[As semblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 mai 1791.] 653 Plusieurs membres (i ironiquement ) : L'impression! M. Lucas. Je prie l’Assemblée de se rappeler que celui qui nous parle aujourd'hui d’abomination et de déflation est celui qui nous a dit qu’il fallait sacrer les nouveaux évêques dans les synagogues. M. Trellhard. Je suis loin de combattre les principes éternels, posés avec tant d’éloquence et de sagacité par M. le rapporteur. Je crois aussi que, dans uneAssemblée comme la vôtre, il serait superllu de les défendre. Je propose seulement une addition qui fera sentir pour quel motif je demande la priorité pour le plan du comité. Quelques personnes ont été alarmées de voir empêcher les prêtres non assermentés de dire la messe daus les églises paroissiales. Je demande qu’à ces mots : églises paroissiales , on ajoute les mots : églises , succursales et oratoires nationaux. Le motif qui me détermine à demander la priorité pour le projet du comité, c’est que celui de M. l’abbé Sieyès laisserait quelques inquiétudes. Je demande de plus que la discussion soit fermée. (L’Assemblée ferme la discussion.) M. Lanjuinais. Je demande que l’Assemblée s’explique, et dise si elle se fera présenter un projet de loi à la place de l’arrêté du directoire. M. Brlols-Beaumetz. Plusieurs personnes demandent que l’article proposé par M. l’abbé Sieyès soit placé à la tête du projet du comité ; il est utile que l’Assemblée , en reconnaissant que l’arrêté du Directoire est conforme à la déclaration des droits, invite tous les citoyens à s’y conformer. M. l’abbé Sieyès. Je ne vois pas d’inconvénients à ce que l’on adopte l’amendement proposé par M. Treilhard. Dans ce moment-ci même, voilà des Messieurs très bien instruits qui nous assurent qu’il y a dans les églises de Paris plus de vingt prêtres non assermentés qui disent la messe. L’arrêté du directoire n’exclut pas les prêtres qui n’ont pas prêté le serment; il dit seulement qu’on ne recevra pour dire la messe que des hommes qui seront prêtres. (Murmures.) M. GoupII-Préfeln. Je demande la priorité pour le projet du comité. (L’Assemblée accorde la priorité au projet du comité.) Plusieurs membres : Mettez le projet de M. l’abbé Siéyès dans l’article premier. M . Talleyrand - Périgord , rapporteur . Cela se peut très aisément; voici, avec le projet de M. l’abbé Sieyès et l’amendement de M. Treil-hard, comment le décret serait conçu : Art. 1er. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution sur l’arrêté du 11 avril, du directoire du département de Paris, déclare que les principes de liberté religieuse qui l’ont dicté, sont les mêmes que ceux qu’elle a reconnus et proclamés dans sa déclaration des droits; et en conséquence décrète que le défaut de prestation du serment, prescrit par le décret du 28 novembre, ne pourra être opposé à aucun prêtre se présentant dans une église paroi-siale, succursale et oratoire national, seulement pour y dire la messe. Art. 2. « Les édifices consacrés à un culte religieux par des sociétés particulières, et portant l’inscription qui leur sera donnée, seront fermées aussitôt qu’il y aura été fait quelques discours contenant des provocations directes contre la Constitution et en partie contre la constitution civile du clergé; l’auteur du discours sera, à la requête de l’accusateur public, poursuivi criminellement devant les tribunaux comme perturbateur du repos public. ■ (Ce décret est adopté.) (La partie droite ne prend pas de part à la délibération.) M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de ce soir et invite les membres de l’Assemblée à se retirer dans leurs bureaux respectifs pour procéder à la nomination d’un président et de trois secrétaires. