SÉANCE DU 9 FLORÉAL AN II (28 AVRIL 1794) - N° 60 459 au 11 nivôse, elle ne peut être considérée que comme un acte de conspiration, et une preuve de complicité avec les ennemis, tant intérieurs qu’extérieurs de la République, qui cherchent à rétablir la royauté, en trompant et ruinant le peuple; qu’ainsi, dans l’une et l’autre hypothèse, les lois existantes suffisent pour déterminer la peine à infliger dans le cas proposé; «Déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer. «Le présent décret ne sera point imprimé; il sera inséré au bulletin de correspondance, et il en sera adressé une expédition manuscrite au tribunal criminel du département de Paris » (1) 60 Un membre [VOULLAND] du Comité de sûrete générale communique à la Convention nationale quelques faits et diverses pièces propres à répandre un nouveau jour sur les projets des conspirateurs, récemment punis, et sur ceux de leurs complices qui restent à punir (2). VOULLAND : Lorsque vous vous êtes déterminés à charger votre Comité de sûreté générale d’exécuter et de faire exécuter dans toute l’étendue de la République, votre décret salutaire du 17 septembre (vieux style), vous avez pensé dans votre sagesse que l’activité des mesures de sûreté générale confiées à votre comité exigeait qu’il fût par vous investi du pouvoir de faire, parmi les personnes suspectes mises en état d’arrestation, le discernement de celles que la nature des délits dont elles pouvaient être prévenues devaient mettre sous la main des tribunaux. Vous avez décrété que votre Comité, sans être assujetti à l’obligation de vous rendre compte, pourrait faire traduire au tribunal révolutionnaire ou aux autres tribunaux criminels de département, les prévenus qui lui paraîtraient dans le cas d’y être poursuivis et jugés; c’est en usant de ce pouvoir que votre Comité tient de vous et qu’il n’exerce qu’en votre nom, que tant de contre-révolutionnaires, tous gens de la haute et moyenne robe, banquiers, financiers, prêtres, ex-nobles engraissés de la substance du peuple, ennemis jurés de la liberté et de la révolution, à laquelle nous la devons, ont payé de leur tête les forfaits dont ils croyaient avoir acquis l’impunité. Votre Comité, jaloux de se maintenir à la hauteur des fonctions qu’il vous a plu de lui confier, a sans cesse les yeux fixés sur les restes impurs des vils suppôts de la conjuration dont votre courage a purgé la République qu’ils avaient juré d’étouffer dans son berceau. L’entière surveillance que vous nous avez commandée vient de nous faire découvrir 2 pièces importantes dont votre Comité croit devoir vous donner connaissance, afin d’ajouter, s’il est possible, à la conviction déjà acquise dans toute la République que (1) P.V., XXXVI, 196. Minute de la main de Merlin (C 301, pl. 1068, p. 28). Décret n° 8972. Reproduit dans Btn, 11 flor. (2e suppl*) ; J. Paris, n° 485. Mention dans Rép., n° 130; J. Perlet, n° 586; Débats, n° 591, p. 175. (2) P.V., XXXVI, 197. ceux que vous avez vomis de votre sein étaient les chefs de la conspiration que vous avez déjouée. Votre Comité fut informé, le 5 floréal, que le nommé Benoît, concierge de la maison d’arrêt du Luxembourg, avait reçu d’un nommé Sagnier de Mareuil, ex-conseiller au ci-devant parlement de Paris, au moment où il allait passer à la conciergerie, le 28 germinal dernier, un dépôt de 75 pièces d’or, à l’effigie du dernier tyran, de la valeur de 24 livres chacune, avec ordre de les remettre, en cas de mort, à ses enfans. Mareuil a été condamné à mort par le tribunal révolutionnaire de Paris et Benoît qui aurait dû sur le champ vider ses mains de la somme dont il était chargé, dans la caisse du receveur de la régie des biens nationaux, ne s’était pas encore souvenu de remplir ce devoir. Le 5 de ce mois, votre Comité, informé de l’infidélité de ce gardien, le mande sur le champ devant lui; ses réponses évasives firent soupçonner un coupable dans sa personne et il le fit mettre sur le champ en état d’arrestation et ordonna la visite de ses papiers. La