[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (8 mai 1790.] 443 » tant pour les poids que pour les autres mesures » et pour les monnaies. Plusieurs membres demandent l’impression du discours de M. Bureaux de Pusy. L’Assemblée ordonne que ce discours sera imprimé à la suite du rapport de M. le marquis de Bonnay. On demande à aller aux voix sur le projet de décret et sur l’amendement présenté par M. Bureaux de Pusy. M. le duc de La Rochefoucauld dit qu’on ne peut assez hâter un décret qui doit établir des rapports fraternels entre la France et l’Angleterre. M. Démeunier ajoute que le projet anéantit un reste de féodalité. Il demande qu’au lieu des commissaires du roi, on charge les districts et les administrations de département d’envoyer les mesures et étalons. Un membre pense qu’il y a tout avantage à voter séparément sur le projet du comité et sur la motion de M. Bureaux de Pusy. Il propose de faire deux décrets distincts. Cette proposition est adoptée. M. le President met aux voix la motion principale dont il fait une nouvelle lecture, et l’Assemblée rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale, désirant faire jouir à jamais la France entière de l’avantage qui doit résulter de l’uniformité des poids et mesures, et voulant que les rapports des anciennes mesures avec les nouvelles soient clairement déterminés et facilement saisis, décrète que Sa Majesté sera suppliée de donner des ordres aux administrations des divers départements du royaume, afin qu’elles se procurent et qu’elles se fassent remettre par chacune des municipalités comprises dans chaque département, et qu’elles envoient à Paris, pour être remis au secrétaire de l’Académie des sciences, un modèle parfaitement exact des différents poids et des mesures élémentaires qui y sont en usage. « Décrète ensuite, que le roi sera également supplié d’écrire à Sa Majesté Britannique, et de la prier d’engager le Parlement d’Angleterre à concourir avec l’Assemblée nationale à la fixation de l’unité naturelle de mesures et de poids ; qu’en conséquence, sous les auspices des deux nations, des commissaires de l’Académie des sciences de Paris pourront se réunir en nombre égal avec des membres choisis de la Société royale de Londres, dans le lieu qui sera jugé respectivement le plus convenable, pour déterminer, à la latitude de quarante-cinq degrés, ou toute autre latitude qui pourrait être préférée, la longueur du pendule, et en déduire un modèle invariable pour toutes les mesures et pour les poids; — Qu’après cette opération faite avec toute la solennité nécessaire, Sa Majesté sera suppliée de charger l’Académie des sciences de fixer avec précision, pour chaque municipalité du royaume, les rapports de leurs anciens poids et mesures avec le nouveau modèle, et de composer ensuite, pour l’usage de ces municipalités, des livres usuels et élémentaires, où seront indiquées avec clarté toutes ces proportions. « Décrète, en outre, que ces livres élémentaires seront adressés à la fois dans toutes les municipalités , pour y être répandus et distribués ; ou’en même temps, il sera envoyé à chaque municipalité un certain nombre des nouveaux poids et mesures, lesquels seront délivrés gratuitement par elles à ceux que ce changement constituerait dans des dépenses trop fortes; — Enfin que, six mois seulement après cet envoi, les anciennes mesures seront abolies et seront remplacées par les nouvelles. » M. le Président relit l’article concernant le titre des monnaies proposé par M. Bureaux de Pusy. Il est décrété ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale décrète que l’Académie, après avoir consulté les officiers des monnaies, proposera son opinion sur la question de savoir, s’il convient de fixer invariablement le titre des métaux monnayés, de manière que les espèces ne puissent jamais éprouver d’altération que dans le poids, et s’il n’est pas utile que la différence tolérée dans les monnaies sous le nom de remède, soit toujours en dehors, c’est-à-dire qu’une pièce puisse bien excéder le poids prescrit par la loi, mais que jamais elle ne puisse lui être inférieure; « Enfin, que PAcadémie indiquera l’échelle d e division qu’elle croira la plus convenable, tant pour les poids que pour les autres mesures et pour les monnaies. » M. le Président quitte la salle des séances et se retire par devers le roi pour présenter des décrets à la sanction de Sa Majesté. M. le marquis de Bonnay, ex-président , prend le fauteuil. Le comité des rapports demande à être entendu pour une affaire pressante. L’Assemblée décide que le rapporteur de ce comité aura la parole. M. Pongeard du Limberf, rapporteur. Votre comité des rapports me charge de vous rendre compte des réclamations de M. Le Gorgne, sénéchal d’Âuray, en Bretagne, ainsi que de beaucoup de citoyens, contre la municipalité de cette ville. Il règne, depuis longtemps, une grande mésintelligence entre les officiers de la sénéchaussée et cette municipalité ; de misérables querelles de préséance en sont la cause. Les officiers municipaux d’Auray ont fait éprouver à M. Le Gorgne tous les genres de persécution; ils lui avaient d’abord refusé le droit d’éligibilité aux fonctions municipales; peu de jours après, M. Le Gorgne eut une dispute avec un officier de la garde nationale : cet officier se prétendant insulté par lui, l'attaque l’épée à la main ; M. Le Gorgne pare avec une canne les coups qui lui sont portés, désarme l’officier et le conduit au corps de garde; là, M. Le Gorgne, au lieu d’obtenir justice, est iui-mêtne détenu pendant vingt-quatre heures; ensuite on le conduit à la citadelle du Fort-Louis, sous la garde de quinze soldats de la milice nationale et de quinze soldats du régiment de Rouergue. La municipalité du Fort-Louis, plus éclairée et plus sage, ayant refusé de donner l’ouverture de la citadelle, M. Le Gorgne revient à son domicile, où les officiers municipaux d’Auray lui ordonnent les arrêts, et exigent sa soumission de s’y conformer. Sur son refus de la donner par écrit, douze hommes viennent, par leur ordre, au domicile de M. Le Gorgne , l’enlèvent et le conduisent dans les prisons de sa propre sénéchaussée, où il est resté deux mois. Il n’y a jamais eu ni