SÉANCE DU 27 VENDÉMIAIRE AN III (18 OCTOBRE 1794) - N° 36 257 tis presque nus des lieux qui les ont vus naître, pour se conformer aux arrêtés des représentants du peuple alors en mission près l’armée de l’Ouest, ces citoyens, dis-je, se sont retirés à la distance et dans les lieux prescrits par ces mêmes arrêtés avec une résignation et une patience que le patriotisme le plus pur a pu seul soutenir; et alors, citoyens, il n’est resté à ces hommes fidèles que l’espoir constant que vous ne les abandonneriez pas. Cependant, combien leur sort a été à plaindre jusqu’à ce jour! et que de reproches n’ont pas à se faire quelques-unes des communes où le sort a conduit ces malheureux réfugiés ! Je dis quelques communes, citoyens, car il en est qui se sont conduites d’une manière barbare à leur égard ; et peut-être pourrait-on, sans craindre de se tromper, considérer comme le thermomètre de leurs principes en révolution la conduite de quelques-unes de ces communes à l’égard des réfugiés. Il en est, citoyens, oui, nous le disons avec douleur, il en est qui, bien loin d’avoir fait un accueil fraternel à des hommes malheureux par l’excès même de leur inviolable attachement à la cause de la liberté, les ont traités avec une indifférence et un mépris sans exemple. Mais il en est aussi de ces communes patriotes et sensibles; et celles-là (nous ne pouvons le proclamer trop hautement), et celles-là, dis-je, sont le plus grand nombre, qui se sont empressées à procurer aux réfugiés malheureux toutes les consolations de l’amitié et de la fraternité. Cependant, citoyens, un arrêté du comité de Salut public avait fixé un mode d’après lequel les réfugiés devaient être secourus; mais ce mode prêtait infiniment à l’arbitraire ; et, dans le fait, il en est résulté que, dans tous les départements où se sont retirés les patriotes réfugiés, les secours qu’on leur accordait ont varié dans chaque district; il en est même où nos frères réfugiés, déjà trop malheureux, ont essuyé des retards, et d’autres où ils ont éprouvé des refus. De là les milliers de pétitions qui vous ont été adressées, et que vous avez renvoyées à votre comité des Secours publics. C’est donc pour faire cesser, à l’égard de ces secours si bien mérités, toute espèce d’arbitraire, et faire établir dans leur distribution cette uniformité inséparable de la justice, que je viens soumettre à votre discussion un projet de loi. Citoyens, lorsque des infortunés réclament justice et parlent au nom de l’humanité souffrante, ils sont assurés d’avance d’être favorablement accueillis par la Convention nationale (73). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics, décrète : Article premier. - Les citoyens réfugiés des départemens envahis par les brigands (73) Moniteur, XXII, 281 ; Débats, n” 756, 409. et autres ennemis de la République, ceux des Isles du Vent, sous le Vent, déportés, et les Corses, ainsi que ceux de tous les établissemens français, en deçà et au-delà du Cap de Bonne-Espérance, soit en Afrique, soit en Asie, ont droit à un secours. Art. U. - Ce secours sera distribué suivant les bases ci-après déterminées. Art. III. - Les réfugiés et déportés, âgés de moins de soixante ans, recevront le secours de soixante-quinze livres par mois; les femmes, et les enfans au-dessus de douze ans, recevront les deux tiers de cette somme; les enfans au-dessous de cet âge ne recevront que le tiers. Art. IV. - Les réfugiés ou déportés, âgés de plus de soixante ans, recevront trois livres par jour, et les femmes du même âge, quarante sols. Art. V. - Les déportés ou réfugiés qui, ayant exercé un état ou profession quelconque, ne l’exerceront pas dans le lieu où ils se seront retirés, quoiqu’on leur en fournisse l’occasion, ne recevront pas les secours dont il est parlé dans les articles précédens. Les agens nationaux des municipalités veilleront à la stricte exécution de la présente disposition. Art. VI. - Les déportés ou réfugiés qui travailleront ou seront employés suivant leur état ou profession, conserveront le tiers des secours accordés par les articles précédens. Art. VH. - Ces secours cesseront d’être payés aux réfugiés ou déportés dès l’instant où ils pourront rentrer dans leurs foyers. Art. VIII. - La commission des Secours publics prendra, sur les vingt millions mis à sa disposition par la loi du 24 messidor, et fera verser sans délai dans la caisse des receveurs des districts, et ceux-ci feront remettre aux municipalités que les réfugiés ou déportés auront choisies pour leur séjour, les fonds nécessaires pour fournir aux dépenses déterminées par la présente loi. Art. IX. - Les municipalités seront tenues d’envoyer exactement au directoire de leur district un état très-détaillé du nombre des réfugiés ou déportés sur leur territoire, de leur état et profession, de leur âge et de leur sexe, le tout sous leur responsabilité. Art. X. - La commission des secours publics fournira chaque décade deux états en règle des fonds qu’elle