recherche exacte qu’on en fit, amena la découverte d’une pièce relative à la conspiration des prisons, dont la teneur annonçait que le 27 ventôse, cette conspiration était ourdie depuis longtemps et qu’elle touchait au moment d’éclater. Le même jour, cette pièce fut remise en dépôt à Benoît, concierge; les relations qu’elle renfermait étaient assez graves pour que celui qui en était le dépositaire vint en donner connaissance à l’un de vos deux Comités de salut public et de sûreté générale; tous les deux pensent qu’il est essentiel que cette pièce soit connue et ils me chargent de vous en donner lecture, et vous proposent d’en ordonner l’insertion dans le bulletin. VOULLAND fait ici lecture de la déclaration, elle est conçue en ces termes : [ Déclaration au citoyen Benoît, concierge de la maison d’arrêt du Luxembourg, par le citoyen R.L. François Doucet, détenu dans cette maison; 5 flor. II]. «Le 18 ventôse présent mois à 6 pu 7 heures du soir, j’entrai dans la chambre du docteur Schefïer, médecin saxon, détenu, ainsi que moi, au Luxembourg. « Depuis quatre mois, j’ai fréquenté assez journellement cet étranger, dont l’esprit, les connois-sances, les talens et le génie me faisoient une société d’autant plus précieuse en prison, qu’il m’a toujours paru animé d’un ardent amour de la République, et attaché de cœur et d’esprit aux bons principes. « Je le trouvai seul et lui demandai, selon ma coutume, s’il avoit des nouvelles qui lui fissent espérer sa sortie. — Non, me dit-il. — Ni moi non plus, ajoutai-je. — N’importe, reprit le docteur, je ne tarderai pas à être rendu à la liberté; l’affaire des Cordeliers n’est pas étouffée comme on le croit; ils veulent l’organisation de la constitution; ils sont fatigués du despotisme des Comités de salut public et de sûreté générale. Vincent me l’a dit ici pendant qu’il y étoit détenu; ils anéantiront le gouvernement révolutionnaire qui remplit les prisons des meilleurs patriotes, et j’ai reçu avis aujourd’hui qu’il y avoit une liste formée de tout ce qu’il y avoit de patriotes dans ces prisons; un de ces jours vous verrez venir le SÉANCE DU 9 FLORÉAL AN II (28 AVRIL 1794) - N° 60 459 au 11 nivôse, elle ne peut être considérée que comme un acte de conspiration, et une preuve de complicité avec les ennemis, tant intérieurs qu’extérieurs de la République, qui cherchent à rétablir la royauté, en trompant et ruinant le peuple; qu’ainsi, dans l’une et l’autre hypothèse, les lois existantes suffisent pour déterminer la peine à infliger dans le cas proposé; «Déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer. «Le présent décret ne sera point imprimé; il sera inséré au bulletin de correspondance, et il en sera adressé une expédition manuscrite au tribunal criminel du département de Paris » (1) 60 Un membre [VOULLAND] du Comité de sûrete générale communique à la Convention nationale quelques faits et diverses pièces propres à répandre un nouveau jour sur les projets des conspirateurs, récemment punis, et sur ceux de leurs complices qui restent à punir (2). VOULLAND : Lorsque vous vous êtes déterminés à charger votre Comité de sûreté générale d’exécuter et de faire exécuter dans toute l’étendue de la République, votre décret salutaire du 17 septembre (vieux style), vous avez pensé dans votre sagesse que l’activité des mesures de sûreté générale confiées à votre comité exigeait qu’il fût par vous investi du pouvoir de faire, parmi les personnes suspectes mises en état d’arrestation, le discernement de celles que la nature des délits dont elles pouvaient être prévenues devaient mettre sous la main des tribunaux. Vous avez décrété que votre Comité, sans être assujetti à l’obligation de vous rendre compte, pourrait faire traduire au tribunal révolutionnaire ou aux autres tribunaux criminels de département, les prévenus qui lui paraîtraient dans le cas d’y être poursuivis et jugés; c’est en usant de ce pouvoir que votre Comité tient de vous et qu’il n’exerce qu’en votre nom, que tant de contre-révolutionnaires, tous