148 [Assemblée nationale.] AUC 111 V ES PARLEMENTAIRES. |12 janvier 1791.] mens, prêtre, ancien curé de Lenzon en Brabant, sous prétexte que l’ordre des successions est immuable, et que les étrangers seulement exempts du droit d’urbaine sont incapables de successions et de legs, parce que tes privilèges accordés par les traités ne pouvaient, disait-il, avoir lieu que sous la réserve des droits de leurs sujets ; mais les principes de monopole, de succession, furent rejetés par une sentence des requêtes du palais. Ainsi, ce que des diplomatistes et des juges de l’ancien régime écrivaient et jugeaient, ce que le législateur provisoire accordait aux autres nations, ce que la politique a accordé pour certaines foires et marchés, pour certaines professions, pour certaine nature de biens et de rentes, le véritable législateur peut l’accorder en faveur des grands principes de la liberté et de la raison, et de l’esprit fraternel qui doit unir tous les peuples. C’est d’après ces observations que j’ai l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant, au nom du comité des domaines : « L’Assemblée nationale ne vuulant laisser au-jun doute sur l’intention qu’elle a manifestée par son decret du 6 août 1790, concernant l’abolition du droit d’aubaine et de détraction, déclare qu’il doit être exécuté dans toutes les possessions françaises, même dans les deux Indes. « Déclare en outre que tous étrangers demeurant hors du royaume sont capable' de succéder à leurs parents français décédés en France et dans toute l’étendue des possessions françaises, sans pouvoir être assujettis a y demeurer pour y exercer leurs droits héréditaires. » M. Moreau de Saint-Méry. J’ai demandé la parole pour solliciter le renvoi au comité colonial de cette expression du décret, même dans les deux Indes. Quelque penchant que j’aie à adopter cette loi sage, elle a cependant besoin d’examen quant aux colonies. Je ne suis pas suspect en parlant ainsi, car à l’époque de la Révolution j’étais chargé par le gouvernement d’un projet de loi sur la suppression de l’aubaine relativement aux colonies. Mais ce projet lui-même a trouvé des difficultés tirées du local. Par exemple, des lettres patentesenformed’édit, du mois d’octobre 1727, interdisent le commerce dans les colonies à l’étranger, même naturalisé. Il n’y a donc qu’à gagner au renvoi que je propose. M. Tronchet. Je demande le renvoi du tout au comité diplomatique. Voici ma raison : le droit de succéder résulte du droit civil et non pas du droit naturel, line peut appartenir qu’aux citoyens et aux sujets du même État. La communication de ce droit n’a jamais pu résulter que de conventions réciproques entre deux puissances. M. Rarrère, rapporteur. J’appuie moi-même le renvoi demandé ; ma proposition est trop évidemment juste pour que je puisse craindre de la voir subir 1 examen auquel on veut la soumettre. Je demanderai donc que le projet soit également renvoyé au comité de Constitution. (L’Assemblé consultée, décrète le renvoi du projet de décret à l’examen des comités des colonies, de Constitution, diplomatique et des domaines, réunis, pour en faire ie rapport incessamment.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur le droit du timbre. M. Rœderer, rapporteur. Messieurs, diverses observations ont été fuites au comité ; on s’est plaint de ce que nous n’avions pas soumis au timbre plusieurs actes de transactions et Fou a particulièrement insisté sur les actions de l’ancienne Compagnie des Indes et de la Caisse d’escompte, qu’on prétend devoir être timbrées. Je crois devoir vous rappeler que vous n’avez assujetti les provinces qui n’étaient pas soumises au droit du contrôle, qu’à se servir seulement de papier timbré pour les actes sous seing privé. Cet exemple prouve combien vous avez craint de donner à votre loi un effet rétroactif; c’est par cette raison que vous devez éviter de timbrer des actions maintenant émises et déjà en circulation. Nous croyons cependant raisonnable de soumettre à la loi commune du timbre les effets que la Compagnie des Indes et la Caisse