[Assemblée QiüoMia.1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 mai CT9Î.J ÔS8 peuvent être ordonnées, provoquées et autorisées que pour les objets d’administration purement municipale qui regardent les intérêts propres de lancommune. Toutes convocations et délibérations des communes et des sections, sur d’autres objets, sont nui les et inconstitutionnelles. < Art. 9. Dans la ville de Paris, comme dans toutes les autres villes et municipalités du royaume, les citoyens actif* qui, en se conformant aux règles prescrites par les lois, demanderont le rassemblement delà commune ou de leur section, seront tenus de former leur demande par un écrit signé d'eux, et dans lequel sera déterminé d’une manière précise l’objet d’intérét municipal qu’ils veulent soumettre à, la délibération de la commune ou de leur section ; et, à défaut de cet écrit, le1 corps municipal ou le président d’une section ne pourront convoquer la section ou la commune. « Art. 10. La commune, ni aucune des sections, ne pourront délibérer sur aucun objet autre que celui contenu dans l’écrit d’après lequel leur rassemblement aura été ordonné. « Art. 11. Les délibérations des communes ou des sections de commune, rassemblées conformément à loi, seront regardées comme nulles et non avenues, si le procès-verbal ne fait pas mention du nombre des votants. « Art. 12. Dans les villes où la commune se réunit par sections, les assemblées des sections pourront nommer des commissaires pour se rendre à la maison commune, et y comparer et constater les résultats des délibérations prises dans chaque section, sans que les commissaires puissent prendre aucune délibération, ni changer sous aucun rapport le résultat de celles prises par chacune des sections. « Art. 13. Si les sections ne se sont pas accordées sur les objeis soumis à leur délibération, les commissaires réduiront la proposition sur laquelle il y aura diversité d’opinions, de manière qu’elle puisse être délibérée par oui ou par non. La question sera dans cet état rapportée aux sections par leurs commissaires, et le dernier résultat sera déterminé par l’avis de la majorité des sections. « Art. 14. Dès que l’objet mis en délibération aura été terminé, les sections de commune ne Sourront plus rester assemblées, ni s’assembler e nouveau, jusqu’à. ce qu’un nouvel objetreiatif aux intérêts particuliers de la commune, et présenté dans les formes prescrites, amène une convocation nouvelle. « Art. 15. Toute délibération prise par les communes ou par leurs sections, sur d’autres objets que ceux dont l’espèce est déterminée, ou sons avoir observé les formes qui sont prescrites-par kk présente loi, seront déclarées nulles par les corps muoicipaux, ou à défaut,. par les direc-1- toires de département. « Art. 16. Le droit d’affiche au coin des rues et places publiques, et de publication à son de trompe et tambour, n’appartient qu’aux pouvoirs délégués par le peuple, savoir : au Corps législatif, au roi, aux administrateurs, aux officiers municipaux et aux tribunaux-, de justice. Aucune, section, aucune société, aucun citoyen, n’ont le droit do faire afficher, ou publier àson de trompe ou de tambour, leurs arrêtés, réflexions ou invitations.. « Art. 17. Ceux qui contreviendront à la disposition de L’article précédent seront, par voie ae police, condamnée à une amende de 100 li-vros, pour la payement de* laquelle seront solidairement poursuivis, et celui qui aura affiché-ou publié, et l’imprimeur, et le rédacteur de? l’affiche ou du billet de publication, san»préj«=~ dice de la poursuite de l’accusateur public, si l’affiche ou la publication contenait une pro� vocatiou de commettre des actes qualifiés délit» parlai loi, ou d’êmployer la violence pour détruire lès lois ou; attaquer lesrautorités constitutionnelles. « Art. 18; Nesont compris dans la présente loi, les avertissements et annonces pour les ventes de terre, maisons ou autres effets, ni en général toute» lesaf fiches qui sont de simples indications, et qui n’ont aucun caractère d’arrêtés ou délibérations ; tout citoyen pourra faire-faire les affiche» et publications de cette nature. » (L’ Assemblée décrète l’impression du: rapport de M. Le Chapelier et du projet de décret (l).) M. Pétion de Villeneuve (2). Messieurs, le projet de décret qui voua est soumis par votre) comité de Constitution et