gens de la haute et moyenne robe, banquiers, financiers, prêtres, ex-nobles engraissés de la substance du peuple, ennemis jurés de la liberté et de la révolution, à laquelle nous la devons, ont payé de leur tête les forfaits dont ils croyaient avoir acquis l’impunité. Votre Comité, jaloux de se maintenir à la hauteur des fonctions qu’il vous a plu de lui confier, a sans cesse les yeux fixés sur les restes impurs des vils suppôts de la conjuration dont votre courage a purgé la République qu’ils avaient juré d’étouffer dans son berceau. L’entière surveillance que vous nous avez commandée vient de nous faire découvrir 2 pièces importantes dont votre Comité croit devoir vous donner connaissance, afin d’ajouter, s’il est possible, à la conviction déjà acquise dans toute la République que (1) P.V., XXXVI, 196. Minute de la main de Merlin (C 301, pl. 1068, p. 28). Décret n° 8972. Reproduit dans Btn, 11 flor. (2e suppl*) ; J. Paris, n° 485. Mention dans Rép., n° 130; J. Perlet, n° 586; Débats, n° 591, p. 175. (2) P.V., XXXVI, 197. ceux que vous avez vomis de votre sein étaient les chefs de la conspiration que vous avez déjouée. Votre Comité fut informé, le 5 floréal, que le nommé Benoît, concierge de la maison d’arrêt du Luxembourg, avait reçu d’un nommé Sagnier de Mareuil, ex-conseiller au ci-devant parlement de Paris, au moment où il allait passer à la conciergerie, le 28 germinal dernier, un dépôt de 75 pièces d’or, à l’effigie du dernier tyran, de la valeur de 24 livres chacune, avec ordre de les remettre, en cas de mort, à ses enfans. Mareuil a été condamné à mort par le tribunal révolutionnaire de Paris et Benoît qui aurait dû sur le champ vider ses mains de la somme dont il était chargé, dans la caisse du receveur de la régie des biens nationaux, ne s’était pas encore souvenu de remplir ce devoir. Le 5 de ce mois, votre Comité, informé de l’infidélité de ce gardien, le mande sur le champ devant lui; ses réponses évasives firent soupçonner un coupable dans sa personne et il le fit mettre sur le champ en état d’arrestation et ordonna la visite de ses papiers. La recherche exacte qu’on en fit, amena la découverte d’une pièce relative à la conspiration des prisons, dont la teneur annonçait que le 27 ventôse, cette conspiration était ourdie depuis longtemps et qu’elle touchait au moment d’éclater. Le même jour, cette pièce fut remise en dépôt à Benoît, concierge; les relations qu’elle renfermait étaient assez graves pour que celui qui en était le dépositaire vint en donner connaissance à l’un de vos deux Comités de salut public et de sûreté générale; tous les deux pensent qu’il est essentiel que cette pièce soit connue et ils me chargent de vous en donner lecture, et vous proposent d’en ordonner l’insertion dans le bulletin. VOULLAND fait ici lecture de la déclaration, elle est conçue en ces termes : [ Déclaration au citoyen Benoît, concierge de la maison d’arrêt du Luxembourg, par le citoyen R.L. François Doucet, détenu dans cette maison; 5 flor. II]. «Le 18 ventôse présent mois à 6 pu 7 heures du soir, j’entrai dans la chambre du docteur Schefïer, médecin saxon, détenu, ainsi que moi, au Luxembourg. « Depuis quatre mois, j’ai fréquenté assez journellement cet étranger, dont l’esprit, les connois-sances, les talens et le génie me faisoient une société d’autant plus précieuse en prison, qu’il m’a toujours paru animé d’un ardent amour de la République, et attaché de cœur et d’esprit aux bons principes. « Je le trouvai seul et lui demandai, selon ma coutume, s’il avoit des nouvelles qui lui fissent espérer sa sortie. — Non, me dit-il. — Ni moi non plus, ajoutai-je. — N’importe, reprit le docteur, je ne tarderai pas à être rendu à la liberté; l’affaire des Cordeliers n’est pas étouffée comme on le croit; ils veulent l’organisation de la constitution; ils sont fatigués du despotisme des Comités de salut public et de sûreté générale. Vincent me l’a dit ici pendant qu’il y étoit détenu; ils anéantiront le gouvernement révolutionnaire