d’escompte, ou toute autre compagnie qui pourra se former à l’avenir, mettront en circulation postérieurement à la loi ; mais tout ce qui est antérieur au décret doit être aussi libre que le sont les actes antérieurs à 1674, époque à laquelle le timbre a été, pour la première fois, connu en France. M. de Follevrllle. Mon observation n’a pas été absolument comprise; elle ne portait pas sur un effet rétroactif à l’égard des actions mises en circulation, mais sur les quitlances des dividendes. M. Rœderer, rapporteur. J’accepte cette proposition et je prie, en conséquence, l’Assemblée d’adopter l’article additionnel suivant : « Les actions qui seront formées pour des entreprises de commerce et de banque, les feuilles, reconnaissances ou quittances sur lesquelles seront payés les dividendes de semblables actions, môme de celles qui existent maintenant, tels que les dividendes des actions de la Comnagme des Indes et de la Caisse d’escompte. » {Adopté.) M. Rœderer, rapporteur. Messieurs, le comité propose également d’assujettir au droit de timbre, comme registres prescrits par la loi, les cueilloirs ou cueillerets de rentes. Ces registres font foi en justice; ils doivent donc être assujettis au timbre comme les autres registres qui ont le même avantage. Cet objet, Messieurs, n’était pas compris dans le tarif présenté à l’Assemblée des notables; on pensait alors à épargner les soit-disant seigneurs qu’on avait en profonde vénération. Mais comme ce temps est passé, le comité d’imposition ne croit pas devoir des ménagements qui contrasteraient avec le décret sur les droits féodaux. M. Tronchet. Messieurs, les cueilloirs ou cueillerets ne font foi en justice que dans quelques coutumes, et, dans les pays mêmes où cet usage est établi, ce n’est que "par un privilège dérivant de la féodalité. La féodalité n’existe plus; ce privilège doit donc être anéanti, et conséquemment le droit qu’on vous propose ne peut exister. M. Rœderer, rapporteur. Noos n’insistons pas sur ce. droit, si l’Assemblée veut prononcer l’abolition du privilège. [Assemblée nationale-! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [lâ janvier 1791.) Plusieurs voix : Oui! oui! M. Tronchet. Le timbre apposé aux cueilloirs ou eueillerets des ci-devant seigneurs donnerait à ces registres une sorte d’authenticité qui serait désastreuse. Cet abus, il ne faut pas le maintenir et l’étendre à toute la France pour en retirer un léger droit de timbre. Il vaut infiniment mieux renoncer au droit de timbre sur ces registres et décréter une désormais ils ne feront nulle part aucune foi en justice. Je propose, en conséquence, la disposition suivante : « Les coutumes, statuts, usages ou jurisprudence qui accordaient une autorité et une, foi en justice aux cueilloirs ou eueillerets ci-devaril tenus pour la perception des ci-devant droits seigneuriaux et des rentes foncières, sont et demeurent abrogés à l’avenir: lesdits cueilloirs ou eueillerets ne seront plus regardés que comme des registres purement domestiques, encorequ’ils eussent été affirmés. » {Adopté.) M. Rœderer, rapporteur, donne ensuite lecture du tarif du timbre. Un membre propose, par amendement, d’ajouter au premier article une disposition concernant les quarts de feuille. (La question préalable est demandée sur cet amendement et mise aux voix.) L’Assemblée décrète qu’il y a lieu à délibérer. L’article, mis aux voix, est adopté dans les termes suivants : « La feuille de petit papier, de neuf pouces sur quatorze, feuille ouverte ........... 4 s. »d. « Demi-feuille de môme format... 2 6 « Feuille de papier moyen, de onze pouces sur seize .................. 6 » « Feuille de grand papier, de quatorze pouces sur dix-sept .......... 8 » « Grand registre, de dix-sept pouces sur vingt et un .................... 10 « Le très grand registre, de vingt-un pouces sur vingt-sept .............. 