472 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 août 1789.] de cachet n’y ont aucun rapport; la deuxième, que les détails sont quelquefois dangereux. C’est lors de la Constitution que vous examinerez si tous les officiers subalternes sont responsables. Les ministres sont responsables , sans doute ; c’est parce qu’ils sont les seuls qui prennent les ordres du roi, et qu’on suppose qu’ils en font exécuter souvent sans ordre. Il est impossible que tous les agents du despotisme connaissent la loi ; et si chacun d’eux la discutait, jamais rien ne serait exécuté, tout retomberait dans l’anarchie. M. le comte de Mirabeau. La loi qui porte que nul citoyen ne peut être arrêté qu’en vertu de la loi est reconnue partout et n’a pas empêché les lettres de cachet ; la diversité d’opinions qui partage l’Assemblée dérive de ce que l’on confond Je dogme politique de la responsabilité. Le chef de la société seul excepté, toute la hiérarchie sociale doit être responsable. Il faut signer cette maxime si l’on veut consolider la liberté particulière et publique. La responsabilité serait illusoire si elle ne s’étendait depuis le premier ministre jusqu’au dernier sbire. Cela ne* suppose aucunement que le subalterne soit juge de l’ordre dont il est porteur; il peut également et il doit juger la forme de cet ordre. Ainsi, un cavalier de maréchaussée ne pourra pas porter un ordre sans être accompagné d’un officier civil ; en un mot, la force publique sera soumise à des formes déterminées par la loi ; il n’y a aucune espèce d’inconvénient à cela, sinon la nécessité d’avoir désormais des lois claires et précises, et c’est là un argument de plus en faveur du dogme de la responsabilité. Au reste, nous devons quelque reconnaissance aux principes qui nous ont scandalisés dans le cours de la discussion ; le scandale qu’ils ont causé nous fait honneur, et bientôt il en dégoûtera les apôtres. M. Desineuniers réfute M. le duc du Châtelet sur le warrant. Il a été, dit-il, d’un très-grand usage en Angleterre ; mais l’abus s’en est fait bientôt sentir, et il est aujourd’hui tellement limité qu’il n’y a aucun messager de l’Etat qui voulût, sur un simple warrant, conduire un prisonnier à Douvres. La discussion est enfin terminée, et l’amendement proposé est rejeté. Troisième amendement de M. de Doisgelin, archevêque d'Aix. Supprimer l’article des lettres de cachet, et le remplacer par celui-ci : «Ceux qui sollicitent, obtiennent et exécutent des ordres arbitraires hors des cas prévus par la loi et déterminés par elle doivent être punis. « M. de Doisgelin, archevêque d'Aix, parle longtemps en faveur de cet amendement; mais ne le voyant appuyé que de très-peu de membres, l’auteur le retire. Quatrième amendement de M. Malouet : Ajouter à la motion de M. Duport le 19e article de la constitution des droits de M. l’abbé Sieyès, ainsi conçu : « Tout citoyen appelé ou saisi au nom de la loi doit obéir à l’instant; il se rend coupable par la résistance. » Cet amendement, appuyé de beaucoup de membres, est discuté. M. D’André observe que ce sont là les droits de la société; qu’il lui importe que les lois soient exécutées, et qu’elle a le droit de les faire exécuter. M. Desineuniers propose de l’admettre, mais à la fin de l’article de M. Target, c’est-à-dire à la fin de l’article 7. Cette idée est généralement applaudie. On propose deux sous-amendements. Le premier, de retrancher le mot appelé qui n’est pas appuyé. Le second sous-amendement est de retrancher au nom de la loi , et de mettre en vertu de la loi’. Cette distinction a paru nécessaire pour mettre un frein aux agents du despotisme, qui, en violant les lois les plus sacrées, répètent sans cesse qu’ils agissent au nom de la loi. L’amendement est admis, et voici les articles tels qu’ils sont adoptés : « Art. 7. Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites; ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l’instant ; il se rend coupable par la résistance. « Art. 8. La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. t Art. 9. Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. » La discussion se porte ensuite sur les articles 16, 17 et 18, relatifs à la liberté des opinions religieuses et au respect du culte public. M. de Donnai, évêque de Clermont. La religion est Ja base des empires; c’est la raison éternelle qui veille à l’ordre des choses. L’on élèverait plutôt une ville dans les airs, comme l’a dit Plutarque, que de fonder une république qui n’aurait pas pour principe le culte des dieux. Je demande donc que les principes de la Constitution française reposent sur la religion comme sur une base éternelle. M. de Laborde. La tolérance est le sentiment qui doit nous animer tous en ce moment; s’il pouvait se faire que l’on voulût commander aux opinions religieuses, ce serait porter dans le cœur de tous les citoyens le despotisme le plus cruel. Je ne rappellerait pas ici le sang que l’intolérance a fait couler, les ravages qu’elle a faits parmi les nations. L’Europe présente encore un spectacle bien étrange dans la diversité de ses religions, et dans le despotisme que quelques-uns de ses gouvernements emploient pour les maintenir ; mais en quoi cette rigidité a-t-elle servi? A rendre nécessaire la persécution, et la persécution à étendre, à encourager les sectes. J’ai été témoin dans une ville d’un exemple que je n’oublierai jamais : l’on persécutait des quakers; un qui était oublié s’écria avec regret ; « Pourquoi ne me persécute-ton pas aussi? » La neutralité est sans doute le parti le plus sage ; les chefs n’ont d’autre occupation que de maintenir la paix, et la seule manière de ne pas la troubler, c’est de respecter les cultes. J’avoue que je suis affligé de voir des chrétiens invoquer