qui remplit les prisons des meilleurs patriotes, et j’ai reçu avis aujourd’hui qu’il y avoit une liste formée de tout ce qu’il y avoit de patriotes dans ces prisons; un de ces jours vous verrez venir le 460 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE peuple s’emparer des portes du Luxembourg; les patriotes seront appelés les uns après les autres et mis en liberté, et l’insurrection alors commencera. — Mais, docteur, lui dis-je, contre qui s’insurger ? contre le gouvernement révolutionnaire dont je conviens que quelques patriotes sont aujourd’hui victimes; mais il a sauvé la République, et peut seul la maintenir. — Soit, aussi veux-je bien du gouvernement révolutionnaire, reprit le docteur, mais j’en blâme les moyens. Il faut enfin établir le régime de la constitution, convoquer les assemblées primaires, et former une convention nouvelle; c’est là l’objet de l’insurrection demandée aux Cordeliers. — Je lui répondis que les suites d’une pareille secousse seroient de paralyser nos armées et de nous faire battre par la coalition, et que j’espérois que les Jacobins ne le permettroient pas. Alors il m’assura que Danton étoit du parti des Cordeliers, qu’il avoit du ressentiment contre Robespierre, et que l’insurrection auroit assurément lieu incessamment. Je lui témoignai que j’avois de Danton tout autre opinion, et que je le croyois de concert avec le Comité de salut; il me parla longtemps pour me démontrer que j’étois dans l’erreur. « Si cela est, lui dis-je, je serai sacrifié, car ni Vincent ni tous les chauds patriotes que l’on voit ici, ne me connoissent pas, et sûrement je ne suis pas couché sur la liste de ceux en faveur de qui ils voudroient ouvrir les portes; je voulois parler de Grammont et autres détenus que je ne connoissois pas. — Rassurez -vous, me dit le docteur, ceux qui sont sur la liste auront soin en sortant de recommander ceux qui n’y auront pas été compris. « Je rentrai ensuite chez moi, et cherchai bientôt à m’occuper de cet entretien, espérant que la Convention dé jouer oit cette intrigue opinion, dans laquelle me confirma la lecture du journal du soir du 18 ventôse. «Le lendemain, je fus mandé au Comité de surveillance des marchés, près la Convention, pour des éclaircissemens dont quelques membres de ce comité avoient besoin sur une affaire qui me touche, et qui est étrangère à l’objet de la présente déclaration. Ce Comité m’accorda la liberté d’aller passer vingt-quatre heures avec ma femme, sur une simple parole de revenir ensuite ici; je n’ai rentré au Luxembourg que le 20 au soir; le 21 le mauvais temps me fit garder la chambre, et je ne vis personne. « Grammont fut ensuite transféré, et l’insurrection déjouée. Depuis, j’ai causé une fois ou deux avec le docteur Scheffer, mais de choses vagues, et sans que ni les événements actuels ni la suite de notre conférence du 18 aient été remis sur le tapis. «Le docteur Scheffer que je n’ai connu qu’au Luxembourg, m’a toujours paru un véritable ami du bien public; cependant notre entretien du 18 me semble avoir des rapports si directs avec ce qui se passe aujourd’hui, que j’ai cru devoir faire au citoyen Benoît la présente déclaration, dont je l’engage à faire l’usage prescrit par les devoirs de sa place. « Au Luxembourg ce 27 ventôse, l’an 2 » (1) . (1) Débats, n° 586, p. 120; J. Sablier, n° 1287; Audit. nat, n° 583; J. Mont., n° 167; Mon., XX, 340; M.U., XXXIX, 154. Sur la proposition de VOULLAND, le décret suivant est rendu. » La Convention nationale, après avoir entendu ses Comités de salut public et de sûreté générale, et la lecture d’une déclaration faite par un détenu à la maison d’arrêt du Luxembourg, et remise au concierge de ladite prison décrète que la dite déclaration et le rapport seront insérés dans le bulletin. » La Convention nationale approuve la mesure prise par son Comité de sûreté générale contre Benoit, concierge du Luxembourg, et Scheffer, médecin, l’un des détenus dans ladite maison du Luxembourg» (1). 