sur lequel vous êtes appelés à délibérer, mérite de fixer toute votre. attention, présenté aou& de» dehors très séduisants».. Un membre : Et très vrais. M. Pétion de Villoneave. ...il renferme des articles du plus grand danger que vous ne pouvez décréter sans le plus sérieux examen. M. le rapporteur a eu raison de vous dire qu’on ne manquerait pas de lui objecter que le droit de. pétition, ce droit qui est; si sacré, qui est un des remparts de notre liberté, un droit aussi simple n’avait pas besoin d’un projet de 18 articles pour l’établir. Jetons les veux_sur ce projet et examinons les différents articles qui présentent, des difficultés et des difficultés très sérieuses. Le premier article est celui peut-être qui vous: paraîtra le plus étrange, le plus contraire à tou» les droits, à la justice, à tous les principes, à Ih saine politique. Tous les citoyens ont droit de. pétition, dit-on, et sur-le-champ en prétendant se conformer à la Constitution que vous avez décrétée, on dit : par une conséquence nécessaire des principes que vous avez posés, vous ne. pouvez pas, vous ne devez pas accorder le droit de pétition aux citoyens qui ne sont pa» actifs. L’ôn s'appuie de l’autorité de vo» propres décrets, comme si le droit de pétition pouvait, s’assimiler aux droits politiques accordés à une classe exclusive de citoyens. Le droit de pétition n’est autre que celui de faire dea-représentations, que celui de formerutre demande en des formes légales. Est-il des citoyens qued’OD puisse empêcher de faire-des-représentation», de former une demande dfems dès formes légales ? Vous n’avez pa»cru devoir accorder à une classe-de citoyens le droit d î s'assembler avec les autres pour délibérer; mais, comme dit le comité iüi-même, il n’est pas question dè*déli-bérer, ni de détibérerd’tine' manière collective : i est question d’une demande; et on ne peut: trop favoriser lesj demandes légales, le» demandes constitutionnelle» de ce» citoven»' qm pourraient être-tentés de s’écarter despote. Je suppose par exemple que vous établissiez* (i; Le manuscrit d» ce: rapport n’a, pas été fourni à l’imprimeur. (Z) Ue discours dé M. Pétion n’a par été inséré an. ftinitenr. [Assemblée nationale.] ARCHIVEE PARLEMENTAIRES. [9 mai. 1791. ] 6I& un impôt sur les manufactures qui occasionnât une diminution du salaire de* ouvriers, pourquoi ne voudriez-vous pas que ces ouvriersass maniés aisiblement vous présentassent d s pétitions ? imeriez-vous mieux les forcer à, des actes de désobéissance qui pourraient être dangereux? Voudriez -vous les expos -r à. employer plutôt la violence? Si uoe loi augmentait la portion contributive nécessaire à la qualité de citoyen actif, pourquoi ne laisseriez-vous pas, aux. citoyens qui seraient sur le point d’entrer dans 1a classe des citoyens actifs, le droit de réclamer contre cette loi* injuste? Je ne conçois pas comment il peut exister des hommes, autres que des esclaves, qui ne {missent faire des représentations légales contre es lois qui les oppriment. Si. ces lois-sont oppressives pour cette classe d’hommes(iVurmures.), elles ne sont plus des lois.. ( Murmures .) Dans une société, quelle que soit son organisation, les citoyens ne peuvent pas être privés du droit de recourir légalement aux. législateurs. 11 ne faut pas dire que ces hommes ne sont pas citoyens : ils en portent le nom; ils sont domiciliés au milieu de vous, et si vous ne pouvez les dépouiller du droit de cité, comment pourriez-vous les dé-{ touiller du droit qui appartient naturellement à out homme, à un étranger même qui résiderait dans votre société, de former des pétitions. Monsieur le Président, on a très bien distingué dans cette tribune le droit de plainte, d'avec le droit de pétition, et ici je ne confonds pas ces deux droits. J’ai le droit de plainte, lorsque moi, individu, on m’a blessé dans-mon honneur ou dans ma fortune; mais j’ai le droit de pétition ur toute loi générale qui frappe sur li classe s citoyens. Je dis que le droit.de pétition n’a aucune espèce de rapport avec ce que vous avez précédemment statué sur l. s citoyens non actifs ; c’est une chose absolument étrangère, et une chose juste, que de faire des représentations. Maintenant je passe à un autre a ticle ; il y est dit : on ne reconnaîtra pour pétitionnaires que ceux qni ont signé; mais combien de citoyens ne savent