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉ B NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. REWBELL. Séance du samedi 7 mai 1791, ou soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes : Adresse de la société des amis de la Constitution, séant à Civray , qui, dès l’instant de sa formation, présente à l’Assemblée nationale le tribut de son admiration et de son dévouement. Adresse de la société des amis de la Constitution du district d’Orange , qui dénonce la violation du territoire français par les Comtadins. Plusieurs membres : Le renvoi aux comités chargés de l’affaire d’Avignon. M. de Folleville. Cette adresse tend à inculper les corps administratifs de ce pays-là. (Interruptions.) M. l’abbé Maury. Il n’y a plus à faire autre chose, relativement à Avignon, que de poursuivre devant les tribunaux M. Bouche comme calomniateur. M. Bouche. Monsieur l’abbé Maury, je vous attends. M. l’abbé Maury s’avance vers M. Bouché. A gauche: A votre place, Monsieur l’abbé! A droite : Est-ce que sa place n’est pas partout dans l’Assemblée? (L’Assemblée décrète le renvoi de l’adresse de (1) Celte séance est incomplète au Moniteur. 6M làMamblée Mttooato.) ARCHIVER P4RMUtWTAIHE&' H mat U9M la lociétd des amis de la Constitution d’Orange aux comités chargés de l’affaire d’Avignon.) : Adresse de M. d'A%emar, député extraordinaire de la ville de la Voulte et de te» propriétaires riverains du fleuve du Rhône, qui sollicitent de l’Assemblée une loi sur la propriété des fleuves, et l’abolition de la jurisprudence du domaine sur les fleuves. Cette adresse est ainsi conçue ; « Messieurs, « Chargé par le3 propriétaires riverains du fleuve du Rhône dans la commune de la ville de la Voulte, département de l'Ardèche, de réclamer, de la justice de l’Assemblée nationale, l’abolition de la jurisprudence du domaine établie sur les fleuves et rivières navigables, daignez honorer d’un moment d’attention l’organe d’une classe immense de cultivateurs, victimes d’un droit fiscal vexutoire, appelé régalien, bien plus tyranni-ue qu'aucun de ces droits féodaux, que le glaive e votre justice a détruit pour jamais, sans indemnité. « Il suffira sans doute de vous tracer en peu de mots, l’origine de ce droit, et son résultat, vrai destructeur de la propriété, pour attirer sur lui toute votre indignation et la vengeauce de la justice nationale. « Cette loi du domaine, Messieurs, qui déclare faire partie des biens de la Couronne , les îles, îlots et atterrissements gui naissent dans le lit des fleuves et rivières navigables , est une de ces lois tyranniques qu’inventa le génie fiscal, toujours tendant à accroître aux dépens des peu nies, et Ja richesse territoriale, et la puissance de leurs chefs ou plutôt de leurs tyrans. « Cette loi n’a d’autre base que le titre de la souveraineté sur le lit des fleuves; et c’est à l’abri de ce principe (1) que, par une conséquence spécieuse en apparence, les îles, îlots et atterrissements qui y naissent, ont été déclarés faire {)artie du domaine de la Couronne ; mais il est àcile de vous démontrer que d’un pareil titre il ne peut en résulter une telle conséquence, et qu'elle ne repose que sur le plus absurde sophisme. « Rn effet, qu’est-ce que le lit d’un fleuve ? C'est le sol sur lequel Peau coule ; si donc le souverain n’avait de propriété sur ce 6ol qu 'autant que l’eau y coulait, il ne pouvait en avoir sur les îles, etc. qui s’y formaient, puisque l'eau n’y coulait plus, et qu’elles n’étaieut pas alors le lit du fleuve : il ne pouvait en avoir davantage sur le lit abandonné par la môme raison, car alors le lit du fleuve était sur un autre sol. « Mais ce n’est pas ainsi que raisonnait le fisc : le lit du fleuve, disait-il, appartientau souverain ; donc tout ce qui y naît ou qui s’y forme lui appartient aussi ; et, si le fleuve change de lit, ce lit qui était sa propriété ne peut cesser de l’être, malgré ce changement. De cette sorte, divisant le principe, et en mettant à l’écart les motifs, il créait au souverain de grandes propriétés aux dépens des malheureux riverains des fleuves. « D'ailleurs