pour la réduire, et nous avions contribué à étouffer dès le commencement cette guerre désastreuse, sans la lâcheté et la perfidie de Marcé, L. de Biron, dont la guillotine républicaine nous a depuis fait justice. A peine le signal a-t-il été donné que nous avons abattu les idoles et brûlé les hochets du fanatisme, l’argenterie de nos églises a grossi le trésor public, le cuivre et le fer ont été portés aux fonderies et convertis en armes, ils nous serviront bientôt à combattre la superstition avec nos propres dépouilles. Le préjugé, l’horreur nous avaient divisés en deux partis, l’un dit catholique, l’autre dit protestant. La Raison et la vérité nous ont réunis, nous sommes tous frères, tous français, nous n’avons qu’un seul Temple, nous l’avons consacré à la Liberté. Cette divinité tutélaire défendra nos droits, les vaines idoles des prêtres nous les avaient ravis. Tremblez tyrans, tremblez anglois perfides, notre beffroi qui vous servoit de balise n’est plus couvert par l’instrument de la superstition. La croix a été remplacée par une pique surmontée du bonnet de la Liberté. Ce signe terrible pour vous, vous écartera de nos côtes jusqu’au moment où réunis à nos frères, nous irons porter chez vous la Liberté ou la mort. Déjà nous apprêtons la foudre qui va vous anéantir, chaque citoyen est devenu un fabricateur de salpêtre, chaque maison un atelier où se forgent des armes. Nouveaux titans, nous n’entasserons pas Montagne sur Montagne, pour vaincre des dieux imaginaires, mais protégés par celle qui déclara nos droits nous traverserons la mer, et irons s’il le faut au bout du monde pour terrasser les tyrans, détruire les trônes, briser les sceptres, anéantir le fanatisme, et assurer à jamais le triomphe de la Liberté, de l’Egalité, et de la Raison. Vive la République, vive la Montagne. » (1). 60 Le bataillon marseillais du 10 août se plaint, dans une adresse, des actes arbitraires des real C 295, pl. 988, p. 15. présentants du peuple, qui leur ont fait enlever leurs armes encore teintes du sang des fédéralistes ; ce que les tyrans, les Cobourg et les Pitt n’auroient osé tenter, vos délégués l’ont fait, parce qu’ils nous ont parlé au nom de la loi et de cette sainte montagne pour laquelle nous sacrifierons nos vies (1) . L’ORATEUR. Représentans du peuple, vos délégués dans les départements méridionaux, dans l’imprudent exercice du pouvoir arbitraire qu’ils s’étoient arrogé, n’ont pas craint de nous désarmer, et ont choisi, pour consommer cet acte d’oppression, le moment où nous étions ensevelis dans le plus profond sommeil et dans le silence de la nuit. Tous nos frères, c’est-à-dire la section 11 ; tous les membres de la société populaire, tous les républicains (car il n’y en avoit pas d’autres armés dans cette commune) ont éprouvé le même sort que nous, dans le même instant et à la même heure. Nous avons fait à ce sujet des adresses et des députations à vos collègues ; les unes n’ont pas été écoutées ; et lorsque les autres ont reçu la faveur d’être admises, elles l’on été avec dédain. On n’a répondu à nos prières que par de nouveaux outrages, en incarcérant nos meilleurs citoyens et en les traduisant au tribunal révolutionnaire de Paris ; en un mot, sans faire la moindre attention à nos services, à notre amour pour la République, à notre attachement pour vous, dont nous avons donné tant de preuves: il ne nous est trop longtemps resté que le doute affligeant de savoir si vous avez manqué de volonté pour mettre un terme aux maux qui nous ont accablés et accablent encore. Quels sont nos crimes pour avoir essuyé un aussi vil châtiment ? ou, si vos collègues nous en supposent, quelle autre preuve en fourniront-ils, que leur imputation ? N’avons-nous pas fait de ces armes et dans tous les temps, l’usage le plus juste et le plus utile à la Patrie ? A l’époque où les sections se réunirent à Marseille ; nos drapeaux nous furent enlevés par surprise par le soi-disant comité général des sections, mais une poignée de nos camarades fit aussitôt un rempart de son corps à nos drapeaux Les braves amis, sans autres armes que leurs bras, eurent le courage d’enlever les trophées aux rebelles ; et quoique ces derniers eussent sans cesse huit mille satellites armés à leurs ordres, nous ne craignîmes pas de célébrer cette nouvelle victoire par un triomphe éclatant et de purifier avec des parfums l’autel de la Patrie, tous les lieux que les fédéralistes avoient soufflés de leur présence, tout ce qu’ils avoient pollué de leurs mains ! Quel fut le prix de notre zèle ? Les fers, les cachots, le dernier des supplices que subirent plusieurs de nos camarades ! Nous n’étions que cent trente, tous pères de famille ; tous les autres de nos frères, nos meilleurs citoyens, étaient fugitifs, incarcérés ou aux frontières ; nos ennemis avoient préparé, attendu et choisi ce moment pour opérer la contre-révolution. Représentans, la République ne pourra jamais croire que nous ayons été couverts d’un pareil opprobre ; et vos délégués dans les départements (1) P.V., XXXIII, 428. Btn, 15 vent.; J. Lois, n° 522. SÉANCE DU 13 VENTÔSE AN H (3 MARS 1794) - Nos 61 A 63 31 méridionaux, ne pourront jamais s’excuser , de nous avoir avilis à un tel point, parce qu’il n’est aucun républicain qui puisse croire que nous avons mérité ce traitement. Quoi ! on nous a ôté les armes que nous avons gagnées