pas signer? (Murmures.) Quoil dans les tribunaux, un homme aura l’exercice des droits civils, quoiqu'il ne sache pas signer, et un homme ne peut pas jouir de l’exercice de ses droits politiques, parce qu’il ne sait pas signer? X’e?t-il pas d s manières légales de constater qu’un homme ne le sait pas? Votre comité doit prévoir ce cas; car, par la manière dont il a conçu son article, il en résulterait qu’un homme qni ne sait pas signer, ne pourrait être ni pétitionnaire ni au rang des pétitionnaires. Or, je crois que votre comité est trop judicieux pour adopter une pareille mesure. La partie an projet de décret qui met une distinction entre des citoyens qui se réunissent individuellement pour faire une pétition, d'avec les municipalités et les corps administratifs qui feraient une pétition, mérite d’être sérieusement pesée. J’avoue que M. le rapporteur a donné des raisons qui sont dignes d’être prises en grande considération, et que mon opinion, à cet égard, n’est pas précisément formée. Messieurs, jusqu’à présent, les municipalités, les corps administratifs ont usé du droit de pétition. Ce droit e9t consacré en Angleterre. Les villes et les communes présentent des pétitions, je ne dis pas sur les intérêts particuliers des villes, maie sur les intérêts-généraux. Par exemple, lorsqu’une guerre est déclarée, il n’est pas rare de voir une quantité de pétitions qui arrivent au Parlement, dans lesquelles ou fait des représentations; et Démarquez que le refus de ce droit, énoncé ici pour les municipalités et le» corps administratifs, est à peu près illusoire. fin etfet, il est dit dans l’article 2 : » pourront, envoyer des instructions et des mémoires. » Or, touteates fois que vous accordez aux corps municipaux le droit de faire parvenir des mémoiees et instructions,, il importe fort peu quel nom voua donnerez parce que sous prétexte de mémoire, et d’instructions, vousn’empêcherez jamais les corps municipaux de vous présenter des obser-vations, sur ce qsi regarde l'intérêt général du royaume. De plus,, Messieurs, et voici L’inconvénient qui pourrait arriver : Gea corps ont un point de ralliement, et se trouvent réunis légalement, et si vous accordez le droit de pétition aux citoyens dispersés, i! arrivera que ces citoyens, faute de point deralliemeat, faute de communication suffisante, auront le droit de pétitiom dans les occasions les plus importantes, Au surplus, Messieurs, je fais ces observations*. mais sans présenter à cet égard aucun parti arrêté. Je dis que cet objet seul mérite d être considéré sous tous ses rapports, de manière que vous n’alliez pas dépouiller les municipalités des droits qu’elles exercent jusqu'l présent, des droits qu’exercent tous Ie3 citoyens. Je passe à ce qui est dit ded affiche. 11 en est des affiches comme de tous les écrits. On peut faire un bon ou un mauvais livre, de même aussi on peut mettre uue affiche qui pour-rait être utile, ou n’étre pas sans dauger; mais cela rentre absolument dans les principes généraux de la liberté, qu’il faut examiner avec beaucoup de soin. Il y a dans l’article 17 des dispositions que vous ne pouvez admettre. Voici cei article : « Ceux qui contreviendront à la disposition de l’article précédent seront, par voie de police, condamnés à une amende de 100 livres, pour le payement de laquelle seront solidairement poursuivis, et celui qui aura affiché ou publié, et l’imprimeur, et le lrédacteur de l’affiche ou du billet de publication: sans préjudice de la pour?* suite de l'accusateur pubhc, si l’affiche ou la. publication contenait une provocation de commettre des actes qualifiés délits par la loi, ou d’employer la violence pour détruire les lois QU attaquer les autoriiésconsiitutionnelles. > Selon le projet de votre comité, vous rendriez l’imprimeur responsable, et on le condamnerait à une amende de 100 livres. Mais un imprimeur aurait pu imprimer un avis sans pour cela prévoir que cet avis serait ou non affiché ; car on peut. afficher des écrits sous toutes les formes possibles» et sans que L'imprimeur puisæ même s’en douter, et prévoir l’usage qu’on en fera. L’imprir meur deviendrait responsable parce qu’il aurait plu à l’auteur de le faire afficher ; cette disposition n’e.-t pas raisonnable. Mais, Mes-ieurs, c’est la, fin de cet article qui parait être du plus grand danger. 