15 » L’article relatif aux droits sur le papier des lettres de change est adopté ainsi qu’il suit : « Lettres de change et quittances comptables, et des rentes sur le Trésor public de 400 livres et au-dessous ..................... >» s. 5d. « De 400 livres à 800 livres inclusivement ......................... » 10 « De 800 livres à 1,200 livres inclusivement.. .. . ..... ............. » 15 « Au-dessus de 1,200 livres indéfiniment ..... . ...................... 1 » Celui concernant les papiers d’expéditions et les quittances des droits d’entrée des villes est décrété en ces termes : « Papier d’expédition, le double du prix du papier de minute, de même format ; t Quittances des droits d’entrée et d’octroi des villes et contributions indirectes. .. . 1 s. 6d. M. Rœdercr , rapporteur , propose à l’Assemblée de prendre une délibération sur la dernière partie de l’article 6 du décret sur le timbre, qui a été ajournée daus une clés séances précédentes, et qui a pour objet le prix des papiers qui seront présentés au timbre et qui excéderont le plus grand papier de régie. , 1 L'Assemblée nationale rend le décret suivant : « Si les papiers présentés au timbre excè lent le plus grand papier de la régie, le prix du timbre sera de 20 sous, à moins qu’ils ne soient destinés pour expéditions, et, en ce cas, le prix sera du double. » Un membre propose de faire timbrer les deux feuillets qui forment une feuille ordinaire. M. Ræderer, rapporteur, observe que cette précaution, pour éviter toute fraude, sera indiquée dans l’instruction relative aux droits du timbre et à l’exécution de la loi, et que le timbre du second feuillet sera différent de celui dont sera marqué le premier. (Il n’est pas donné suite à la motion.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret relatif à V institution des jurés. M. Thouret reprend son discours; il rappelle en peu de mots ce qu’il a dit hier, dans les deux premières parties, de son opinion, et continue en ces termes : J’arrive maintenant à ma troisième partie et j’examine ici les ‘rois principales objections faites contre la méthode des preuves orales. La première est que cette méthode rend la preuve du faux témoignage presque impossible. Je réponds que M. Tronchet a excessivement exagéré ses craintes sur ce point. Il dit que c’est, dans la déposition même du témoin que se trouve souvent la preuve complète du faux témoignage, et il en cite en preuve ces deux faux témoins qui disaient avoir vu commettre un meurtre, tel jour, art clair de la lune, et qui furent convaincus par un almanach qui prouva que ce jour-là il n’y avait point eu de clair de lune. La réponse est que, quand ces témoignages n’auraient pas été écrits, leur fausseté aurait toujours pu être constatée aussi facilement, aussi sûrement, et tout de même, par un almanach. (Murmures.) M. Tronchet dit ensuite que, quand on opposera Yalibi du témoin à son témoignage de visu, il pourra répondre, ou qu’il n’a pas indiqué le jour qu’on suppose, ou que la rapidité de sa déposition orale Fa fait tomber dans une erreur, et qu’il sera ainsi enhardi par l’impunité. — Je réponds que M. Trouchet va être étonné lui-même de l’erreur qui lui est échappée ici. Le jour et l’heure où le crime a été commis, et qui doivent être indiqués dans l’acte d’accusation, ne peuvent pas varier. Ainsi quand le témoin est venu pour déposer, quand, après avoir entendu l’acte d’accusation, il a déposé de visu , il a bien prétendu qu’il était au lieu du délit le jour et à l’heure qu’il a été commis. Il ne peut donc s’excuser, quand son alibi est constant, ni en disant qu’il n’a pas entendu parler de ce jour-là, puisqu’on ce cas, n’ayant rien vu, il n’aurait eu rien à déposer, ni en se rejetant sur la rapidité de la déposition, parce que ce n’est pas cela qui lui a fait dire qu’il a vu, tel jour, ce qui s’est passé à un lieu où, ce jour-là, il n’était pas présent. Enfin M. Tronchet a objecté le cas du faux témoignage, découvert plusieurs mois après le jugement, dans cette espèce où, de six témoins entendus, quatre n’avaient aucune connaissance, et deux auraient faussement chargé l’accusé. Il serait impossible, a-t-il dit, de faire punir ces deux témoins; ou ne pourrait pas les convaincre d’avoir seuls formé la fausse preuve qui a trompé