en répandant notre sang à grands flots pour l’affermissement de la Liberté ! nos corps sont couverts de cicatrices pour les avoir arrachées aux janissaires du tyran, qui en avoit armé les bourreaux du peuple. L’aspect de ces armes, le seul ornement de nos chaumières, étoit l’effroi des traîtres, l’orgueil de nos enfans, de nos neveux, de nos concitoyens ; en leur inspirant l’horreur des despotes, elles leur apprenoient à chaque instant du jour, d’imiter notre exemple, et de savoir braver la mort, pour délivrer la terre du premier qui oseroit s’élever au-dessus de ses semblables ! Quoi ! nos armes encore teintes du sang des fédéralistes, que nous avons immolés, aidés par nos frères de la section 11, nous ont été arrachées ! , Liberté ! Liberté ! Les armes ne sont redoutables qu’aux despotes ! Pitt et Cobourg ont fait de vains efforts pour nous les ravir... Barras et Fréron nous les ont ôtées !... Nous avions pensé jusqu’à cet instant que Pitt et Cobourg, ligués avec tous les rois, et tous les esclaves de la terre, étoient les seuls capables d’une entreprise aussi téméraire, et cependant vos collègues, qui se disent les amis de la Liberté et de l’Egalité, n’ont pas craint d’exécuter en un moment ce que les despotes les plus absolus n’eussent pas ôsé tenter ! Représentans ! et vous tous citoyens de la République, ne nous accusez point de foiblesse, ou de tout autre motif aussi indigne, parce que nous avons supporté un pareil outrage ! Si nous l’avons souffert c’est par vénération pour nos représentans, c’est par respect pour la loi, et par amour pour le peuple ! Si nous l’avons souffert, c’est parce que l’ordre de rendre nos armes nous a été donné au nom de la Montagne ! Avec ce mot sacré et cher à nos cœurs, nous eussions encore sacrifié nos vies. Tels sont les motifs qui nous ont défendu d’opposer la résistance à l’oppression. Représentans ! nous réclamons votre justice ; elle sera aussi publique que l’opprobe qui nous avilit et nous déshonore aux yeux de toute la République. Le premier acte que vous ferez de votre justice, sera sans doute d’ordonner que nos armes nous soient rendues. Les représentans d’un peuple libre ne protégeront pas un pouvoir arbitraire que rien n’a pu contenir.» (1). Mention honorable, insertion au bulletin. Sur la demande de GRANET, la Convention décrète (2) le renvoi au comité de salut public pour en faire un prompt rapport. 61 La municipalité et la société populaire de la commune de Gidy, district d’Orléans, annoncent qu’elles ont déposé sur l’autel de la pa-(1) Bin, 15 vent. (2) F.S.P., n° 244. trie l’argenterie de leur église, donné une paire de draps pour les défenseurs de la liberté, et demandé que leur ci-devant église leur soit accordée pour servir de lieu d’assemblée, et qu’il n’y ait plus de culte salarié par le trésor public ; elles finissent par inviter la Convention nationale à rester à son poste jusqu’à la paix. Mention honorable, insertion du bulletin (1) . 62 Le ministre de l’intérieur adresse à la Convention nationale l’extrait des registres du Conseil exécutif provisoire, du 12 frimaire dernier, qui contient l’arrêté pris par ledit Conseil exécutif, relativement à une vente sous seing privé, faite par Marie Vichy, demeurant à Mon-taux, en faveur de Claude Noailly, négociant, maître de la poste aux chevaux. Renvoi au comité de législation (2) . 63 Un membre [MILLARD] fait une motion d’ordre, et présente un projet de décret pour éviter des erreurs préjudiciables aux intérêts de la République dans la vente des biens des émigrés (3) . MILLARD, par une motion d’ordre. Citoyens, Très souvent d’avides intéressés, des ennemis, surprennent, par de faux exposés, des décrets ruineux pour la République, et qui deviendront entre leurs mains une arme bien cruelle, si nous ne nous hâtons de réprimer ce grand abus. La malveillance et la cupidité se sont constamment accordées et s’accorderont jusqu’à leur entier anéantissement, pour nuire aux progrès de notre révolution Leurs moyens sont communs. Leur coupe-t-on une voie, elles en retrouvent mille autres obliques par lesquelles elles arrivent à leur but. Elles sont continuellement fixées sur leur objet unique, tandis que notre confiante sécurité nous fait souvent compromettre le nôtre, qui est le salut de la patrie. Une des bases fondamentales de la malveillance et de l’égoïsme, et qui coïncide parfaitement avec les vues de Pitt, vous le savez, citoyens, c’est le renversement de la fortune nationale. Chaque jour vous déjouez les manœuvres, et chaque jour en voit produire de nouvelles. Il s’en pratique une, entre autres, sur laquelle j’appelle votre attention la plus sévère. Des hommes guidés par leur intérêt autant que par leur incivisme, se sont fait passer des ventes à vil prix, par des ci-devant seigneurs, qui n’ont accédé que pour faire passer de l’argent aux émigrés, et ont émigré ensuite. Lorsque la loi a frappé ces scélérats, la République se trouve évincée des trois quarts de leurs biens par ces ventes clandestines, par la facilité qu’on trouve à éluder vos lois, et à surprendre votre bonne foi. La pétition des administrateurs du département (1) P.V., XXXIH, 429. Bin, 13 vent., 14 vent., 18 vent. (1er et 2* suppl‘“); J. Sablier, n° 1175. (2) P.V., XXXIII, 429. Voir ci-après, n» 63 et Arch. pari, LXXXTV, 583, n° 57. (3) P.V., XXXm, 430. Voir ci-dessus, n° 62.