11 y est dit : •< sans préjudice. des poursuites de l’accusateur public, contre les auteurs d’une affiche qui tendrait à troubler l’ordre puhlic et à attaquer les autorités-constitutionnelles ». Prenez bien gardequlen vous faisant poser isolément des principes» tout en vous disante la. presse doit être libre, on met en avant des-expressions avec lesquelleson viendra insensiblement au but qui est. nécessairement. amené par toutes les circonstances. Lafiade cet article rentca absolument 684 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 19 mai 1791.! dans un projet de loi qui vous a été présenté, il y a quelque temps, sur la liberté de la presse ; projet de loi qui, j’ose le dire, tout en annonçant cette liberté, la détruirait absolument; et c'est ainsi, Messieurs, que par un langage astucieux, on parvient à mettre à la liberté des limites que vous n’avez pas vous-mêmes envie de mettre. Je désire qu’on s’attache surtout au principe avant de prononcer; qu’on examine cette liberté qu’on dit devoir être illimitée, et qu’insensible-ment vous verrez très limitée si vous n’êtes en arde. C’est ainsi que dans un décret vous avez éjà dit que si des ecclésiastiques ou des citoyens réunis pour professer un culte dans une église, se permettaient des discours qui pourraient troubler l’ordre public, l’accusateur public pourrait sévir contre ces citoyens. Aujourd’hui, on exprime bien clairement que dans le cas où il y aurait dans un billet de? choses qui pourraient troubler l’ordre public, on pourra poursuivre l’auteur et l’imprimeur par la voie de l’accusateur. Bientôt on vous dira aussi ue, si dans un écrit quelconque il peut se trouver es maximes capables de troubler l’ordre public, l’auteur en sera poursuivi. ( Applaudissements à l'extrême gauche.) M. Ctombert. Oui! oui! C’est de la police. M. Pétion de Villeneuve. C’est ainsi que l’on parvient à détruire la liberté de la presse. Le principe tel qu’il vous est proposé parait juste ; mais c’est lorsqu’il est question de faire l’application de ce principe, c’est alors que chacun juge si l’écrit a pu troubler l’ordre public, et c’est alors que règne l’arbitraire. Or, voilà ce dont vrus ne pouvez irop vous défier. Qu’y a-t-il de plus arbitraire que de juger que telle ou telle maxime tend à troubler l’ordre publie. Je prie tous les membres de l’Assemblée d’éloigner de cette question tout intérêt personnel, tout sentiment particulier. Voici un fait qui mérite d’être connu. Les pièces de théâtre en Angleterre se trouvent soumises à la censure, et comment est-on parvenu en Angleterre à les y soumettre? Par le stratagème le plus insidieux du ministre le plus habile et en même temps le plus corrompu, Walpole. Walpole, journellement, dans les papiers publics, était livré à la censure; il avait présentée à 8 fois un bill au Parlement d’Angleterre, qui tendait surtout à faire censurer les pièces de théâtre. Le Parlement d’Angleterre rejeta constamment ce bill. Que fit Walpole? Il prit le plus fameux satirique du temps; il lui fit faire une pièce de théâtre dans laquelle lui, afin de n’être pas découvert, était exposé aux censures publiques; mais le Parlement d’Angleterre y fut surtout exposé à ses censures. La pièce eut beaucoup de succès. Le lendemain Walpole présenta le bill au Parlement d’Angleterre, et le bill passa aussitôt. ( Applaudissements .) Nous n’examinons pas assez notre position ; nous nous trouvons dans un moment d’orage et de crise et j’avoue qu’il y a des écrivains qui en abusent d’une manière bien étrange; mais des troubles nécessairement passagers peuvent-ils autoriser une loi éternellement injuste? Eh bien! Messieurs, il semblerait que nos lois devraient être calculées sur le moment actuel, tandis que l’état orJinaire de toute société est une position de calme et de tranquillité. Ou ne s’en aperçoit que trop. On profite habilement des circonstances où nous nous trouvons, et on cherche insensiblement à dépouiller les citoyens. Je vous le prédis, on veut mettre des limites à cette liberté delà presse. Je demande qu’on ait le temps de réfléchir et que la discussion soit ajournée jusqu’après l’impression du rapport. M. Robespierre (1). Si, en décrétant le droit de pétition, vous avez pensé accorder aux Français nn droit nouveau, vous vous êtes trompés. Le droit de pétition est le droit imprescriptible de tout homme en société. Il