[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2janvier 1791. J ?5U2 santé, qui m’a retenu dans ma chambre, m’a empêché de venir plus tôt m’acquitter d’un devoir que je m’empresse de remplir, persuadé que l’Assemblée nationale ne veut pas nous obliger, par ses décrets, à faire quelque chose de contraire à la juridiction spirituelle, en ce qui concerne le salut des fidèles, je demande à prêter le serment que l’Assemblée a ordonné par son décret du 27 novembre. (M. l’évêque de Lydda prononce la formule de son serment au milieu des applaudissements réitérés.) M. de Donnai, évêque de Clermont, se présente à la tribune (1). Messieurs, nous n’avons cessé de rendre hommage à la puissance civile, de célébrer avec une religieuse gratitude, l’appui que l’Eglise en a reçu depuis le commencement de la monarchie; nous avons reconnu et nous le reconnaîtrons toujours, que c’est d’elle que nous avons reçu tous les avantages dont nous avons joui dans l’ordre politique; mais nous avons dit, en même temps, et nous répéterons toujours que, dans l’ordre spirituel, nous ne tenons et ne pouvons tenir nos pouvoirs de cette puissance; que notre juridiction nous vient de Jésus-Christ, que ce n'est que par l’Eglise qu’elle peut nous être transmise ou retirée. Nous regardons comme un point de la doctrine catho ique, que l’autorité spirituelle doit établir, régler et déterminer ce qui appartient à la hiérarchie, à la juridiction et à ta discipline ecclésiastique. Cette doctrine que l'Ecriture et la tradition nous ont apprise, nous sommes obligés, comme ministres de la religion, de la professer, de la défendre, de l’enseigner et de la transmettre dans tonte son intégrité. Nous avons toujours soutenu, comme une vérité consacrée par toutes les lois canoniques, que nos fonctions étaient tellement limitées à la portion du territoire pour lequel nous avons reçu notre mission ; que les étendre au delà, sans l’autorité de l’Eglise.... (Il s’élève beaucoup de murmures dans la partie gauche.) M. Treilhard. Je demande que M. l’évêque de Clermont soit tenu de déclarer s’il entend prêter le serment pur et simple. (La grande majorité applaudit.) On prépare des protestations, on les apporte à la tribune pour les répandre dans les papiers publics et pour exciter des malheurs dont nous gémissons. C’est un serment pur et simple que nous avons décrété ; ce n’est qu’un serment pur et simple que le roi a sanctionné. Je ne pense pas que l’Assemblée puisse jamais permettre d’ouvrir une discussion uouvelle sur un décret rendu; mais surtout lorsque ce décret a force de loi, par l’effet de l’acceptation que le roi lui adonnée. Remarquez, d’ailleurs, que cette discussion, dans laquelle M. l’cvêque de Clermont se permet de rentrer, toute contraire qu’elle est aux vrais principes, peut causer les plus lâcheuses conséquences, on ce que son objet est sans doute de porter l’alarme, ou au moins l’inquiétude dans l ame des respectables pasteurs, qui, en citoyens vertueux, autant qu’éclairés et soumis aux lois de leur patrie, ont déjà prêté leur serment pur et simple, tel en lin que le décret du 27 novembre dernier l’a prescrit. (1) Voyez annexé à la séance de ce jour, p. 763, le discours in extenso de M. de Bonnal. Il est bien temps de faire cesser toutes ces vaines disputes. L’intérêt de la religion le com-rm.nde; c’est le premier de nos devoirs. Je demande que M. l’évêque de Clermont soit interpellé par M. le Président, au nom de l’Assemblée, de déclarer s’il entend, oui ou non, prêter un serment pur et simple. M. de Dois-Rouvray. Je demande que M. l’évêque de Clermont soit entendu. M. Treilhard. Je demande aussi qu’on entende le serment de M. l’évêque de Clermout, si ce serment est pur et simple; car c’est ainsi que l’Assemblée l’a décrété. ( Plusieurs voix de la droite : C’est faux ! c’est faux !) M. de