n’est-il pas de droit naturel de reprendre la propriété que la force ou la violente seule nous a enlevée? Et les propriétaires ri vt - (i) Les fleuves et rivières navigables, ainsi que leur Ut, n’avaient été déclarés faire partie du domaine de la Couronne que parce que ce qui était à l’usage commun de tous, et qui notait pas susceptible d’uno possession privée, devait appartenir au souverain. rains des fleuves ne sont-ils pas dans ce cas, lorsque les eaux, leur ayant ravi une partie de leur héritage, viennent à le leur abandonner ou à leur laisser au milieu dVIles un nouveau sol stérile en échange? Ne sont-ils pas assez malheureux ces cultivateurs d’avoir été ruinés, et de n’apercevoir le rétablissement de leur fortune que dans de nouveaux, de longs et de pénibles travaux ? « Mais, Messieurs, le génie fiscal qui ne s’écarte jamais de sa route oppressive, ue s’était pas contenté d’abuser du principe sur lequel il fondait son droit, par l’abus le plus révoltant du pouvoir, faisant semblant d’ignorer qu’aucun droit ne prescrit contre une force majeure toujours active et assimilant cette force à la loi qui admet la prescription irentenaire, pour la jouissance paisible d’un objet quelconque, il avait hautement déclaré, sans honte, que tout droit était anéanti devant elle après le seul intervalle de 10 ans. « Ainsi, riverain infortuné, tu ne pouvais plus reprendre la jouissance de ton champ, parce que le fleuve, qui te le restituait après t’eu avoir dépouillé, y avait roulé ses eaux pendant plus de 10 ans. Ainsi le fisc, marchant rapidement vers son but par les voies les plus uniques, montrait au souverain la perspective peu éloignée d’être le propriétaire de toutes les plaines immenses qu’arrosent les fleuves dans leur cours, « Ce droit régalien, Messieurs, qui est établi par la jurisprudence domaniale, est non seulement destructeur de la propriété, mais il est encore diamétralement opposé aux principes justes que vous avez établis, concernant la quotité d’impôt que doit fournir à l’Etat chaque citoyen, en raison proportionnelle de sa fortune. « Eu effet, les îles, îlots et atterrissements ne peuvent se former dans le sein ou sur les bords d’un fleuve, qu’aux dépens des propriétaires riverains ; car nécessairement le fleuve sera obligé de remplacer la partie de son lit qu’il perd par la formation de l’ile ou de l'atterrissement, en envahissant un espace proportionnel du territoire riverain ; donc le possesseur riverain contribue, lui seul, à former une propriété à l’État, et acquittant ensuite la contribution fonc-cière comme les autres citoyens ; donc il paye beaucoup plus d’impôts que ces derniers. « En un mot, Messieurs, ce droit appelé régalien détache le propriétaire de son champ par les craintes, par les pertes ; il frappe sur la classe des cultivateurs déjà malheureuse, il enlève le sol même à celui qui, par les inoudations, perd souvent ses récoltes ; il protège la formation des îles, et par làceile des vacants, quienlèventà l’agriculture les terrains lesplus précieux, etpar làceile des bas-fonds, dont les miasmes pestilentiels infectent des contrées entières ; il sait que la nation acquiert une propriété établie sur les fléaux, sur la destruction ; qu’elle a un bien commun eu opposition avec celui des particuliers, par la contrariété de ses intérêts, et qu’enfiu elle perçoit, sur les propriétaires riverains des fleuves, beaucoup plus d’impôts que sur les autres citoyens, puisque l’Etat acquiert uue propriété à leurs dépens, dont on les force encure à payer la taille ou autres contributions foncières, quoiqu’ils n’en jouissent pas; en sorte que, dépouillés et ruinés d'abord par les fleuves, iis le sont ensuite par le fisc ou parles ci-devant seigneurs (1), au moment (1) Quelques d-devant seigneurs, & l’exemple du fisc, s'étaient attribués le mène droit que lpi sur les fleuves et rivières navigables qui traversaient leurs terres.