n’est autre chose que la faculté qui appartient à tout citoyen d’émettre son vœu et de demander à ceux qui peuvent subvenir à ses besoins ce qui lui est nécessaire. Les Français jouissaient de ce droit avant que vous fussiez assemblés; aucune loi ne l’avait limité, et le décret que vous rendriez poor mettre des bornes à ce droit serait la seule chose nouvelle que vous eussiez faite à cet égard. Ce n’est pas seulement chez les peuples libres que le droit de pétition est admis et qu’il est regardé comme sacré. Les despotes les plus absolus se sont fait un devoir de le conserver à ce qu’ils appelaient leurs sujets. Ils n’ont jamais osé leur contester formellement ce droit. Plusieurs se sont fait une gloire d’être accessibles et de rendre justice à tous. C’est ainsi que Frédéric le Grand appelait à lui toutes les plaintes que ses peuples avaient à lui présenter. Et vous, les législateurs, les représentants d’un peuple libre, vous oseriez contester à un seul de vos concitoyens le droit de vous adresser son vœu, ses observations, ses prières et ses demandes, sur ce qui lui paraîtra conforme à l’intérêt général auquel ils participent tousl D’après ce principe incontestable, comment peut-on faire à eet égard une distinction entre les citoyens actifs et les citoyens non actifs ? Je ne m’abaisserai point à répondre aux insinuations par lesquelles on a voulu discréditer d’avance mon opinion. Non certes, ce n’est pas pour excPer les citoyens à la révolte que je parle à cette tribune, c’est pour défendre le droit des hommes ; et je ne reconnais à personne le droit d’enchaîner mon opinion sur ce point, et si quelqu’un voulait m’accuser, je consentirais volontiers à mettre mes principes et ma conduite en parallèle avec les siens, et peut-être ne craindrais-je pas ce parallèle. Je déclare donc que je tiens encore à ces principes que j’ai défendus sans cesse dans cette tribune ; j’y tiens jusqu’à la mort, et nous serions réduits à une condition bien misérable, si l’on pouvait avec succès nous peindre comme des perturbateurs du repos public et comme les ennemis de l’ordre, parce que nous continuerons à défendre avec énergie les droits les plus sacrés dont nos commettants nous aient confié la défense; car nos commettants sont tous les Français, et je les défendrai tous, surtout les plus pauvres. ( Applaudissements .) Je pourrais peut-être dire à M. le rapporteur : Si vous reconnaissez le droit de plainte aux citoyens non actifs, pourquoi n’en pas faire mention dans votre projet de décret. Je pourrais encore lui proposer de rédiger l’article premier d’une manière conforme à ce qu’il a dit, et d’ajouter à cet article ces mots : et cependant les citoyens non actifs pourront adresser des plaintes, et voilà cependant le sens de son opi-(1) Le discours de M. Robespierre n'a pas etc inséré au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 mai 1791.] nion; et s'il osait la rédiger ainsi, n’exciterait-elle pas le rire et la pitié ? Qu’est-ce en effet que la plainte si ce n’est une demande, une pétition accompagnée de douleur, accompagnée d’une dénonciation, d’une lésion qu'on a soufferte? Ainsi donc cette distinction que M. le rapporteur fait entre une plainte et one pétition est absurde. Eh t Messieurs, le droit de pétition ne devrait-il pas être assuré d’une manière plus particulière aux citoyens non actifs? Plus un homme est faible et malheureux, plus il a de besoins. plu s les prières lui sont nécessaires. Et vous refuseriez d’accueillir les pétitions qui vous seraient présentées par la classe la plus pauvre des citoyens! Mais Dieu souffre bien les prières, Dieu accueille bien les vœux non seulement des plus malheureux des hommes, mais encore des plus coupables. Et qu’êtes-vous donc? N’êtes-vous point les protecteurs du pauvre, o’étes-vous oint les promulgateurs des lois du législateur ternel ? Oui, Messieurs, il n’y a de lois sages, de lois justes, que celles qui sont conformes aux lois de l'humanité, de la justice, de la nature, dictées par le législateur suprême. F.t si vous n’étes point les promulgateurs de ses lois, si vos sentiments ne sont point conformes à leurs principes, vous n’êtesplusles législateurs, vousêtesplutôt les oppresseurs des peuples. ( Applaudissements .) Je regarde donc qu’il n’est pas permis à l’Assemblée d’accorder exclusivement le droit de