Donnai, évêque de Clermont. Je n’ai pas la prétention de forcer l’Assemblée à m’entendre ; mais je crois pouvoir rappeler ses propres principes. Elle n’a jamais défendu à ses membres de manifester leurs opinions, surtout quand elles intéressent la religion ... (Il s’élève des murmures.) Vous avez reconnu solennellement que vous n’avez point d’empire sur les consciences... (Les murmures augmentent.) M. Te Rois-Dcsguays. Si chaque serment nous fait perdre une séance, c’est un moyen que nous aurons donné pour retarder nos travaux. Que M. l’évêque de Clermont prête son serment, ou que l’on passe à l’ordre du jour. M. Chabroud. Il est impossible que M. l’évêque de Clermont se refuse à déclarer s’il veut on s’il ne veuf pas prêter son serment. Il n’v a point à l’ordre du jour de discussion sur ce serment, il faut ou que M. l’évêque de Clermont prête son serment, ou qu’on passe à l’ordre du jour. M. de Foucault. Voulez-vous entendre M. l’évêque de Clermont? Plusieurs voix ; Non ! M. de Foucault. Non... Eh bien! il n’existe plus d’Assemblée.Ce n’est qu’une faction. (Il s'élève de grands murmures.) Faites lecture de l’article du règlement qui permet à ces Messieurs d’interrompre. Vous voulez donc..? Eh bien oui, depuis longtemps vous vous rendez responsables de tous ies maux qui affligent les provinces ! M. Te Rois-Dcguays. M. Foucault a tort de dire qu’on interrompt l’opinant, il n’y a ni opinion, ni discussion à l’ordre du jour; il n’y a que le serment. M. de Foucault. C’est-à-dire que vous m’ordonnez, par serment, d’assassiner mon frère et ma sœur ; sacrifier sa religion, c’est tout. M. de Donnai, évêque de Clermont. Je demande si l’Assemblée entendra mes motifs? (On se dispose à mettre aux voix la motion par laquelle M. Treilhard demande que M. le président interpelle M. l’évêque de Clermont.) M. Foucault. Je réclame la question préalable pour l’honneur de l’Assemblée. (L’Assemb.ée décide, à une très grande majorité, qu’il y a lieu à délibérer.) (L’Assemblée adopte à une très grande majorité la motion de M. Treilhard.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 janvier 1791.] M. le Président à M. l'èvèque de Clermont. En conséquence je vous interpelle, Monsieur, de déclarer si vous voulez prêter un serment pur et simple. M. de Donnai, évêque de Clermont. Je dois parler catégoriquement, comme il convient à mon caractère. Je déclare donc que je ne crois pas pouvoir, en conscience, prêter le serment exigé. (On demande l’ordre du jour.) (L’Assemblée décide qu’elle passe à l’ordre du jour.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du, projet de décret relatif aux jurés. M. Duport, rapporteur. Vous avez décrété ce qui regarde la police, vous auriez maintenant à vous occuper de la justice criminelle ; mais il est une institution que nous avons cru devoir placer, pour ainsi dire, à la porte de la justice : le juré d'accusation. Cette institution est déjà donnée par un décret. Vous avez pensé que la liberté des citoyens était une chose assez importante pour que, s’il est nécessaire à la tranquillité publique de donner à la police une grande énergie, une action prompte, il faille décider sans délai sur le sort d’un citoyen arrêté. Voilà le motif de l’institution du juré d’accusation ; vous croirez aussi important de l’établir presque au moment de l’arrestation. Nous avons pensé qu’à l’instant où un homme est mis dans la maison d’arrêt, un juge doit examiner s’il s’agit d’un délit emportant peine infamante, et si l’accusation est de nature à être présentée aux jurés. Ensuite nous avons pensé qu’il fallait que des citoyens s’assemblassent pour juger s’il y avait lieu à l’accusation... L’Assemblée peut décréter, en ce moment, le titre de la justice. Il n’y a que deux articles qui tiennent à la question des preuves écrites; on ne préjugera rien à cet égard