61 BARERE, au nom du Comité de salut public, rend compte des succès des armées de la République, des prises faites sur mer, et communique les lettres officielles que le Comité a reçues (2). BARERE : Nous pouvons donner aujourd’hui des nouvelles heureuses du Nord et du Midi. Nous comptons des succès aux Ardennes et en Italie; la République a fait des conquêtes en Piémont et des prises sur la mer. Tandis qu’un de nos vaisseaux de ligne prenait sur l’Océan une frégate anglaise, les éléments combattaient pour nous sur la Méditerranée contre cette nation mercantile qui n’a pas rougi de s’armer contre la liberté et les droits des peuples. Un vaisseau de ligne anglais vient de périr en mer par le feu, nous écrit d’Antibes, le 28 germinal, le citoyen Riousse, sous-chef de la marine. Les débris de ce vaisseau, dont la mer était couverte, la chaloupe, construction anglaise, trouvée par un capitaine génois, et la roue du gouvernail également trouvée par un bâtiment français, ne laissent pas de doute sur cet événement. Puisse une pareille punition de la nature frapper cette marine de brigands anglais qui infeste et déshonore la Méditerranée ! En attendant que la politique et la bravoure républicaine réduisent la Grande-Bretagne au sort de Carthage, les frégates de la République continuent à mettre en état d’arrestation des vaisseaux de commerce anglais; ainsi un étranger qui viendrait dans nos ports les prendrait depuis quelques temps pour des ports britanniques, à en juger par les pavillons de ces insulaires qui y sont amenés tous les jours. Le ministre de la marine vient de nous communiquer la liste de sept nouvelles prises, dont deux sont entrées à Brest; trois autres étaient le 7 floréal à la vue du port, et les deux autres sont entrées au Port-Malo. (1) P.V., XXXVI, 197. Minute de la main de Voul-land (C 301, pl. 1068, p. 25). Décret n° 8967. Reproduit dans Bln, 10 flor.; Mon., XX, 341. Mention dans J. Paris, n° 485; Ann. Rép., n° 151; C. Eg., n° 619, p. 227; S. Culottes, n° 438; Feuille Rép., n° 300; Mess. soir, n° 619; J. Perlet, n° 584; Rép., n° 130; C. Univ., 11 flor.; Ann. patr., n° 483. (2) P.V., XXXVI, 197. 460 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE peuple s’emparer des portes du Luxembourg; les patriotes seront appelés les uns après les autres et mis en liberté, et l’insurrection alors commencera. — Mais, docteur, lui dis-je, contre qui s’insurger ? contre le gouvernement révolutionnaire dont je conviens que quelques patriotes sont aujourd’hui victimes; mais il a sauvé la République, et peut seul la maintenir. — Soit, aussi veux-je bien du gouvernement révolutionnaire, reprit le docteur, mais j’en blâme les moyens. Il faut enfin établir le régime de la constitution, convoquer les assemblées primaires, et former une convention nouvelle; c’est là l’objet de l’insurrection demandée aux Cordeliers. — Je lui répondis que les suites d’une pareille secousse seroient de paralyser nos armées et de nous faire battre par la coalition, et que j’espérois que les Jacobins ne le permettroient pas. Alors il m’assura que Danton étoit du parti des Cordeliers, qu’il avoit du ressentiment contre Robespierre, et que l’insurrection auroit assurément lieu incessamment. Je lui témoignai que j’avois de Danton tout autre opinion, et que je le croyois de concert avec le Comité de salut; il me parla longtemps pour me démontrer que j’étois dans l’erreur. « Si cela est, lui dis-je, je serai sacrifié, car ni Vincent ni tous les chauds patriotes que l’on voit ici, ne me connoissent pas, et sûrement je ne suis pas couché sur la liste de ceux en faveur de qui ils voudroient ouvrir les portes; je voulois parler de Grammont et autres détenus que je ne connoissois pas. — Rassurez -vous, me dit le docteur, ceux qui sont sur la liste auront soin en sortant de recommander ceux qui n’y auront pas été compris. « Je rentrai ensuite chez moi, et cherchai bientôt à m’occuper de cet entretien, espérant que la Convention dé jouer oit cette intrigue opinion, dans laquelle me confirma la lecture du journal