pétition aux citoyens actifs. Je crois même que l’Assemblée, à titre de législateurs et de représentants de la nation, est incompétente pour ôter aux citoyens ce droit imprescriptible de l’homme et du citoyen. (. Applaudissements .) Je passe au second vice essentiel que présente le projet du comité; c’est celui qui met des entraves de toute espèce à la manière d’exercer le droit de pétition collectivement. Une collection d’individus, comme un particulier, a le droit de pétition, et ce droit n’est point une usurpation de l’autorité politique; c’est le droit imprescriptible de tout être intelligent et sensible. Il n’a rien de commun avec les pouvoirs qui doivent être rigoureusement réservés à ceux qui en sont investis par le peuple. C’est au contraire un droit naturel, et je soutiens que, puis-3ue tout individu isolément a le droit de pétition, n’est pas possible que vous interdisiez, à une collection d’hommes, quelque titre, quelque nom qu’elle porte, que vous lui interdisiez, dis-je, la faculté d’émettre son vœu et de l’adresser à qui que ce puisse être. 11 suftit qu’une société ait une existence légitime, pour qu’elle ait le droit de pétition ; car, si elle a le droit d’exister reconnu par la loi, elle a le droit d’agir comme une collection d’êtres raisonnables, qui peuvent publier leur opinion commune et manifester leurs vœux. On nous parle sans cesse de désordres, on nous fait craindre les plus grands maux, si nous laissons aux sociétés le droit de pétition qu’elles ont exercé jusqu’à ce moment sans aucune contradiction; or, quels faits peut-on citer? Je sais bien que des pétitions ont été adressées par ces sociétés qui veillent sans cesse au maintien des lois et connues sous le nom des amis de la Constitution; qu’elles ont souvent présenté à l’Assemblée nationale des adresses remplies de bons principes qui pouvaient éclairer la sagesse du législateur et lui révéhr des faits importants pour le salut public. Je vois bien quels sont les avantages immenses que ces sociétés ont produits , mais les maux qu’elles ont faits, je ne les aperçois nulle part. 685 Et c'est dans ce moment qu’on veut paralyser ces sociétés, leur ôter le droit d’éclairer les législateurs. Je le demande à tout homme de bonne foi qui veut sincèrement le bien, mais qui ne cache pas sous un langage spécieux le dessein de miner la liberté; je demande si ce n’est pas chercher à troubler l'ordre public par des lois oppressives, et porter le coup le plus funeste à la liberté. Je pense donc que, quant au droit de pétition, il n’y a pas lieu a délibérer sur le projet du comité de Constitution. Des réflexions non moins frappantes pourraient vous être présentées sur le droit d’afticbe; mais je les réserve à un autre moment, daus le cas où la question préalable sur le projet du comité, que je vous prie de mettre aux voix, ne serait point adoptée. {Applaudissements.) M. le Président. L’ordre du jour de demain sera la suite de la discussion du droit de pétition. M. Pétion de Villeneuve. Mais, Monsieur le Président, j’ui fait la molion de l’ajournement jusqu’après l’impression du rapport. Elleest appuyée, je vous prie de la mettre aux voix. Plusieurs membres : La question préalable sur l’ajournement. M. Anthoine. Je demande si on a ordonné l'impression du rapport pour en faire une pièce de cabinet. Si l’on veut qu’il soit médité avant de délibérer, il faut bien ajourner. M. le Président. On a demandé la question préalable, je la mets aux voix. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’ajournement.) M. le Président indique l’ordre du jour de la semaine et lève la séance à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ. Séance du mardi 10 mai 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier qui est adopté. M. le Président. M. Priorcau fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage intitulé : Plan de géographie en relief. (Cet ouvrage est renvoyé au comité d’agriculture et de commerce.) M. le Président. M. Gauthier d’Autteville, prévôt général des maréchaussées du Dauphiné, adresse à l’Assemblée un Compte rendu au roi et à l’Assemblée nationale de for faits commis à l'ombre du civisme et de l'anarchie (2). (Cet ouvrage est renvoyé au comité militaire.) (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. (2) Voy. ce document aux annexes de la séance, p. 701 et suiv.