688 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 juillet 1790.] gnés encore de se vouer au service de la patrie. Déjà je vois flotter dans toutes les provinces l’étendard sacré de la liberté ; il est arboré par tous les âges, par tous les états ; il ombrage nos berceaux. Toutes les villes sont en armes ; notre enfance, même au sein de la capitale, est forte des vertus belliqueuses de notre général magna-gnime et du courage invinciblede nos pères ; toute la nation enfin est prête à consommer le grand pacte fédératif sur l’autel de la patrie ; ses nombreux habitants ne feront plus qu'une immense famille, dont nous aurons le bonheur d’être les enfants ; et la France désormais sera aussi heureuse par la prudence et l’équité de ses lois, qu’imposante par la majesté de sa puissance redoutable à toutes les nations. En vain dirait-on que nos tendres années sont encore bien précoces; tout est viril chez de jeunes patriotes brûlant d’ardeur pour le salut et la gloire de la patrie; toujours forts et invincibles quand il s’agit de lui procurer la victoire et d’assurer son bonheur, même au prix de leur sang. Le patriotisme est le devoir de tous les âges, de tous les états ; il sera la vertu de tous les temps. L’enfant même, à peine conçu dans le sein maternel, y respire autant par la force des douces ardeurs patriotiques que par l’effet des liens sacrés qui serrent les nœuds conjugaux. Par vos soins, ô nos pères ! ô pères de la patrie 1 nous serons libres enfin, nous serons heureux; il ne nous reste plus de désirs à' satisfaire ; vous avez surabondamment pourvu à nos besoins. Nous n’avons plus qu’un vœu à former ; il est dicté par la reconnaissance : c’est de célébrer l’auguste pacte fédératif, et vous jurer, sur l’autel de la liberté, d’être jusqu’à la mort les plus zélés défenseurs de la Lonstitution. 0 France! ô ma chère Patrie ! si tes ennemis étaient assez hardis pour oser attaquer encore ce grand édifice, ce rempart constitutionnel qui a coûté à nos pères tant de sueurs et de veilles, qu’ils tremblent, les scélérats ! Le ciel dans sa justice armerait les enfants pour venger leurs pères : les sentiments, l’intrépidité, la valeur, chez les Français, ne sont , point enchaînés au cercle que parcourt le char despostique des années. » M. de Mordant, membre du département de l’Eure, présente une adresse de l'assemblée électorale de l'Eure. L’Assemblée en ordonne l’impression. Elle est ainsi conçue : Messieurs, l’assemblée électorale du département de l’Eure, après avoir rempli le vœu de ses commettants pour le choix des membres de ce département, s’empresse de s’acquitter du plus important de ses devoirs, celui de vous exprimer la reconnaissance dont tous lescœurs son t pénétrés par tant de bienfaits que vous versez si rapidement sur une nation que vous régénérez par la sagesse de vos lois. Chaque étincelle de votre génie fait disparaître en un instant des siècles de calamités et d’humiliations ; à votre voix, la liberté, ce bien plus cher que la vie, a ranimé cette belle contrée si longtemps avilie, si longtemps gémissante sous les fers du despotisme ; chaque habitant de cet Empire a repris un nouvel être , chacun s’est élevé à la dignité d’homme; chacun a recouvré ses droits primitifs, éternels, imprescriptibles! ils étaient écrits au fond de vos cœurs. Avec quels transports d’admiration, Messieurs, devons-nous contempler le superbe édifice de notre Constitution, que vous élevez avec tant de courage! L’égalité naturelle, sans laquelle il n’est plus de citoyens, en fait la base inébranlable; à la place de ces distinctions imaginaires, qui ne donnaient que la barbare jouissance du spectacle de l’avilissement du plus grand nombre, on cherchera, à votre exemple, la véritable gloire, celle d’être honoré de l’estime de ses concitoyens; cette estime si précieuse, vous l’avez obtenue, Messieurs, par l’exercice de toutes les vertus patriotiques, de ces vertus sublimes qui, dans les pays libres, ont produit dans tous les temps ces faits mémorables, doot le récit nous charme et nous enlève, et qui, s’il est possible, nous console de la lecture déchirante de l’histoire de ces immenses régions, foulées par le despotisme ; elle n’est que le déplorable registre des crimes des tyrans et des malheurs des peuples. « Quelle plume, Messieurs, tracera l’époque célèbre dont vous honorez nos annales ! c’est à cette époque que commence l’âge d’or de la France ; vos travaux héroïques vous obtiendront de nos derniers neveux un hommage bien mérité. « Mais nous, heureux témoins de la Révolution, nous, à qui vous avez fait franchir l’intervalle immense de l’esclavage à la liberté, nous manquons de termes pour vous peindre les sentiments dont vous avez pénétré nos âmes : consommez, Messieurs, votre glorieux ouvrage ; nous le maintiendrons, nous le défendrons de tout notre pouvoir; les premiers mots que nous apprendrons à nos enfants, seront des actions de grâce à nos courageux et immortels représentants. » Signé : Hue, président ; Duroi, secrétaire ; Nicolas-Lucien-Armand Gochart, électeur ; François LüVERLU, administrateur du district; G. Boquin, administrateur du département de l'Eure; A. F. L. de Mordant, électeur ; députés par le département de l’Eure et district d'Evreux. Trois officiers du régiment Royal-Gomtois, condamnés en 1773 par un conseil de guerre tenu à Lille, demandeque le comité militaire, déjà muni des pièces relatives à leur affaire, veuille bien s’en occuper. Voici leur adresse (1) ; « Messieurs, « Vous voyez devant vous les officiers du régiment Royal-Gomtois, condamnés en 1773 par un conseil de guerre tenu à Lille. Déjà vous nous avez fait l’honneur de nous admettre à la barre de cette auguste Assemblée et de recevoir l’hommage de notre mémoire juttilicatif ; vous avez même daigné nous répondre que vous prendriez notre demande en considération. Depuis ce moment nous nous sommes reposés sur votre équité bienveillante ; mais, au son de la trompette nationale, nos vœux et nos regrets se sont réveillés. « Ils accourent de tous les côtés ces soldats citoyens, ces braves vétérans parmi lesquels, sans nos malheurs, plusieurs d’entre nous auraient l’avantage Inappréciable de paraître. Ils vont jurer à l’autel de la patrie cette sainte fédération, ce pacte solennel qui doit unir tous les français et consolider pour toujours l’édifice admirable de notre Constitution : et nous, nous ne suivrions nos anciens camarades que de cœur et d’esprit 1 Ah! s’il était possible du moins, Mes? sieurs, que nous ayons la consolation de voir à leurs yeux éclater notre innocence ; que les dé-(1) Nous empruntons ce document au journal Le Point - du-Jour, tome XI, page 383.