du soir du 18 ventôse. «Le lendemain, je fus mandé au Comité de surveillance des marchés, près la Convention, pour des éclaircissemens dont quelques membres de ce comité avoient besoin sur une affaire qui me touche, et qui est étrangère à l’objet de la présente déclaration. Ce Comité m’accorda la liberté d’aller passer vingt-quatre heures avec ma femme, sur une simple parole de revenir ensuite ici; je n’ai rentré au Luxembourg que le 20 au soir; le 21 le mauvais temps me fit garder la chambre, et je ne vis personne. « Grammont fut ensuite transféré, et l’insurrection déjouée. Depuis, j’ai causé une fois ou deux avec le docteur Scheffer, mais de choses vagues, et sans que ni les événements actuels ni la suite de notre conférence du 18 aient été remis sur le tapis. «Le docteur Scheffer que je n’ai connu qu’au Luxembourg, m’a toujours paru un véritable ami du bien public; cependant notre entretien du 18 me semble avoir des rapports si directs avec ce qui se passe aujourd’hui, que j’ai cru devoir faire au citoyen Benoît la présente déclaration, dont je l’engage à faire l’usage prescrit par les devoirs de sa place. « Au Luxembourg ce 27 ventôse, l’an 2 » (1) . (1) Débats, n° 586, p. 120; J. Sablier, n° 1287; Audit. nat, n° 583; J. Mont., n° 167; Mon., XX, 340; M.U., XXXIX, 154. Sur la proposition de VOULLAND, le décret suivant est rendu. » La Convention nationale, après avoir entendu ses Comités de salut public et de sûreté générale, et la lecture d’une déclaration faite par un détenu à la maison d’arrêt du Luxembourg, et remise au concierge de ladite prison décrète que la dite déclaration et le rapport seront insérés dans le bulletin. » La Convention nationale approuve la mesure prise par son Comité de sûreté générale contre Benoit, concierge du Luxembourg, et Scheffer, médecin, l’un des détenus dans ladite maison du Luxembourg» (1). 61 BARERE, au nom du Comité de salut public, rend compte des succès des armées de la République, des prises faites sur mer, et communique les lettres officielles que le Comité a reçues (2). BARERE : Nous pouvons donner aujourd’hui des nouvelles heureuses du Nord et du Midi. Nous comptons des succès aux Ardennes et en Italie; la République a fait des conquêtes en Piémont et des prises sur la mer. Tandis qu’un de nos vaisseaux de ligne prenait sur l’Océan une frégate anglaise, les éléments combattaient pour nous sur la Méditerranée contre cette nation mercantile qui n’a pas rougi de s’armer contre la liberté et les droits des peuples. Un vaisseau de ligne anglais vient de périr en mer par le feu, nous écrit d’Antibes, le 28 germinal, le citoyen Riousse, sous-chef de la marine. Les débris de ce vaisseau, dont la mer était couverte, la chaloupe, construction anglaise, trouvée par un capitaine génois, et la roue du gouvernail également trouvée par un bâtiment français, ne laissent pas de doute sur cet événement. Puisse une pareille punition de la nature frapper cette marine de brigands anglais qui infeste et déshonore la Méditerranée ! En attendant que la politique et la bravoure républicaine réduisent la Grande-Bretagne au sort de Carthage, les frégates de la République continuent à mettre en état d’arrestation des vaisseaux de commerce anglais; ainsi un étranger qui viendrait dans nos ports les prendrait depuis quelques temps pour des ports britanniques, à en juger par les pavillons de ces insulaires qui y sont amenés tous les jours. Le ministre de la marine vient de nous communiquer la liste de sept nouvelles prises, dont deux sont entrées à Brest; trois autres étaient le 7 floréal à la vue du port, et les deux autres sont entrées au Port-Malo. (1) P.V., XXXVI, 197. Minute de la main de Voul-land (C 301, pl. 1068, p. 25). Décret n° 8967. Reproduit dans Bln, 10 flor.; Mon., XX, 341. Mention dans J. Paris, n° 485; Ann. Rép., n° 151; C. Eg., n° 619, p. 227; S. Culottes, n° 438; Feuille Rép., n° 300; Mess. soir, n° 619; J. Perlet, n° 584; Rép., n° 130; C. Univ., 11 flor.; Ann. patr., n° 483. (2) P.V., XXXVI, 197.