364 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 1790.] quillité. Une reconstitution de la dette, gui, à mon avis, est très embarrassante pour être faite avec j stice, peut convenir très mal à la nation débitrice, et ne disconvenir pas moins à une multitude de ses créanciers. Une reconstitution n’est pasun payement; et pourquoi ne pas payer quand on peut le faire? Je ne puis voir dans cette masse énorme de contrats qu’on nous propose, qu’une chute d'autant plus rapide de leur valeur, et du crédit qui doit en dépendre. Au prix où est l’argent, et sans nouveaux moyens de se libérer, une infinité de ventes forcées de ces contrats seront une nouvelle jugnlation d’un grand nombre de créanciers publics. N’ont-ils donc pas déjà assez souffert? et ne goûterons-nous plus la consolation de n’avoir du moins excité, jusqu’à présent, que des plaintes inévitables? Rien ne nous oblige donc, Messieurs, de nous aventurer dans une carrière épineuse dont l’issue est au n oins couverte de ténèbres. Je ne sais ; mais il me semble qu’au lieu d° les aller chercher., nous devrions travailler à éclaircir cet horizon qui se rembrunitautourdenous. Nousdevrions au moins saisir quelques rayons de lumière qui nous luisent encore, pour assurer notre marche, pour tacher d’entrevoir là où nous allons, quelles difficultés nous attendent, comment nous nous y prendrons pour les surmonter. Si nous n’y pensons nas, nous sommes comme des aveugles qui voudraient jouer le rôle d’oculistes ; et nous nous acheminons inconsidérément, nous conduisons, nous et la nation, vers un abîme. Car, Messieurs, il n’en faut pas douter, il est ouvert cet abîme; il s’agrandit devant nous. De quelle ressource nous aviserons-nous, je vous prie, pour triompher des temps critiques qui se préparent, pour faire agréer paisiblement an peuple un nouveau système d’impôts qui le soulagera sans doute par le fait, mais q i commencerait par effrayer son imagination, si l’on n’nuvrait pas d’avance une source de moyens qui lui aidassent à supporter cette charge, et s’il n’était pas rassuré, encouragé, à cette vue? De quelle res-ource nous aviseronsrnous pour franchir l’hiver qui s’avance pour passer sans terreur ces jours nébuleux, et ces longues nuiis où noua allons nous enfoncer? Alors les besoins se réveilleront plus nombreux et plus pressants que jamais; et le plusimpérieux de tous, celui de s’agiter quand on craint, de se plaindre quand on souffre, éclatera partout avec violence. Que ferons-nous alors, si nous n’y pourvoyons dès à présent? Nous verrons renaître et se multiplier toutes nos misères; elles nous investiront à la fois, et seront peut-être irrémédiables. Que ferons-nous alo s, vous dis-je? N’au-rons-uous pas épuisé tous les expédients dont nous avons pu nous aviser dans notre détresse, pour pousser le temps? Nous avons exigé une contribution patriotique; de libres et nombreuses offrandes nous ont été présentées : vaisselle, bijoux, tout est venu à notre secours; tout s’est englouti ; la nation s’est appauvrie, et le Trésor n’en est pas plus riche. Je frémis quand je pense qu’avant deux mois nous touchons à la tin de nos assignats. Une fois consommés, qu’avons-noos ensuite i our nous soutenir ? Rien. Je vois déjà le ministre des finances venir dolemmenl nous présenter un nouveau certificat de notre ruine, et nous proposer ce qui ne pourra pas même nous sauver, au prix de la honte, des éternelles suspensions, des attermoiementsindéfinis, desretards de renes, c’est-à-dire ce que nous avons repoussé jusqu’ici, avec tant d’horreur, mais ce qui nous atteindra enfin et nous enveloppera malgré nous, ce que je n’ose même nommer, tant ce nom seul doit révolter cette Assemblée. Mais, Messieurs, ne pas prévenir cette horrible catastrophe, c’est la vouloir; et qui de nous pourrait souffrir d’être entaché d’un si noir soupçon? Alors, Messieurs, je le vois, nous reviendrons sur nos pas; nous y reviendrons avec des regrets mêlés d’effroi. Trop tard éclairés, nous ressaisirons alors le parti que nous aurons abandonné; et nous préférerons la honte qui suit toujours l’aveu d’un grand tort, à celle d’en faire subir à la nation les terribles conséquences. Nous demanderons instamment ces assignats que nous aurons repoussés comme dangereux. Mais en attendant, que de besoins, que de désordres, que de plaintes, que de maux! Et si les biens ecclésiastiques sont alors affectés à des contrat�, comment les engager encore pour de nouveaux assignats-monnaie? D’ailleurs, il est un temps où tous les remèdes sont sans efficacité. Ab ! prévenons ce moment fatal. Quant à moi, j’atteste la patrie que je ne vous ai rien dissimulé des dangers qu’elle court, si vous négligez le seul parti qui vous reste à prendre, le seul, oui le seul qui soit prompt, facile, énergique, qui remplace tout, et que rien ne remplace. Je conclus donc : 1° A rembourser la totalité de la dette exigible en assignats-monnaie, sans intérêts; 2° A mettre en vente sur-le-champ la totalité des domaines nationaux, et à ouvrir à eet effet des enchères dans tous les districts ; 3° A recevoir, en payement des acquisitions, les assignats, à l’exclusion de l’argent et de tout autre papier ; 4° A brûler les assignats à mesure de leur rentrée ; 5° A charger le comité des finances de présenter un projet de décret, et une instruction, pour mettre ces opérations en activité le plus tôt possible. (Le discours de M. de Mirabeau est souvent interrompu par des applaudissements. — L’Assemblée en décrète l’impression presque à l’u-nanimité). (La suite de la discussion est renvoyée à demain.) M. le Président annonce une lettre du roi à laquelle est jointe une note de Sa Ma.esté. La lettre et la note sont ainsi conçues : Paris, le 27 août 1790. « Je vous envoie, Monsieur lePrésident, une note que je vous prie de mettre, le plus tôt que vous pourrez, sous les yeux de l’Assemblée nationale. « Signé : LOUIS-« Messieurs, vous savez que ce n’est que sur vos instances réitérées que je me suis expliqué sur la fixation de ma liste civile, et en dernier lieu, sur les châteaux et domaines qu’il me convenait de conserver. Je suis instruit qu’on interprète mal les désignations de ces objets portés dans l état que je vous ai fait remettre par M. de Saint-Priesî. « Je crois n’avoir pas besoin de vous rappeler le peu d’importance que je mets à ce qui louche mes intérêts ou mes jouissances personnelles, et combien je les subordonne à l’intérêt public. « Je renonce volontiers à une grande partie des objets indiqués, quoiqu’il y en eût plusieurs auxquels je ne m’étais déterminé que par des motifs d’utilité générale, ou pour conserver à la