[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bazas. 20Q CAHIER DU TIERS-ÉTAT DE LA SÉNÉCHAUSSÉE DE BAZAS. Nota. Nous n’avons pu nous procurer encore le cahier du tiers-état de Bazas : nous l’insérerons lorsqu’il nous sera parvenu. CAHIER DES PLAINTES, DOLÉANCES ET RÉCLAMATIONS FORMÉES PAR L’ASSEMBLÉE DU TIERS-ÉTAT DE LA VILLE ET JURIDICTION DE LANGON (1). Le tiers-état de la ville et juridiction de Langon, régulièrement assemblé conformément aux ordres du Roi et de l’ordonnance de M. le grand sénéchal du Bazadois du 23 févrierdernier, charge ses représentants de porter au pied du trône les sentiments de la plus vive reconnaissance pour la bonté paternelle du Roi qui, entièrement occupé du bonheur de ses peuples, leur accorde la grâce de concourir au salut de l’Etat, à la gloire de son souverain et à la plus grande perfection de toutes les parties de l’administration; les exhorte à se pénétrer dans l’assemblée des Etats généraux de cet esprit de sagesse, de douceur et de mansuétude qui inspire l’amour de la patrie et qui, ne faisant de toute la nation qu’une seule famille, calmera les sollicitudes du souverain en opérant le bonheur de ses sujets. Lesdits députés aux Etats généraux sont priés de vouloir, pour le bon plaisir du Roi, y traiter dans l’ordre ci-dessus indiqué les articles suivants : Art. 1er. Le retour périodique des Etats généraux tous les cinq ans dans la meilleure forme qui pourra être reconnue par l’assemblée. Art. 2. Que les délibérations seront prises par ordres réunis, et les suffrages comptés par tête. Art. 3. Que les sujets du Roi ne puissent être emprisonnés ou détenus par aucun motif ou sous aucun prétexte, qu’en vertu des lois du royaume consenties aux Etats généraux et qu’aucun citoyen ne puisse être enlevé ou soustrait à la ju7 ridiction de ses juges naturels. Art. 4. Qu’aucune partie des propriétés des sujets du Roi ne puisse leur être enlevée par des impôts, s’ils n’ont été préalablement consentis dans l’assemblée des Etats généraux. Art. 5. Que Sa Majesté sera très-humblement suppliée de refuser à tous ministres, grands seigneurs, gens en place ou autre personne quelconque l’usage abusif des lettres de cachet qui sont communément employées à vexer les bons, assurer l’impunité aux méchants, éluder la justice des lois, et rendre l’autorité odieuse. Art. 6. L’abolition de toute commission particulière, évocation au conseil et renvoi devant les tribunaux ordinaires de toutes les causes civiles et criminelles qui sont ou peuvent être actuellement pendantes devant des juges de commission. Art. 7. Qu’aucune loi bursale, qu’aucun emprunt direct ni indirect ne puissent être établis sans l’autorité du prince et le consentement des représentants de la nation dûment enregistrés dans les cours supérieures du royaume, qui seront chargées spécialement d’y tenir la main et de poursuivre comme concussionnaires tous novateurs à cet égard. Art. 8. Que tous les impôts actuellement subsistants soient abolis. Art. 9. Autorisons nos représentants aux Etats (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. généraux de délibérer sur les subsides et de procéder à la création de nouveaux impôts, selon les besoins de l’Eiat, après avoir supplié Sa Majesté de leur faire communiquer le tableau exact et détaillé de ses finances et après avoir pris une connaissance approfondie du montant du déficit et de ses véritables causes, établir sous une forme plus claire, plus simple, d’une répartition plus égale et d’une perception plus facile et moins onéreuse tous les impôts qu’ils jugeront convenables pour rétablir l’équilibre dans les finances, assurer la tranquillité du monarque et le bonheur de la nation. Art. 10. Que les ministres, les tribunaux et aucun des sujets du monarque ne puissent violer les lois impunément. Art. il. Que les ministres du Roi soient à l’avenir responsables de l’emploi des sommes confiées à leurs départements. Art. 12. Que tout ministre accusé de prévarications ou abus d’autorité, pourra être cité au Parlement, les pairs y séant, pour que son procès lui soit fait. Art. 13. Qu’il soit accordé à la presse une liberté indéfinie, à la charge par l’imprimeur d’apposer son nom à tous les ouvrages et de répondre personnellement lui ou l’auteur de tout ce que ces écrits pourraient contenir de contraire à la religion, à l’ordre général, à l’honnêteté publique et à l’honneur des citoyens. Art. 14. Demander une meilleure forme pour l’instruction de la justice civile et criminelle, abréger les procès par des formes plus courtes, plus sagement établies, travailler à la réforme du droit français et du droit romain, en établissant des lois plus conformes aux temps, aux localités et aux mœurs. Art. 15. Demander la suppression de tous les privilèges exclusifs. Art. 16. Accorder au commerce la suppression de toutes les entraves, telles que les péages, les douanes intérieures, ainsi que tous les mêmes droits inconnus dont l’obscurité est impénétrable aux yeux les plus clairvoyants. Art. 17. Le tiers-étal désire qu’il plaise à Sa Majesté d’accorder aux Etats généraux du royaume, qu’il ne sera procédé à la création et établissement d’aucun impôt, qu’aprè3 avoir préalablement et définitivement réglé ou statué sur les objets ci-dessus énoncés, entendant que l’impôt ne pourra être établi pour un temps illimité, que le terme de l’octroi ne puisse excéder l’intervalle d’une assemblée d’Etats généraux à la