aura envoyés, l’un au comité des Secours publics, et l’autre à la Trésorerie nationale. Art. XI. - Les agens nationaux provisoires près les districts surveilleront l’exécution de la présente loi. Art. XII. - Les directoires des districts recevront et prononceront provisoirement sur les réclamations qui pourront être faites par les réfugiés ou déportés, sur l’inexécution de la loi; ils enverront de suite 258 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE leur décision, motivée, à la commission exécutive, qui en fera son rapport au comité des Secours publics. Art. XIII. - L’insertion de la présente loi au bulletin de correspondance tiendra lieu de publication (74). Gouly fait adopter les articles additionnels suivants (75) : Articles additionnels. Article premier. - Indépendamment du secours accordé par le présent décret, il sera payé à chaque déporté ou réfugié la somme de cent cinquante livres, imputable sur l’indemnité à laquelle a droit tout citoyen français qui a souffert de l’invasion de l’ennemi, conformément au décret du 14 août 1793 (vieux style). Art. II. - Les réfugiés ou déportés recevront les secours depuis l’époque où le paiement en a été arrêté, suivant le mode établi par la présente loi (76). 37 La Convention nationale, sur la demande de [CLAUZEL, au nom de] (77) son comité de Sûreté générale, décrète que le représentant du peuple Mallarmé, en mission dans les départemens de la Haute-Garonne et du Gers, se rendra sur-le-champ dans le sein de la Convention nationale, pour donner au comité les renseignemens qui lui seront demandés (78). Ce rappel un peu brusque a grandement scandalisé les membres qui siègent sur le cratère de la montagne. Qu’est-ce que cela signifie, disoient les uns? qu’a-t-il donc fait, disoient les autres? (79) 38 HOURIER-ELOY, au nom du comité de Division, appelle l’attention de la Convention na-(74) P.-V., XLVII, 239-243. C 321, pl. 1337, p. 12, minute signée de Menuau. Décret anonyme selon C* II 21, p. 13. Bull., 27 vend, (suppl.); Moniteur, XXII, 281-282; Débats, n" 756, 409-410; Ann. R.F., n° 27; C. Eg., n° 791; F. de la Républ., n° 28; Gazette Fr., n“ 1021 ; J. Fr., n° 753; J. Paris, n° 28; J. Perlet, n 755; M. U., XLIV, 427-428 ; Mess. Soir, n” 791 ; Rép., n 28, 29. (75) Moniteur, XXII, 282. Débats, n° 756, 411. (76) P.-V., XLVII, 243. C 321, pl. 1337, p. 12, minute de la main de Gouly. J. Fr., n° 754; J. Paris, n° 28; J. Univ., n° 1789; M. U., XLIV, 443; Rép., n° 29. (77) Gazette Fr., n" 1021. (78) P.-V., XLVII, 243. C 321, pl. 1337, p. 13, minute signée de Clauzel, rapporteur. Ann. Patr., n° 656; Ann. R.F., n° 27; C. Eg., n° 791; F. de la Républ., n 28; Gazette Fr., n° 1021; J. Fr., n 753; J. Paris, n° 28; J. Perlet, n“ 755; M. U., XLIV, 428; Rép., n” 28, 29. (79) Mess. Soir, n° 791; Gazette Fr., n” 1021. tionale sur les irrégularités de la démarcation des départements de l’Ain et de Saône-et-Loire. Il propose de réunir en une seule municipalité les deux que composait la commune de Save-la-Vive, ci-devant la Chapelle-Thecle, et de la faire dépendre du département de Saône-et-Loire (80). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Division sur la pétition des habitans des deux communes de Sane-la-Vive, ci-devant La Chapelle-Thecle, décrète : Article premier. - La partie de la commune de Sane-la-Vive, ci-devant Chapelle-Thecle, qui formoit une municipalité dépendante du département de l’Ain, est réunie, pour ne former qu'une seule et même commune, avec la portion qui fai-soit partie du district de Louhans, département de Saône-et-Loire. Art. II. - Il sera déduit sur les contributions du département de l'Ain la somme que cette commune devoit y payer; et cette somme sera acquittée par le département de Saône-et-Loire. Art. III. - Le présent décret ne sera point imprimé; il en sera adressé copie manuscrite, tant à la commission des administrations civiles, police et tribunaux, qu’à celle des revenus nationaux, qui demeurent chargées de l’exécution, chacune en ce qui la concerne (81). 39 La Convention nationale, après avoir entendu [MERLIN (de Thionville) au nom de] son comité de Sûreté générale, décrète que le représentant du peuple Loysel, en mission dans le département de la Moselle, est chargé d’y organiser les comités révolutionnaires. Il est investi des mêmes pouvoirs que les représentons du peuple dans les départemens (82). 40 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics; Décrète que la Trésorerie nationale paiera, sur la présentation du présent décret, au citoyen Louis Bertrand Duverger, (80) Moniteur, XXII, 281. Débats, n° 757, 418. (81) P.-V., XLVII, 243-244. C 321, pl. 1337, p. 14, minute de la main de Hourier-Eloy, rapporteur. (82) P.-V., XLVII, 244. C 321, pl. 1337, p. 15, minute de la main de Merlin (de Thionville), rapporteur. Ann. Patr., n° 656; C. Eg., n° 791; F. de la Républ., n“ 28; Gazette Fr., n" 1021; J. Fr., n” 753; J. Perlet, n“ 755; M. U., XLIV, 427- 428; Rép., n° 28.