§56 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 février 1790.] M Hébrard, membre du comité des rapports, rend compte d’une réclamation de M. Cousin de Beauménil, procureur du Roi à Montdidier. Par une délibération des officiers municipaux de cette ville, M. de Beauménil a été rayé du tableau des bons citoyens et à jamais déclaré indigne de leur confiance. Le prétexte qui a porté la municipalité de cette ville à traiter avec autant de rigueur un de ses membres, vient de ce que le procureur du Rbi de Montdidier s’est fait remplacer deux fois pour monter sa garde; d’où les officiers municipaux ont conclu qu’il avait méprisé un des devoirs les plus sacrés que les citoyens pussent rendre à la patrie ..... Messieurs, ajoute le rapporteur, cette faute vous semblera légère, lorsque vous saurez que le procureur du roi de Montdidier ne s’est permis de se faire remplacer pour sà garde qüë d’après la délibération inscrite sur les registres de Montdidier, autorisant ces sortes de représentations; que d’ailleurs les représentants qu’il a donnés ontfaitle service sans aucune espèce dé réclamation ; qu’au surplus, il n’est pas encore décidé qu’un citoyen ne puisse se faire remplacer dans cette espèce de service, qui, jusqu’à ce qu’il y ait à ce sujet une constitution particulière établie, n’a absolument rien de coercitif. Il est au contraire certain qu’une municipalité, quelle qu’elle soit, n’a jamais eu le droit de décider de l’état civil d’un de ses membres ;qu’on ne peut la considérerque comme une sorte d’agrégation de citoyens à une môme fonction, mais sans autorité, sans inspection des uns sur les autres; que jusqu’à l’organisation des pouvoirs, l’Assemblée nationale protecteur et vengeur des citoyens, surtout des citoyens administrateurs, et à ce titre, membres des assemblées élémentaires du corps législatif Le comité des rapports propose le décret suivant: « L’Assemblée nationale décrète que le procureur du Roi de la commune de Montdidier n’a pu ni dû être inculpé par la délibération du 6 novembre dernier, ni privé des fonctions de citoyen. L’Assemblée improuve ladite délibération, ainsi que tout ce qui pourrait s’en être ensuivi, en ordonne la radiation sur les registres, avec mention en marge du présent décret. » M. Guillaume prend avec chaleur la défense de la municipalité et impute au procureur du Roi des manquements personnels, des négligences dans l’exercice de ses devoirs sociaux. M. le Président invite l’orateur à se renfermer dans la question. M. Hébrard réplique en disant que ceux qui réclament la justice de l’Assemblée nationale ne doivent trouver que des juges dans les membres qui la composent et non point des adversaires; qu’il serait à désirer que M. Guillaume se fût pénétré un peu plus de la dignité de son mandat et dé ses devoirs; que certainement il ne se serait pas permis une diffamation aussi cruelle, aussi calomnieusement imaginée; que personne au monde ne la méritait moins que M. de Beauménil, qui, à l’exercice honorable qu’il faisait depuis trois ans des fonctions de procureur du Roi, venait de réunir à l’hôtel-de-ville de Montdidier, pour cette même place, le vœu de la pluralité absolue de ses concitoyens; que c’était principalement par respect pour eux qu’il s’était imposé de proscrire l’autorité arbitraire qu’avaient exercée contre lui les anciens officiers municipaux; que le motif deces mêmes officiers était que le maire désirait placer son frère, puisque, d’après la délibération même, il avait été appelé à remplir les fonctions du sieur de Beauménil. M. Charles de Lameth croit que l’ Assemblée doit baser son décret sur l’incompétence de la municipalité de Montdidier et propose le projet suivant: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport d’un membre de son comité des rapports décrète que le sieur Cousin, procureur du Roi de la commune de Montdidier n’a pu ni dû être inculpé par la municipalité de celte ville, à raison des faits à lui imputés dans la délibération du 6 novembre dernier. » M. le Président met successivement aux voix les projets de décret du comité des rapports et de M. de Lameth. Ils sont rejetés. Un troisième projet de décret ainsi conçu est ensuite adopté. « L’Assemblée nationale déclare que les municipalités n’ayant ni le droit de destituer leurs membres, ni de les priver d’aucun de leurs droits civils, la délibération de la municipalité de Montdidier, du 6 novembre dernier, n’a aucun caractère légal, et qu’elle ne peut en conséquense porter atteinte ni à l’honneur, ni à aucun des droits du sieur Cousin de Beauménil. » M. Prieur j membre du comité des rapports, entretient l’Assemblée des discussions qui se sont élevées. à Brie-Comte-Robert, entre la compagnie du Bon-Dieu ou du Saint-Sacrement et la garde nationale. La compagnie du Bon-Dieu veut faire un corps séparé de la garde nationale; elle fait de nouvelles recrues, elle a choisi un étendard qu’elle veut faire bénir dimanche, elle est en opposition avec la municipalité et des désordres peuvent surgir à cette occasion. Le comité propose le décret suivant: . ■ « L’Assemblée nationale décrète qu’il ne doit exister dans les différentes villes du royaume aucun corps de gardes nationales qui ne soit autorisé par les municipalités. En conséquence, ordonne qu'il sera sursis à. toute augmentation de la compagnie appelée du Bon-Dieu ou du Saint-Sacrement de la ville de Brie-Comte-Robert, ainsi qu’à la bénédiction du drapeau de ladite compagnie, jusqu’à ce que l’Assemblée nationale ait décrété l’organisation uniforme de toutes les gardes nationales du royaume. » M. le vicomte de Hoailles fait observer que cette affaire n’a pas été portée au comité par la municipalité de Brie-Comte-Robert, mais bien par M. Cousin, major de la garde nationale ; il lui semble qu’il est nécessaire de prendre de nouveaux renseignements avant de se prononcer et il demande l’ajournement. L’Assemblée prononce l’ajournement. M. le Président lève la séance, après avoir indiqué celle de demain pour 9 heures du matin.