suivante, et qu’il soit également et uniformément réparti sur tous les ordres du royaume sans distinction. Art. 18. Les abus inouïs qui se sontglissés dans l’impénétrable dédale du contrôle des actes, les extensions et interprétations arbitraires des ordonnances et du tarif suscitent les réclamations du tiers-état de concert avec toute la nation pour qu’il soit procédé, sous le bon plaisir du Roi, à des règlements clairs, positifs et précis qui ne laissent aucun moyen aux préposés de profiter de l’ignorance des redevables et de l’avidité des percepteurs. Art. 19. Les pays de taille réelle présentent des exemples d’égalité, d’uniformité de répartition des impôts qui pourraient servir de modèle au régime désiré par le tiers-état. Art. 20. Que toutes les provinces du royaume soient mises en pays d’Etats, conformément a ceux du Dauphiné, tant pour une plus exacte répartition des impôts, que pour une meilleure administration civile et politique ; cette demande est 270 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Séaéchaassée de Bazas. d’autant plus fondée pour la province de Guienne que c’était sa constitution primitive. Art. 21. Le cri de la justice, celui de l’humanité et le vœu général de la nation sollicitent instamment pour une plus égale distribution des biens ecclésiastiques; la modicité des revenus de la plu ¬ part des curés, surtout des congrués, qui sont les véritables pasteurs , les met dans la malheureuse impuissance de secourir la portion la plus indigente et la plus utile de la nation ; on pourrait faire verser dans leurs mains une partie des revenus. Les abbayes et les prieurés sont trop amplement dotés, possédés ordinairement par des gens peu utiles au service de la religion. Art. 22. Le tiers-état ne cessera de réclamer contre la multiplicité des droits grèveux, dont a joui jusqu’à présent la noblesse, comme les droits de fouage, banalité, corvée, prestation, etc., etc. Art. 23. Réclamation du tiers-état pour pouvoir être admis selon le mérite et les talents à toutes les places civiles et militaires. Art. 24. Que toutes les villes et communautés jouissent du droit de nommer à leur choix leurs officiers municipaux, syndics et trésorier, et qu’elles restent nanties de la libre disposition de leur revenus, comme plus capables d’en connaître l’emploi, sans que, sous quelque prétexte que ce puisse être, aucune personne qualifiée puisse en prendre la manutention ou connaissance, autrement que du consentement de leur communauté. Art. 25. Représenter à MM. les députés de la nation les malheurs dont elle est menacée par l’abandon des cultivateurs, qui s’efforcent, depuis longtemps et sans cesse, de se soustraire aux soins de la culture, ce qui menace du double inconvénient de la disette des bras et de la superfluité des ouvriers de tout état dont regorgent les manufactures et les grandes villes, et qui ne trouvant pas à s’occuper, infestent les grands chemins, dévastent les villes et les campagnes, se livrent à la malheureuse industrie de la contrebande, ou par un choix qui n’est pas moins funeste, vont par émigration porter chez nos voisins une industrie acquise à nos dépens : une modération dans la capitation, l’immunité de la corvée et l’exemption de la milice, seraient peut-être des appâts suffisants pour les retenir. Art. 26. La dépopulation des campagnes, la défection des paysans et laboureurs ont évidemment deux causes principales bien dignes d’être prises en considération par l’assemblée générale : le luxe qui enlève à la terre un grand nombre d’ouvriers, fait aussi dans cette classe, comme dans celle des consommateurs un grand nombre de célibataires, d’où résulte la nécessité de bonnes lois somptuaires par lesquelles on mette à un prix auquel ne puisse atteindre la classe malheureuse du peuple, les jouissances que la mode et l’opinion ne devraient créer que pour arracher à l’avarice des riches un superflu dont ils ne savent pas faire un meilleur usage. Art. 27. Que la livrée, cette cohorte d’hommes également avilis par leurs emplois et leur oisiveté, qui par malheur est l’élite de ce que les campagnes produisent d’hommes forts et vigoureux, la livrée est sans contredit la portion la plus inutile, la plus à charge et la plus perverse de toute la nation ; ces hommes que le luxe et l’orgueil consacrent à leur cortège, restent le plus ordinairement célibataires, ou ne prennent en se mariant que des professions encore plus funestes ou plus scandaleuses que ne l’était leur nullité. Une loi qui imposerait des taxes très-chères sur la livrée permettrait de faire aux habitants des campagnes des relâchements qui, en les dédommageant de l’inégalité des fortunes et des conditions, restitueraient à la culture et à la société des citoyens utiles. Les soussignés chargent MM. les députés aux Etats généraux de demander et d’insister sur l’établissement des principes rappelés ci-dessus, et les réformes pareillement ci-dessus énoncées; et sur les autres points de bien et d’ordre public, les députés pourront faire tout ce qu’ils estimeront en leur âme et conscience devoir concourir au bonheur de la patrie, ceux qui les nomment ne devant pas douter que des hommes chargés de cet honorable fardeau ne soient toujours dirigés par la justice, la modération, la fidélité envers le Roi, le respect des propriétés, l’amour de l’ordre et la tranquillité publique. Fait et arrêté en l’hôtel commun de ladite ville de Langon le 4 mars 1789.