en les ajournant. Je demande donc que l’Assemblée décide si elle discutera d’abord le titre de la justice, ou si la discussion s’ouvrira sur la question des preuves écrites ou orales. M. Thouret. La séance est trop avancée pour entamer une discussion aussi importante que celle des dépositions écrites ou orales; une telle discussion ne peut pas être coupée et doit avoir tout son aplomb. Je demande qu’une séance entière y soit consacrée; nous pourrions nous occuper aujourd’hui du juré d’accusation, en ajournant les articles relatifs aux dépositions. (Cette motion est adoptée). La discussion s’ouvre sur les articles 1 et 2 qui portent que le directeur du juré sera pris parmi ses juges du tribunal de district et que les fonctions en seront confiées à tour de rôle tous les six mois aux différents juges qui composent ce tribunal. M. Tronchet. L’importante fonction de directeur du juré nécessite une présence continuelle et il faudra un remplacement dans le tribunal. Il serait plus simplé d’attribuer tour à tour cette fonction aux suppléants, soit pour les accoutumer aux formes criminelles , soit pour ne laisser aucun vide dans le tribunal, où ils seront moins propres, n’étant pas au courant des procédures civiles qui pourront être en état d’être jugées lors de leur entrée dans le tribunal On ne peut lra Série. T. XXI. 753 du reste sans danger se dispenser de leur allouer un traitement pour le temps qu’ils seront occupés au service public. M. Duport, rapporteur , combat l’opinion de M. Tronchet, qui est repoussée. Les articles 1, 2, 3’et 4 sont adoptés. L’article 5 porte qu’aucun acte d’accusation ne pourra être présenté au juré que pour un délit emportant peine afflictive ou infamante. M. Duport, rapporteur. La nature du délit devra être constatée parle directeur du juré. M. Garat l’aîné. Une décision aussi importante ne peut être abandonnée à un seul homme; elle ne peut être prise que par le tribunal de district. Je demande, par amendement, que, dans tous les cas, le directeurdu juré soit tenu de faire assembler le tribunal entier du district qui, après avoir entendu les conclusions motivées du commissaire du roi, décidera si le délit imputé à l’accusé emporte ou n’emporte pas peine afflictive ou infamante. M. Moreau appuie cette opinion. M. Marna ve. On ne fait point attention ici que le tribunal n’est appelé que lorsqu’il y a diversité entre le directeur du juré, le juré et le commissaire du roi et qu’il ne s’agit que du juré d’accusation et non de celui de jugement. La chose est telle, que quand même il y aurait unanimité entre ces trois personnes contre un citoyen, ce ne serait pas encore une raison de le croire coupable, mais bien de le soupçonner et de s’assurer de sa personne : ce premier article ne va pas au delà de la qualification du crime. Si l’amendement de M. Garat était adopté, il réduirait à rien l’influence bienfaisante du juré. Plusieurs membres demandent la question préalable contre l’amendement de M. Garat. (La question préalable est adoptée.) Les articles 5 à 29 sont successivement adoptés. Suit le texte des articles décrétés dans la présente séance: TITRE PREMIER. De la procédure devant le tribunal de district et du juré d’accusation. Art. l8r. « Il sera désigné, dans chaque tribunal de district, un des juges pour remplir, dans les matières criminelles, les fonctions qui vont être désignées; en cas d’absence ou d’empêchement, ce sera celui qui le suit dans l’ordre du tableau. Art. 2. « Ce juge s’appellera directeurdu juré: il sera pris à tour de rôle, tous les six mois, parmi les membres composant le tribunal de district, le président excepté. Art. 3. « Celui qui, sur le mandat d’arrêt d’un officier de police, aura fait, au gardien de la maison d’arrêt, remise du prévenu� en prendra reconnaissance : il remettra les pièces au greffier du 48